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La nature d’un jalon historique

La Chine n’a jamais eu peur d’embrasser les vertiges technologiques, et le lancement du réacteur expérimental à sels fondus au thorium TMSR-LF1, dans la province désertique du Gansu, le prouve une fois encore. Cette installation de 2 MW, issue de près de quinze ans de recherches obstinées, est plus qu’un simple laboratoire à grande échelle : c’est la promesse d’un nouvel âge pour l’énergie nucléaire mondiale. Là où les projets occidentaux piétinent, où l’on débat sans cesse de sécurité, de coûts et de déchets, la Chine défriche un territoire jusque-là réservé à l’utopie scientifique. Désormais, inutile de couper le courant et d’entamer de lourdes opérations pour relancer la flamme – le thorium se recycle en continu, et la machine ne s’arrête jamais. Métaphore parfaite d’un pays qui, décidément, refuse l’immobilisme en toutes choses.

Retour sur cinquante ans d’espoirs déçus

L’histoire du thorium n’est pas celle d’une ascension fulgurante, mais d’un rêve ajourné, maintes fois repoussé. Au temps de la Guerre froide, les Américains y ont cru, ont tenté, ont jeté les bases du réacteur à sels fondus à Oak Ridge. Puis, la logique militaire, l’impératif de produire du plutonium, ont eu raison de l’aventure : au placard, les recherches ! Seule la Chine, ce géant à la patience séculaire, aura pris le relais, et quinze ans plus tard, rallume la flamme. Il y a dans ce geste une forme d’anaphore historique : ce que les uns abandonnent, les autres finiront par ressusciter. Comme des héritiers tardifs, les ingénieurs du SINAP (Institut de Physique Appliquée de Shanghai) passent outre les impasses et raniment la braise. Cette ténacité force le respect — et suscite la jalousie.

Un territoire de défi au cœur de la steppe

Impossible de survoler le site de Minqin, avec sa poussière mordorée et son absence d’eau, sans voir ce contraste saisissant : un bastion de technologie surgissant d’un paysage minéral. C’est ici, loin des mégapoles saturées en béton, que la Chine expérimente en toute discrétion son avenir nucléaire. La symbolique n’échappe à personne : les réacteurs à sels fondus de quatrième génération sont les seuls capables d’opérer dans des déserts, libérés du joug des grands fleuves ou des océans. Un paradoxe délicieux pour un pays qui, justement, étouffe sous la pollution, la voracité énergétique et la rareté croissante de l’eau pure. Nul doute qu’à Minqin, la Chine prépare son évasion du passé… et de la dépendance à l’uranium.

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