Un souffle de déjà-vu, mais aussi une secousse nouvelle : Donald Trump affirme à nouveau vouloir organiser une réunion trilatérale avec Volodymyr Zelensky et Vladimir Poutine. L’ancien président américain, qui nourrit l’ambition de revenir au premier plan de la scène internationale, joue ici une carte brûlante. Cette proposition, loin d’être anodine, s’inscrit dans un contexte où la guerre en Ukraine reste enlisée, avec des combats qui usent non seulement les armées mais aussi la patience diplomatique mondiale. Et soudain, Trump rebat les cartes, ou plutôt, il prétend pouvoir se présenter comme l’homme providentiel capable de forcer le dialogue. Mais est-ce vraiment réaliste, ou simplement une posture électorale doublée d’une stratégie de communication hors norme ?
Le fait même qu’un ancien président américain, toujours au centre d’un débat intense dans son propre pays, propose de se mettre au cœur de cette crise laisse imaginer une multitude de scénarios. Trois figures politiques que tout opposer, que tout bouscule — un ancien président américain au discours imprévisible, un président ukrainien devenu le symbole mondial de la résistance démocratique, et un maître du Kremlin qui ne recule devant aucune démonstration de puissance militaire. L’image est presque inconcevable. Mais si elle prenait forme, elle pourrait transformer radicalement — ou détruire — les fragiles équilibres diplomatiques actuels.
Une scène diplomatique saturée par les contradictions

Trump, le retour d’un faiseur de chaos ou d’un négociateur atypique ?
Donald Trump se présente une nouvelle fois comme un candidat à la médiation internationale. Pour lui, les interminables discussions menées par les chancelleries occidentales n’ont mené qu’à un blocage stérile. Son idée : « réunir les deux hommes dans une même pièce » et fermer la porte. Un geste théâtral, presque naïf ou brutal dans sa simplicité. Pourtant, ce rôle de « dealmaker », de marchandage direct, est l’image qu’il a toujours voulu projeter, aussi bien dans la politique intérieure qu’à l’international.
Derrière cette posture, un calcul évident : renforcer sa stature internationale dans la perspective de son avenir politique. Offrir au public américain un contraste net avec la diplomatie plus classique, souvent jugée trop lente, trop bureaucratique. Là où l’administration actuelle multiplie les négociations indirectes, Trump veut montrer qu’une poigne ferme et une décision brutale peuvent suffire. Mais réduire un conflit aussi complexe que celui de l’Ukraine à une pièce proche et trois présidents est évidemment hautement discutable. La diplomatie ne se résume pas à une photo ni à une poignée de main.
L’Ukraine face à l’ambivalence américaine
Volodymyr Zelensky se trouve dans une position délicate. Il dépend étroitement du soutien financier et militaire des États-Unis pour poursuivre son effort de guerre. Ou encore, Trump a à de nombreuses reprises remis en question l’engagement durable de Washington. Accepter une rencontre organisée par Trump, c’est risquer de fragiliser la relation privilégiée avec l’administration actuelle, mais refuser, c’est donner l’image d’un dirigeant fermé au dialogue. Une situation d’équilibrisme, où le moindre geste ou mot peut être interprété comme un jeu dangereux.
Le président ukrainien doit en outre gérer une société qui refuse fermement toute négociation donnant l’impression de céder le territoire à Moscou. Or, Trump a déjà laissé entendre que, pour lui, « un compromis » signifierait probablement une révision territoriale en faveur de la Russie. Un scénario inacceptable pour Kiev, mais qui, dans une campagne électorale américaine, peut séduire certains électeurs fatigués du coût d’un conflit interminable.
Poutine et la stratégie de patience
Vladimir Poutine, pour sa part, pourrait tirer profit d’un tel sommet. Participer à une rencontre pilotée par Trump serait une façon de se légitimer sur la scène internationale. Cela reviendrait à obtenir un siège aux côtés d’un ancien président américain et d’un dirigeant ukrainien, alors même que de nombreuses capitales cherchent à l’isoler. Il pourrait exploiter cette vitrine médiatique, semblant calme et rationnelle, tout en continuant sa politique d’usure militaire sur le terrain. Sa reste claire : gagner du temps, exploiter les divisions occidentales, mettre sur l’épuisement des soutiens à l’Ukraine.
La possibilité d'une telle rencontre

Des obstacles diplomatiques presque insurmontables
Imaginer ce sommet, c’est déjà se heurter à une question concrète : où se tiendrait-il ? Dans quel pays neutre ? La Suisse, qui a accueilli de nombreux dialogues internationaux, pourrait sembler un choix évident. Mais même là, les lignes rouges sont nombreuses. Les alliés européens de l’Ukraine verraient probablement d’un très mauvais œil une négociation improvisée, dont ils seraient exclus. De plus, les conditions demandées par chacune des parties sont incompatibles. Zelensky a toujours affirmé qu’aucune négociation ne pouvait avoir lieu sans un retrait total des troupes russes. À l’inverse, Poutine ne cesse de répéter que les territoires annexés sont désormais considérés comme partie intégrante de la Russie. Quant à Trump, il ne s’embarrasse pas de détails : l’essentiel pour lui, c’est l’image d’un dirigeant qui a su forcer la main des protagonistes.
Un calendrier électoral empoisonné
L’annonce de cette volonté de sommet n’arrive pas par hasard. Aux États-Unis, la politique étrangère devient une variable de plus en plus centrale dans les débats, alors que la population s’interroge sur l’immensité des sommes émises pour soutenir Kiev. L’idée de « ramener la paix » — même si elle n’est qu’une illusion — peut séduire les électeurs soucieux de détourner des milliards dépensés à l’étranger vers des priorités internes. Pour Trump, afficher une rencontre avec Poutine et Zelensky, même sans issue réelle, offrirait une image diplomatique frappante : celle d’un président capable de parler à tout le monde sans s’agenouiller devant personne . Dans sa carrière politique, Trump a toujours privilégié le choc, le spectaculaire, l’imprévisible. Une rencontre tripartite, qu’elle débouche ou non sur un accord, suffirait à marquer l’opinion. L’image dépasserait largement la substance. Il s’agirait moins de résoudre la guerre qui de produire une scène mémorable : trois hommes autour d’une table, et Trump au centre.
Cette logique est redoutable car elle écrase la réalité complexe du conflit. Les milliers de victimes, les destructions massives, l’effondrement d’une région entière ne se prêtent pas à des raccourcis médiatiques. Mais dans une époque où l’instantané et le spectaculaire dominateur, cette simplification semble, hélas, efficace.
Conclusion : symbole ou mirage ?

L’idée d’une rencontre entre Trump, Zelensky et Poutine est une bombe médiatique. Elle fascine parce qu’elle paraît improbable, et parce qu’elle promet une image d’histoire immédiate. Mais elle reste, pour l’heure, une fiction politique, un narratif plus qu’un projet crédible. Derrière les postures et les punchlines, la réalité du conflit se poursuit, avec son cortège de violence et de drames humains. La vérité est brutale : on ne fabrique pas la paix à coups de déclarations tonitruantes. On avance, lentement, dans le pénombre des couloirs diplomatiques où l’image compte moins que les compromis invisibles. Trump croit pouvoir brûler ces étapes. Peut-être y voit-il une stratégie gagnante. Mais dans les faits, c’est bien plus un pari électoral qu’un véritable processus de paix. Et cela, tout le monde le sait — même ceux qui espèrent encore l’impossible.