Intelligence artificielle. Deux mots qui électrisent autant qu’ils inquiètent. Mais voici que soudain, en 2025, la Chine s’invite au centre du jeu planétaire, bouscule la table, propose une transformation radicale du débat : ni plus ni moins que la mise en place d’un consensus mondial pour encadrer le développement de l’IA. Pas de déclaration-fossoyeur, non, mais une volonté affichée de rassembler, d’ouvrir des brèches là où certains verrouillent tout. On a l’impression que les dés sont pipés ? Que tout est suspensu entre compétition technologique, ambitions nationales, questions d’éthique et rêves de leadership global ? Voilà que Pékin veut changer la règle. Explorons, déconstruisons, pas à pas, ce qui s’esquisse derrière ce consensus très spécial.
Un projet à contre-courant : la naissance d'un consensus mondial made in Chine

La conférence de Shanghai : le théâtre d’une annonce stratégique
Pékin ne fait jamais rien au hasard. C’est lors de la Conférence mondiale sur l’intelligence artificielle à Shanghai que Li Qiang, Premier ministre chinois, a lancé l’offensive : appel à une organisation mondiale de coopération sur l’IA, plaidoyer pour une gouvernance collective, dénonciation de la « fragmentation » actuelle et alerte contre le risque de voir l’IA devenir « le jeu exclusif de quelques puissances ». Le choix du moment est savamment orchestré, juste après que les États-Unis ont musclé leurs annonces sur l’IA, en refusant toute régulation qui viendrait brider leur avance. Du classique : rivalités, crainte de la domination, big tech contre big state.
Organisation mondiale de l’IA : utopie ou agenda caché?
Pékin déroule le tapis rouge pour défendre sa vision : un organisme international dédié à l’intelligence artificielle qui accueillerait tous les pays, sans exclusion, favorisant un dialogue ouvert et transparent. On y promet un accès équitable aux technologies IA, un partage de savoirs et même – fait très symbolique – la gratuité pour certains outils IA made in China. Stratégie d’influence ? Bien sûr, difficile de l’ignorer. Mais l’appel à une « gouvernance ouverte et inclusive », à la participation des pays émergents et à la discipline commune des géants, vise aussi à structurer un avenir moins instable face à l’irruption planétaire de l’IA.
La réponse au désordre international actuel
Il suffit de regarder ce qui se passe ailleurs. Les États-Unis foncent, en embuscade derrière les succès de leurs start-ups pionnières (OpenAI, Google, Microsoft…), et refusent toute idée d’interdiction ou de moratoire. L’Union européenne, elle, s’efforce d’unifier son marché via le AI Act mais reste isolée, écartelée entre protection et innovation. Devant ce paysage, la Chine souhaite poser un cadre où l’on discute tous ensemble, pas uniquement dans les couloirs feutrés du G20. Est-ce vraiment possible ? La scène géopolitique bouge, mais la volonté chinoise de « donner la priorité à la sécurité sans freiner le progrès » met en tension deux mondes : celui de la régulation, et celui de l’hyper-innovation.
Le grand partage technologique vers l’Afrique et le Sud global
À y regarder de plus près, la Chine ne se contente pas d’un discours hautain de grande puissance. Elle ouvre la main, propose de partager ses avancées, en ciblant spécifiquement les pays du Sud. Les discours officiels insistent sur la création d’opportunités pour les économies émergentes, l’accès facilité aux technologies IA et l’intégration de ces États au cœur de la gouvernance future. Objectif : éviter le piège d’une concentration des outils IA entre quelques mains, et incarner un « bienfaiteur technologique de l’humanité ». On retrouve ce mélange subtil entre diplomatie d’influence et justice sociale, version techno.
Le modèle chinois de régulation : innovation, contrôle, et valeurs nationales

Une régulation pas si « à l’occidentale » que ça
Pas de panique, la Chine ne propose pas non plus le lâcher-prise complet. Le modèle chinois combine le pilotage strict — imprégnation des valeurs socialistes dans les IA génératives, exigences très strictes sur la transparence et la qualité des données, obligations pour les plateformes d’éviter tout contenu subversif ou portant atteinte à l’unité du pays. On surveille les deepfakes, on traque les abus algorithmiques, mais – et c’est une différence avec Bruxelles – on priorise aussi la créativité industrielle et l’adaptation rapide aux marchés stratégiques.
L’éthique et l’innovation : le grand écart permanent
À la croisée de l’innovation galopante et du contrôle politique, la Chine avance prudemment. Les environnements-pilotes se multiplient : à Shenzhen, on crée des comités d’éthique locaux, à Shanghai, on expérimente les véhicules autonomes dans des périmètres réglementés. L’idée, c’est que chaque technologie s’insère dans le socle national chinois, quitte à forger des lois sur mesure pour protéger autant les entreprises que l’État… et les citoyens, en théorie. Une transparence certes imposée, mais plus pragmatique que dogmatique, où chaque « innovation » doit montrer patte blanche avant de conquérir le marché.
Ambition : le leadership mondial de l’IA d’ici 2030
Impossible de cacher l’objectif : la Chine vise, à un horizon très court, rien de moins que la place de n°1 mondial de l’intelligence artificielle. Cela implique de faire de l’IA l’un des moteurs de la croissance nationale, mais aussi un levier d’influence stratégique à l’international. La stratégie « AI+ » accélère l’intégration entre industrie nationale et technologies numériques, tout en posant de vrais jalons dans la cybersécurité et la défense. Pourquoi s’en cacher ? La position du pays est ambitieuse, structurée, méthodique, même si elle doit pour cela – et c’est fascinant à observer – composer avec un sentiment permanent d’urgence géopolitique.
Guerre froide technologique, coalition ou illusions ? Les enjeux cachés du consensus chinois

La rivalité sino-américaine sur l’IA : bataille feutrée ou dérive conflictuelle ?
Le paradoxe : au moment où Donald Trump promet la suprématie américaine sur l’IA, la Chine déroule un discours d’inclusion et de justice technologique. Mais ne soyons pas naïfs : derrière l’idéal de consensus se profile la vieille rivalité stratégique. Le contrôle des semi-conducteurs, les barrières commerciales, la chasse aux start-ups concurrentes… tout cela alimente les tensions. Le consensus prôné par Pékin est-il une façon de court-circuiter Washington ? De rassembler une coalition face au modèle ultra-libéral des États-Unis et à la réglementation jugée trop sévère de l’Europe ? Probablement un peu des deux. Mais c’est aussi, et c’est mon avis, une forme de reconnaissance que l’IA ne sera jamais « domestiquée » par un seul camp.
Des pays séduits, d’autres méfiants
Au Sud, nombreux sont ceux qui se tournent déjà vers la Chine. L’accès gratuit (pour partie), la promesse d’expertise partagée, la possibilité de ne pas être exclus du nouveau monde numérique sont des appâts puissants. Les pays africains, le Qatar, la Russie, etc., étaient présents à la grande conférence de Shanghai, et la compétition s’intensifie pour compter dans la gouvernance qui se prépare. Mais, ailleurs, on temporise. L’Europe hésite, les États-Unis freinent des quatre fers, l’Inde observe, ne dit mot. Les alliances bougent, changent de couleur. Franchement, impossible de prévoir ce qui sortira de ce melting-pot.
La Chine, bienfaitrice technologique ou stratège de l’ombre ?
La grande question, et c’est bien celle-ci qui divise chercheurs, entrepreneurs et diplomates : la Chine se positionne-t-elle en bienfaitrice de l’humanité ou cherche-t-elle, en s’offrant championne du consensus et du partage, à avancer ses pions pour marginaliser les concurrents et imposer ses propres standards ? Libre à chacun d’en juger, mais tout indique que la réalité, là encore, sera hybride : l’agenda chinois mêle sincérité et calcul, ambition d’innovation partagée et quête de pouvoir normatif.
Éclats de conclusion : l’urgence d’un dialogue mondial, la nécessité du doute

Avouons-le, ce projet de consensus mondial porté par la Chine n’est ni la solution magique, ni une simple diversion. Il incarne l’époque : fragmentation, chaos, peur de l’avenir. Mais aussi foi dans la capacité à créer, ensemble ou non, de nouvelles règles du jeu. Les enjeux scientifiques, économiques et éthiques de l’intelligence artificielle exigent plus que jamais débat, pluralité, invention permanente des cadres. Faut-il donner carte blanche à la Chine ? Sûrement pas. Faut-il rejeter son appel d’un revers de main, au motif qu’il serait purement tactique ? Non plus. Pour avancer sur le fil de l’IA, mieux vaut se méfier des certitudes et privilégier l’écoute, l’inventivité, l’urgence du dialogue.