L’annonce brutale qui stupéfie l’industrie énergétique
Le 2 octobre 2025, dans un silence assourdissant, le ministère américain de l’Énergie a publié une déclaration qui a glacé le sang de milliers d’ingénieurs, d’entrepreneurs et de travailleurs. 223 projets. 321 financements individuels. 7,56 milliards de dollars volatilisés en une seule frappe administrative. Pas de négociation. Pas de préavis suffisant… Une économie énergétique en pleine construction s’est effondrée comme un château de cartes dans 16 États américains, tous démocrates, tous ayant soutenu Kamala Harris lors de l’élection présidentielle de 2024. Cette décision survient en pleine paralysie gouvernementale, orchestrée par le président Donald Trump et son directeur du budget, Russell Vought, surnommé désormais « la grande faucheuse » de Washington. Les projets touchés représentaient l’espoir d’une transition énergétique ambitieuse : usines de batteries géantes, hubs d’hydrogène révolutionnaires, modernisation du réseau électrique national, technologies de captage du carbone qui promettaient de redéfinir l’avenir énergétique américain.
Une décision politique ou une analyse rationnelle
Officiellement, le département américain de l’Énergie justifie cette purge par une « analyse approfondie » démontrant que ces projets ne répondaient pas adéquatement aux besoins énergétiques du pays et n’étaient pas économiquement viables. Un communiqué technocratique qui masque mal la réalité : Russell Vought, architecte du controversé Project 2025, a annoncé ces coupes sur les réseaux sociaux en parlant de fonds destinés à « alimenter le programme climatique de la gauche ». Donald Trump lui-même a confirmé dans une interview avec One America News qu’il avait « le droit de réduire des projets qui n’auraient jamais dû être approuvés », ajoutant qu’il le ferait « probablement ». Les chiffres parlent d’eux-mêmes : 108 circonscriptions démocrates touchées contre seulement 28 républicaines. La géographie des annulations suit exactement la carte électorale : Californie, Colorado, Connecticut, Delaware, Hawaï, Illinois, Maryland, Massachusetts, Minnesota, New Hampshire, New Jersey, Nouveau-Mexique, New York, Oregon, Vermont et Washington. Tous ces États ont voté Harris. Aucun État républicain n’apparaît dans cette première vague… jusqu’à ce qu’une deuxième liste secrète commence à circuler.
La tempête parfaite d’une guerre budgétaire
Cette annonce intervient au moment précis où le gouvernement américain entre en paralysie totale — un shutdown orchestré stratégiquement par l’administration Trump pour maximiser la pression sur les démocrates au Congrès. Russell Vought utilise cette crise comme un levier politique sans précédent, transformant la politique énergétique nationale en monnaie d’échange parlementaire. Les démocrates accusent Trump de traiter « les familles américaines et leurs moyens de subsistance comme des pions dans un jeu politique malsain », selon la sénatrice Patty Murray de l’État de Washington. Mais au-delà des accusations partisanes, une réalité émerge : des dizaines de milliers d’emplois promis s’évaporent instantanément. Le gouverneur de Californie, Gavin Newsom, affirme que plus de 200 000 emplois sont menacés uniquement par l’annulation du projet hydrogène californien ARCHES (Alliance for Renewable Clean Hydrogen Energy Systems), dans lequel le secteur privé avait déjà investi 10 milliards de dollars. L’onde de choc traverse toute l’industrie énergétique américaine, créant une incertitude qui paralyse les investissements privés et fait fuir les partenaires internationaux.
L'anatomie d'une purge énergétique sans précédent

Les bureaux visés par la hache budgétaire
L’ampleur de cette purge devient vertigineuse quand on examine les départements ciblés au sein du ministère de l’Énergie. Le Bureau des démonstrations d’énergie propre (Office of Clean Energy Demonstrations), créé spécifiquement par la loi bipartite sur les infrastructures pour accélérer le déploiement de technologies émergentes, subit le plus gros impact avec plus de 12 milliards de dollars d’engagements menacés — sur un budget total de 21 milliards alloués sur dix ans. Le Bureau de l’efficacité énergétique et des énergies renouvelables, qui avait financé des centaines de projets de modernisation du réseau électrique et d’amélioration de l’efficacité énergétique dans les bâtiments publics, voit ses programmes décimés. L’ARPA-E (Advanced Research Projects Agency-Energy), considéré comme l’incubateur technologique du département de l’Énergie, équivalent de la DARPA pour la défense, subit également des coupes massives. Même le Bureau de l’énergie fossile et de la gestion du carbone, pourtant théoriquement compatible avec la rhétorique pro-fossile de Trump, perd des financements cruciaux pour des projets de captage du carbone en Indiana et au Dakota du Nord.
Les technologies sacrifiées sur l’autel politique
Les projets annulés représentent une cartographie complète de l’innovation énergétique moderne. Les usines de batteries lithium-ion destinées à soutenir l’industrie automobile électrique américaine face à la domination chinoise ? Annulées. Les sept « hubs d’hydrogène » régionaux censés créer une infrastructure nationale pour l’économie de l’hydrogène vert, avec deux projets totalement supprimés (Californie pour 1,2 milliard de dollars, Nord-Ouest Pacifique pour 1 milliard) et cinq autres en danger selon les listes qui circulent ? Décimés. Les projets de modernisation du réseau électrique, cette infrastructure vieillissante qui peine à gérer les pics de demande et l’intégration des renouvelables intermittents ? Gelés. Les technologies de captage direct de l’air (Direct Air Capture), considérées comme essentielles pour atteindre la neutralité carbone selon le GIEC, incluant des projets massifs comme Project Cypress en Louisiane et le South Texas DAC Hub d’Occidental ? Sur la liste de la guillotine. Le Natural Resources Defense Council estime que ces annulations affectent pratiquement tous les secteurs de l’énergie propre émergente, créant un vide technologique que la Chine et l’Europe s’empresseront de remplir.
Le projet ARCHES de Californie devient l’exemple emblématique
Aucun projet ne symbolise mieux cette destruction que l’ARCHES californien. Ce hub d’hydrogène vert devait transformer la vallée centrale de la Californie, région agricole frappée par le chômage et la pauvreté, en pôle technologique de classe mondiale. L’investissement public de 1,2 milliard de dollars avait catalysé 10 milliards de dollars d’engagement du secteur privé — un ratio de levier financier de 8 pour 1, exactement le type de partenariat public-privé que les économistes considèrent comme optimal. Le projet promettait de créer plus de 200 000 emplois directs et indirects, de décarboner le transport lourd californien, et de positionner l’État comme leader mondial de l’économie hydrogène. Des entreprises comme Shell, Chevron et diverses startups technologiques avaient déjà signé des contrats, loué des terrains, embauché des équipes. Le gouverneur Gavin Newsom qualifie cette annulation de « vindicative » et « à courte vue ». Le sénateur Alex Padilla va plus loin, affirmant que cette décision prouve que l’administration Trump « ne prend pas au sérieux la domination énergétique américaine ». Les investisseurs privés se retrouvent piégés : leurs fonds sont engagés, mais le financement public structurant qui rendait le projet viable a disparu du jour au lendemain.
La stratégie Vought ou l'art de la destruction créatrice politique

Russell Vought, l’architecte idéologique du démantèlement
Pour comprendre ces coupes, il faut comprendre Russell Vought, ce nom qui résonne désormais dans les couloirs de Washington avec autant de crainte que de fascination. Directeur du Bureau de la gestion et du budget (Office of Management and Budget), Vought n’est pas un bureaucrate ordinaire. C’est un idéologue pur, architecte principal du Project 2025, ce manifeste de 900 pages qui dessine une refonte radicale du gouvernement fédéral américain selon des lignes ultra-conservatrices. Pendant la première administration Trump, Vought avait déjà occupé ce poste, acquérant une réputation de « puriste budgétaire » prêt à sacrifier n’importe quel programme pour réduire les dépenses publiques. Mais cette fois, il revient avec un mandat encore plus large et une détermination décuplée. Trump lui-même l’a surnommé « he of PROJECT 2025 Fame » dans une publication sur Truth Social, accompagnée d’une vidéo générée par IA montrant Vought en Faucheuse marchant dans Washington, faux à la main. Ce n’est pas une caricature : c’est une déclaration d’intention. Vought utilise le shutdown gouvernemental non comme une crise à résoudre, mais comme une opportunité stratégique pour restructurer le gouvernement selon sa vision.
La guerre interne au ministère de l’Énergie
Mais même au sein de l’administration Trump, des tensions explosent. Selon Politico, le secrétaire à l’Énergie Chris Wright et Russell Vought sont entrés en conflit ouvert concernant l’ampleur et le timing de ces coupes. Wright, ancien PDG de Liberty Energy et partisan des énergies fossiles mais pragmatique sur certains aspects technologiques, avait préparé avec son équipe de près de 100 analystes du département de l’Énergie une liste exhaustive de projets à potentiellement couper, totalisant jusqu’à 30 milliards de dollars. Mais Vought et la Maison-Blanche ont forcé la main de Wright, annonçant les premières coupes de 7,6 milliards sans coordination complète, ciblant spécifiquement les États démocrates pour maximiser l’impact politique. Un haut fonctionnaire administratif a confié à Politico : « Il y a définitivement des agacements avec la Maison-Blanche concernant qui décide de ce qui est coupé et quand c’est coupé. » Une source proche des discussions révèle que Wright était prêt à couper 30 milliards, mais qu’on lui a dit d’attendre pour que l’OMB puisse utiliser ces fonds comme levier contre les États. Cette guerre intestine révèle une administration profondément divisée entre pragmatiques et idéologues, entre ceux qui ont une expérience gouvernementale et « l’équipe Colorado et DOGE » qui, selon un officiel, « pense pouvoir renverser les choses sans suivre les processus ni les règles ».
Le shutdown comme arme de transformation radicale
Ce qui rend cette séquence unique dans l’histoire américaine moderne, c’est l’utilisation délibérée du shutdown gouvernemental comme outil de refonte structurelle. Traditionnellement, les shutdowns résultent d’impasses budgétaires et provoquent des mises en congé temporaire de fonctionnaires. Mais cette fois, la Maison-Blanche annonce ouvertement que des licenciements massifs sont « imminents » et permanents. Trump a déclaré que le shutdown représente une « opportunité sans précédent » de déterminer quelles « agences démocrates » méritent d’être coupées de façon « temporaire ou définitive ». Russell Vought a même publié sur les réseaux sociaux que cette situation lui permet de recommander au président quels départements devraient être « supprimés ». La représentante démocrate Rosa DeLauro, membre clé du comité d’appropriations budgétaires, accuse Vought d’avoir « orchestré » le shutdown : « Il a comploté, espéré et planifié cela depuis qu’il a quitté ses fonctions, construisant son plan pour démanteler les fonctions gouvernementales essentielles sans égard pour la classe ouvrière, la classe moyenne et les Américains vulnérables qui en dépendent. » Même certains républicains du Congrès s’inquiètent, le sénateur Kevin Cramer du Dakota du Nord avertissant que Vought est « moins politiquement astucieux que le président » et risque de gâcher « la position morale élevée » que les républicains possédaient dans ce conflit budgétaire.
L'hémorragie industrielle et la fuite des investissements

Les chiffres catastrophiques de la destruction d’emplois
L’impact humain de ces coupes dépasse tout ce que l’industrie énergétique américaine a connu depuis la crise financière de 2008. Selon l’analyse du think tank Climate Power, ce sont déjà 63 000 emplois verts qui ont été détruits ou sont en voie de l’être depuis le début de l’année 2025, avant même cette annonce d’octobre. Avec les nouvelles coupes, Climate Power estime que 400 000 emplois supplémentaires sont désormais menacés. La coalition business E2 (Environmental Entrepreneurs), qui rassemble des entreprises engagées dans la transition écologique, avait déjà documenté l’annulation ou le report de 14 milliards de dollars de projets au cours des trois premiers mois de 2025, provoquant la perte de 10 000 emplois potentiels. Ces chiffres ne représentent que les emplois directs — les analystes estiment que chaque emploi direct dans l’énergie propre génère 2 à 3 emplois indirects dans la construction, la logistique, les services. Le premier trimestre 2025 a marqué une rupture historique : pour la première fois depuis 15 ans, les secteurs de l’énergie propre ont enregistré une destruction nette d’emplois alors qu’ils avaient créé des milliers de postes annuellement depuis l’adoption de l’Inflation Reduction Act en 2022.
La panique des investisseurs et la fuite des géants industriels
L’incertitude politique créée par ces annulations provoque une panique généralisée chez les investisseurs privés. Le géant allemand RWE, deuxième acteur mondial de l’éolien offshore, a mis en pause tous ses projets de développement aux États-Unis. Son PDG Markus Krebber a expliqué laconiquement : « Nous restons prudents compte tenu des développements politiques actuels. » Le norvégien Equinor a vu son projet Empire Wind 1 de 810 mégawatts au large de New York paralysé par un ordre d’arrêt des travaux, coûtant 50 millions de dollars par semaine avant que l’ordre ne soit levé début octobre — mais le traumatisme demeure. Ørsted, géant danois de l’éolien offshore, a dû obtenir une injonction judiciaire en septembre pour redémarrer son projet Revolution Wind de 700 mégawatts au large de Rhode Island après un ordre similaire. Des projets majeurs ont été purement et simplement abandonnés : l’usine de batteries de Kore Power en Arizona, deux sites de production de véhicules électriques de BorgWarner dans le Michigan, une usine de piles à hydrogène de Bosch en Caroline du Sud (200 millions de dollars d’investissement). Les analystes d’Atlas Public Policy estiment que plus de 450 milliards d’euros d’investissements dans l’énergie propre pourraient être annulés si cette tendance se poursuit.
Le paradoxe républicain des États rouges sacrifiés
L’ironie cruelle de cette situation réside dans le fait que les États républicains subissent également des pertes colossales. Selon l’analyse d’E2, sur les 14 milliards de projets annulés ou reportés au premier trimestre 2025, plus de 12 milliards concernaient des États ou districts dirigés par des républicains. La Géorgie et le Tennessee, territoires républicains fortement investis dans les chaînes de valeur des batteries et des véhicules électriques, voient des projets stoppés net avec « des conséquences dévastatrices sur l’emploi », selon les élus locaux. Même le Texas, bastion républicain et paradis pétrolier, apparaît sur la deuxième liste de coupes potentielles avec 54 projets totalisant près de 2,4 milliards de dollars menacés, incluant le South Texas Direct Air Capture Hub. Cette réalité crée des tensions au sein du parti républicain : des élus de districts concernés commencent à critiquer publiquement l’administration, craignant que la destruction d’emplois locaux ne se retourne contre eux lors des prochaines élections. Le sénateur Thom Tillis de Caroline du Nord, qui a annoncé ne pas chercher de réélection, a publiquement averti que les responsables administratifs « doivent être très prudents » dans la présentation de ces coupes, rappelant que les précédentes vagues de licenciements dirigées par le DOGE avaient été largement impopulaires selon les sondages d’opinion et avaient négativement affecté les taux d’approbation du président.
La liste fantôme et les 15 milliards supplémentaires en danger

La découverte du document confidentiel qui affole Washington
Le 9 octobre 2025, alors que Washington digérait encore le choc des 7,6 milliards annulés, une bombe éclate. Un document confidentiel commence à circuler dans les couloirs du Capitole et les rédactions des médias spécialisés. Le Los Angeles Times, Latitude Media et Reuters obtiennent simultanément une copie de cette liste secrète : 351 projets additionnels marqués pour « termination » (terminaison), représentant plus de 15,8 milliards de dollars de financements. Ajoutés aux 7,6 milliards déjà annoncés, cela porte le total des projets en danger à près de 24 milliards de dollars. Cette liste contient un chevauchement significatif avec les coupes déjà annoncées (297 projets sur 321), mais révèle surtout l’ampleur réelle du plan de Vought et Wright. Le plus troublant : les entreprises dont les projets figurent sur cette deuxième liste mais pas sur la première affirment n’avoir reçu aucune notification officielle du département de l’Énergie. Vikrum Aiyer, responsable de la politique mondiale chez Heirloom (impliqué dans Project Cypress, un hub de captage direct de carbone en Louisiane), déclare à Latitude Media que son entreprise « n’est pas au courant » d’une décision du DOE et continue à « s’engager de manière productive avec l’administration dans une révision de projet ». Climeworks confirme que la liste circule mais qu’elle n’a reçu aucun avis officiel. C’est un cauchemar kafkaïen : des entreprises découvrent l’annulation de leurs projets milliardaires par la presse.
Les hubs d’hydrogène et de captage carbone dans le viseur
Cette deuxième liste cible spécifiquement les technologies les plus innovantes. Cinq des sept projets de hubs d’hydrogène propre attribués sous l’administration Biden apparaissent sur la liste — les deux autres (Californie et Nord-Ouest Pacifique) avaient déjà été officiellement supprimés. Ces hubs régionaux devaient créer une infrastructure nationale pour l’économie hydrogène, permettant aux États-Unis de concurrencer la Chine et l’Europe dans cette technologie cruciale. Les deux plus grands projets de Direct Air Capture (DAC) du pays — Project Cypress en Louisiane et le South Texas DAC Hub opéré par 1PointFive, filiale d’Occidental Petroleum — figurent également sur cette liste. Ces technologies de captage direct du CO2 atmosphérique sont considérées par le GIEC comme essentielles pour atteindre les objectifs climatiques globaux. La Carbon Removal Alliance et le Carbon Business Council ont publié une déclaration reconnaissant les annulations potentielles, mais refusant de commenter tant que le département de l’Énergie n’aura pas officialisé ses décisions. Un projet d’un demi-milliard de dollars pour General Motors, destiné à convertir une usine d’assemblage automobile existante dans le Michigan vers la production de véhicules électriques, est également menacé. Ces coupes additionnelles affecteraient massivement des États rouges : le Texas subirait la plus grosse perte avec 54 projets totalisant 2,4 milliards, mais le Delaware, le Maryland, le Michigan, le Dakota du Nord, l’Ohio et la Virginie perdraient chacun plus d’un milliard.
L’Office of Clean Energy Demonstrations décimé
Si un seul bureau du département de l’Énergie symbolise cette destruction, c’est bien l’Office of Clean Energy Demonstrations (OCED). Créé par la loi bipartite sur les infrastructures (Bipartisan Infrastructure Law) avec un budget de 21 milliards de dollars sur dix ans, cet office avait pour mission spécifique de démontrer la viabilité commerciale de technologies énergétiques émergentes à grande échelle — exactement le type de mission que le secteur privé seul ne peut assumer en raison des risques technologiques et financiers. Avec les deux listes combinées, plus de 12,3 milliards de dollars d’engagements de l’OCED sont sur le billot — plus de la moitié de son budget décennal évaporé en quelques mois. Ces projets incluaient les hubs régionaux d’hydrogène propre, les hubs de captage direct de l’air, des projets de réacteurs nucléaires modulaires de nouvelle génération, et des démonstrations de stockage d’énergie à long terme. Le secrétaire Wright a déclaré à CNN qu’il prévoit d’annoncer « beaucoup plus » de coupes cet automne, ajoutant : « Attendez-vous à voir des annulations affectant à la fois les États rouges et bleus. » Le porte-parole du département, Ben Dietderich, a tenté de calmer le jeu en affirmant qu’« aucune détermination n’a été faite autre que ce qui a été précédemment annoncé », mais cette déclaration sonne creux face aux listes détaillées qui circulent et à la détermination affichée de Wright et Vought.
Les conséquences géopolitiques d'un sabordage industriel

La Chine applaudit pendant que l’Amérique se tire une balle dans le pied
Pendant que Washington s’autodétruit, Pékin jubile en silence. La Chine domine déjà 80% de la chaîne de valeur mondiale des batteries lithium-ion, 70% de la production de panneaux solaires, et investit massivement dans l’hydrogène vert avec des projets de dizaines de gigawatts en construction. Chaque projet américain annulé représente une opportunité de marché supplémentaire pour les entreprises chinoises, qui n’ont aucune contrainte politique interne les empêchant d’avancer. Lori Lodes, directrice exécutive de Climate Power, analyse sans détour : « La guerre de Trump contre l’énergie propre et ses politiques chaotiques ont déjà provoqué une hémorragie d’emplois manufacturiers dans des secteurs en plein essor depuis deux ans. » Elle ajoute que l’abrogation des subventions de l’Inflation Reduction Act « dévasterait l’industrie manufacturière américaine : arrêt de la construction, transfert d’emplois à l’étranger, augmentation des coûts de l’énergie et perte de l’avenir au profit de la Chine et de nos autres concurrents. » Les analystes de Goldman Sachs et Morgan Stanley confirment cette vision : en annulant ces projets, les États-Unis abandonnent volontairement leur positionnement dans les technologies énergétiques qui définiront l’économie mondiale des 50 prochaines années. C’est l’équivalent stratégique de la Grande-Bretagne abandonnant l’acier et les chemins de fer en pleine révolution industrielle.
L’Europe récupère les talents et les investissements américains
L’Union européenne, de son côté, observe cette débâcle avec un mélange de consternation et d’opportunisme calculé. Le Green Deal européen et le programme REPowerEU ont créé un écosystème attractif pour les investissements en énergie propre, avec des règles stables et prévisibles — exactement ce que l’Amérique de Trump ne peut plus offrir. Des ingénieurs américains spécialisés dans l’hydrogène, les batteries et le captage carbone commencent à recevoir des offres d’emploi de l’Allemagne, de la France, des Pays-Bas. Des entreprises européennes comme Siemens Energy, TotalEnergies et Ørsted, qui avaient investi massivement aux États-Unis, redirigent désormais leurs capitaux vers des projets domestiques ou vers des marchés plus stables comme le Canada et l’Australie. Le paradoxe est saisissant : l’administration Trump justifie ces coupes au nom de la « domination énergétique américaine », mais ses actions garantissent exactement l’inverse — la dépendance croissante des États-Unis vis-à-vis des technologies énergétiques étrangères. Le sénateur Alex Padilla de Californie l’exprime sans ambages : qualifier ces annulations de « preuve que cette administration ne prend pas au sérieux la domination énergétique américaine ».
Le Canada et le Québec comme refuges de la transition énergétique nord-américaine
Pendant ce temps, le Canada — et particulièrement le Québec — se positionne stratégiquement pour capter les retombées de ce chaos américain. La Stratégie québécoise sur l’hydrogène vert et les bioénergies, publiée en 2024-2025, mise précisément sur le développement de projets que les États-Unis sont en train d’abandonner. Le Québec possède des avantages structurels majeurs : une électricité abondante et décarbonée grâce à l’hydroélectricité, une main-d’œuvre qualifiée, une proximité géographique avec les marchés du Nord-Est américain, et surtout une stabilité politique et réglementaire qui fait cruellement défaut au sud de la frontière. Des entreprises américaines commencent discrètement à explorer des options pour relocaliser certains projets au Canada. Le Plan de mise en œuvre 2025-2030 du Plan pour une économie verte du Québec prévoit justement de consolider cette position, créant des milliers d’emplois en région près des gisements de ressources. Pour les travailleurs américains du secteur énergétique, l’ironie est amère : les emplois qu’ils pensaient sécuriser dans leurs communautés migrent vers le Canada, pas à cause de la délocalisation vers des pays à bas salaires, mais à cause de l’instabilité politique créée par leur propre gouvernement.
Les batailles juridiques et la résistance des États

Les poursuites judiciaires des États démocrates
Face à cette offensive, 17 États américains, principalement démocrates, ont lancé une contre-attaque juridique massive. Ces États — incluant la Californie, New York, Washington, l’Oregon et le Massachusetts — ont déposé une action collective devant les tribunaux fédéraux, arguant que l’administration Trump viole les lois qui ont créé et financé ces programmes énergétiques. L’argument juridique central est simple mais puissant : le Congrès a voté et alloué ces fonds de manière bipartite (la loi sur les infrastructures a été adoptée avec des votes républicains significatifs), et l’exécutif ne peut pas simplement refuser de dépenser des fonds légalement appropriés sans violer le Congressional Budget and Impoundment Control Act de 1974. Cette loi, adoptée après le scandale du Watergate, limite précisément le pouvoir du président de « geler » (impound) des fonds que le Congrès a autorisés. Les procureurs généraux des États plaignants dénoncent également le risque de détruire « des milliers d’emplois bien rémunérés et des milliards d’investissements », ainsi que de retarder la transition énergétique américaine. La sénatrice Patty Murray qualifie ces actions de « tentative flagrante de punir l’opposition politique », ajoutant que l’administration « prend des mesures illégales pour supprimer des emplois et augmenter les factures d’énergie des citoyens ».
L’argument de l’illégalité constitutionnelle
Les experts constitutionnels interviennent dans le débat avec des analyses accablantes pour l’administration Trump. Le principe de la séparation des pouvoirs est au cœur de l’argument : le Congrès détient le « pouvoir de la bourse » (power of the purse) selon l’Article I de la Constitution, ce qui signifie que seul le Congrès peut décider comment l’argent fédéral est alloué et dépensé. Le président peut proposer un budget et peut opposer son veto à des lois d’appropriation, mais une fois qu’une loi de financement est adoptée (et qu’un veto éventuel est surmonté ou qu’aucun veto n’a été exercé), l’exécutif est constitutionnellement tenu de dépenser ces fonds selon les directives du Congrès. Les démocrates citent la décision de la Cour suprême dans l’affaire Train v. City of New York (1975), où la Haute Cour a unanimement statué que le président Richard Nixon ne pouvait pas refuser de dépenser des fonds que le Congrès avait alloués pour le traitement des eaux usées. Les juristes conservateurs sont divisés sur cette question : certains arguent que le président dispose d’une autorité constitutionnelle inhérente pour refuser de dépenser des fonds qu’il juge mal avisés, tandis que d’autres reconnaissent que la jurisprudence établie penche fortement en faveur de l’autorité du Congrès. Les tribunaux traiteront probablement ces affaires en procédure accélérée vu les enjeux économiques massifs.
Les recours d’appel des entreprises et les 30 jours de sursis
Au niveau individuel, chaque entreprise ou organisation dont le projet a été annulé dispose d’un droit de recours. Le département de l’Énergie a accordé 30 jours aux bénéficiaires pour contester les décisions de terminaison — un délai ridiculement court pour préparer une contestation substantielle de projets valant parfois des centaines de millions de dollars. Les entreprises se trouvent dans une position délicate : contester agressivement pourrait aliéner définitivement l’administration et compromettre toute chance de financement futur, mais ne pas contester signifie accepter la perte de projets dans lesquels elles ont déjà investi des ressources considérables. Certaines grandes entreprises, comme General Motors et Occidental Petroleum, ont les ressources légales pour mener des batailles prolongées. Mais les startups et les petites entreprises innovantes — précisément celles que ces programmes étaient censés soutenir — n’ont souvent pas les moyens de poursuivre le gouvernement fédéral en justice pendant des années. Les avocats spécialisés en droit administratif et énergétique connaissent une explosion de demandes de consultation. Plusieurs cabinets d’avocats pro bono (gratuits) spécialisés dans le climat ont annoncé qu’ils offriraient une assistance juridique aux petites entreprises affectées, mais les ressources demeurent limitées face à l’ampleur des besoins.
Conclusion

L’instant charnière où tout bascule
Nous sommes en octobre 2025, et l’histoire énergétique américaine vient de basculer dans une direction que peu auraient imaginée il y a cinq ans. Les 223 projets annulés, les 7,56 milliards de dollars volatilisés, les 15 milliards supplémentaires en danger ne sont pas de simples statistiques budgétaires — ce sont des choix civilisationnels qui détermineront la position de l’Amérique dans l’économie mondiale des décennies à venir. Chaque usine de batteries non construite, chaque hub d’hydrogène abandonné, chaque projet de modernisation du réseau électrique annulé représente un territoire économique que la Chine, l’Europe ou d’autres puissances émergentes vont occuper à la place. L’administration Trump et Russell Vought présentent ces coupes comme de la prudence fiscale et du pragmatisme énergétique, rejetant ce qu’ils appellent le « programme climatique de la gauche ». Mais les faits racontent une histoire différente : ces projets avaient été approuvés de manière bipartite, créaient des emplois dans des États rouges et bleus, attiraient des investissements privés massifs avec des ratios de levier impressionnants, et positionnaient les États-Unis pour dominer les technologies énergétiques du futur. Ce qui se joue ici n’est pas une simple guerre budgétaire — c’est la question de savoir si l’Amérique participera ou regardera de loin la révolution énergétique du 21ᵉ siècle.
Les gagnants et les perdants d’une guerre idéologique
Les gagnants de cette débâcle sont faciles à identifier. Les industries fossiles traditionnelles — pétrole, gaz naturel, charbon — respirent soulagées de voir leurs concurrents émergents décapités avant d’avoir atteint leur maturité commerciale. La Chine consolide son avance technologique écrasante dans les batteries, les panneaux solaires et l’hydrogène vert sans avoir à lever le petit doigt. Les avocats spécialisés en litiges gouvernementaux vont engranger des honoraires substantiels pendant des années. Mais les perdants ? Ils sont innombrables et souvent invisibles. Les travailleurs de la vallée centrale de Californie qui attendaient les 200 000 emplois promis par ARCHES. Les communautés rurales du Dakota du Nord qui misaient sur les projets de captage carbone pour diversifier leurs économies post-pétrole. Les ingénieurs américains qui vont émigrer en Europe ou au Canada, emportant avec eux des décennies de savoir-faire. Les contribuables américains qui ont déjà financé des années de recherche et développement dans ces technologies, pour ensuite voir les fruits de ces investissements récoltés par des concurrents étrangers. Les futures générations qui hériteront d’une infrastructure énergétique obsolète et d’une position économique affaiblie. L’ironie ultime : même les États républicains qui ont soutenu Trump découvrent avec stupeur que leurs projets locaux sont également dans le viseur, sacrifiés sur l’autel d’une guerre culturelle qu’ils croyaient cibler uniquement les États côtiers démocrates.
Ce que l’avenir nous réserve au-delà des décombres
À court terme, attendez-vous à une escalade juridique et politique sans précédent. Les tribunaux fédéraux vont trancher des questions constitutionnelles fondamentales sur l’équilibre des pouvoirs entre le Congrès et l’exécutif. Le Congrès lui-même pourrait intervenir — même des républicains commencent à s’inquiéter des impacts dans leurs districts. Les élections de mi-mandat de 2026 seront en partie un référendum sur cette politique énergétique destructrice. Mais à moyen et long terme, les conséquences seront plus profondes et potentiellement irréversibles. La fenêtre d’opportunité pour dominer les technologies énergétiques émergentes est étroite — une décennie, peut-être moins. Une fois que la Chine et l’Europe auront établi leur domination totale sur ces chaînes de valeur, les rattraper deviendra exponentiellement plus difficile et coûteux. Les emplois manufacturiers perdus ne reviennent généralement pas, surtout quand l’écosystème industriel complet (fournisseurs, main-d’œuvre qualifiée, infrastructure de recherche) se décompose. Les investisseurs institutionnels ont des mémoires longues — cette volatilité politique va dissuader les investissements énergétiques aux États-Unis pendant des années, quel que soit le parti au pouvoir. La recommandation pour les acteurs de l’industrie énergétique est claire : diversifier géographiquement, investir massivement dans les marchés politiquement stables (Europe, Canada, certains pays asiatiques), et considérer les États-Unis comme un marché secondaire jusqu’à ce que la stabilité réglementaire soit restaurée. Pour les travailleurs du secteur : acquérir des compétences transférables internationalement et être prêt à la mobilité géographique. Pour les citoyens : comprendre que les choix faits aujourd’hui détermineront quelle génération paiera les factures énergétiques les plus élevées et vivra dans les communautés économiquement les plus fragiles dans 20 ans. Ce n’est pas de l’alarmisme — c’est de l’analyse froide de trajectoires historiques que nous avons déjà observées dans d’autres secteurs industriels.