Le cataclysme silencieux qui fracture l’Amérique
Il ne s’agit plus de politique. Non… Il s’agit de survie. De l’autre côté du 49e parallèle, les États-Unis ne forment plus une nation — ils se transforment en deux tribus ennemies, campées dans des réalités parallèles, armées de leurs propres vérités. Depuis le retour de Donald Trump au pouvoir en janvier 2025, le pays sombre dans une polarisation affective d’une violence inouïe. Ce n’est plus un simple débat d’idées. C’est une guerre culturelle, psychologique, où chaque camp perçoit l’autre non comme un adversaire respectable, mais comme une menace existentielle. Les chiffres sont là, froids et brutaux : 150 attaques à motivation politique en six mois. Le double de 2024. Des gouverneurs visés. Des élues assassinées. Des fonctionnaires limogés pour déloyauté. Et pendant ce temps, Trump parade à Washington tandis que des millions de citoyens descendent dans la rue pour hurler « No Kings ». L’Amérique n’est plus une démocratie apaisée — elle est devenue un champ de bataille où l’autoritarisme s’installe, où la violence se banalise, où le président lui-même choisit son camp et abandonne l’autre moitié du peuple à son sort.
Un président qui gouverne pour les républicains, pas pour l’Amérique
Voilà la réalité crue, insoutenable : Trump n’est plus le président des États-Unis d’Amérique. Il est devenu le président des États républicains. Cette distinction n’est pas rhétorique — elle est factuelle, documentée, visible dans chaque décision, chaque discours, chaque politique mise en œuvre depuis sa réinvestiture. Quand un leader divise volontairement son propre pays en deux, quand il crée un système de loyauté inconditionnelle où toute critique devient trahison, quand il ignore systématiquement les préoccupations de la moitié du pays qui n’a pas voté pour lui… comment peut-on encore parler d’unité nationale? Les démocrates ne sont plus considérés comme des citoyens légitimes, mais comme des ennemis à abattre. Les progressistes sont traités en parias. Les fonctionnaires fédéraux non alignés sont licenciés en masse. Et pendant que le pays s’enfonce dans un shutdown budgétaire historique — le troisième plus long de l’histoire —, Trump reste inflexible, préférant paralyser l’État plutôt que de négocier avec l’opposition. Cette stratégie n’est pas celle d’un président… c’est celle d’un empereur qui refuse de partager le pouvoir.
La fracture qui ne se referme plus
Dans les petits villages de Virginie-Occidentale, on évite désormais de prononcer son nom. À Berkeley Springs, les 850 habitants se sourient encore — mais ils se taisent. Parce que dire « Trump » à voix haute, c’est risquer l’explosion. « Tout le monde hausse le ton maintenant », témoigne une commerçante locale, tandis qu’un grand drapeau LGBT+ divise sa communauté. Voilà l’Amérique de 2025 : un pays où les voisins ne se parlent plus, où les familles se déchirent, où la simple évocation d’un nom cristallise des haines viscérales. Et ce n’est pas seulement une question de désaccord politique — c’est une guerre d’identité. Les conservateurs ancrés depuis des générations se sentent envahis par les progressistes venus des grandes villes. Les progressistes, eux, voient monter un fascisme rampant qu’ils ne reconnaissent plus. Entre les deux? Le silence. L’évitement. La peur. Car dans cette Amérique-là, parler politique, c’est prendre le risque de tout perdre : son commerce, ses amis, sa sécurité. Et pendant ce temps, le président attise les braises, cultive la division, transforme chaque débat en bataille existentielle. Parce qu’un peuple divisé est un peuple contrôlable.
Le système de loyauté : quand l'administration devient une secte

Le Project 2025 et la purge des « déloyaux »
Imaginez un gouvernement où chaque fonctionnaire doit prouver sa loyauté personnelle au président. Pas à la Constitution. Pas aux citoyens. Au président. C’est exactement ce que Trump et ses alliés ont mis en place avec le Project 2025, un programme de 900 pages coécrit par plus de 400 experts conservateurs. L’objectif? Restructurer l’État fédéral en imposant une fidélité politique absolue à chaque niveau de l’administration. Ce projet — le plus ambitieux jamais entrepris selon The Heritage Foundation — vise à transformer les ministères de Washington en bastions trumpistes. Et pour y arriver, Trump a réintroduit le Schedule F, un décret permettant de licencier massivement les fonctionnaires jugés « déloyaux ». Des milliers d’employés fédéraux ont déjà été mis à pied depuis le début du shutdown. Pas en congé temporaire — licenciés. Parce que l’administration Trump préfère détruire l’appareil d’État plutôt que de tolérer la dissidence. Des figures comme Jack Posobiec et Laura Loomer jouent le rôle de vigiles idéologiques, traquant les signes de déloyauté, dressant des listes de « traîtres ». Le message est clair : dans cette Amérique-là, la neutralité n’existe plus. Soit tu es avec Trump, soit tu es contre lui. Et si tu es contre lui… tu perds ton emploi, ta crédibilité, peut-être même ta sécurité.
L’autoritarisme déguisé en populisme
De nombreux experts du fascisme — Jason Stanley, Timothy Snyder, Johann Chapoutot, Claudia Koonz — dénoncent ouvertement l’autoritarisme de la seconde administration Trump. Certains vont jusqu’à parler de fascisme. D’autres, comme Christopher Browning, voient des « similarités troublantes » entre Trump et les dictateurs du XXe siècle. Mais Trump se défend en se présentant comme un populiste, un homme du peuple qui lutte contre les « élites corrompues ». Le problème? Cette rhétorique anti-élite est elle-même portée par une élite fermée, un club de milliardaires et d’idéologues qui contrôlent désormais les leviers du pouvoir. Le populisme trumpiste n’est qu’un masque — derrière se cache un projet de déconstruction de l’État au profit d’un pouvoir exécutif aux tendances arbitraires. Le Parti républicain lui-même s’est transformé en secte centrée autour d’une personnalité, où toute critique interne est bannie, où la loyauté personnelle prime sur les principes conservateurs. Les « freins et contrepoids » censés protéger la démocratie américaine? Ils lâchent un à un. Le Congrès est paralysé. La justice est attaquée. Les médias sont diabolisés. Et pendant ce temps, Trump concentre un pouvoir sans précédent dans les mains de l’exécutif.
La marginalisation systématique des démocrates
Mais le plus inquiétant, c’est la déshumanisation de l’opposition. Les démocrates ne sont plus traités comme des adversaires politiques — ils sont dépeints comme des ennemis de l’intérieur. Chaque acte de violence est immédiatement récupéré pour les accuser, les diaboliser, les marginaliser. Quand l’influenceur conservateur Charlie Kirk a été assassiné en septembre, Trump et son vice-président J.D. Vance ont immédiatement accusé « l’extrémisme de gauche » d’avoir créé un « environnement de haine ». Peu importe que les motivations du tueur restent floues. Peu importe qu’il venait d’une famille conservatrice. Ce qui compte, c’est le récit : la gauche est violente, dangereuse, elle doit être réprimée. Vance a même appelé à une « répression sévère » contre les organisations progressistes qu’il juge responsables de la violence politique. Cette stratégie vise à criminaliser toute opposition, à créer un climat où les démocrates ne peuvent plus s’exprimer sans être accusés de complicité avec la violence. Et ça fonctionne. Selon des études récentes, 40% des démocrates soutiendraient désormais le retrait « par la force » de Trump — un chiffre qui a doublé en un an. La violence politique ne vient plus d’une seule direction… elle se généralise, se banalise, devient une spirale infernale dont personne ne sait comment sortir.
La violence politique : une épidémie de rage

150 attaques en six mois : le double de 2024
Les chiffres donnent le vertige. Selon une banque de données de l’Université du Maryland, 150 attaques à motivation politique ont été commises durant les six premiers mois de 2025. C’est le double de la même période en 2024. Une épidémie de rage, incontrôlable, qui se propage à travers tout le pays. Le 13 avril, la maison du gouverneur de Pennsylvanie Josh Shapiro a été incendiée. Le 14 juin, Melissa Hortman, présidente de la Chambre des représentants du Minnesota, a été tuée par un homme déguisé en policier. Le 17 mai, un individu s’est fait exploser dans une voiture piégée près d’une clinique de fertilité en Californie. Le 25 juillet, quatre personnes ont été tuées dans une fusillade dans l’édifice abritant les bureaux de la NFL à New York. Ces violences sont vite oubliées. Digérées. Comme on passe à l’épisode suivant d’une série télévisée. Parce que dans l’Amérique de 2025, la violence politique est devenue banale, presque normale. On ne s’étonne plus. On hausse les épaules. On attend la prochaine attaque. L’expert de la violence politique Mike Jensen affirme que cette escalade est directement liée au climat toxique instauré depuis l’assaut du Capitole en 2021 et aggravé par le retour de Trump au pouvoir. Le pays est pris dans un cercle vicieux où chaque acte de violence justifie le suivant, où chaque camp accuse l’autre, où personne ne prend ses responsabilités.
Quand les deux camps justifient la violence
Le plus terrífiant, c’est que la violence n’est plus taboue — elle est justifiée. L’expert Robert Pape a publié des données alarmantes en 2025 : 40% des démocrates soutiendraient le retrait « par la force » de Trump de sa présidence. De l’autre côté, 25% des républicains soutiendraient l’usage de la violence contre les manifestations opposées aux politiques de Trump. Ces chiffres ont doublé en un an. Doublé. Cela signifie qu’une proportion croissante d’Américains — des deux côtés du spectre politique — considère désormais que la violence est une option acceptable pour défendre ses convictions. Ce n’est plus une frange marginale d’extrémistes… c’est une portion significative de la population qui bascule dans la radicalisation. Et cette tendance s’explique par la polarisation affective : quand on ne perçoit plus l’autre camp comme des citoyens respectables mais comme des ennemis, la violence devient légitime. Quand on croit sincèrement que l’autre camp menace l’existence même de la démocratie, alors tous les moyens deviennent justifiables. C’est exactement ce qui se passe. Les démocrates voient en Trump un fasciste qui détruit les institutions. Les républicains voient dans la gauche une menace existentielle qui veut détruire l’Amérique traditionnelle. Et entre ces deux récits incompatibles, il n’y a plus de place pour le dialogue, pour le compromis, pour la coexistence pacifique.
Les médias et la récupération politique des tragédies
Chaque acte de violence devient immédiatement une arme politique. Quand Charlie Kirk a été assassiné en septembre, Trump a publié des vidéos moqueuses et obscènes générées par l’IA pour ridiculiser ses adversaires. Les démocrates ont répliqué en diffusant des photos de Trump avec Jeffrey Epstein. Ce n’est plus du débat politique — c’est de la guerre de propagande, où chaque camp utilise les tragédies pour diaboliser l’autre. Le problème, c’est que cette récupération systématique empêche toute réflexion collective sur les causes profondes de la violence. Personne ne se demande pourquoi un jeune homme de 23 ans décide de tuer un influenceur conservateur. Personne ne cherche à comprendre les dynamiques sociales, économiques, psychologiques qui poussent des individus à la violence. Tout est immédiatement réduit à un récit partisan : « C’est la faute de la gauche » ou « C’est la faute de la droite ». Cette simplification est non seulement malhonnête intellectuellement — elle est dangereuse. Parce qu’elle alimente le cycle de la haine, parce qu’elle empêche toute solution, parce qu’elle garantit que la violence va continuer, s’intensifier, devenir endémique. Et pendant ce temps, les médias — des deux côtés — jouent le jeu, parce que la polarisation génère des clics, des audiences, des revenus. La violence politique est devenue un modèle économique.
Le shutdown de 2025 : arme de destruction massive

900 000 fonctionnaires en otage
Depuis le 1er octobre 2025, le gouvernement fédéral américain est en état de shutdown — une paralysie budgétaire totale. Contrairement au dernier shutdown de 2018-2019 qui ne concernait qu’environ le quart des agences, celui-ci est beaucoup plus étendu. Aucune loi de financement n’a été adoptée. Le résultat? 900 000 fonctionnaires fédéraux sont touchés : 750 000 en congé forcé sans rémunération, 150 000 qui continuent de travailler sans être payés. Chaque jour, 400 millions de dollars de salaires ne sont pas versés. Les musées publics de Washington ont fermé leurs portes. Les parcs nationaux comme Carlsbad au Nouveau-Mexique sont inaccessibles. Les files d’attente s’allongent dans les aéroports. Le traitement de dossiers est interrompu. L’émission de permis est suspendue. Les aides et subventions sont gelées. Et pendant ce temps, Trump et les républicains refusent tout compromis avec les démocrates. Parce que l’enjeu central — l’Affordable Care Act, alias Obamacare — est pour eux une question « d’orgueil et d’égo ». Les démocrates veulent reconduire immédiatement les subventions. Les républicains considèrent ce programme comme un « legs d’Obama » qu’ils refusent de défendre. Résultat: des centaines de milliers de familles américaines se retrouvent sans revenus. Non pas à cause d’une crise économique… mais à cause d’un jeu de pouvoir cynique où des vies humaines sont prises en otage pour des raisons idéologiques.
Une stratégie délibérée de déstabilisation
Ce shutdown n’est pas un accident. Ce n’est pas une conséquence malheureuse d’un désaccord légitime. C’est une stratégie délibérée. Trump et ses alliés utilisent la paralysie budgétaire comme une arme pour forcer l’opposition à plier. « Rien ne nous empêchera d’accomplir notre mission », a déclaré Trump. Quelle mission? Imposer sa vision, écraser toute résistance, gouverner sans compromis. Le Congressional Budget Office estime que si cette situation perdure, les conséquences économiques seront dramatiques. Le secteur privé est déjà affecté par l’interruption du travail des employés fédéraux. Le secteur touristique souffre. Les petites entreprises qui dépendent de contrats gouvernementaux sont au bord de la faillite. Et l’administration Trump a clairement indiqué qu’elle préfère effectuer des mises à pied définitives plutôt que d’accorder des congés temporaires — contrairement aux shutdowns passés où la paie était généralement octroyée rétroactivement. Cette décision est purement idéologique : il s’agit de réduire la taille de l’État fédéral, de purger les fonctionnaires jugés inutiles ou déloyaux, de transformer une crise budgétaire en opportunité pour déconstruire l’appareil gouvernemental. Et tant pis si des familles en pâtissent. Tant pis si l’économie en souffre. Pour Trump, la fin justifie les moyens.
Les démocrates impuissants face au bras de fer
Et l’opposition? Mutique. Paralysée. Incapable de reprendre l’initiative. Depuis le début du second mandat de Trump, les démocrates semblent totalement dépassés. Ils organisent des manifestations — comme les « No Kings » du 14 juin où des millions d’Américains sont descendus dans la rue pendant que Trump s’offrait une parade militaire à Washington. Ils dénoncent l’autoritarisme. Ils publient des photos compromettantes. Mais rien n’y fait. Parce qu’ils n’ont pas de levier de pouvoir. Le Congrès est bloqué. Les républicains contrôlent la majorité. Et Trump refuse catégoriquement toute négociation. Les sénateurs américains ont rejeté un projet de loi visant à maintenir les dépenses fédérales jusqu’à la fin novembre. Les négociations sont au point mort. Et pendant ce temps, le shutdown entre dans sa quatrième semaine, se rapprochant dangereusement du record de 35 jours établi en 2018-2019. À l’époque, ce blocage n’avait pris fin qu’après une grave perturbation du trafic aérien. Cette fois, les conséquences pourraient être bien plus sévères. Et si la situation perdure, peu importe qui « gagne » en forçant l’autre partie à céder — les reproches seront largement partagés, l’opinion publique sera encore plus mécontente, et les élections de l’année prochaine verront une nouvelle vague de politiciens promettant de renverser le statu quo. Le chaos engendre le chaos. Et Trump prospère dans le chaos.
La politique migratoire : diviser pour mieux régner

La plus grande opération d’expulsions de l’histoire
Trump avait promis pendant la campagne de lancer « la plus grande opération d’expulsions de l’histoire » des États-Unis. Et il a tenu parole. Depuis son retour au pouvoir, les raids de la police de l’immigration visant des travailleurs latinos sans papiers se multiplient. La garde nationale et les marines ont été déployés à Los Angeles. Un nouveau travel ban a été signé. « Rien ne nous empêchera d’accomplir notre mission », martèle Trump. Pendant que des millions d’Américains manifestaient le 14 juin dans le cadre des protestations « No Kings », Trump s’offrait une parade militaire à Washington — un spectacle de puissance destiné à montrer qu’il ne recule devant rien. Le problème? Cette politique migratoire divise profondément l’Amérique. Après la remontée de sa cote de popularité suite au plongeon printanier causé par les tarifs douaniers, Trump est reparti à la baisse. Selon la moyenne compilée par Nate Silver, un peu plus de 44% des Américains sont satisfaits de sa présidence. Et si l’immigration restait jusqu’à début juin son point fort avec la lutte contre l’insécurité, le président est passé dans le rouge depuis les raids massifs d’ICE à Los Angeles. Pourquoi? Parce que les Américains sont profondément attachés au respect des procédures légales. Parce qu’ils voient des familles déchirées, des enfants séparés de leurs parents, des travailleurs honnêtes traités comme des criminels.
Le recours à l’armée : un précédent dangereux
Mais ce qui inquiète le plus, c’est le recours à l’armée pour des opérations d’immigration. Déployer la garde nationale et les marines sur le territoire américain pour expulser des travailleurs sans papiers… c’est un précédent extrêmement dangereux. Historiquement, l’armée américaine est utilisée pour défendre le pays contre des menaces extérieures — pas pour réprimer la population civile. Mais Trump efface cette frontière. Il militarise la politique intérieure. Il transforme des questions sociales et économiques en opérations de sécurité nationale. Et ce glissement n’est pas anodin. Parce qu’il normalise l’idée que l’armée peut être utilisée contre des groupes jugés indésirables. Aujourd’hui, ce sont les immigrants sans papiers. Demain? Les manifestants? Les opposants politiques? C’est exactement ce genre de dérive que les experts du fascisme dénoncent. Cette militarisation de la vie civile, cette fusion entre sécurité nationale et politique intérieure, cette utilisation de la force pour imposer une vision idéologique… ce sont des caractéristiques classiques des régimes autoritaires. Et Trump ne s’en cache même pas. Il revendique cette approche comme une preuve de force, de détermination, de leadership. Mais pour la moitié du pays qui n’a pas voté pour lui, c’est une preuve d’autoritarisme, de mépris pour les droits humains, de dérive fasciste.
Une Amérique divisée sur l’immigration
Résultat: le pays est coupé en deux sur la question de l’immigration. Les États républicains applaudissent les expulsions, célèbrent les raids, réclament encore plus de fermeté. Les États démocrates résistent, dénoncent, organisent des « villes sanctuaires » pour protéger les immigrants. Et entre les deux? Un fossé qui ne cesse de se creuser. Parce que l’immigration n’est pas qu’une question de politique publique — c’est une question d’identité. Pour les conservateurs, les immigrants sans papiers représentent une menace culturelle, économique, sécuritaire. Pour les progressistes, ils représentent des êtres humains en quête d’une vie meilleure, des travailleurs essentiels à l’économie, des victimes d’un système brisé. Ces deux visions sont incompatibles. Et Trump exploite cette incompatibilité. Il ne cherche pas à trouver un terrain d’entente, à proposer une réforme migratoire équilibrée, à protéger à la fois les frontières et les droits humains. Non. Il choisit le camp le plus dur, le plus radical, le plus spectaculaire. Parce que la division lui profite. Parce qu’un pays divisé ne peut pas s’unir contre lui. Parce qu’en créant des boucs émissaires — les immigrants, les démocrates, les médias —, il détourne l’attention des vrais problèmes : l’inégalité croissante, la crise du logement, l’effondrement des infrastructures, l’accès aux soins de santé.
La polarisation affective : quand l'autre devient l'ennemi

Ne plus voir des adversaires, mais des ennemis
La polarisation affective — voilà le cœur du problème. Ce concept, établi par des chercheurs en psychologie sociale, désigne un phénomène où les partisans de différentes idéologies politiques ne perçoivent plus leurs opposants comme des rivaux respectables, mais comme des ennemis. Et c’est exactement ce qui se passe aux États-Unis. Les démocrates ne voient plus les républicains comme des citoyens avec des convictions différentes — ils les voient comme des fascistes, des racistes, des menaces pour la démocratie. Les républicains ne voient plus les démocrates comme des progressistes bien intentionnés — ils les voient comme des destructeurs de l’Amérique traditionnelle, des extrémistes dangereux, des complices de la violence. Cette dynamique s’est installée progressivement depuis les années 1980, alimentée par l’évolution des partis politiques, la transformation du paysage médiatique, l’émergence de clivages culturels et sociaux irréconciliables. Mais elle s’est accélérée drastiquement depuis l’assaut du Capitole en 2021 et surtout depuis le retour de Trump au pouvoir. Aujourd’hui, nous sommes à l’apogée de cette polarisation. Les deux camps ne se parlent plus. Ils ne se côtoient plus. Ils vivent dans des réalités parallèles, alimentées par des médias différents, des réseaux sociaux différents, des informations différentes. Et dans cet environnement, le dialogue devient impossible. Le compromis devient trahison. La coexistence devient insupportable.
Le rôle des réseaux sociaux et des médias partisans
Les réseaux sociaux jouent un rôle central dans cette escalade. Les algorithmes favorisent les contenus polarisants, parce qu’ils génèrent plus d’engagement, plus de clics, plus de partages. Résultat: les utilisateurs sont exposés en permanence à des messages qui renforcent leurs convictions et diabolisent l’autre camp. Les médias traditionnels, eux, se sont également radicalisés. Fox News d’un côté, MSNBC de l’autre — chacun avec son récit, ses faits, sa version de la réalité. Et Trump exploite cette fragmentation médiatique. Il attaque constamment les « médias mainstream », qu’il accuse d’être des ennemis du peuple. Il publie des vidéos générées par l’IA pour ridiculiser ses adversaires. Il utilise Truth Social pour diffuser ses messages sans filtre, sans fact-checking, sans contradiction. Cette stratégie de désinformation et de manipulation ne vise pas à convaincre l’opposition — elle vise à consolider sa base, à la radicaliser, à la mobiliser. Et ça fonctionne. Parce que ses supporters ne croient plus aux médias traditionnels, ne font plus confiance aux institutions, ne reconnaissent plus la légitimité de l’opposition. Pour eux, Trump est le seul à dire la vérité. Tous les autres mentent. Et dans cet univers fermé, imperméable aux faits, à la nuance, à la critique… la polarisation devient totale.
L’impossible dialogue national
Dans ce contexte, comment imaginer un dialogue national? Comment construire un terrain d’entente quand les deux camps ne s’accordent même pas sur les faits de base? Quand les uns croient que Trump sauve l’Amérique et les autres qu’il la détruit? Quand les uns célèbrent les expulsions d’immigrants et les autres y voient des violations des droits humains? Quand les uns applaudissent le shutdown et les autres dénoncent une prise d’otage? Il n’y a plus de réalité partagée. Et sans réalité partagée, il n’y a pas de démocratie possible. Parce que la démocratie repose sur l’idée qu’on peut être en désaccord sur les solutions tout en s’accordant sur les problèmes. Qu’on peut débattre, négocier, trouver des compromis. Mais quand on ne vit plus dans le même monde, quand on ne parle plus la même langue, quand on ne partage plus les mêmes valeurs fondamentales… le dialogue devient impossible. Et c’est exactement ce que Trump cherche. Parce qu’un pays qui ne peut plus dialoguer est un pays qu’il peut contrôler. Un pays où la moitié de la population lui est loyale inconditionnellement, et l’autre moitié n’a aucun moyen de l’arrêter. C’est le rêve de tout autocrate: diviser pour régner. Et Trump l’a compris parfaitement.
Les experts tirent la sonnette d'alarme

Les historiens du fascisme dénoncent les dérives
De nombreux experts du fascisme et de l’autoritarisme — Jason Stanley, Timothy Snyder, Johann Chapoutot, Marci Shore, Paul Lerner, Anne Berg, Diana Garvin, Tiffany Florvil, Claudia Koonz, Asma Mhalla — dénoncent ouvertement les dérives autoritaires de la seconde administration Trump. Certains vont jusqu’à associer explicitement son régime au fascisme. D’autres, comme Christopher Browning et Roger Griffin, restent plus prudents — mais Browning note des « similarités troublantes » entre Trump et les dictateurs du XXe siècle. Ces chercheurs ne lancent pas ces accusations à la légère. Ils s’appuient sur des critères précis : la concentration du pouvoir, la loyauté personnelle exigée de l’administration, la diabolisation de l’opposition, la militarisation de la vie civile, le mépris pour les institutions démocratiques, la propagande incessante, la création de boucs émissaires. Et Trump coche presque toutes les cases. Il a réintroduit le Schedule F pour purger les fonctionnaires « déloyaux ». Il a transformé le Parti républicain en une secte centrée autour de sa personnalité. Il attaque constamment les médias, la justice, le Congrès. Il utilise l’armée pour des opérations intérieures. Il cultive la division et la haine. Il refuse tout compromis, toute négociation. Et surtout, il présente chaque critique comme une attaque, chaque opposition comme une trahison, chaque désaccord comme une menace existentielle. C’est exactement le type de rhétorique qu’on retrouve dans les régimes autoritaires.
Les freins et contrepoids qui lâchent
L’historien Jack Norman Rakove affirme que les « freins et contrepoids » américains, censés protéger la démocratie, sont en train de lâcher. Le système de checks and balances — cette séparation des pouvoirs entre l’exécutif, le législatif et le judiciaire — est au cœur de la Constitution américaine. C’est ce qui devrait empêcher tout président de devenir un tyran. Mais Trump a trouvé les failles. Il a exploité la polarisation pour paralyser le Congrès. Il a nommé des juges conservateurs à la Cour suprême, garantissant une majorité favorable à ses politiques. Il a attaqué systématiquement toute institution qui le contredisait, sapant leur légitimité aux yeux de ses supporters. Et maintenant, il utilise le shutdown comme une arme pour forcer l’opposition à plier. Résultat: les institutions américaines, autrefois considérées comme parmi les plus solides au monde, sont en crise. Elles ne parviennent plus à contenir l’autoritarisme présidentiel. Elles ne parviennent plus à protéger les droits des citoyens. Elles ne parviennent plus à garantir la stabilité démocratique. Et cette crise institutionnelle n’est pas le fruit du hasard — c’est le résultat d’une stratégie délibérée de Trump et de ses alliés pour déconstructure l’État, pour concentrer le pouvoir, pour éliminer toute résistance.
Une démocratie « biaisée » au profit du président
Certains chercheurs vont jusqu’à parler d’une démocratie biaisée, où les élites au pouvoir agissent selon leur propre conception de l’intérêt national et des désirs du président, sans souci de justice ou de vérité. C’est exactement ce qui se passe. Les fonctionnaires fédéraux doivent prouver leur loyauté personnelle à Trump. Les ministres sont choisis non pour leur compétence mais pour leur fidélité. Les décisions politiques sont prises non en fonction de l’intérêt public mais en fonction de l’agenda trumpiste. Et toute dissidence est écrasée. Les experts politiques expliquent que cette dynamique — combinée à la polarisation affective, à la violence politique croissante, au shutdown prolongé — plonge l’Amérique dans une crise constitutionnelle majeure. Le pays est à un point de bascule. Soit les institutions se ressaisissent, soit elles s’effondrent. Soit l’opposition trouve un moyen de reprendre l’initiative, soit elle devient définitivement impuissante. Soit la société américaine retrouve un minimum de terrain d’entente, soit elle sombre dans une violence généralisée. Et pour l’instant, aucun de ces scénarios optimistes ne semble probable. Parce que Trump ne recule jamais. Parce que ses supporters le soutiennent inconditionnellement. Parce que l’opposition est paralysée. Parce que les institutions sont affaiblies. Parce que la violence se banalise. Parce que le pays est coupé en deux, irréconciliablement, peut-être définitivement.
Les conséquences pour le reste du monde

Un modèle qui inspire les autocrates
Ce qui se passe aux États-Unis ne reste pas aux États-Unis. Les autocrates du monde entier observent Trump avec fascination. Ils voient qu’on peut démanteler les institutions démocratiques tout en maintenant une façade électorale. Ils voient qu’on peut concentrer le pouvoir tout en se présentant comme un champion du peuple. Ils voient qu’on peut marginaliser l’opposition sans interdire formellement les partis politiques. Trump est en train de devenir un modèle pour tous ceux qui veulent transformer des démocraties en régimes autoritaires sans déclencher de révolution. Parce qu’il a compris qu’il ne faut pas abolir les institutions — il suffit de les vider de leur substance, de les rendre impuissantes, de les transformer en coquilles vides. C’est beaucoup plus efficace qu’un coup d’État. C’est beaucoup moins risqué. Et c’est beaucoup plus difficile à combattre. Parce que formellement, tout est légal. Les élections ont lieu. Le Congrès existe. Les tribunaux fonctionnent. Mais dans les faits, le président contrôle tout. Et les autres pays — la Hongrie, la Pologne, le Brésil, les Philippines, la Turquie — prennent note. Ils apprennent. Ils imitent. Et la démocratie recule partout dans le monde.
L’affaiblissement de l’Occident démocratique
Mais plus encore, la crise américaine affaiblit l’ensemble de l’Occident démocratique. Pendant des décennies, les États-Unis ont été le leader du monde libre, le garant de la démocratie, le défenseur des droits humains. Mais comment peuvent-ils continuer à jouer ce rôle quand ils sombrent eux-mêmes dans l’autoritarisme? Quand leur président divise son propre pays, marginalise la moitié de sa population, utilise l’armée contre des civils? Quand leur système politique est paralysé par un shutdown interminable? Quand leur société est déchirée par une violence politique endémique? La crédibilité américaine s’effondre. Et avec elle, la capacité de l’Occident à promouvoir la démocratie dans le monde. La Chine, la Russie, l’Iran — ils observent cette débâcle avec jubilation. Ils la présentent comme la preuve que la démocratie ne fonctionne pas, que l’autoritarisme est plus efficace, que le modèle occidental est obsolète. Et ils ont de plus en plus d’arguments pour convaincre. Parce que l’Amérique de Trump ne ressemble plus à une démocratie prospère — elle ressemble à un pays en pleine désintégration.
Un avertissement pour le Canada et le Québec
Et pour nous, au Canada, au Québec? C’est un avertissement. Parce que la polarisation ne s’arrête pas aux frontières. Parce que les mêmes dynamiques — les réseaux sociaux, la fragmentation médiatique, les clivages culturels — existent ici aussi. Certes, notre système parlementaire offre plus de protections contre l’autoritarisme présidentiel. Un shutdown comme celui des États-Unis est impossible ici — si le budget n’est pas adopté, le gouvernement tombe et on déclenche des élections. Mais la polarisation affective, elle, peut très bien s’installer. Les signes sont déjà là: les débats toxiques sur les réseaux sociaux, la montée des discours haineux, la diabolisation de l’adversaire politique, la méfiance croissante envers les institutions. Nous ne sommes pas à l’abri. Et si nous voulons éviter le sort de l’Amérique, nous devons agir maintenant. Refuser la logique de la division. Privilégier le dialogue. Défendre les institutions. Protéger les droits des minorités. Promouvoir une information de qualité. Combattre la désinformation. Et surtout, rappeler inlassablement que dans une démocratie, l’adversaire n’est pas un ennemi — c’est un citoyen avec des convictions différentes. Un citoyen qui mérite le respect. Un citoyen avec qui on doit pouvoir coexister.
Conclusion

Ce qu’il faut retenir : Trump a abandonné la moitié de l’Amérique
La réalité est brutale, incontournable : Donald Trump n’est plus le président des États-Unis d’Amérique. Il est devenu le président des États républicains. Il gouverne pour ses partisans, ignore l’opposition, marginalise systématiquement la moitié du pays qui n’a pas voté pour lui. Il a instauré un système de loyauté inconditionnelle dans son administration, purgeant les fonctionnaires jugés « déloyaux », transformant le Parti républicain en une secte centrée autour de sa personnalité. Il utilise le shutdown comme une arme pour forcer l’opposition à plier, prenant 900 000 fonctionnaires en otage pour des raisons idéologiques. Il déploie l’armée contre des travailleurs sans papiers, franchissant une ligne rouge qui normalise la militarisation de la vie civile. Il cultive la polarisation affective, transformant des désaccords politiques en guerre existentielle où l’autre camp n’est plus perçu comme un adversaire respectable mais comme un ennemi à détruire. Et pendant ce temps, la violence politique explose : 150 attaques en six mois, le double de 2024. Des gouverneurs visés. Des élues assassinées. Une société américaine prise dans un cercle vicieux où chaque acte de violence justifie le suivant, où 40% des démocrates soutiendraient le retrait « par la force » de Trump, où 25% des républicains justifient la violence contre les manifestants progressistes. Ce n’est plus de la politique — c’est une guerre civile froide qui menace à chaque instant de devenir chaude.
Ce qui change dès maintenant : la démocratie américaine au bord du gouffre
Les institutions américaines, autrefois considérées comme les plus solides au monde, sont en crise profonde. Les « freins et contrepoids » lâchent un à un. Le Congrès est paralysé. La Cour suprême est politisée. Les médias sont fragmentés. Les réseaux sociaux amplifient la haine. Et Trump exploite toutes ces failles pour concentrer un pouvoir sans précédent dans les mains de l’exécutif. De nombreux experts du fascisme — Jason Stanley, Timothy Snyder, Johann Chapoutot — dénoncent ouvertement l’autoritarisme de son régime. Certains parlent même de fascisme. Et leurs arguments sont difficiles à réfuter : purge des fonctionnaires, loyauté personnelle exigée, diabolisation de l’opposition, militarisation de la vie civile, propagande incessante, création de boucs émissaires. La démocratie américaine est à un point de bascule. Soit les institutions se ressaisissent, soit elles s’effondrent. Soit l’opposition trouve un moyen de reprendre l’initiative, soit elle devient définitivement impuissante. Soit la société américaine retrouve un minimum de terrain d’entente, soit elle sombre dans une violence généralisée. Et ce qui se passe là-bas ne reste pas là-bas. Les autocrates du monde entier observent Trump comme un modèle. La crédibilité américaine s’effondre. L’Occident démocratique s’affaiblit. Et pour nous, au Canada, au Québec, c’est un avertissement : la polarisation traverse les frontières. Nous ne sommes pas à l’abri.
Ce que je recommande : refuser la logique de la division
Face à cette dérive, une seule réponse: refuser catégoriquement la logique de la division. Refuser de voir l’adversaire politique comme un ennemi. Refuser la violence, même symbolique, même rhétorique. Refuser la désinformation, la manipulation, la propagande. Défendre les institutions démocratiques, même quand elles sont imparfaites, parce qu’elles sont le seul rempart contre l’autoritarisme. Promouvoir le dialogue, le compromis, la coexistence pacifique — même quand c’est difficile, même quand ça semble impossible. Parce que la démocratie n’est pas un système où on gagne tout le temps — c’est un système où on accepte de partager le pouvoir, où on reconnaît la légitimité de l’opposition, où on gouverne pour tous les citoyens, pas seulement pour ses partisans. Trump a abandonné ce principe. Il a choisi de diviser pour régner. Et le résultat, c’est une Amérique au bord de l’effondrement. Nous devons apprendre de cette tragédie. Nous devons faire mieux. Nous devons rappeler inlassablement que la diversité d’opinions n’est pas une menace — c’est la richesse de la démocratie. Que le désaccord n’est pas une trahison — c’est le signe d’une société vivante, qui débat, qui réfléchit, qui évolue. Que l’autre n’est pas un monstre — c’est un être humain, avec ses peurs, ses espoirs, ses convictions. Et que notre capacité à vivre ensemble malgré nos différences… c’est ce qui nous rend civilisés. C’est ce qui nous distingue de la barbarie. C’est ce qui vaut la peine d’être défendu. Coûte que coûte.