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L’apocalypse silencieuse des fermiers américains

Zéro. C’est le chiffre qui hante aujourd’hui les champs de soja du Midwest américain. Zéro vente à la Chine depuis mai 2025. La Chine, qui achetait pour douze milliards six cent millions de dollars de soja américain en 2024 — représentant cinquante-deux pour cent de toutes les exportations de soja des États-Unis — n’achète plus rien. Pas une seule graine. Pendant que les moissonneuses-batteuses récoltent une production record de quatre virgule trois milliards de boisseaux en ce mois d’octobre 2025, les fermiers américains regardent leurs silos se remplir de marchandises invendables. Entre juin 2024 et juin 2025, les exportations agricoles américaines vers la Chine ont chuté de trente-neuf pour cent. Le soja, principal produit d’exportation, s’est effondré de cinquante-et-un pour cent au cours de la même période. Et maintenant… plus rien. Les tarifs réciproques imposés par Donald Trump — culminant à cent quarante-cinq pour cent sur les importations chinoises au printemps — ont provoqué des représailles dévastatrices: la Chine a frappé les produits américains avec des droits de douane de cent vingt-cinq pour cent. Résultat? Les agriculteurs américains sont étouffés, leurs marchés évaporés, leurs revenus anéantis.

Le Brésil et l’Argentine volent les parts de marché américaines

Pendant que les fermiers du Dakota du Nord, de l’Illinois et de l’Iowa regardent leurs stocks s’accumuler, le Brésil célèbre. Entre janvier et août 2025, le Brésil a exporté deux virgule quatre cent soixante-quatorze milliards de boisseaux de soja vers la Chine — un record absolu. Le Brésil contrôle désormais soixante-seize pour cent des importations chinoises de soja. Et voilà qu’arrive l’Argentine. En septembre 2025, le président Javier Milei a supprimé les taxes à l’exportation sur le soja, rendant le produit argentin encore plus attractif pour Pékin. Résultat immédiat: vingt cargos de soja argentin vendus à la Chine en deux jours seulement. La cerise sur ce gâteau empoisonné? Les États-Unis viennent d’accorder à l’Argentine un prêt de vingt milliards de dollars via le Fonds monétaire international pour stabiliser son économie. Autrement dit, l’argent des contribuables américains finance indirectement le pays qui vole les parts de marché des fermiers américains. Caleb Ragland, président de l’American Soybean Association, a résumé l’absurdité de la situation: La frustration est écrasante. Les prix du soja américain s’effondrent, la récolte bat son plein, et les agriculteurs lisent dans les journaux non pas qu’un accord commercial avec la Chine est en vue, mais que le gouvernement américain accorde vingt milliards de dollars à l’Argentine pendant que ce pays supprime ses taxes d’exportation de soja pour en vendre vingt cargaisons à la Chine en deux jours.

Trump promet de l’aide… qui ne vient jamais

Donald Trump, confronté à la détresse de sa base électorale rurale, a multiplié les promesses. Nous avons tellement gagné d’argent avec les tarifs que nous allons en prendre une petite partie pour aider nos fermiers, a-t-il déclaré sur Truth Social le premier octobre. Mais les détails restent flous. Aucun plan concret n’a été dévoilé. Pendant ce temps, les fermiers font faillite. Les prix du soja ont chuté, les coûts de production ont explosé — les tracteurs, fertilisants et pièces de rechange coûtent plus cher à cause des tarifs de Trump sur l’acier et l’aluminium. Quarante pour cent de nos acres vont probablement être à l’équilibre ou en dessous, témoigne David Burrier, fermier du Maryland. Scott Gerlt, économiste en chef de l’American Soybean Association, prévient que la situation est particulièrement grave dans les États du Midwest comme le Dakota du Nord et du Sud. Cette année va être exceptionnellement difficile, dit-il. Entre 2018 et 2019, lors de la première guerre commerciale de Trump, les exportations agricoles américaines ont perdu plus de vingt-sept milliards de dollars. Le gouvernement avait alors distribué vingt-trois milliards pour compenser les pertes. Mais cette fois, les fermiers entrent dans le conflit déjà affaiblis financièrement. Et l’aide promise tarde à venir… ou ne viendra peut-être jamais.

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