La mort qui déclenche une guerre culturelle
Un mois après l’assassinat de Charlie Kirk — abattu sur le campus de l’Université Utah Valley le 10 septembre 2025, une balle dans la gorge, en pleine discussion sur les fusillades de masse — sa veuve, Erika Kirk, vient de prendre les commandes de Turning Point USA. Et là, immédiatement, l’organisation conservatrice frappe… un coup de tonnerre : elle annonce son propre spectacle de la mi-temps pour le Super Bowl LX, le 8 février 2026. Pas un hommage discret. Non. Un contre-programme agressif, baptisé The All American Halftime Show, qui fera face — minute par minute — au spectacle officiel de la NFL avec Bad Bunny, superstar portoricaine aux 80 millions d’auditeurs mensuels sur Spotify. Charlie avait bâti Turning Point pour mobiliser la jeunesse conservatrice autour de Trump. Maintenant qu’il est mort — Tyler Robinson, 22 ans, attend son procès pour meurtre avec aggravation —, l’organisation exploite son absence pour radicaliser encore davantage son message et transformer le Super Bowl en terrain de bataille politique.
Bad Bunny : la cible parfaite pour le ressentiment MAGA
Pourquoi Bad Bunny ? Parce qu’il incarne tout ce que le mouvement MAGA déteste. Il chante exclusivement en espagnol. Il a refusé de tourner sur le continent américain par crainte que l’ICE (Immigration and Customs Enforcement) ne traque ses fans lors de ses concerts. Il a soutenu Kamala Harris pendant la présidentielle de 2024. Et lors de son passage à Saturday Night Live le 4 octobre, il a conclu son monologue en espagnol avec cette punchline incendiaire : « Si vous n’avez pas compris ce que je viens de dire, vous avez quatre mois pour apprendre ». Le lendemain, la toile conservatrice explosait. Mike Johnson, président de la Chambre des représentants, qualifie le choix de Bad Bunny de « décision terrible » et suggère que Lee Greenwood, 82 ans, chanteur de God Bless the U.S.A. avec 450 000 auditeurs mensuels — soit 190 fois moins que Bad Bunny —, serait un choix « plus rassembleur ». Même Trump, qui admet « ne jamais avoir entendu parler de lui », traite la sélection d’« absolument ridicule » et de « folle ». Kristi Noem, secrétaire à la Sécurité intérieure, promet que l’ICE sera « partout » au Super Bowl. La mécanique est enclenchée : on ne parle plus de musique… mais de revanche culturelle.
L’organisation sans son fondateur, mais pas sans calcul
Turning Point n’a pas attendu. Le jeudi 9 octobre 2025, à peine un mois après la mort de Kirk, l’organisation annonce The All American Halftime Show sur X, promettant de célébrer « foi, famille et liberté ». Aucun artiste confirmé. Aucun lieu révélé. Mais un sondage en ligne demande aux supporters quel genre musical ils veulent voir… et la première option, provocante jusqu’au ridicule, est : « Anything in English » (« N’importe quoi en anglais »). Ce n’est pas subtil. C’est une déclaration de guerre linguistique, ethnique, politique. Jack Posobiec, influenceur conservateur et « ami » du défunt Charlie Kirk, a lancé l’idée sur The Charlie Kirk Show début octobre : il veut que Creed, groupe de rock chrétien floridien, prenne la tête de ce spectacle alternatif. « Par tous les critères, Creed a mérité la mi-temps du Super Bowl », a-t-il martelé. « Il est temps qu’ils nous emmènent plus haut. Vers un endroit aux rues dorées ». Le buzz enfle. Les supporters MAGA partagent des montages de Creed. Les paris circulent. Et Erika Kirk, désormais PDG de Turning Point, ne dit rien — ce qui alimente encore plus la spéculation. Le silence est une arme.
L'ombre de Charlie Kirk plane sur le projet

Un assassinat qui a radicalisé le mouvement
Charlie Kirk a été tué en direct, devant 3 000 personnes, lors d’un événement en plein air à Orem, Utah, le 10 septembre 2025. Il discutait des fusillades de masse avec un étudiant nommé Hunter Kozak. Ses derniers mots, captés par les caméras : « En comptant ou sans compter la violence des gangs ? ». Puis une détonation. Une balle tirée depuis le toit du Losee Center, à 130 mètres. Le sang a jailli du côté gauche de son cou. Il s’est effondré. Six hommes l’ont porté jusqu’à un SUV qui l’a conduit à l’hôpital Timpanogos Regional, où il a été déclaré mort à 14 h 40. Trump a annoncé sa mort sur Truth Social. Le tireur présumé, Tyler James Robinson, 22 ans, s’est rendu à la police le 12 septembre. Il est accusé de meurtre avec préméditation, obstruction de la justice, intimidation de témoins et perpétration d’un acte violent en présence d’enfants. Les procureurs réclament la peine de mort. Les enquêteurs disent que l’attaque était « politiquement motivée ». Mais aucun lien direct avec des groupes de gauche n’a été établi à ce jour. Peu importe. Pour les partisans de Kirk, les coupables sont déjà identifiés : la « gauche radicale », les démocrates, le discours « haineux » contre les conservateurs. Trump lui-même a accusé les progressistes d’avoir créé un climat propice à cet assassinat. Des dizaines d’Américains ont perdu leur emploi après avoir publié des commentaires jugés insensibles ou célébrant la mort de Kirk sur les réseaux sociaux. C’est dans ce contexte de vengeance et de colère que Turning Point lance son spectacle rival.
Erika Kirk, la veuve qui reprend le flambeau
Erika Kirk n’a pas hésité. Ancienne Miss Arizona USA 2012, basketteuse universitaire, diplômée en sciences politiques de l’Université d’État de l’Arizona, elle était déjà impliquée dans Turning Point avant la mort de son mari. Ils se sont mariés en 2021 et ont eu deux jeunes enfants ensemble. Le 18 septembre 2025, soit huit jours après l’assassinat, le conseil d’administration de Turning Point l’a nommée PDG et présidente du conseil. Le communiqué précise que Charlie avait exprimé son souhait qu’Erika prenne la relève en cas de décès. Lors de ses premières déclarations publiques le 12 septembre, elle avait promis : « Le mouvement que mon mari a créé ne mourra pas. Sa mission ne s’arrêtera pas, pas même un instant ». Elle a juré de poursuivre l’American Comeback Tour sur les campus universitaires comme prévu cet automne. Maintenant, elle ajoute une nouvelle arme à l’arsenal : un spectacle de la mi-temps qui défie frontalement la NFL et Bad Bunny. C’est audacieux. C’est risqué. Mais c’est cohérent avec la stratégie de Turning Point : provoquer, polariser, mobiliser. Erika n’a pas la notoriété de Charlie, mais elle a son nom, son héritage… et une base militante prête à se battre.
Le timing : un mois après la tragédie
L’annonce de The All American Halftime Show tombe le 9 octobre 2025, exactement 29 jours après la mort de Charlie Kirk. Certains y voient un hommage. D’autres, une récupération cynique. La vérité ? Probablement un mélange des deux. Turning Point sait que la colère est encore vive, que les vidéos de l’assassinat circulent toujours sur les réseaux sociaux — des images graphiques, sanglantes, qui ont choqué le pays. L’organisation surfe sur cette émotion pour justifier son contre-spectacle : « Nous ne nous rendrons pas ni ne nous agenouillerons devant le mal. Nous continuerons ». Le message est clair : Charlie est mort, mais la guerre continue. Et cette guerre, maintenant, passe par le Super Bowl. Par Bad Bunny. Par la langue espagnole. Par l’identité portoricaine. Par tout ce qui, aux yeux de MAGA, représente une menace pour l’« Amérique authentique ». Le timing n’est pas un hasard. C’est une manipulation émotionnelle savamment orchestrée.
Bad Bunny, la cible idéale pour une mobilisation conservatrice

Un artiste qui refuse de plier
Bad Bunny — de son vrai nom Benito Antonio Martínez Ocasio — est l’artiste le plus écouté au monde. Ses quatre derniers albums ont atteint la première place du Billboard 200, tous genres confondus. Il vient de terminer une résidence de 31 concerts exclusivement à Porto Rico. Il a animé Saturday Night Live le 4 octobre 2025 et joue dans des films comme Happymore et Caught Stealing. Il est catholique. Il est citoyen américain. Mais pour les conservateurs, rien de tout cela ne compte. Ce qui compte, c’est qu’il chante en espagnol. Ce qui compte, c’est qu’il a dit publiquement qu’il ne tournait pas sur le continent américain par crainte que l’ICE ne cible ses fans. Ce qui compte, c’est qu’il a soutenu Kamala Harris et qu’un humoriste pro-Trump avait traité Porto Rico d’« île flottante d’ordures » lors d’un meeting à Madison Square Garden. Bad Bunny n’a jamais plié. Il n’a jamais cherché à plaire aux conservateurs. Et c’est précisément pour ça qu’il est devenu l’ennemi public numéro un de MAGA.
Les attaques politiques pleuvent de toutes parts
Les réactions conservatrices ont été immédiates. Mike Johnson, président républicain de la Chambre des représentants, a déclaré que Bad Bunny était un « choix terrible » et a suggéré Lee Greenwood comme alternative, un chanteur qui aurait un « public plus large » — malgré des chiffres Spotify 190 fois inférieurs. Trump a affirmé qu’il n’avait « jamais entendu parler de lui » et a qualifié la sélection de « folle » et « ridicule ». Robby Starbuck, influenceur conservateur, a tweeté : « Est-ce que ce gars crie vraiment football américain pour quelqu’un ? Soyez honnêtes. Personne ne pense ça. Ce n’est pas une question de musique ; c’est une question d’un gars sur scène qui déteste Trump et MAGA ». Megyn Kelly a appelé au boycott du Super Bowl LX. Le sénateur républicain Bernie Moreno a rejoint le chœur des critiques. Kristi Noem, secrétaire à la Sécurité intérieure, a promis que l’ICE serait « partout » au Super Bowl pour « assurer la sécurité ». L’attaque est coordonnée, systématique, impitoyable. Bad Bunny n’est pas juste un artiste. Il est devenu un symbole de tout ce que MAGA veut effacer.
La réponse de Bad Bunny : défiant et inébranlable
Bad Bunny n’a pas reculé. Lors de son monologue à Saturday Night Live le 4 octobre, il a parlé en espagnol de son spectacle de la mi-temps, disant qu’il honorerait la culture latino, avant de conclure en anglais : « Si vous n’avez pas compris ce que je viens de dire, vous avez quatre mois pour apprendre ». La salle a explosé en applaudissements. Les réseaux sociaux ont embrasé. Les conservateurs ont hurlé à l’insulte. Les progressistes ont célébré son courage. Bad Bunny a aussi reçu le soutien de célébrités comme Jennifer Lopez, LeBron James, Shakira et Bruno Mars. Depuis l’annonce de sa sélection le 28 septembre 2025, ses écoutes sur Spotify ont augmenté de 26%. La controverse ne lui a pas nui. Au contraire. Elle l’a propulsé encore plus haut. Et maintenant, avec Turning Point qui organise un spectacle rival, Bad Bunny devient le centre d’une guerre culturelle qu’il n’a jamais demandée… mais qu’il ne semble pas prêt à fuir.
Le spectacle rival : détails, ambitions et zones d'ombre

Un événement sans lieu, sans artistes, mais avec un message
Turning Point USA a annoncé The All American Halftime Show le 9 octobre 2025 via un post sur X. L’événement aura lieu le 8 février 2026, en même temps que le spectacle officiel de la NFL au Levi’s Stadium à Santa Clara, Californie. Mais à part la date et le titre, presque rien n’est confirmé. Pas de lieu précis. Pas d’artistes officiels. Pas de détails sur la diffusion. Le site web de l’événement se contente de promettre une célébration de « foi, famille et liberté ». Il inclut un formulaire où les supporters peuvent s’inscrire pour recevoir des mises à jour et choisir leurs genres musicaux préférés parmi : Americana, rock classique, country, hip-hop, pop, culte… et « Anything in English ». Cette dernière option est devenue virale. Elle résume toute l’intention du spectacle : un rejet frontal de Bad Bunny et de sa langue. Un rejet de la diversité. Un rejet de la culture latino. C’est brutal, c’est explicite, c’est assumé. Turning Point ne cache pas son jeu. Ils veulent un spectacle « 100% américain », et pour eux, « américain » signifie « anglophone, chrétien, conservateur ».
Creed en tête d’affiche ? Les rumeurs s’intensifient
Aucun artiste n’a été officiellement confirmé, mais un nom revient sans cesse : Creed. Le groupe de rock chrétien floridien, célèbre pour des titres comme Higher et With Arms Wide Open, est présenté comme le candidat idéal par plusieurs influenceurs conservateurs. Jack Posobiec, proche de Charlie Kirk, a lancé l’idée sur The Charlie Kirk Show début octobre : « Creed a mérité la mi-temps du Super Bowl. Il est temps qu’ils nous emmènent plus haut. Vers un endroit aux rues dorées ». La référence biblique n’est pas anodine. Creed incarne un rock « propre », familial, chrétien — tout le contraire de Bad Bunny. Tim Pool, autre podcasteur conservateur, a soutenu l’idée. Des montages de Creed au Super Bowl circulent sur les réseaux sociaux. Le groupe a un calendrier de tournée apparemment libre en février 2026. Mais ni Creed ni leurs représentants n’ont confirmé quoi que ce soit. Reste que l’engouement est réel. Les supporters MAGA veulent Creed. Ils le réclament. Ils en font une cause. Et Turning Point, pour l’instant, laisse planer le mystère.
Les défis logistiques et financiers d’un tel événement
Organiser un spectacle rival au Super Bowl en moins de quatre mois n’est pas une mince affaire. Il faut un lieu capable d’accueillir des milliers de personnes — ou une plateforme de diffusion en ligne avec une infrastructure solide. Il faut des artistes de renom, ce qui coûte cher : les estimations de l’industrie suggèrent qu’un groupe comme Creed pourrait demander sept chiffres pour une performance de ce type. Il faut des sponsors, des partenaires, des autorisations. Il faut aussi gérer la concurrence directe avec la NFL, qui possède une machine marketing colossale et des milliards de téléspectateurs captifs. Turning Point a des ressources — l’organisation a grandi sous Charlie Kirk et dispose d’un réseau de donateurs conservateurs puissant. Mais transformer une annonce sur X en événement réel et crédible, c’est une autre histoire. Pour l’instant, tout ce que Turning Point a, c’est une promesse, un sondage en ligne et beaucoup de bruit. Le reste reste à construire.
Les précédents et la portée symbolique

Le contre-programme au Super Bowl, une tradition américaine
Le Super Bowl a toujours eu des contre-programmes. Des Puppy Bowls mignons pour ceux qui ne supportent pas le football. Des événements de catch ou de basket pour attirer d’autres publics. Mais ce que Turning Point propose est différent. Ce n’est pas un divertissement alternatif neutre. C’est une réponse politique directe à un choix artistique perçu comme une provocation. C’est une tentative de mobiliser une base idéologique contre un artiste et, par extension, contre une culture, une langue, une identité. C’est sans précédent dans l’histoire du Super Bowl. Jamais une organisation politique n’avait ouvertement organisé un spectacle rival avec un discours aussi clivant. Turning Point ne se cache pas. Ils assument. Ils revendiquent. Et ils espèrent que leur base les suivra — non pas parce qu’ils aiment Creed ou Lee Greenwood, mais parce qu’ils détestent Bad Bunny et tout ce qu’il représente.
Une bataille pour définir l’identité américaine
Au-delà du spectacle lui-même, ce qui se joue ici, c’est une guerre de définitions. Qu’est-ce qu’être américain en 2025 ? Pour Bad Bunny et ses supporters, être américain, c’est reconnaître la diversité linguistique, culturelle, ethnique du pays. C’est célébrer Porto Rico, qui fait partie des États-Unis depuis 1898 et dont les habitants sont citoyens américains. C’est accepter que l’espagnol soit parlé par des millions d’Américains et que la culture latino soit une composante essentielle du pays. Pour Turning Point et MAGA, être américain, c’est parler anglais, être chrétien, respecter des « valeurs traditionnelles » souvent définies de manière vague mais exclusives. C’est rejeter l’immigration, la diversité, le multiculturalisme. C’est défendre une vision nostalgique, homogène, fantasmée de l’Amérique — une Amérique qui n’a jamais vraiment existé, mais qui sert de socle idéologique à tout un mouvement. Le Super Bowl devient le terrain où ces deux visions s’affrontent. Et personne ne sait encore laquelle va l’emporter.
L’héritage de Charlie Kirk dans cette escalade
Charlie Kirk a passé sa vie à polariser. Il a fondé Turning Point USA à 18 ans en 2012 avec l’ambition de radicaliser la jeunesse conservatrice. Il a transformé l’organisation en machine de propagande pro-Trump, présente sur des centaines de campus universitaires, avec des millions de followers sur les réseaux sociaux. Il a tenu des débats publics agressifs, souvent filmés et viralisés, où il affrontait des étudiants progressistes. Il a normalisé le discours MAGA chez les jeunes. Maintenant qu’il est mort — assassiné en plein événement public —, son héritage est instrumentalisé pour justifier une escalade encore plus grande. Le spectacle rival au Super Bowl n’aurait probablement jamais existé si Charlie était encore en vie. Mais parce qu’il est mort, parce qu’il est devenu un martyr, Turning Point peut utiliser son nom pour aller encore plus loin, encore plus fort, encore plus radical. C’est cynique. C’est efficace. C’est dangereux.
Les réactions du public et des médias

Les supporters de Turning Point applaudissent
Pour la base MAGA, l’annonce de The All American Halftime Show est une victoire. Les réseaux sociaux conservateurs explosent de commentaires enthousiastes. « Je veux voir Creed au spectacle de la mi-temps de TPUSA », écrit un utilisateur. « Creed serait une telle amélioration par rapport à Bad Bunny. Monsieur le Président, pouvez-vous faire en sorte que cela se produise ? La NFL a besoin de votre aide », demande un autre. Des sondages en ligne circulent : « Regarderiez-vous un spectacle de la mi-temps de TPUSA avec Creed au lieu du spectacle déviant de la NFL ? ». Les réponses sont massivement positives parmi les conservateurs. Ils voient ce spectacle rival comme une forme de résistance, une façon de reprendre le contrôle sur un événement qu’ils jugent compromis par l’élite progressiste. Ils se sentent enfin entendus, enfin représentés. Et Turning Point capitalise sur ce sentiment en promettant un spectacle qui célèbre « foi, famille et liberté » — des valeurs que beaucoup de conservateurs estiment menacées.
Les critiques dénoncent le nativisme et le racisme
À l’opposé, les critiques sont féroces. Des commentateurs progressistes accusent Turning Point de nativisme, de racisme, de xénophobie. « MAGA veut transformer le spectacle de la mi-temps du Super Bowl en une plateforme pour les points de vue qu’ils approuvent exclusivement », écrit un utilisateur sous un article de Newsweek. « Ce qui frustre le plus MAGA, c’est qu’ils ne peuvent rien y faire. Bad Bunny va jouer au Super Bowl, et aucune plainte ou pleurs ne changera cela », ajoute un autre. Des célébrités comme Jennifer Lopez, LeBron James, Shakira et Bruno Mars — tous anciens artistes du Super Bowl ou défenseurs de la diversité — ont exprimé leur soutien à Bad Bunny. L’option « Anything in English » dans le sondage de Turning Point est devenue un symbole de leur intolérance linguistique. Les critiques soulignent aussi que Bad Bunny est citoyen américain, catholique, et que Porto Rico fait partie des États-Unis depuis plus d’un siècle. L’attaque contre lui n’est donc pas une défense de l’« américanité », mais une attaque contre la diversité elle-même.
Les médias amplifient la polarisation
Les médias, comme toujours, jouent un rôle d’amplificateur. Les chaînes conservatrices comme Newsmax et Fox News donnent la parole à ceux qui critiquent Bad Bunny et soutiennent Turning Point. Les médias progressistes comme CNN, NBC et The New York Times dénoncent le projet de Turning Point comme une tentative de « censure culturelle » et de « nationalisme linguistique ». Les réseaux sociaux, eux, deviennent des champs de bataille où chaque camp cherche à imposer sa narration. Les algorithmes favorisent le contenu polarisant, ce qui fait que chacun se retrouve dans une bulle où seule sa vision est validée. Résultat : la fracture se creuse. Le dialogue devient impossible. Et le Super Bowl, événement censé rassembler les Américains autour du sport, devient un terrain de division.
Les enjeux juridiques et éthiques

Peut-on légalement concurrencer le Super Bowl ?
Turning Point a le droit d’organiser un événement concurrent. La NFL ne possède pas de monopole sur les spectacles diffusés le jour du Super Bowl. Des contre-programmes ont existé par le passé — Puppy Bowl, événements de catch, concerts alternatifs — sans problème juridique majeur. Mais Turning Point marche sur une ligne fine. Si leur spectacle utilise des éléments protégés par copyright (logos NFL, musique officielle, images du stade), ils pourraient faire face à des poursuites. Si leur événement est perçu comme une tentative de confusion avec le spectacle officiel, ils pourraient être accusés de publicité mensongère ou de concurrence déloyale. Pour l’instant, ils semblent avoir évité ces pièges en créant une identité distincte : The All American Halftime Show n’est pas présenté comme une alternative approuvée par la NFL, mais comme un événement totalement séparé, avec son propre message, ses propres artistes, son propre lieu (encore inconnu). Juridiquement, ils sont probablement en sécurité. Mais éthiquement ? C’est une autre question.
L’exploitation de la mort de Charlie Kirk
Le plus problématique, éthiquement, c’est l’utilisation de la mort de Charlie Kirk pour justifier ce spectacle. L’organisation se présente comme poursuivant « l’héritage » de son fondateur. Mais Charlie Kirk n’a jamais annoncé de spectacle rival au Super Bowl. Il n’a jamais parlé de Bad Bunny. Il est mort un mois avant même que Bad Bunny soit confirmé comme artiste de la mi-temps. Turning Point utilise donc son nom, son image, son statut de « martyr » pour justifier une initiative qu’il n’a jamais validée. Est-ce légitime ? Est-ce respectueux ? Ou est-ce une manipulation ? Erika Kirk, sa veuve et nouvelle PDG, soutient l’initiative. Elle a le droit de perpétuer la mission de son mari. Mais elle prend aussi le risque de transformer Charlie Kirk en outil politique plutôt qu’en personne réelle avec des nuances, des doutes, des limites. C’est une zone grise. Et personne ne semble vouloir en parler.
Les risques de dérapage et de violence
Le contexte est explosif. Charlie Kirk a été assassiné il y a un mois. La violence politique est en hausse aux États-Unis. Trump a survécu à deux tentatives d’assassinat en 2024. Des dizaines d’Américains ont perdu leur emploi après avoir célébré ou minimisé la mort de Kirk sur les réseaux sociaux. L’administration Trump a lancé une répression contre l’« extrémisme politique » de gauche, largement critiquée par les défenseurs de la liberté d’expression. Dans ce climat, organiser un spectacle rival au Super Bowl avec un discours ouvertement anti-Bad Bunny, anti-latino, anti-diversité, c’est jouer avec le feu. Turning Point peut-il garantir la sécurité de son événement ? Peut-il s’assurer qu’aucun de ses supporters ne passera à l’acte violent contre Bad Bunny, ses fans, ou les personnes perçues comme « ennemies » ? Rien n’est moins sûr. Et si quelque chose tourne mal — une altercation, une attaque, un incident —, qui sera responsable ? Turning Point ? Erika Kirk ? L’héritage de Charlie Kirk ? Les questions restent sans réponse.
Conclusion

Un spectacle qui divise plus qu’il ne rassemble
Le projet de Turning Point USA n’est pas un simple spectacle rival. C’est une déclaration de guerre culturelle. En organisant The All American Halftime Show pour concurrencer Bad Bunny au Super Bowl LX le 8 février 2026, l’organisation fondée par feu Charlie Kirk ne cherche pas à proposer une alternative divertissante. Elle cherche à mobiliser une base idéologique contre un artiste perçu comme une menace à l’« américanité » telle qu’ils la définissent : anglophone, chrétienne, conservatrice. En inscrivant « Anything in English » comme première option dans leur sondage en ligne, Turning Point ne laisse aucun doute sur ses intentions : rejeter la diversité linguistique, culturelle et ethnique des États-Unis. Bad Bunny, citoyen américain, catholique, artiste le plus écouté au monde, devient le bouc émissaire d’une rage politique qui ne dit pas son nom. Ce spectacle ne rassemble pas. Il divise. Il polarise. Il radicalise.
L’ombre de Charlie Kirk et l’avenir de Turning Point
Charlie Kirk a été assassiné le 10 septembre 2025, une balle dans la gorge, devant 3 000 personnes à Utah Valley University. Sa veuve, Erika Kirk, a pris les commandes de Turning Point USA huit jours plus tard. Un mois après, elle annonce ce spectacle rival. Le timing est calculé. L’émotion est exploitée. Le nom de Charlie est instrumentalisé pour justifier une escalade qu’il n’a peut-être jamais voulue. Mais l’organisation ne recule pas. Elle ne doute pas. Elle avance, portée par la colère de sa base et l’héritage d’un homme devenu martyr. L’avenir de Turning Point dépendra de sa capacité à transformer cette annonce en réalité — trouver des artistes, un lieu, des sponsors, une diffusion — et à mobiliser suffisamment de monde pour que ce spectacle ne soit pas qu’un coup médiatique. Pour l’instant, tout ce qu’ils ont, c’est une promesse et beaucoup de bruit.
Ce que ce conflit révèle sur l’Amérique de 2025
Ce qui se joue ici dépasse largement Bad Bunny, Turning Point ou le Super Bowl. C’est une bataille pour définir l’identité américaine. D’un côté, ceux qui croient que l’Amérique est plurielle, diverse, multilingue, inclusive — que Porto Rico fait partie du pays, que l’espagnol est une langue américaine, que Bad Bunny est aussi américain que n’importe quel autre citoyen. De l’autre, ceux qui défendent une vision nostalgique, homogène, exclusive de l’Amérique — une Amérique blanche, anglophone, chrétienne, où la diversité est perçue comme une menace. Le Super Bowl devient le terrain de cette guerre. Mais ce n’est qu’un symptôme. La fracture est plus profonde. Elle traverse tout : la politique, la culture, les médias, les réseaux sociaux. Et personne ne sait comment la refermer. Peut-être qu’on ne peut pas. Peut-être qu’on est condamnés à vivre dans deux Amériques parallèles, qui se détestent, qui se combattent, qui ne se parlent plus. Et ça, c’est la vraie tragédie.