Un homme qui ne recule devant aucune controverse
Robert F. Kennedy Jr. vient de remettre le couvert. Encore. Toujours. L’homme ne s’arrête jamais, ne se fatigue jamais de multiplier les déclarations qui font bondir la communauté scientifique. Cette fois, c’est l’autisme qui passe à la moulinette de ses théories alternatives. Selon lui — oui, encore lui — les pesticides seraient la cause principale des troubles du spectre autistique. Pas les vaccins cette fois, non. Les pesticides. Comme si changer de coupable suffisait à rendre ses affirmations plus crédibles. Comme si l’absence totale de preuves scientifiques solides n’était qu’un détail négligeable dans son croisade personnelle contre… contre quoi, au juste ? La médecine moderne ? Le consensus scientifique ? La raison elle-même ? Kennedy Jr., ce fils de légende politique devenu l’épouvantail des experts en santé publique, multiplie les sorties médiatiques avec une constance troublante. Il parle fort, il parle vite, il parle sans relâche. Et des millions de personnes l’écoutent, fascinées ou terrifiées.
Une déclaration qui tombe comme une bombe… ou plutôt comme une énième provocation
Les mots sont sortis de sa bouche lors d’une conférence organisée par un groupe militant contre les produits chimiques agricoles. Kennedy Jr. s’est lancé dans un long monologue où il a accusé l’industrie des pesticides d’empoisonner nos enfants, de détruire leur cerveau en développement, de créer une épidémie d’autisme sans précédent. Ses arguments ? Un mélange de corrélations douteuses, d’anecdotes personnelles et de références à des études marginales que la communauté scientifique a largement écartées. Rien de nouveau sous le soleil, diront certains. Kennedy Jr. recycle ses vieilles méthodes : prendre un problème de santé publique complexe, identifier un bouc émissaire commode, ignorer les montagnes de recherches qui contredisent sa thèse, et présenter le tout avec une assurance qui confine à l’arrogance. Le résultat ? Des parents inquiets qui se tournent vers Google plutôt que vers leur pédiatre. Des familles qui abandonnent les traitements éprouvés au profit de régimes alimentaires fantaisistes ou de cures détox sans fondement. Un climat de méfiance généralisée envers les institutions sanitaires.
Pourquoi cette obsession pour l’autisme
Kennedy Jr. n’en est pas à son coup d’essai avec l’autisme. Depuis des années, il martèle que cette condition neurologique — qui touche désormais environ un enfant sur trente-six aux États-Unis — résulte d’une agression environnementale. Avant, c’était le mercure dans les vaccins. Ensuite, l’aluminium. Puis les ondes électromagnétiques. Maintenant, les pesticides. Toujours quelque chose d’extérieur, toujours un complot industriel, toujours une vérité cachée que lui seul oserait révéler. Cette obsession reflète une vision simpliste de la science : l’idée qu’il existerait une cause unique, facilement identifiable, à un trouble aussi complexe que l’autisme. Or, toutes les recherches sérieuses convergent vers une réalité bien plus nuancée. L’autisme est un spectre, pas une maladie monolithique. Il implique des centaines de gènes, des interactions environnementales subtiles, des mécanismes neurologiques que nous commençons à peine à comprendre. Réduire tout cela à « les pesticides sont coupables » relève de la caricature intellectuelle. Mais Kennedy Jr. ne fait pas dans la nuance. Il ne fait jamais dans la nuance.
Les pesticides dans le viseur : ce que dit vraiment la science

Des études existent, mais elles ne disent pas ce que Kennedy prétend
Oui, des chercheurs ont exploré les liens possibles entre exposition prénatale aux pesticides et développement neurologique. Certaines études ont trouvé des associations statistiques faibles entre certains produits chimiques agricoles et des retards cognitifs chez l’enfant. Mais association ne signifie pas causalité. C’est le B.A.-BA de l’épidémiologie, ce que tout étudiant en première année apprend. Pourtant, Kennedy Jr. saute allègrement par-dessus cette distinction fondamentale. Il prend ces études — souvent limitées, parfois contradictoires — et les transforme en preuves irréfutables d’un empoisonnement massif. La réalité ? Les pesticides peuvent effectivement poser des risques pour la santé, notamment chez les travailleurs agricoles exposés à des doses élevées. Mais extrapoler de là à affirmer qu’ils causent l’autisme chez les enfants du grand public relève de l’acrobatie intellectuelle. Les doses, la durée d’exposition, les mécanismes biologiques précis… tout cela compte. Tout cela manque cruellement dans le discours de Kennedy Jr.
Le glyphosate au centre des accusations
Kennedy Jr. cible particulièrement le glyphosate, l’herbicide le plus utilisé au monde, commercialisé sous la marque Roundup. Selon lui, ce produit infiltre notre alimentation, notre eau, notre air, et détruit silencieusement le cerveau de nos enfants. Le glyphosate fait effectivement l’objet de controverses scientifiques et juridiques depuis des années. Certaines agences le classent comme probablement cancérogène, d’autres estiment les preuves insuffisantes. Mais concernant l’autisme spécifiquement ? Les données sont inexistantes ou extrêmement faibles. Aucune étude robuste, aucun mécanisme biologique plausible démontré, aucun consensus parmi les experts. Kennedy Jr. s’appuie sur des corrélations temporelles douteuses : l’utilisation du glyphosate a augmenté, les diagnostics d’autisme aussi, donc l’un cause l’autre. Ce raisonnement est tellement truffé de failles logiques qu’il en devient presque comique. Sauf que personne ne riait dans la salle lorsqu’il a prononcé ces mots. Les gens hochaient la tête, prenaient des notes, filmaient avec leurs téléphones.
Ce que les vrais chercheurs en autisme pensent de tout ça
La communauté scientifique spécialisée dans l’autisme observe ce cirque médiatique avec un mélange de lassitude et d’inquiétude. Lassitude parce qu’ils doivent constamment démentir les mêmes fausses informations recyclées sous différentes formes. Inquiétude parce que chaque nouvelle théorie farfelue détourne l’attention et les ressources des véritables enjeux. Les chercheurs travaillent sur des pistes prometteuses : la génétique, les interactions gènes-environnement, les biomarqueurs précoces, les interventions comportementales adaptées. Ils progressent lentement mais sûrement vers une meilleure compréhension de l’autisme et de meilleures stratégies d’accompagnement. Et pendant ce temps, Kennedy Jr. accapare les micros pour raconter que la solution serait d’interdire les pesticides et de… voilà, problème résolu ! Cette simplification outrancière fait du tort à tout le monde : aux familles qui méritent des informations fiables, aux personnes autistes qui voient leur condition réduite à une maladie environnementale à guérir, aux scientifiques dont le travail rigoureux est balayé d’un revers de main.
L'autisme n'est pas une maladie à guérir

Redéfinir notre compréhension du spectre autistique
Voici ce que Kennedy Jr. ne comprend manifestement pas : l’autisme n’est pas une épidémie causée par des toxines modernes. C’est une façon différente de fonctionner neurologiquement, présente dans toutes les cultures, à toutes les époques. Ce qui a changé, c’est notre capacité à le diagnostiquer. Les critères diagnostiques se sont élargis au fil des décennies. Les outils d’évaluation se sont affinés. La sensibilisation a augmenté. Résultat : des enfants qui auraient été simplement considérés comme « bizarres » ou « difficiles » il y a cinquante ans reçoivent maintenant un diagnostic précis. Cette augmentation des chiffres ne reflète pas nécessairement une augmentation réelle de la prévalence, mais une meilleure identification. Les adultes autistes qui témoignent aujourd’hui racontent souvent qu’ils ont passé leur enfance sans diagnostic, incompris, marginalisés. L’autisme était là, invisible, non nommé. Aujourd’hui, on le reconnaît mieux. C’est un progrès, pas une catastrophe sanitaire.
Les dangers de la rhétorique anti-autisme
Lorsque Kennedy Jr. parle d’autisme comme d’un fléau à éradiquer en éliminant les pesticides, il véhicule un message profondément blessant pour les personnes autistes et leurs familles. Ce discours sous-entend que l’autisme est quelque chose de fondamentalement mauvais, une aberration qui n’aurait pas dû exister. Il ignore complètement la diversité du spectre autistique, les forces et les talents spécifiques que de nombreuses personnes autistes possèdent, leur droit à être acceptées telles qu’elles sont plutôt que d’être « guéries ». Bien sûr, certaines personnes autistes font face à des défis importants et ont besoin d’un soutien conséquent. Personne ne nie cela. Mais la solution n’est pas de chercher frénétiquement une cause environnementale unique à éliminer. La solution est d’investir dans l’accompagnement, l’inclusion, l’adaptation de notre société aux besoins de tous ses membres. Kennedy Jr. détourne l’attention de ces enjeux concrets vers une chasse aux sorcières chimiques qui ne mène nulle part.
Pourquoi cette obsession pour une cause externe unique
Il y a quelque chose de profondément humain dans le besoin de trouver un coupable externe lorsqu’on fait face à quelque chose de difficile à comprendre. Si l’autisme de mon enfant vient des pesticides, alors ce n’est pas génétique, ce n’est pas ma faute, ce n’est pas le fruit du hasard cruel de la biologie. C’est la faute de Monsanto, de l’agriculture industrielle, du système. Cette externalisation de la responsabilité apporte un certain réconfort psychologique. Elle transforme l’angoisse diffuse en colère dirigée. Kennedy Jr. exploite brillamment ce mécanisme émotionnel. Il offre aux parents inquiets un récit cohérent, un ennemi à combattre, une illusion de contrôle. « Mangez bio, évitez les pesticides, et vos enfants seront protégés. » C’est rassurant. C’est aussi complètement déconnecté de la réalité scientifique de l’autisme, qui implique des facteurs génétiques complexes largement indépendants de notre alimentation ou de notre environnement chimique immédiat.
Le parcours politique trouble de Robert F. Kennedy Jr.

D’avocat environnementaliste à figure controversée
Kennedy Jr. n’a pas toujours été le polémiste anti-vaccin qu’on connaît aujourd’hui. Pendant des années, il s’est fait un nom comme avocat spécialisé dans la défense de l’environnement, poursuivant avec succès des entreprises polluantes, défendant la qualité de l’eau et de l’air. Son travail était respecté, ses combats légitimes. Puis quelque chose a basculé au début des années deux mille. Il s’est lancé dans une croisade contre les vaccins, publiant un article largement décrédité affirmant que le mercure dans les vaccins causait l’autisme. Malgré les démentis scientifiques répétés, malgré le retrait de cet article par plusieurs publications, il a persisté. Il a fondé des organisations militant contre la vaccination obligatoire. Il a aligné conférence après conférence, interview après interview, répétant les mêmes affirmations sans preuves. Sa célébrité familiale lui ouvrait toutes les portes médiatiques, et il en a profité pour diffuser des messages que n’importe quel scientifique anonyme aurait eu bien du mal à faire passer.
Une candidature présidentielle qui inquiète les experts
En 2023, Kennedy Jr. a annoncé sa candidature à l’élection présidentielle américaine, d’abord comme démocrate puis comme indépendant. Cette ambition politique a amplifié sa plateforme médiatique de manière exponentielle. Soudain, ses théories sur les vaccins, les pesticides, l’autisme, le Covid-19 atteignaient un public encore plus large. Les débats présidentiels devenaient des tribunes pour ses idées controversées. Les journalistes, obligés de couvrir un candidat portant un nom aussi emblématique que Kennedy, relayaient ses déclarations même en les critiquant. L’effet net ? Une normalisation progressive de discours scientifiquement infondés. Kennedy Jr. utilisait l’immunité politique pour dire des choses qu’aucun responsable de santé publique ne pourrait affirmer sans perdre immédiatement sa crédibilité. Et ça marchait. Ses sondages grimpaient parmi certains segments de l’électorat, notamment ceux déjà méfiants envers les institutions gouvernementales et médicales.
Les alliances douteuses et les financements opaques
Derrière Kennedy Jr. se cache tout un écosystème d’organisations, de groupes de pression, de financeurs dont les motivations méritent examen. Certains soutiennent sincèrement ses positions par conviction idéologique. D’autres voient en lui un outil utile pour semer la confusion scientifique et affaiblir les réglementations sanitaires qui nuisent à leurs intérêts commerciaux. Les liens entre mouvements anti-vaccins et certaines industries de médecines alternatives sont bien documentés. Quand on déstabilise la confiance dans la médecine conventionnelle, on ouvre un marché juteux pour les suppléments non réglementés, les thérapies non prouvées, les régimes miracles. Kennedy Jr. nie farouchement tout conflit d’intérêt, se présentant comme un lanceur d’alerte désintéressé combattant les géants pharmaceutiques et agrochimiques. Mais son propre enrichissement personnel à travers livres, conférences payantes et donations à ses organisations soulève des questions légitimes sur ses véritables motivations.
L'impact dévastateur sur les familles et la santé publique

Des parents détournés des interventions efficaces
Le discours de Kennedy Jr. ne reste pas confiné aux auditoriums et aux plateaux télé. Il se propage sur les réseaux sociaux, dans les groupes de parents, sur les forums de discussion. Et il produit des conséquences concrètes désastreuses. Des familles retardent ou refusent des interventions comportementales précoces pour l’autisme — les seules approches scientifiquement validées pour améliorer la communication et l’adaptation sociale — au profit de protocoles de détoxification dangereux. Des enfants sont soumis à des régimes alimentaires restrictifs sans supervision médicale, risquant des carences nutritionnelles graves. D’autres reçoivent des chélations pour éliminer des métaux lourds supposément responsables de leur autisme, une procédure invasive qui a causé des décès documentés. Tout cela parce que des influenceurs irresponsables comme Kennedy Jr. ont convaincu leurs parents que l’autisme était une intoxication réversible plutôt qu’une différence neurologique nécessitant compréhension et soutien.
L’érosion de la confiance dans les institutions sanitaires
Chaque déclaration fracassante de Kennedy Jr. grignote un peu plus la confiance du public envers les agences de santé, les médecins, les scientifiques. « Ils nous cachent la vérité », martèle-t-il. « Ils sont payés par l’industrie », insinue-t-il. « Ils veulent nous empoisonner pour ensuite nous vendre leurs médicaments », suggère-t-il. Cette rhétorique conspirationniste crée un climat de suspicion généralisée qui déborde largement la question des pesticides ou de l’autisme. Elle alimente la méfiance envers les vaccins, entraînant des chutes de couverture vaccinale et des résurgences de maladies qu’on croyait éradiquées. Elle pousse des gens à refuser des traitements médicaux éprouvés au profit de remèdes charlatanesques. Elle transforme chaque recommandation de santé publique en objet de débat idéologique. Le paradoxe cruel ? Kennedy Jr. se présente comme défenseur de la santé publique tout en sabotant systématiquement les fondations mêmes qui la rendent possible.
Les personnes autistes prises en otage du débat
Au milieu de tout ce tumulte médiatique, les voix des personnes autistes elles-mêmes sont rarement entendues. Beaucoup militent activement contre la rhétorique « curative » de Kennedy Jr., affirmant que l’autisme fait partie de leur identité, pas une maladie à éliminer. Elles réclament acceptation, accommodements, inclusion — pas détoxification ni guérison. Mais leurs témoignages sont noyés sous le flot de déclarations sensationnalistes. Kennedy Jr. parle au nom des familles touchées par l’autisme sans jamais consulter les principales concernées. Il décide unilatéralement que l’autisme est un drame, une tragédie, un empoisonnement qu’il faut combattre. Cette approche paternaliste nie l’autonomie et la dignité des personnes autistes. Elle perpétue des stigmates nuisibles. Elle détourne les ressources vers la recherche de causes hypothétiques plutôt que vers l’amélioration des conditions de vie concrètes des personnes autistes aujourd’hui.
Pesticides et santé : où est le vrai débat

Les risques réels et documentés des pesticides
Ironiquement, en criant au loup sur l’autisme, Kennedy Jr. occulte les véritables problèmes posés par certains pesticides. Oui, l’exposition professionnelle prolongée à des produits chimiques agricoles augmente les risques de cancers, de troubles neurologiques, de problèmes reproductifs. Les travailleurs agricoles, particulièrement dans les pays en développement où les régulations sont lâches, paient un prix sanitaire énorme. Les écosystèmes aquatiques souffrent de contaminations qui perturbent la faune. Les pollinisateurs essentiels à notre agriculture déclinent en partie à cause d’insecticides mal utilisés. Voilà des enjeux sérieux, documentés, qui méritent attention politique et action réglementaire. Mais en mélangeant ces préoccupations légitimes avec des affirmations fantaisistes sur l’autisme, Kennedy Jr. décrédibilise l’ensemble du débat sur les pesticides. Les défenseurs de l’industrie agrochimique peuvent facilement pointer ses exagérations pour rejeter toute critique, même fondée.
La complexité des interactions environnement-santé
La science des expositions environnementales et de leurs effets sur la santé humaine est incroyablement complexe. Il n’existe quasiment jamais de relation simple cause-effet comme « produit X provoque maladie Y ». Les humains sont exposés simultanément à des milliers de substances chimiques différentes à des doses variables tout au long de leur vie. Les interactions entre ces expositions, nos gènes, nos comportements, notre alimentation créent une mosaïque causale presque impossible à démêler complètement. Les chercheurs sérieux progressent lentement, identifiant des associations, testant des mécanismes biologiques plausibles, établissant des niveaux d’exposition sûrs basés sur des données robustes. Ce travail minutieux ne produit pas de révélations spectaculaires. Il produit des ajustements graduels de nos réglementations, des avertissements ciblés pour les populations à risque, une compréhension toujours plus fine mais toujours incomplète. Kennedy Jr. n’a que faire de cette complexité. Il veut des réponses simples, des coupables évidents, des solutions immédiates.
Vers une agriculture plus responsable sans tomber dans le catastrophisme
La transition vers des pratiques agricoles moins dépendantes des pesticides de synthèse est souhaitable et possible. L’agriculture biologique, la lutte intégrée contre les ravageurs, la sélection de variétés résistantes offrent des alternatives viables. Mais cette transition nécessite investissements, recherche, formation des agriculteurs, acceptation par les consommateurs de prix parfois plus élevés. C’est un projet de long terme qui demande pragmatisme et nuance. Hurler que les pesticides causent l’autisme ne fait pas avancer cette transition d’un millimètre. Au contraire, cela polarise le débat, pousse les acteurs dans des camps retranchés, empêche le dialogue constructif. Les agriculteurs, déjà sur la défensive face aux critiques de leurs pratiques, se braquent davantage quand ils entendent des accusations aussi extrêmes et infondées. Les consommateurs, bombardés de messages contradictoires, ne savent plus qui croire et finissent souvent par ne rien changer à leurs habitudes. Kennedy Jr. crée du bruit, pas du progrès.
Ce que la science sait vraiment sur les causes de l'autisme

La génétique au cœur du puzzle
Si on veut parler sérieusement des origines de l’autisme, commençons par les faits établis. Des centaines d’études convergent vers une forte composante génétique. Les jumeaux identiques ont une probabilité beaucoup plus élevée d’être tous deux autistes que les jumeaux fraternels. Les familles avec un enfant autiste ont un risque accru d’avoir un deuxième enfant autiste. Les chercheurs ont identifié des centaines de variations génétiques associées à l’autisme, impliquant des gènes régulant le développement cérébral, la communication neuronale, la plasticité synaptique. Aucun gène unique ne cause l’autisme — c’est une constellation de variations génétiques qui, combinées, augmentent la probabilité de développer un fonctionnement neurologique autistique. Cette complexité génétique explique pourquoi le spectre est si large, allant de personnes nécessitant un soutien intensif à des individus parfaitement autonomes avec des particularités sociales ou sensorielles subtiles. Les pesticides n’ont aucun rôle dans ces mécanismes génétiques fondamentaux.
Les facteurs prénataux et périnataux documentés
Au-delà de la génétique, certains facteurs environnementaux durant la grossesse ou l’accouchement montrent des associations avec l’autisme. L’âge avancé des parents, particulièrement du père, augmente légèrement les risques. Certaines infections maternelles sévères durant la grossesse, certaines complications obstétricales, l’exposition à des médicaments spécifiques comme l’acide valproïque montrent des liens établis. Mais même ces facteurs n’expliquent qu’une fraction minoritaire des cas d’autisme. Et surtout, ils interagissent probablement avec des prédispositions génétiques sous-jacentes. Un enfant avec un bagage génétique vulnérable peut basculer vers l’autisme suite à un stress prénatal, tandis qu’un enfant sans ces variations génétiques restera non affecté par le même événement. Cette interaction gènes-environnement est infiniment plus subtile que le modèle simpliste « pesticide égale autisme » de Kennedy Jr. Elle demande des études longitudinales massives, des analyses statistiques sophistiquées, une patience scientifique que les activistes pressés ne possèdent pas.
Pourquoi les diagnostics augmentent vraiment
Revenons sur cette fameuse « épidémie d’autisme » que Kennedy Jr. agite comme preuve d’une catastrophe environnementale moderne. Les chiffres sont réels : la prévalence diagnostiquée a explosé en quarante ans. Mais les raisons n’ont rien de mystérieux. Les critères diagnostiques se sont élargis pour inclure tout le spectre, pas seulement les cas les plus sévères. Les outils de dépistage se sont améliorés, permettant d’identifier l’autisme chez des enfants qui auraient été manqués auparavant. La sensibilisation a augmenté chez les professionnels de santé et les parents, encourageant les évaluations. Les services ont évolué, rendant le diagnostic plus accessible. Plusieurs études ont montré que lorsqu’on applique rétroactivement les critères modernes à des populations passées, on trouve des taux d’autisme similaires à ceux d’aujourd’hui. L’autisme était là, simplement invisible, non compté, non reconnu. Sa soudaine visibilité statistique reflète un progrès dans notre capacité à l’identifier, pas une nouvelle épidémie toxique.
Conclusion

Le vrai scandale derrière les déclarations de Kennedy Jr.
Robert F. Kennedy Jr. vient donc d’ajouter une couche supplémentaire à son édifice de désinformation médicale. Les pesticides rejoignent les vaccins, le mercure, l’aluminium dans sa galerie des coupables imaginaires de l’autisme. Cette nouvelle itération de sa croisade illustre parfaitement le danger des personnalités charismatiques détachées de toute rigueur scientifique. Kennedy Jr. possède la plateforme, le nom de famille, l’assurance rhétorique pour convaincre des milliers, voire des millions de personnes. Mais il ne possède pas les preuves. Il ne possède pas le soutien de la communauté scientifique. Il ne possède que des théories séduisantes, des corrélations trompeuses, et une volonté apparemment inébranlable d’ignorer toute donnée contredisant sa vision du monde. Le scandale n’est pas que les pesticides causent l’autisme — cette affirmation est simplement fausse. Le scandale est qu’une telle figure puisse répandre ces faussetés sans conséquence, profitant de l’inquiétude légitime des parents et de la méfiance croissante envers les institutions pour bâtir sa propre notoriété politique.
Ce qui doit changer maintenant
Nous sommes à un tournant critique concernant la santé publique et l’information scientifique. Les plateformes médiatiques doivent cesser de traiter les affirmations de Kennedy Jr. comme des opinions respectables méritant débat équilibré. Ce ne sont pas des opinions, ce sont des erreurs factuelles. Les journalistes doivent contextualiser systématiquement ses déclarations avec les positions de la communauté scientifique. Les réseaux sociaux doivent appliquer rigoureusement leurs politiques contre la désinformation médicale, quel que soit le statut de celui qui la propage. Les institutions sanitaires doivent investir massivement dans la communication accessible et la lutte contre les mythes, plutôt que de supposer naïvement que la vérité scientifique s’impose d’elle-même. Et nous, citoyens, devons développer notre esprit critique, apprendre à distinguer corrélation et causalité, exiger des preuves avant d’accepter des affirmations extraordinaires. L’autisme mérite mieux que d’être instrumentalisé dans des guerres idéologiques.
Mon appel aux familles et aux décideurs
Aux familles confrontées à l’autisme : vous méritez des informations fiables, des soutiens concrets, une société inclusive qui accueille vos enfants tels qu’ils sont. Ne laissez pas des figures comme Kennedy Jr. vous détourner vers des impasses coûteuses et potentiellement dangereuses. Consultez des professionnels formés, connectez-vous avec des communautés de personnes autistes, investissez dans ce qui marche vraiment : interventions comportementales précoces, adaptations scolaires, thérapies du langage si nécessaire. Aux décideurs politiques : cessez de donner une tribune démesurée aux charlatans sous prétexte de représenter toutes les opinions. Certaines opinions sont simplement erronées et nuisibles. Protégez la santé publique en régulant mieux la désinformation médicale, en finançant la recherche sérieuse sur l’autisme, en renforçant les services d’accompagnement. Et oui, discutons des pesticides — de leurs vrais risques, des alternatives viables, des transitions nécessaires. Mais faisons-le avec honnêteté scientifique, pas avec les fantasmes toxiques d’un politicien en quête d’attention.