Le paradoxe américain qui déchire une nation
Comment peut-on être Américain et lutter contre contre les Américains? Cette question, brutale et vertigineuse, traverse aujourd’hui les États-Unis comme une lame glacée. En 2025, vingt-quatre personnes ont déjà été assassinées dans des actes de terrorisme domestique à motivation politique — un chiffre qui fait de cette année la plus sanglante depuis 2019. Le pays qui se rêve phare de la démocratie se regarde dans le miroir et ne reconnaît plus son reflet. Depuis janvier 2020, quatre-vingt-un meurtres terroristes à motivation politique ont été recensés sur le sol américain — dont 54 % commis par l’extrême droite, 22 % par l’extrême gauche, 21 % par des islamistes. Ce ne sont plus des incidents isolés… C’est une fracture systémique, un pays qui s’auto dévore dans une spirale de haine où l’autre n’est plus un adversaire mais un ennemi à éliminer. Les enquêtes liées au terrorisme domestique ont augmenté de 357 % au cours de la dernière décennie, et le département de la Sécurité intérieure prévoit que cette menace restera élevée en 2025.
L’assassinat de Charlie Kirk comme symbole
Le 10 septembre 2025, Charlie Kirk — militant conservateur, fondateur de Turning Point USA et figure emblématique du mouvement MAGA — tombait sous les balles de Tyler Robinson, 22 ans, lors d’une conférence à l’Université de Utah Valley. Un meurtre qui n’est pas qu’un fait divers tragique mais le symptôme d’une maladie bien plus profonde. Car ce jour-là, ce n’est pas seulement un homme qui est mort… c’est l’idée même que le débat démocratique puisse exister sans violence. Immédiatement, le président Trump et le vice-président JD Vance ont instrumentalisé cet assassinat, accusant la gauche radicale d’avoir créé un « environnement de haine » propice à ce genre d’actes. La ministre de la justice Pam Bondi a même promis de « détruire l’organisation entière du sommet à la base » en visant les mouvements antifa, désignés comme terroristes le 22 septembre. Résultat? Une escalade de la rhétorique qui enflamme encore davantage les passions, transformant chaque camp en bouc émissaire de l’autre. La polarisation n’est plus idéologique — elle est devenue affective, viscérale, mortelle.
La violence comme nouveau langage politique
Les menaces et actes de harcèlement contre les responsables publics locaux ont augmenté de 9 % au premier semestre 2025 par rapport à 2024, avec plus de 250 incidents recensés dans plus de quarante États. Les élus — qu’ils soient démocrates ou républicains — vivent désormais dans la peur permanente. Beaucoup avouent hésiter à se représenter, à participer à des événements publics, à aborder des sujets controversés. Ce climat de terreur civique ferme l’espace démocratique, tue le débat et ouvre la porte à davantage de violence. Parce que lorsque les mots ne suffisent plus, les armes prennent le relais. Les attaques et complots terroristes domestiques visant des institutions gouvernementales pour des motifs politiques partisans sont aujourd’hui trois fois plus nombreux qu’au cours des vingt-cinq années précédentes. L’Amérique est entrée dans une ère où la violence politique n’est plus l’exception… Elle devient la norme. Et la question brûlante demeure: au nom de quoi des Américains s’attaquent-ils à d’autres Américains? Au nom d’une idéologie? D’une rage? D’une illusion identitaire?
Les racines profondes de la violence domestique américaine

Une histoire sanglante jamais digérée
La violence politique aux États-Unis ne date pas d’hier. Elle remonte à l’époque coloniale, aux tensions meurtrières entre loyalistes et patriotes durant la Révolution américaine. Les assassinats de John F. Kennedy en 1963, de Malcolm X en 1965, de Martin Luther King Jr. et Robert F. Kennedy en 1968… Tous ces meurtres ont marqué l’histoire, oui, mais ils n’ont jamais été digérés. Ils sont restés là, enfouis dans la mémoire collective comme des plaies ouvertes qui suintent encore aujourd’hui. L’attentat d’Oklahoma City en 1995, perpétré par Timothy McVeigh et tuant 168 personnes, a montré que le terrorisme domestique pouvait être tout aussi dévastateur que les attaques externes. Pourtant, cette réalité a longtemps été minimisée, occultée par la peur de « l’ennemi extérieur » — d’abord les communistes, puis les islamistes. Aujourd’hui, l’ennemi est intérieur. Il porte le même passeport, parle la même langue, mais ne partage plus la même vision du pays.
La montée de l’extrémisme domestique depuis 2001
Après le 11 septembre 2001, les États-Unis ont déclaré une « guerre contre le terrorisme » qui les a menés en Afghanistan, en Irak… partout sauf chez eux. Le USA Patriot Act a élargi les pouvoirs de surveillance, créé le statut de « combattant ennemi », mis en place Guantanamo. Mais pendant ce temps, le terrorisme domestique grandissait en silence. L’attentat de la mosquée d’El Paso en 2019, perpétré par Patrick Crusius et tuant vingt-trois personnes, a révélé la menace des suprémacistes blancs obsédés par la « Grande Remplacement » — une théorie complotiste qui a migré des marges vers le discours mainstream. Robert Bowers, en 2018, massacrait onze fidèles dans la synagogue Tree of Life à Pittsburgh, motivé par une haine antisémite et suprémaciste. En 2012, Wade Michael Page attaquait un temple sikh dans le Wisconsin, tuant sept personnes. Ces actes ne sont pas des anomalies — ce sont des signaux d’alarme que personne n’a voulu entendre. Aujourd’hui, le FBI et le DHS confirment que les suprémacistes blancs représentent la menace terroriste intérieure numéro un, au même niveau que l’État islamique.
L’explosion des enquêtes et la réponse politique fragmentée
Les enquêtes sur le terrorisme domestique ont explosé de 357 % en dix ans. Un chiffre vertigineux qui témoigne de l’ampleur du problème. Le Center for Strategic and International Studies rapporte qu’en 2019, les attaquants d’extrême droite étaient responsables de 66 % des attaques et complots, puis 90 % en 2020. Mais voilà le paradoxe: en mars 2025, l’administration Trump a réduit les effectifs du FBI consacrés au terrorisme domestique et supprimé un outil de suivi de ces enquêtes. Une base de données nationale suivant le terrorisme domestique, les crimes de haine et les fusillades dans les écoles — financée à hauteur de trois millions de dollars par le DHS — a été fermée. Pourquoi? Parce que le Project 2025 et certains cercles conservateurs considèrent la menace de l’extrême droite comme « fabriquée » et veulent protéger ces groupes de la surveillance gouvernementale. Pendant ce temps, la gauche radicale est désignée comme le nouvel ennemi public, malgré le fait que les incidents liés à l’extrême gauche restent minoritaires. Résultat: une réponse politique fragmentée, partisane, qui aggrave la polarisation au lieu de la combattre.
La polarisation affective: quand l'adversaire devient l'ennemi

De l’opposition politique à la haine viscérale
La notion de polarisation affective, théorisée par des chercheurs en psychologie sociale, est devenue la clé pour comprendre l’état actuel de la société américaine. Il ne s’agit plus simplement de désaccords politiques — il s’agit d’une haine viscérale où l’autre camp n’est plus perçu comme un rival respectable mais comme un ennemi existentiel. Les deux principaux camps politiques ne se parlent plus, ne s’écoutent plus, ne se reconnaissent plus d’humanité commune. Selon une étude CNN/SSRS, 64 % des Américains estiment que le pays est pris au piège de deux visions irréconciliables. Chaque élection devient une bataille finale, chaque défaite une catastrophe apocalyptique. Cette polarisation n’est pas que rhétorique — elle se traduit par des actes de violence, des menaces, des intimidations. Les élus locaux interrogés après les tentatives d’assassinat contre Trump en 2024 ont témoigné d’une augmentation significative de leur peur d’être agressés, ce qui les dissuade de se représenter ou de participer à des événements publics.
Le rôle des réseaux sociaux et de la désinformation
Les plateformes numériques ont amplifié cette polarisation de manière exponentielle. Les algorithmes favorisent les contenus qui provoquent de l’engagement — c’est-à-dire ceux qui choquent, indignent, enragent. Les bulles informationnelles se sont transformées en bunkers idéologiques hermétiques où chacun ne consomme que les informations qui confirment ses biais. La désinformation prolifère, les théories du complot se propagent plus vite que les faits vérifiés. Le réseau Terrorgram, un collectif d’extrême droite en ligne désigné comme organisation terroriste en janvier 2025, illustre comment Internet permet de radicaliser et de mobiliser des individus isolés à travers tout le pays. Ces « loups solitaires » — qui représentent la majorité des attaquants domestiques — se radicalisent en ligne, consomment de la propagande haineuse, puis passent à l’acte. Les technologies émergentes comme les drones armés et les armes imprimées en 3D facilitent encore davantage ces actes. Les cryptomonnaies permettent de financer discrètement des organisations terroristes comme l’État islamique ou le Hamas depuis le sol américain.
L’instrumentalisation politique de la violence
La violence n’est plus seulement subie — elle est instrumentalisée. Après l’assassinat de Charlie Kirk, Trump et Vance n’ont pas appelé à l’unité nationale. Ils ont pointé du doigt la gauche radicale, réclamé une répression féroce contre les mouvements antifa, et promis de « détruire » ces organisations. Cette rhétorique de guerre civile est devenue monnaie courante. Chaque acte de violence est immédiatement récupéré par l’un ou l’autre camp pour diaboliser l’adversaire et justifier une escalade répressive. Le département de la Justice a retiré en septembre 2025 une étude de 2024 montrant que la violence suprémaciste blanche et d’extrême droite « continue de dépasser tous les autres types de terrorisme et d’extrémisme violent domestique » aux États-Unis. Pourquoi? Parce que ces faits contredisent le narratif de l’administration. Résultat: on ne combat plus la violence — on la politise, on la sélectionne, on la manipule.
Les loups solitaires et l'extrémisme décentralisé

Le profil type de l’attaquant domestique
La majorité des actes terroristes domestiques aux États-Unis en 2025 sont perpétrés par des « loups solitaires » — des individus agissant seuls ou en petits groupes, sans direction externe formelle. Ces attaquants utilisent des tactiques peu sophistiquées: armes à feu, armes blanches, véhicules-béliers. Le jour de l’An 2025, Shamsud Din Jabbar, un soldat des forces spéciales en activité, a foncé avec un pick-up dans une foule à La Nouvelle-Orléans, tuant quatorze personnes et en blessant plus de cinquante. Il s’est suicidé avant l’explosion, et l’enquête a révélé des liens avec l’État islamique. Cet attentat a marqué la première attaque létale liée à l’État islamique sur le sol américain depuis 2017. Jabbar n’avait pas reçu d’ordres directs de l’organisation terroriste — il s’était radicalisé en ligne, avait consommé de la propagande jihadiste, puis était passé à l’acte. Ce modèle se répète encore et encore: des individus isolés, souvent en proie à des troubles psychologiques ou à une marginalisation sociale, qui trouvent dans l’idéologie extrémiste un sens à leur rage.
L’influence persistante de l’État islamique et d’al-Qaïda
Malgré la défaite territoriale de l’État islamique au Moyen-Orient, l’organisation continue d’inspirer des attaquants aux États-Unis. En 2024, le ministère de la Justice a arrêté neuf sympathisants de l’État islamique sur des accusations fédérales — contre six l’année précédente. Ces arrestations incluaient des projets d’attaques de masse, comme celui d’un résident de l’Oklahoma arrêté en octobre 2024 pour avoir planifié une attaque contre un bureau de vote le jour des élections, ou encore un résident canadien arrêté en septembre 2024 pour avoir projeté d’entrer aux États-Unis et de commettre une fusillade de masse dans un centre communautaire juif à New York. Le conflit israélo-palestinien, ravivé par les attaques du Hamas le 7 octobre 2023, a également alimenté la radicalisation aux États-Unis. Bien que la plupart des mobilisations se traduisent par des protestations sur les campus universitaires, certains réseaux pro-Hamas opèrent de manière clandestine, finançant l’organisation via des cryptomonnaies. L’État islamique et al-Qaïda exploitent ces tensions géopolitiques pour recruter et mobiliser leurs sympathisants américains.
Les technologies au service de la terreur
Les extrémistes domestiques utilisent de plus en plus de technologies émergentes pour planifier et exécuter leurs attaques. Les drones armés et les engins explosifs improvisés (IED) transportés par drones sont devenus une menace réelle. Les armes imprimées en 3D permettent de contourner les contrôles légaux et de fabriquer des armes à feu intraçables. En décembre 2024, le FBI a arrêté un individu en Virginie en possession du plus grand cache d’explosifs artisanaux jamais saisi par l’agence. Ces nouvelles capacités techniques abaissent la barrière d’entrée pour commettre des actes terroristes. Plus besoin d’un réseau organisé, de financements complexes ou de plans élaborés — un individu seul, avec un accès à Internet et quelques ressources, peut désormais causer des dégâts massifs. Cette décentralisation de la violence rend la prévention encore plus difficile. Comment détecter une menace lorsqu’elle émane d’un individu isolé qui n’a laissé aucune trace avant de passer à l’acte?
L'extrême droite: la menace la plus létale

Les suprémacistes blancs et la théorie du Grand Remplacement
Les données sont sans appel: depuis janvier 2020, l’extrême droite est responsable de 54 % des meurtres terroristes à motivation politique aux États-Unis — soit quarante-quatre assassinats sur quatre-vingt-un. Les suprémacistes blancs, néo-nazis et xénophobes violents constituent la menace terroriste intérieure la plus létale, selon le FBI et le département de la Sécurité intérieure. Leur idéologie s’articule autour de la théorie du Grand Remplacement — l’idée complotiste selon laquelle une élite mondialiste orchestrerait le « remplacement » de la population blanche par des immigrants non-blancs. Cette théorie, autrefois confinée aux marges de l’extrême droite, a migré vers le discours mainstream, répétée par certains médias conservateurs et figures politiques. Le massacre d’El Paso en 2019 — vingt-trois morts — a été perpétré par Patrick Crusius, qui avait publié un manifeste prônant la défense de la « race blanche » contre l’invasion hispanique. Cette rhétorique déshumanise les immigrants et les minorités, les transformant en menaces existentielles à éliminer.
Les groupes paramilitaires et milices armées
Les milices armées et groupes paramilitaires d’extrême droite se sont multipliés aux États-Unis ces dernières années. Les Proud Boys, Oath Keepers, Three Percenters… Ces organisations se présentent comme des « patriotes » défenseurs de la Constitution, mais leurs actions révèlent une volonté d’intimidation et de violence politique. L’assaut du Capitole le 6 janvier 2021 a montré leur capacité de mobilisation et leur dangerosité. Depuis, le FBI a identifié plusieurs complots visant à attaquer des institutions gouvernementales, des forces de l’ordre, des événements publics et des lieux de culte. Pourtant, l’administration Trump a affaibli les programmes de lutte contre le terrorisme domestique, réduisant les effectifs du FBI dédiés à cette mission et supprimant des outils de suivi. Le Project 2025, un plan conservateur pour une seconde présidence Trump, propose de protéger ces groupes en les soustrayant à la surveillance gouvernementale, sous prétexte que la menace serait « fabriquée ». Cette posture politique crée un environnement permissif où l’extrême droite peut opérer avec une relative impunité.
L’infiltration des forces de l’ordre et de l’armée
Des rapports récents révèlent une infiltration alarmante des forces de l’ordre et des rangs militaires par des éléments d’extrême droite. En Floride, des membres du Ku Klux Klan ont été activement recrutés pour rejoindre la police locale. Des militaires en activité ont été arrêtés pour des liens avec des organisations suprémacistes blanches ou pour avoir planifié des attaques. Shamsud Din Jabbar, l’auteur de l’attentat de La Nouvelle-Orléans, était un soldat des forces spéciales. Cette infiltration représente une menace interne particulièrement dangereuse: des individus formés au combat, ayant accès à des armes et des explosifs, et disposant de connaissances tactiques avancées. L’ancienne procureure fédérale Barbara McQuade a averti: « Si le FBI ferme les yeux sur ces choses, ou les facilite, nous allons en voir davantage — et c’est un danger pour la sécurité publique et la démocratie. » Le refus de reconnaître et de combattre cette menace crée un terreau fertile pour de futures violences.
L'extrême gauche: une menace en hausse mais minoritaire

L’augmentation récente des incidents liés à l’extrême gauche
Depuis 2016, les incidents terroristes liés à l’extrême gauche ont connu une augmentation notable aux États-Unis. Selon le Center for Strategic and International Studies, la première moitié de 2025 a enregistré cinq attaques ou complots d’extrême gauche — sans compter l’assassinat de Charlie Kirk. Si cette tendance se poursuit, 2025 pourrait être l’année la plus violente pour l’extrême gauche au cours des trente dernières années. Entre 1994 et 2000, la moyenne annuelle était de 0,6 incident; entre 2001 et 2015, elle est passée à 1,3; et depuis 2016, elle a grimpé à 4,0 par an. En termes relatifs, les incidents d’extrême gauche représentaient un pourcentage record de tous les actes terroristes domestiques au premier semestre 2025, en partie parce que d’autres formes de terrorisme ont diminué. Depuis janvier 2020, l’extrême gauche est responsable de 22 % des meurtres terroristes à motivation politique — soit dix-huit assassinats. Les mouvements antifa, les écologistes radicaux, les militants pour les droits des animaux et certains extrémistes pro-avortement constituent cette mouvance hétérogène.
La diabolisation de l’antifa et la répression annoncée
Après l’assassinat de Charlie Kirk, l’administration Trump a désigné les mouvements antifa comme organisation terroriste le 22 septembre 2025. La ministre de la justice Pam Bondi a promis de « détruire l’organisation entière du sommet à la base ». Le vice-président JD Vance a dénoncé « l’extrémisme de gauche incurablement destructeur » et appelé à une répression sévère. Cette rhétorique diabolise toute la gauche radicale, amalgamant des militants pacifiques avec des extrémistes violents. En réalité, l’antifa n’est pas une organisation centralisée avec une hiérarchie — c’est un mouvement décentralisé regroupant divers collectifs autonomes. Certains s’engagent dans des actions violentes, notamment lors de manifestations contre l’extrême droite, mais la majorité des militants antifa se concentrent sur des actions non-violentes. La désignation comme organisation terroriste permet à l’administration de réprimer largement toute opposition de gauche, en utilisant des outils juridiques exceptionnels comme le USA Patriot Act. Cette approche aggrave la polarisation en transformant un problème de sécurité publique en guerre idéologique.
Les risques d’escalade sous la présidence Trump
Les experts redoutent une escalade de la violence d’extrême gauche en réaction aux politiques de l’administration Trump. Les anarchistes, les militants antifascistes et d’autres groupes perçoivent la présidence Trump en termes existentiels, comme une menace directe contre les droits humains, l’environnement et les minorités. Cette perception alimente une radicalisation qui pourrait se traduire par davantage d’attaques. Les écologistes radicaux pourraient cibler des infrastructures liées aux énergies fossiles; les militants pro-avortement pourraient s’en prendre à des cliniques anti-avortement; les antifascistes pourraient mener des actions violentes contre des figures de l’extrême droite. La polarisation profonde et l’hyper-partisanerie transforment la politique américaine en un jeu à somme nulle où chaque camp se perçoit comme engagé dans une bataille pour la survie. Dans ce contexte, le risque de violence politique restera élevé en 2025 et au-delà. Le refus de l’administration de reconnaître la menace de l’extrême droite tout en réprimant sévèrement l’extrême gauche ne fera qu’aggraver cette spirale.
Les conséquences pour la démocratie américaine

L’érosion de l’espace civique et démocratique
La violence politique et les menaces constantes ont un effet glaçant sur l’engagement civique. Les élus locaux, confrontés à des menaces et du harcèlement, hésitent à se représenter, à participer à des événements publics ou à aborder des sujets controversés. Une enquête menée après les tentatives d’assassinat contre Trump a révélé une augmentation significative de l’inquiétude des responsables locaux face à l’hostilité, ce qui réduit leur volonté de servir. Ce phénomène ferme l’espace civique, limite les opportunités de dialogue constructif et décourage la participation démocratique. Les citoyens ordinaires, témoins de cette violence, peuvent également se retirer de la vie publique par peur. Résultat: une démocratie affaiblie où seuls les plus radicaux ou les plus courageux osent encore prendre la parole. Les institutions démocratiques, déjà fragilisées par des décennies de polarisation, risquent de s’effondrer sous le poids de cette violence endémique.
La militarisation du discours politique
Le langage politique américain s’est militarisé. Les adversaires sont des « ennemis », les débats sont des « batailles », les élections sont des « guerres ». Cette rhétorique de guerre civile normalise la violence en la présentant comme une réponse légitime aux désaccords politiques. Trump a parlé de déployer l’armée dans les grandes villes pour combattre la violence d’extrême gauche. Des figures politiques appellent à « détruire » leurs adversaires, à les « éliminer ». Ces mots ne sont pas anodins — ils créent un environnement où la violence devient acceptable, voire inévitable. Les sondages montrent que la majorité des Américains rejettent la violence politique, mais cette majorité silencieuse est noyée par le vacarme des extrêmes. Les leaders politiques doivent refuser les appels à la rétribution et s’abstenir de normaliser la violence. Pourtant, au lieu d’unir le pays, beaucoup choisissent d’exploiter cette violence à des fins partisanes, aggravant ainsi la fracture.
L’instrumentalisation de la sécurité nationale
Les outils de sécurité nationale, créés pour protéger le pays contre les menaces externes, sont désormais utilisés pour réprimer l’opposition intérieure. Le USA Patriot Act, adopté après le 11 septembre 2001, a élargi les pouvoirs de surveillance et créé le statut de « combattant ennemi », permettant de détenir des personnes sans inculpation. Ces outils sont aujourd’hui retournés contre les citoyens américains. Les lettres de sécurité nationale permettent au FBI d’obtenir des informations nominatives sans supervision judiciaire. L’administration Trump a utilisé ces pouvoirs pour cibler des militants de gauche, des journalistes et des opposants politiques. Cette militarisation de la justice transforme l’État en arme contre ses propres citoyens. Le retrait d’études scientifiques gênantes, la suppression de bases de données sur le terrorisme domestique, la réduction des effectifs du FBI consacrés à cette mission — tout cela témoigne d’une volonté de contrôler le narratif plutôt que de résoudre le problème. La démocratie américaine est en danger.
Au nom de quoi? Les racines idéologiques de la violence

L’identité comme champ de bataille
La question initiale résonne encore: au nom de quoi des Américains s’attaquent-ils à d’autres Américains? La réponse se trouve dans l’identité. L’identité raciale, religieuse, politique, idéologique est devenue le principal marqueur de division. Les Américains ne se définissent plus par ce qui les unit — la Constitution, les valeurs démocratiques, l’histoire commune — mais par ce qui les sépare. Les suprémacistes blancs croient défendre la « race blanche » contre un remplacement orchestré. Les islamistes américains voient dans la politique étrangère des États-Unis une guerre contre l’islam. Les militants de gauche perçoivent le système capitaliste et l’État comme des structures d’oppression à détruire. Chaque camp construit une mythologie dans laquelle il est le héros persécuté luttant contre un ennemi tout-puissant et maléfique. Cette vision manichéenne ne laisse aucune place au compromis, au dialogue, à la reconnaissance de l’humanité de l’autre.
La perte du sens commun et de la vérité partagée
Les États-Unis ont perdu leur sens commun — cette vérité partagée qui permet à une société de fonctionner malgré ses désaccords. Les faits sont contestés, les institutions disqualifiées, les experts ridiculisés. Chaque camp fabrique sa propre réalité alternative, imperméable aux preuves et aux arguments contraires. Les réseaux sociaux amplifient ce phénomène en créant des bulles informationnelles hermétiques. La désinformation prolifère, les théories du complot se banalisent. Quand il n’existe plus de vérité partagée, le débat devient impossible. Reste alors la violence comme seul moyen de trancher. Cette crise épistémologique est peut-être la menace la plus profonde pour la démocratie américaine. Sans un socle commun de faits acceptés, aucune résolution pacifique des conflits n’est possible. Les citoyens américains vivent désormais dans des mondes parallèles, incapables de se comprendre ou de se faire confiance.
L’absence de projets collectifs unificateurs
L’Amérique manque de projets collectifs capables de transcender les divisions. Après la Seconde Guerre mondiale, la lutte contre le nazisme puis contre le communisme ont fourni un ennemi commun et un but partagé. Après le 11 septembre, la « guerre contre le terrorisme » a temporairement uni le pays. Mais aujourd’hui, il n’existe plus de grand récit fédérateur. Les défis contemporains — changement climatique, inégalités économiques, crise sanitaire — sont perçus de manière radicalement différente par les deux camps. L’un y voit des menaces existentielles nécessitant une action collective urgente; l’autre y voit des impostures ou des prétextes pour étendre le contrôle gouvernemental. Cette absence de vision commune crée un vide que la violence vient remplir. Au lieu de construire ensemble, les Américains se détruisent mutuellement. Le projet américain lui-même — cette idée d’une nation fondée sur des principes universels plutôt que sur une ethnie ou une religion — est remis en question. Et sans projet commun, il n’y a plus de nation.
Conclusion

Ce qu’il faut retenir: une nation au bord du gouffre
Les États-Unis de 2025 sont une nation fragmentée, prise dans une spirale de violence politique qui menace les fondements même de sa démocratie. Vingt-quatre personnes ont déjà été assassinées cette année dans des actes terroristes à motivation politique — un chiffre record depuis 2019. L’extrême droite reste la menace la plus létale, responsable de 54 % des meurtres depuis 2020, tandis que l’extrême gauche connaît une augmentation préoccupante. Les enquêtes sur le terrorisme domestique ont explosé de 357 % en dix ans, mais la réponse politique reste fragmentée et partisane. L’administration Trump a réduit les moyens consacrés à la lutte contre l’extrémisme domestique tout en réprimant sévèrement l’opposition de gauche. Cette approche sélective aggrave la polarisation affective, transformant les adversaires politiques en ennemis à éliminer. Les loups solitaires, radicalisés en ligne et équipés de technologies émergentes, représentent une menace diffuse et imprévisible. L’espace civique se ferme, les élus se retirent par peur, et le discours politique se militarise.
Ce qui change dès maintenant: la normalisation de la violence
La violence politique n’est plus une anomalie aux États-Unis — elle devient la norme. Chaque assassinat, chaque menace, chaque attentat est immédiatement instrumentalisé à des fins partisanes, alimentant une escalade sans fin. Les institutions censées protéger la démocratie — le FBI, le département de la Justice, le DHS — sont affaiblies ou détournées de leur mission. Les données scientifiques sur le terrorisme domestique sont supprimées lorsqu’elles contredisent le narratif officiel. Les programmes de prévention de la violence sont démantelés. Le résultat? Un environnement permissif où la violence prospère. Les citoyens américains, confrontés à cette réalité, se retirent de la vie publique ou se radicalisent davantage. La majorité silencieuse qui rejette la violence est impuissante face au vacarme des extrêmes. Les leaders politiques, au lieu d’apaiser les tensions, les attisent pour des gains électoraux à court terme. Cette normalisation de la violence érode lentement mais sûrement les fondements de la démocratie américaine. Et ce qui change dès maintenant, c’est que personne ne peut plus prétendre que « ça n’arrive qu’aux autres ».
Ce que je recommande: sortir de la spirale avant qu’il ne soit trop tard
Il existe un moyen de sortir de cette spirale, mais il exige un courage politique que peu semblent prêts à démontrer. Les leaders doivent refuser catégoriquement les appels à la rétribution et cesser de normaliser la violence. Ils doivent reconnaître que la menace terroriste domestique traverse les lignes idéologiques et nécessite une réponse non partisane. Les programmes de lutte contre l’extrémisme domestique doivent être renforcés, pas démantelés. Les données scientifiques doivent guider les politiques publiques, pas les agendas politiques. Les plateformes numériques doivent être tenues responsables de la propagation de la désinformation et de la radicalisation en ligne. Les communautés locales doivent développer des solutions de prévention de la violence adaptées à leurs contextes. Les institutions éducatives doivent enseigner l’esprit critique et la littératie médiatique. Mais surtout, les Américains doivent redécouvrir leur humanité commune, au-delà des divisions idéologiques. Cela passe par le dialogue, l’écoute, la reconnaissance que l’autre n’est pas un ennemi mais un citoyen avec des préoccupations légitimes. Sans ce changement de paradigme, l’Amérique continuera de dévorer ses propres enfants.