Un 5 novembre qui pourrait tout changer
Dans exactement neuf jours, les neuf juges de la Cour suprême des États-Unis vont se pencher sur l’un des dossiers les plus explosifs de ces dernières décennies. Le 5 novembre 2025, un an jour pour jour après la victoire électorale de Donald Trump, commence l’examen d’un recours qui pourrait anéantir l’architecture financière de son administration. L’enjeu ? Au minimum 80 milliards de dollars déjà collectés par le Trésor américain, mais potentiellement jusqu’à 750 milliards à un trillion de dollars selon les estimations les plus alarmantes du secrétaire au Trésor Scott Bessent.
Cette bataille juridique titanesque oppose l’administration Trump à des centaines d’importateurs américains qui contestent la légalité des droits de douane imposés depuis le début de son second mandat. Une cour d’appel fédérale a déjà tranché le 29 août dernier : Trump a commis un abus de pouvoir en s’appuyant sur l’International Emergency Economic Powers Act pour justifier ses tarifs douaniers. Mais cette décision n’est qu’un prélude au véritable tsunami financier qui menace de déferler sur l’économie américaine.
Une urgence nationale fabriquée de toutes pièces
Comment Trump a-t-il justifié l’imposition de ces droits de douane massifs ? En invoquant une supposée urgence nationale liée au déficit commercial américain. Une manœuvre audacieuse qui s’appuie sur l’IEEPA, une loi de 1977 conçue pour faire face à des menaces extraordinaires venant de l’étranger. Mais voilà le problème : cette loi ne mentionne jamais le mot « droits de douane » et la Constitution américaine confère explicitement au Congrès – non à l’exécutif – le pouvoir d’imposer des taxes.
Les importateurs américains, soutenus par une coalition de douze États à majorité démocrate, ont donc saisi la justice. Leur argument est implacable : Trump n’avait tout simplement pas le droit constitutionnel d’agir seul. Et ils ont eu raison sur toute la ligne jusqu’à présent. En première instance, puis en appel, les tribunaux leur ont donné gain de cause. Seule la Cour suprême peut désormais inverser cette tendance et sauver l’une des politiques économiques les plus agressives de l’histoire moderne américaine.
Des chiffres qui donnent le vertige
Au 7 septembre 2025, les entreprises américaines avaient déjà versé 80 milliards de dollars en droits de douane depuis le début de l’année. Mais ce n’est que le début. Scott Bessent, le secrétaire au Trésor, a admis publiquement lors d’une interview sur NBC que si la Cour suprême confirmait l’illégalité des tarifs, son département devrait rembourser « environ la moitié » des sommes perçues. Une catastrophe pour le Trésor américain, selon ses propres mots.
Plus dramatique encore : Bessent a averti qu’un report de la décision jusqu’en juin 2026 pourrait créer une situation où « 750 milliards à un trillion de dollars auront déjà été collectés ». Annuler ces montants représenterait alors un bouleversement financier sans précédent dans l’histoire économique américaine. Une perspective qui fait trembler Wall Street et inquiète les partenaires commerciaux du monde entier.
L'arsenal juridique de Trump face au mur constitutionnel

L’IEEPA : une arme détournée de son usage originel
L’International Emergency Economic Powers Act de 1977 était destiné à permettre au président américain de réagir rapidement face à des menaces extraordinaires venant de l’étranger. Barack Obama l’avait utilisé pour sanctionner la Russie après l’annexion de la Crimée en 2014. Joe Biden s’en était servi pour durcir les mesures contre Moscou lors de l’invasion de l’Ukraine. Mais jamais cette loi n’avait été utilisée pour imposer des droits de douane universels sur la quasi-totalité des partenaires commerciaux américains.
La cour d’appel fédérale a été cinglante dans son analyse : l’IEEPA « ne confère pas au président un pouvoir tarifaire illimité et unilatéral ». Les juges ont souligné que cette loi d’urgence ne mentionne pas les droits de douane et ne prévoit pas de procédures claires pour limiter le pouvoir présidentiel en la matière. Une gifle juridique retentissante pour l’administration Trump.
La séparation des pouvoirs au cœur du débat
Le Liberty Justice Center, qui représente plusieurs entreprises contestataires, a frappé au cœur du problème constitutionnel : le président ne peut pas imposer à lui seul des droits de douane. Cette prérogative appartient historiquement au Congrès, comme le stipule clairement la Constitution américaine. Trump a tenté de contourner cette limitation en invoquant ses pouvoirs d’urgence, mais cette stratégie s’est fracassée contre le mur de la séparation des pouvoirs.
Kathleen Claussen, professeure de droit à l’université Georgetown, tempère cependant l’optimisme des opposants : « Tout dépend de la manière dont le tribunal formulera sa décision et de ce qu’il décidera précisément sur les différents points examinés ». Car la Cour suprême, composée de trois juges nommés par Trump lui-même, pourrait bien interpréter différemment les limites des pouvoirs présidentiels.
Une stratégie économique aux fondements fragiles
L’administration Trump défend ses droits de douane comme un instrument de politique étrangère et de renégociation commerciale. Le porte-parole de la Maison-Blanche, Kush Desai, maintient que « le président Trump a exercé légalement les pouvoirs tarifaires qui lui ont été accordés par le Congrès pour défendre la sécurité nationale et économique contre les menaces étrangères ». Mais cette argumentation peine à convaincre face à l’ampleur des mesures prises.
Car il ne s’agit pas ici de sanctions ciblées contre un pays hostile, mais d’une guerre commerciale généralisée touchant l’Union européenne, le Canada, le Brésil, l’Inde et des dizaines d’autres partenaires. Une approche qui transforme le déficit commercial – phénomène économique normal – en casus belli justifiant l’état d’urgence. Un raisonnement que les tribunaux inférieurs ont jugé abusif et contraire à l’esprit de la loi.
Le gouffre financier qui s'ouvre sous les pieds de l'Amérique

Des recettes douanières en explosion depuis 2025
Les chiffres donnent le tournis. Au cours des six premiers mois de 2025, les États-Unis ont collecté plus de 87 milliards de dollars en droits de douane, dépassant déjà le total de l’année 2024 qui s’élevait à 79 milliards. En juin dernier, les revenus nets liés aux douanes ont atteint 26,6 milliards de dollars, soit presque quatre fois plus qu’en janvier. Une explosion des recettes qui témoigne de l’intensification de la guerre commerciale trumpienne.
Ces sommes colossales sont devenues un pilier du financement gouvernemental. L’administration s’appuie sur ces revenus pour combler en partie le déficit budgétaire et soutenir certaines filières économiques, notamment l’agriculture. Une dépendance qui rend d’autant plus dramatique la perspective d’un remboursement forcé. Comment Washington ferait-il face à un trou de plusieurs centaines de milliards dans ses comptes ?
Le scénario catastrophe de Scott Bessent
Le secrétaire au Trésor n’y va pas par quatre chemins. Dans une déclaration déposée à la Cour suprême, Scott Bessent a peint un tableau apocalyptique des conséquences d’une décision défavorable. Si les juges confirment l’illégalité des droits de douane, les États-Unis pourraient devoir rembourser entre 750 milliards et un trillion de dollars. Des montants qui dépassent l’entendement et pourraient provoquer une crise financière majeure.
Lors de son passage sur NBC’s « Meet the Press », Bessent a reconnu avec une franchise troublante : « Nous devrions rembourser environ la moitié des droits de douane, ce qui serait terrible pour le Trésor. Si la cour l’exige, nous n’aurions pas le choix ». Cette admission publique de vulnérabilité est exceptionnelle de la part d’un responsable gouvernemental de si haut niveau. Elle révèle l’ampleur de la panique qui règne dans les couloirs du pouvoir.
Trump prophète de malheur
Le président lui-même n’a pas hésité à agiter l’épouvantail de la Grande Dépression. Dans un message posté sur Truth Social en août, Trump a prévenu : « Si un tribunal de la gauche radicale se prononçait contre nous à ce stade tardif, il serait impossible de récupérer ou de rembourser ces sommes colossales. Ce serait comme en 1929, UNE GRANDE DÉPRESSION ! ». Une rhétorique de la peur qui trahit l’inquiétude profonde de l’administration face à l’issue du procès.
Cette comparaison avec 1929 n’est pas anodine. Elle révèle que Trump lui-même mesure l’ampleur du tsunami économique qui pourrait s’abattre sur le pays si sa politique tarifaire s’effondrait. Car au-delà des aspects juridiques, c’est toute la crédibilité de sa stratégie économique qui se joue devant la Cour suprême. Un échec retentissant remettrait en cause l’ensemble de son programme de « America First ».
Le parcours du combattant pour les importateurs lésés

Une procédure administrative kafkaïenne en perspective
Même si la Cour suprême donnait tort à Trump, le calvaire des importateurs ne ferait que commencer. Ted Murphy, coresponsable du département commerce international du cabinet d’avocats Sidley Austin, anticipe « une procédure administrative » obligeant les entreprises à s’adresser directement « au service des douanes et de la protection des frontières des États-Unis pour demander le remboursement ». Une démarche qui promet d’être longue, coûteuse et incertaine.
L’administration Trump ne compte manifestement pas faciliter les choses. Le gouvernement s’appuie désormais sur ces revenus tarifaires pour son fonctionnement quotidien. Il est donc « peu probable que l’administration procède d’elle-même à un remboursement, même s’il s’avérait qu’elle avait pris une décision illégale », souligne Murphy. Une posture qui laisse présager des années de bataille juridique supplémentaires.
Des dossiers à tenir en ordre sous peine de perdre tout
Clinton Yu, avocat associé de Barnes & Thornburg, lance un avertissement crucial aux entreprises concernées : elles doivent « vraiment avoir leurs dossiers en ordre ». Car même en cas de victoire judiciaire, la récupération des sommes versées nécessitera des preuves irréfutables des paiements effectués. Un seul document manquant pourrait compromettre des millions de dollars de remboursement.
Cette exigence administrative n’est pas anodine. Elle révèle la complexité du labyrinthe bureaucratique qui attend les importateurs. Beaucoup d’entreprises, notamment les plus petites, risquent de renoncer face à la lourdeur des procédures. Un calcul cynique de l’administration qui espère sans doute limiter l’hémorragie financière en décourageant les demandes de remboursement.
Le précédent des années 1990 : un espoir ténu
Un tel remboursement massif de taxes illégales s’est déjà produit aux États-Unis, mais pour des montants infiniment moindres. « Dans les années 1990, les tribunaux ont déclaré inconstitutionnelle une taxe d’entretien portuaire sur les exportations et ont mis en place un système permettant aux exportateurs de demander le remboursement », rappelle l’Associated Press. Mais nous parlions alors de quelques milliards, pas de centaines de milliards.
Ce précédent historique offre néanmoins un modèle procédural dont pourraient s’inspirer les tribunaux actuels. Il prouve qu’un système de remboursement généralisé est techniquement possible, même si sa mise en œuvre promettrait d’être un cauchemar administratif sans précédent. La question n’est plus de savoir si c’est faisable, mais si l’État américain survivrait financièrement à une telle saignée.
Les nouvelles provocations tarifaires de Trump

L’escalade du 1er octobre : médicaments et meubles dans le viseur
Comme si l’épée de Damoclès judiciaire ne suffisait pas, Trump a décidé de doubler la mise. Le 26 septembre, soit à peine dix jours avant l’audience cruciale de la Cour suprême, le président a annoncé de nouveaux droits de douane d’une violence inouïe. À partir du 1er octobre, une taxe de 100% frappera tous les médicaments de marque ou brevetés, sauf si l’entreprise construit son usine pharmaceutique en Amérique.
Mais ce n’est pas tout. Les meubles de cuisine et les lavabos de salle de bain subiront une surtaxe de 50%, tandis que les camions lourds seront frappés d’une taxe de 25%. Une escalade tarifaire qui intervient au pire moment, alors que la légalité même de ces mesures fait l’objet d’un âpre débat devant la plus haute juridiction du pays. Un pied de nez magistral aux juges qui s’apprêtent à statuer sur ses pouvoirs.
Une stratégie de fuite en avant suicidaire
Cette nouvelle salve tarifaire révèle la fuite en avant désespérée d’une administration aux abois. Au lieu d’attendre sagement la décision de la Cour suprême, Trump préfère forcer le destin en multipliant les provocations. Une attitude qui pourrait bien se retourner contre lui si les juges y voient une preuve supplémentaire de son mépris pour les limites constitutionnelles de ses pouvoirs.
Michael Wan, économiste pour la banque japonaise MUFG à Singapour, souligne que la définition de ces médicaments visés « reste floue ». Cette imprécision juridique volontaire permet à Trump de maintenir un climat d’incertitude maximale pour les importateurs. Une tactique de guerre économique qui transforme chaque annonce présidentielle en roulette russe financière pour les entreprises américaines.
L’impact sur les génériques : une épée à double tranchant
Paradoxalement, ces nouveaux tarifs pourraient épargner les médicaments génériques, notamment ceux expédiés par l’Inde. Un calcul politique qui révèle les contradictions profondes de la stratégie trumpienne. D’un côté, il prétend lutter contre la dépendance pharmaceutique étrangère. De l’autre, il préserve les importations les plus massives pour éviter une explosion des prix dans les pharmacies américaines.
Cette approche sélective soulève des questions embarrassantes sur la cohérence de la politique tarifaire. Si l’urgence nationale justifie vraiment ces mesures extraordinaires, pourquoi faire des exceptions ? Cette incohérence stratégique pourrait bien fournir aux adversaires de Trump des arguments supplémentaires devant la Cour suprême. Car comment justifier l’état d’urgence quand on ménage les plus gros fournisseurs étrangers ?
La Cour suprême sous pression maximale

Trois juges nommés par Trump : atout ou handicap ?
La composition de la Cour suprême ajoute une dimension dramatique supplémentaire à cette affaire. Trois des neuf juges ont été nommés par Donald Trump lui-même lors de son premier mandat : Neil Gorsuch, Brett Kavanaugh et Amy Coney Barrett. Une majorité conservatrice qui pourrait théoriquement pencher en faveur du président, mais qui se trouve dans une position délicate face à l’ampleur des enjeux constitutionnels.
Car ces juges conservateurs sont aussi, paradoxalement, des défenseurs traditionnels de la séparation des pouvoirs et des prérogatives du Congrès. Leur philosophie juridique les pousse naturellement à limiter l’expansion du pouvoir exécutif, même quand il s’agit de « leur » président. Une tension idéologique qui pourrait bien jouer contre Trump, malgré sa majorité supposée au sein de la Cour.
Un calendrier qui ne doit rien au hasard
Le 5 novembre 2025 marque exactement un an depuis la réélection de Trump. Ce calendrier symbolique n’est pas fortuit : il transforme l’audience en anniversaire empoisonné pour le président. Si les juges devaient invalider sa politique tarifaire ce jour-là, ce serait un camouflet retentissant qui ternirait durablement l’image de succès que Trump cultive soigneusement.
L’administration a d’ailleurs demandé une « procédure d’urgence » pour accélérer le processus, une requête exceptionnelle qui révèle sa nervosité. Habituellement, la Cour suprême prend son temps pour les affaires complexes. Mais ici, chaque jour qui passe voit s’accumuler des millions de dollars supplémentaires potentiellement remboursables. Une pression temporelle qui pourrait influencer la réflexion des juges.
L’affaire Lisa Cook : une double peine en perspective
Comme si l’affaire des droits de douane ne suffisait pas, la Cour suprême doit aussi statuer sur un autre dossier explosif concernant Lisa Cook. Cette double charge judiciaire place l’administration Trump dans une situation de vulnérabilité extrême. Deux échecs retentissants consécutifs pourraient paralyser durablement sa capacité d’action et ébranler sa crédibilité.
Les enjeux sont donc « colossaux » pour la Cour suprême, selon l’expression de BFM TV. Ces deux décisions « conditionneront probablement la suite du mandat du président américain ». Une responsabilité écrasante pour les neuf juges qui détiennent entre leurs mains le sort financier et politique des États-Unis. Rarement une juridiction aura eu autant de pouvoir pour façonner l’avenir d’un pays.
Les répercussions internationales d'un séisme annoncé

L’Union européenne entre espoir et prudence
Du côté européen, on observe avec un mélange de fascination et d’inquiétude cette bataille juridique américaine. L’Union européenne, frappée de plein fouet par les tarifs trumpiens, espère secrètement une victoire des contestataires qui pourrait alléger la pression sur ses exportations. Mais Bruxelles reste prudente : même une décision favorable pourrait prendre des années à se matérialiser concrètement.
Les entreprises européennes continuent de payer leurs droits de douane en attendant l’issue du procès. Une situation kafkaïenne qui les place dans l’incertitude la plus totale. Doivent-elles provisionner d’éventuels remboursements futurs ? Comment planifier leurs investissements dans un tel brouillard juridique ? Ces questions hantent les conseils d’administration de milliers d’entreprises à travers le continent.
Le Canada pris dans la tourmente tarifaire
Le Canada fait partie des victimes collatérales de cette guerre commerciale généralisée. Dès mars 2025, les États-Unis ont imposé des droits de douane supplémentaires de 25% sur tous les produits d’acier et d’aluminium canadiens. Une mesure qui a provoqué des contre-mesures immédiates d’Ottawa, illustrant l’escalade destructrice de cette logique tarifaire.
Le gouvernement canadien a riposté en imposant ses propres droits de douane de 25% sur des produits américains d’une valeur de 30 milliards de dollars. Cette spirale de représailles transforme l’Amérique du Nord en champ de bataille commercial, minant des décennies de coopération économique. L’ALÉNA semble bien loin quand les voisins se déclarent la guerre tarifaire.
L’effet domino sur l’économie mondiale
Au-delà des partenaires directs des États-Unis, c’est toute l’économie mondiale qui retient son souffle. Une invalidation massive des tarifs trumpiens pourrait provoquer un bouleversement des chaînes d’approvisionnement globales. Les entreprises qui ont relocalisé leurs activités pour échapper aux droits de douane devraient-elles revenir à leurs stratégies antérieures ?
Plus troublant encore : un remboursement de plusieurs centaines de milliards de dollars pourrait déstabiliser les marchés financiers internationaux. Comment Wall Street réagirait-elle à un trou béant dans les finances publiques américaines ? Cette perspective fait frémir les banquiers centraux du monde entier, qui se préparent discrètement à d’éventuelles turbulences monétaires.
Conclusion

Un moment de vérité pour la démocratie américaine
Le 5 novembre 2025 restera dans l’histoire comme un tournant majeur de la présidence Trump et peut-être de la démocratie américaine elle-même. Cette date symbolique – exactement un an après sa réélection – pourrait marquer l’effondrement de l’une de ses politiques les plus emblématiques ou, au contraire, consacrer définitivement son interprétation extensive des pouvoirs présidentiels. Jamais une audience de la Cour suprême n’aura cristallisé autant d’enjeux financiers, constitutionnels et géopolitiques.
L’ampleur vertigineuse des sommes en jeu – entre 80 milliards et un trillion de dollars – dépasse tout ce que l’Amérique a connu en matière de contentieux fiscal. Si les juges confirment l’illégalité des tarifs, ce sera le plus grand remboursement de taxes de l’histoire moderne. Un tsunami financier qui pourrait paralyser l’administration Trump et redéfinir les limites du pouvoir exécutif pour les générations futures. La séparation des pouvoirs, ce pilier fondamental de la Constitution, n’aura jamais été testée de manière aussi brutale.
L’héritage empoisonné d’une guerre commerciale
Quoi qu’il advienne le 5 novembre, cette affaire aura déjà marqué au fer rouge l’économie mondiale. Des milliers d’entreprises américaines et étrangères ont été prises en otage dans cette guerre tarifaire d’un genre nouveau. Les chaînes d’approvisionnement internationales ont été disloquées, les relations commerciales avec les alliés traditionnels empoisonnées, et la confiance dans la prévisibilité juridique américaine ébranlée.
Le paradoxe ultime de cette stratégie trumpienne apparaît aujourd’hui dans toute sa cruauté : en voulant faire « America First », elle pourrait précipiter une crise financière majeure qui affaiblirait durablement les États-Unis. Car comment un pays pourrait-il rester une superpuissance économique quand ses propres tribunaux déclarent illégales ses principales politiques commerciales ? Cette contradiction fondamentale pourrait bien sonner le glas d’un certain modèle de gouvernance autoritaire déguisé en patriotisme économique.
L’avenir incertain d’une Amérique divisée
Au-delà des aspects techniques et financiers, cette bataille juridique révèle les fractures profondes qui traversent l’Amérique contemporaine. D’un côté, une administration qui pousse jusqu’à leurs limites les prérogatives présidentielles au nom de la souveraineté économique. De l’autre, un système judiciaire qui tente de préserver l’équilibre constitutionnel face aux dérives autoritaires. Cette tension fondamentale dépassera largement l’issue du procès du 5 novembre.
Dans neuf jours, neuf juges de la Cour suprême tiendront entre leurs mains non seulement le sort de centaines de milliards de dollars, mais aussi l’avenir de la démocratie américaine. Leur décision résonnera bien au-delà des frontières américaines et pourrait redéfinir les règles du commerce international pour les décennies à venir. L’Histoire retiendra peut-être le 5 novembre 2025 comme le jour où l’Amérique a choisi entre l’État de droit et la tentation autoritaire. Un choix dont nous mesurerons les conséquences pendant des générations.