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L’affront qui a tout déclenché

Samedi 5 octobre 2025 restera marqué comme le jour où Donald Trump a franchi un nouveau seuil dans sa confrontation avec l’État de droit. La juge fédérale Karin J. Immergut, qu’il avait lui-même nommée durant son premier mandat, vient de lui porter un coup magistral en bloquant temporairement le déploiement de la Garde nationale à Portland. Cette décision judiciaire de 33 pages constitue un camouflet retentissant pour le président, qui décrivait la ville de l’Oregon comme « ravagée par la guerre ». L’ironie cruelle ? Cette femme qui ose aujourd’hui défier l’autorité présidentielle tire sa légitimité de Trump lui-même.

La réaction du président ne s’est pas fait attendre. Stephen Miller, son chef de cabinet adjoint, a immédiatement qualifié cette décision d’« insurrection judiciaire » sur les réseaux sociaux, accusant les dirigeants de l’Oregon de mener une « attaque terroriste organisée contre le gouvernement fédéral ». Ces mots d’une violence inouïe révèlent l’ampleur de la colère présidentielle face à cette rébellion inattendue. Mais derrière cette fureur se cache une réalité troublante : Trump découvre que ses propres nominations peuvent se retourner contre lui.

Le paradoxe de la nomination présidentielle

Karin J. Immergut n’est pas n’importe quelle juge. Nommée par Trump lors de son premier passage à la Maison-Blanche, elle incarne aujourd’hui cette indépendance judiciaire que le président pensait pouvoir contrôler. Sa décision, minutieusement argumentée, démonte point par point la rhétorique trumpienne : « La décision du président était tout simplement déconnectée des faits », écrit-elle avec une précision chirurgicale. Ces mots résonnent comme un désaveu cinglant de celui qui l’a propulsée à ce poste de pouvoir.

L’humiliation est d’autant plus cuisante que la juge utilise les armes juridiques les plus affûtées contre son ancien bienfaiteur. « Ce pays a une tradition de résistance aux abus du gouvernement qui est à la fois de longue date et fondamentale », martèle-t-elle dans son ordonnance. Cette phrase, d’une portée historique considérable, place Trump dans le camp des tyrans contre lesquels l’Amérique s’est construite. La magistrate ne se contente pas de bloquer un déploiement militaire ; elle questionne la légitimité même de l’approche présidentielle.

Portland, laboratoire de la résistance

La bataille juridique autour de Portland révèle les failles béantes de la stratégie trumpienne. Les avocats de l’Oregon ont démontré avec brio que les manifestations étaient « petites et calmes » : vingt-cinq arrestations à la mi-juin, puis plus aucune pendant trois mois et demi. Cette réalité factuelle pulvérise la narrative présidentielle d’une ville en proie au chaos. Trump s’est littéralement inventé une guerre pour justifier une intervention militaire sur le sol américain.

La gouverneure Tina Kotek a anticipé cette manipulation avec une intelligence politique remarquable. « Ne pas mordre à l’hameçon en s’engageant dans des violences ou des dégradations », a-t-elle lancé à ses concitoyens. Elle comprend parfaitement le piège tendu : provoquer des incidents, créer le chaos, puis justifier l’intervention militaire. C’est la stratégie classique des régimes autoritaires qui cherchent à normaliser la présence de l’armée dans les rues.

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