Le coup de massue judiciaire qui fait trembler la Maison-Blanche
Mercredi 15 octobre 2025, à San Francisco, une juge fédérale a fait ce que personne n’osait plus espérer — elle a frappé un grand coup. Susan Illston, magistrate nommée par Bill Clinton, a ordonné à l’administration Trump de cesser immédiatement les licenciements massifs de travailleurs fédéraux pendant la paralysie budgétaire actuelle. Plus de 4 100 employés ont reçu des avis de mise à pied depuis vendredi dernier, dans un contexte où le gouvernement américain est à l’arrêt depuis le 1er octobre. Illston n’a pas mâché ses mots : les coupures semblent politiquement motivées et exécutées sans aucune réflexion sérieuse. « C’est du prêt, feu, visez sur la plupart de ces programmes », a-t-elle déclaré avec une colère palpable. « Ça a un coût humain… un coût humain qui ne peut être toléré. » Cette décision arrive alors que le shutdown entre dans sa quinzième journée, l’un des plus longs de l’histoire américaine moderne, et que le président Donald Trump intensifie sa rhétorique incendiaire contre ce qu’il appelle les « agences démocrates ». Pour des milliers de fonctionnaires fédéraux, c’est un répit — fragile, temporaire, mais vital.
Une paralysie qui dure et qui tue
Depuis le 1er octobre 2025, le gouvernement fédéral des États-Unis est en shutdown partiel. Plus de 750 000 employés fédéraux sont en congé forcé, renvoyés chez eux sans salaire, tandis que des centaines de milliers d’autres — militaires, agents des forces de l’ordre, contrôleurs aériens — sont contraints de travailler sans rémunération garantie. Le blocage résulte d’un affrontement budgétaire entre républicains et démocrates au Congrès, une impasse que ni le Sénat ni la Chambre des représentants n’arrivent à dénouer. Le Sénat a échoué neuf fois à adopter une résolution budgétaire temporaire. Pendant ce temps, Trump et son directeur du budget, Russell Vought, ont décidé de transformer ce blocage en arme politique. Ils ont commencé à émettre des notifications de licenciement dans plus de trente agences fédérales — Santé, Trésor, Éducation, et bien d’autres. Trump a déclaré sans détour qu’il ciblerait les « agences démocrates », des programmes qu’il considère comme des « arnaques politiques ». Vought, lui, a annoncé que le nombre de postes supprimés pourrait dépasser 10 000. C’est du jamais vu — jamais une administration n’avait osé licencier massivement des employés civils de première ligne pendant un shutdown, et encore moins ouvertement pour des raisons partisanes.
Les syndicats ripostent — et gagnent la première manche
Face à cette offensive, deux syndicats majeurs — l’American Federation of Government Employees (AFGE) et l’American Federation of State, County and Municipal Employees (AFSCME) — ont contre-attaqué devant les tribunaux. Ils ont déposé une plainte exigeant une ordonnance de restriction temporaire pour bloquer les licenciements, arguant que l’administration Trump abusait de son pouvoir et violait les lois régissant les réductions d’effectifs. Leur argument : ces mises à pied sont illégales, arbitraires, et servent uniquement à punir des travailleurs innocents tout en faisant pression sur le Congrès. La juge Illston leur a donné raison. Elle a accordé l’ordonnance, interdisant à l’administration de procéder aux licenciements déjà notifiés ou d’en émettre de nouveaux pour les employés représentés par ces syndicats. Le jugement s’applique à des dizaines de milliers de travailleurs à travers le pays. Une audience est prévue le 28 octobre pour examiner une injonction préliminaire qui pourrait prolonger cette protection. Mais ce n’est qu’une bataille — la guerre est loin d’être finie. Trump et Vought ont déjà indiqué qu’ils ne reculeraient pas. L’administration n’a pas commenté officiellement, mais le Bureau de la gestion et du budget a posté sur X qu’ils allaient « continuer » les réductions d’effectifs et « attendre ».
Le contexte explosif : un shutdown qui s'éternise

Quinze jours de paralysie — et ça ne fait que commencer
Le shutdown actuel, qui a débuté à minuit pile le 1er octobre, est déjà le onzième de l’histoire moderne des États-Unis — et le troisième sous une présidence Trump. Pour l’instant, il dure depuis quinze jours, mais le président de la Chambre, Mike Johnson, a ouvertement prévenu qu’il pourrait devenir le plus long de l’histoire. Le record actuel ? 35 jours, établi lors du shutdown de décembre 2018 à janvier 2019, également sous Trump. À l’époque, 380 000 travailleurs avaient été mis en congé forcé, et 420 000 autres avaient dû travailler sans salaire garanti. Le coût économique avait été colossal : 5 milliards de dollars de pertes pour le gouvernement, des retards massifs dans le traitement des déclarations fiscales, des enquêtes du FBI perturbées, des aéroports fermés à cause de pénuries de personnel… Cette fois, les signaux sont encore plus inquiétants. Johnson a prolongé la pause parlementaire de la Chambre jusqu’au 19 octobre, affirmant qu’il ne négocierait pas avec les démocrates tant qu’ils ne retireraient pas leurs exigences sur les soins de santé. Le Sénat, de son côté, a voté neuf fois sur des résolutions budgétaires — neuf échecs consécutifs, presque tous sur des lignes strictement partisanes. Quelques sénateurs ont franchi les lignes : les démocrates Fetterman, Cortez Masto et King ont voté avec les républicains ; le républicain Rand Paul a voté contre son propre camp. Mais ça ne suffit pas. L’impasse est totale.
Trump transforme le shutdown en purge idéologique
Ce qui rend ce shutdown différent de tous les autres, c’est la stratégie explicitement politique de Trump. Dès le deuxième jour de la paralysie, il a déclaré publiquement qu’il envisageait de couper dans les « agences démocrates », de manière temporaire ou permanente. Lors d’une réunion du Cabinet le 14 octobre, il a affirmé sans ambiguïté : « Nous ne coupons que les programmes démocrates. » Il a ajouté que les démocrates allaient « goûter un peu à leur propre médecine ». Mais qu’est-ce que cela signifie concrètement ? Les agences fédérales ne sont pas étiquetées « démocrates » ou « républicaines ». Ce sont des institutions publiques censées servir tous les Américains, peu importe leur affiliation politique. Pourtant, Trump a désigné des cibles précises : le Département de la Santé et des Services sociaux (HHS), le Département du Trésor, le Département de l’Éducation. Plus des trois quarts des 4 100 licenciements notifiés vendredi dernier concernaient HHS et le Trésor. Russell Vought, directeur du Bureau de la gestion et du budget, a été encore plus direct. Dans une interview sur « The Charlie Kirk Show », il a annoncé que le nombre de postes supprimés serait « au-delà de 10 000 ». Il a déclaré que l’administration serait « très agressive là où nous le pouvons pour fermer la bureaucratie ». C’est une guerre déclarée — une guerre contre une partie du gouvernement américain lui-même.
Les travailleurs pris en otage — et le chaos s’installe
Les conséquences humaines de cette stratégie sont dévastatrices. Les 4 100 employés qui ont reçu des avis de licenciement vendredi dernier se sont retrouvés dans une situation absurde et cruelle : beaucoup étaient déjà en congé forcé à cause du shutdown, incapables d’accéder à leurs emails professionnels. Comment sont-ils censés répondre à une notification de licenciement quand ils ne peuvent même pas consulter leur boîte de réception ? Et il n’y a pas de spécialistes en ressources humaines disponibles pour les aider — eux aussi sont en congé forcé. La juge Illston a insisté sur ce point lors de l’audience : l’administration n’a fourni aucune explication rationnelle pour ces licenciements dans ces conditions. « C’est du prêt, feu, visez », a-t-elle répété. Des agences entières sont paralysées. Les Centers for Disease Control and Prevention (CDC) ont tenté de révoquer certains avis de licenciement émis par erreur, mais le chaos administratif rend difficile de savoir qui a été licencié, qui ne l’a pas été, et qui est simplement en congé. Les syndicats rapportent des appels de détresse incessants de la part de travailleurs paniqués, incapables de savoir s’ils auront encore un emploi la semaine prochaine, le mois prochain. Et pendant ce temps, les services essentiels — santé publique, sécurité nationale, contrôle des frontières — fonctionnent au ralenti ou pas du tout.
La décision judiciaire : un jugement sans appel

Illston tranche — et elle ne mâche pas ses mots
La juge Susan Illston, du tribunal de district de San Francisco, n’a pas hésité une seconde. Lors de l’audience du mercredi 15 octobre, elle a accordé l’ordonnance de restriction temporaire demandée par les syndicats, bloquant immédiatement les licenciements et interdisant à l’administration d’en émettre de nouveaux. Mais ce qui a marqué, c’est le ton qu’elle a employé. Illston, nommée par Bill Clinton et connue pour son approche méthodique, a exprimé une frustration rare sur le banc. Elle a directement interrogé l’avocate du Département de la Justice, Elizabeth Hedges, sur la logique derrière ces licenciements. Hedges a tenté d’esquiver en invoquant des questions de juridiction, affirmant que les syndicats devraient d’abord porter leurs griefs devant un conseil du travail fédéral. Illston a balayé cet argument. « Vous n’allez pas pouvoir éviter le fond du dossier avec moi aujourd’hui, parce que le fond est tellement problématique », a-t-elle déclaré. Elle a ensuite prononcé une phrase qui résume tout : « Vous ne pouvez pas faire ça dans un pays de lois. Nous avons des lois ici, et les actions qui sont décrites ne sont pas conformes à la loi. » Elle a souligné que l’administration exploitait le shutdown pour ignorer les règles normales régissant les réductions d’effectifs, croyant pouvoir agir comme bon lui semble sans conséquences.
Les preuves accablantes — Trump s’est trahi lui-même
Ce qui a le plus pesé dans la décision d’Illston, ce sont les déclarations publiques de Trump et de Vought. La juge a cité plusieurs posts sur les réseaux sociaux et interviews où le président et son directeur du budget affirmaient ouvertement que les licenciements visaient des « agences démocrates » et des « programmes impopulaires chez les républicains ». Trump avait écrit sur Truth Social qu’il rencontrait Vought pour discuter des « agences démocrates » à couper, les qualifiant d’« arnaque politique ». Lors de la réunion du Cabinet, il avait déclaré : « Nous ne coupons que les programmes démocrates. » Pour Illston, ces déclarations révèlent un motif politique évident, ce qui rend les licenciements non seulement arbitraires mais aussi illégaux. « Le contexte politique de cette situation est ouvertement promu dans cette affaire », a-t-elle affirmé. « Il y a des règles qui régissent nos actions, y compris celles qui dictent comment nous menons des réductions d’effectifs, et les actions entreprises ici contredisent ces lois. » Elle a également souligné que l’administration n’avait fourni aucune justification légitime pour expliquer pourquoi ces licenciements devaient avoir lieu maintenant, pendant le shutdown, alors que les travailleurs sont incapables d’y répondre correctement. Tout cela, combiné, a convaincu la juge que les syndicats avaient de fortes chances de prouver que les licenciements étaient « illégaux et en excès d’autorité ».
Une ordonnance immédiate — et un calendrier serré
L’ordonnance d’Illston prend effet immédiatement. Elle interdit à l’administration de procéder aux licenciements des employés représentés par les syndicats plaignants — AFGE et AFSCME — et d’émettre de nouvelles notifications pendant la durée de la procédure judiciaire. La juge a ordonné à l’administration de fournir, d’ici vendredi 18 octobre, un rapport détaillé de tous les employés licenciés la semaine dernière, ainsi que de tout licenciement futur prévu. Une audience est fixée au 28 octobre pour examiner une injonction préliminaire, qui prolongerait la protection pendant que le procès se poursuit. Dans son ordonnance écrite, publiée mercredi soir, Illston a été encore plus dure. « Il est également loin d’être normal pour une administration de licencier des employés civils de première ligne pendant un shutdown comme méthode de punition du parti politique opposé. Mais c’est précisément ce que le président Trump a indiqué qu’il faisait », a-t-elle écrit. Elle a également critiqué l’avocate du gouvernement pour avoir refusé d’aborder les questions de fond, se concentrant uniquement sur des technicités juridictionnelles. « Vous n’allez pas éviter le fond avec moi aujourd’hui parce que le fond est tellement problématique », a-t-elle insisté. C’est un camouflet public et retentissant pour l’administration Trump.
Les motivations politiques : un aveu public de vengeance

Trump cible ouvertement les « agences démocrates »
Ce qui rend cette affaire si extraordinaire — et si troublante — c’est que Trump ne se cache pas. Il ne prétend pas que ces licenciements sont une mesure budgétaire neutre ou une nécessité administrative. Non. Il les revendique comme une arme politique. Dès le début du shutdown, il a annoncé la couleur : ces coupures visent des « agences démocrates », des programmes qu’il juge idéologiquement hostiles à son camp. Le 2 octobre, il a posté sur Truth Social qu’il discutait avec Vought des « agences démocrates » à cibler, les qualifiant d’« arnaque politique DÉMOCRATE ». Lors de la réunion du Cabinet du 14 octobre, il a déclaré devant les caméras : « Nous ne coupons que les programmes démocrates. Ils vont goûter un peu à leur propre médecine. » Mais qu’est-ce que cela signifie concrètement ? Les agences fédérales — Santé, Éducation, Trésor, Environnement — ne sont pas des entités partisanes. Elles sont censées servir tous les Américains, peu importe qui ils ont voté. Pourtant, Trump trace une ligne idéologique claire : si une agence soutient des politiques qu’il n’aime pas — protection de l’environnement, santé publique, éducation publique — elle devient une cible. C’est une politisation sans précédent de l’administration fédérale.
Vought promet « au-delà de 10 000 » licenciements
Russell Vought, directeur du Bureau de la gestion et du budget, a poussé la rhétorique encore plus loin. Dans une interview sur « The Charlie Kirk Show », il a annoncé que le nombre de postes fédéraux supprimés pendant le shutdown serait « au-delà de 10 000 ». Il a déclaré que l’administration serait « très agressive là où nous le pouvons pour fermer la bureaucratie ». Vought est un idéologue de longue date, connu pour son hostilité envers ce qu’il appelle l’« État administratif » — cette idée que des fonctionnaires non élus ont trop de pouvoir. Mais ce qu’il décrit ici va bien au-delà d’une réforme administrative. C’est une purge. Il ne s’agit pas de rendre le gouvernement plus efficace ou de réduire les dépenses de manière rationnelle. Il s’agit de détruire des pans entiers du gouvernement fédéral, de démanteler des agences qui existent depuis des décennies, de licencier des milliers de personnes pour des raisons purement idéologiques. Et tout ça pendant un shutdown, quand les travailleurs sont les plus vulnérables, incapables de se défendre, privés d’accès à leurs emails et à leurs ressources. C’est calculé. C’est brutal. C’est voulu.
Des républicains commencent à s’inquiéter
Même certains républicains commencent à exprimer leur malaise. La sénatrice Lisa Murkowski, de l’Alaska, a publié un message sur X critiquant les licenciements. « Le moment choisi pour ces actions est inapproprié et illustre une fois de plus l’approche punitive de l’administration envers les employés fédéraux », a-t-elle écrit. « La terminaison de travailleurs fédéraux pendant un shutdown va nuire davantage à des Américains dévoués qui ont consacré leur vie au service public et mettre en danger les missions des agences une fois le gouvernement rouvert. » La sénatrice Susan Collins, du Maine, a également exprimé des préoccupations. Mais ces voix restent minoritaires au sein du Parti républicain. La majorité des élus GOP soutiennent Trump, ou du moins restent silencieux. Et pendant ce temps, les licenciements continuent — ou du moins, l’administration essaie de les continuer malgré l’ordonnance judiciaire. Le Bureau de la gestion et du budget a posté sur X qu’ils allaient « continuer les RIF » (réductions d’effectifs) et « attendre ». C’est un défi direct à la décision d’Illston.
Les conséquences humaines : des vies brisées

Quatre mille cent familles dans l’incertitude
Derrière chaque notification de licenciement, il y a une personne. Un être humain avec une famille, des factures, des rêves, des responsabilités. Plus de 4 100 employés fédéraux ont reçu ces avis vendredi dernier. Beaucoup travaillent dans le Département de la Santé et des Services sociaux, où ils s’occupent de programmes vitaux — recherche médicale, contrôle des maladies, aide aux familles vulnérables. D’autres sont au Département du Trésor, où ils traitent les déclarations fiscales, combattent la fraude financière, gèrent la dette nationale. Ce ne sont pas des bureaucrates anonymes. Ce sont des experts, des professionnels, des gens qui ont passé des années, parfois des décennies, à bâtir leur carrière dans le service public. Et maintenant, en plein shutdown, alors qu’ils sont déjà en congé forcé sans salaire, on leur dit qu’ils vont perdre leur emploi. Comment sont-ils censés réagir ? Beaucoup ne peuvent même pas accéder à leurs emails professionnels pour lire l’avis ou demander des clarifications. Il n’y a pas de spécialistes RH disponibles pour les guider. Ils sont abandonnés. Les syndicats rapportent des appels de détresse constants — des travailleurs paniqués qui ne savent pas s’ils doivent chercher un nouvel emploi immédiatement, s’ils auront droit à des indemnités de licenciement, s’ils peuvent contester la décision. Le chaos est total.
L’impact sur les services publics — un désastre en cascade
Mais les conséquences ne s’arrêtent pas aux travailleurs eux-mêmes. Elles se répercutent sur l’ensemble de la société américaine. Les agences touchées par les licenciements fournissent des services essentiels. Au CDC (Centers for Disease Control and Prevention), des employés responsables de la surveillance des maladies infectieuses ont été licenciés — ou du moins, ont reçu des avis avant que certains ne soient révoqués dans la confusion. En pleine époque où les menaces sanitaires (pandémies, épidémies) sont une réalité constante, affaiblir le CDC est une folie. Au Département du Trésor, des agents chargés de traiter les déclarations fiscales et de lutter contre l’évasion fiscale sont partis ou sur le point de partir. Résultat prévisible : des retards massifs dans le traitement des remboursements d’impôts pour des millions d’Américains. Au Département de l’Éducation, des employés qui gèrent les prêts étudiants et les programmes d’aide financière sont touchés. Des étudiants vont se retrouver sans réponses, sans soutien, au moment où ils en ont le plus besoin. Et tout ça, pour quoi ? Pour une stratégie politique cynique qui vise à « punir » les démocrates en sabotant des programmes que Trump n’aime pas. Les perdants ne sont pas les politiciens — ce sont les citoyens ordinaires.
Des précédents dangereux — et un signal effrayant
Ce qui est encore plus inquiétant, c’est le précédent que cela crée. Jamais auparavant une administration américaine n’avait utilisé un shutdown pour licencier massivement des employés fédéraux de première ligne. Les shutdowns, aussi douloureux soient-ils, avaient toujours préservé une certaine logique : on met en congé forcé les travailleurs pendant la durée du blocage budgétaire, puis on les rappelle une fois que le Congrès adopte un budget. C’était terrible, mais au moins, il y avait une promesse de retour. Là, Trump change les règles. Il utilise le shutdown comme une opportunité pour réduire de manière permanente la taille du gouvernement fédéral, pour éliminer des postes qu’il juge idéologiquement indésirables. Si cette stratégie réussit — si les tribunaux finissent par autoriser ces licenciements malgré l’ordonnance temporaire d’Illston — qu’est-ce qui empêchera la prochaine administration de faire pareil ? Qu’est-ce qui empêchera un président futur d’utiliser chaque shutdown comme excuse pour purger le gouvernement de ses adversaires politiques ? C’est un glissement vers quelque chose de bien plus sombre — une politisation totale de la fonction publique, où la loyauté partisane compte plus que la compétence ou le dévouement. Et ça, c’est une menace pour la démocratie elle-même.
La résistance s'organise : syndicats et défenseurs montent au front

AFGE et AFSCME : les gardiens du service public
Les syndicats de travailleurs fédéraux ne sont pas restés les bras croisés. L’American Federation of Government Employees (AFGE), qui représente environ 750 000 employés fédéraux, et l’American Federation of State, County and Municipal Employees (AFSCME), ont immédiatement réagi aux annonces de licenciements. Ils ont déposé une plainte devant le tribunal de district de San Francisco, arguant que l’administration Trump violait les lois fédérales régissant les réductions d’effectifs. Ces lois exigent que les licenciements soient menés de manière ordonnée, avec des préavis appropriés, des justifications légitimes, et des procédures de recours pour les travailleurs touchés. Or, rien de tout cela n’a été respecté. Les avis de licenciement ont été envoyés pendant un shutdown, quand les travailleurs sont en congé forcé et incapables d’y répondre. Aucun processus de consultation n’a été suivi. Aucune explication rationnelle n’a été fournie. Les syndicats ont qualifié ces licenciements d’« abus de pouvoir », conçus pour punir des travailleurs innocents et faire pression sur le Congrès. Ils ont demandé une ordonnance de restriction temporaire pour stopper immédiatement les licenciements — et ils l’ont obtenue. C’est une victoire majeure, mais fragile. L’ordonnance d’Illston ne dure que jusqu’à l’audience du 28 octobre, où une injonction préliminaire sera examinée.
Democracy Forward : défendre la démocratie devant les tribunaux
Democracy Forward, une organisation juridique progressiste, représente les syndicats dans cette affaire. Sa présidente et directrice générale, Skye Perryman, a salué la décision d’Illston avec des mots forts. « Le président semble croire que son shutdown gouvernemental distrait les gens des actions nuisibles et illégales de son administration, mais le peuple américain le tient responsable, y compris devant les tribunaux », a-t-elle déclaré. « Nos fonctionnaires font le travail du peuple, et jouer avec leurs moyens de subsistance est cruel, illégal et constitue une menace pour tous dans notre nation. » Democracy Forward a déjà une longue histoire de litiges contre l’administration Trump. Plus tôt en 2025, l’organisation a obtenu des ordonnances judiciaires bloquant d’autres vagues de licenciements massifs — des licenciements que l’administration justifiait par son programme de « réduction de la bureaucratie ». Mais à chaque fois, les tribunaux ont jugé que Trump dépassait ses prérogatives légales. Cette affaire-ci est particulièrement symbolique, parce qu’elle met en lumière la motivation politique derrière les licenciements. Perryman a souligné que les déclarations publiques de Trump — ciblant les « agences démocrates » — prouvent que ces coupures ne sont pas des décisions administratives neutres, mais des actes de représailles partisanes.
L’opinion publique commence à basculer
Au-delà des tribunaux, l’opinion publique commence à réagir. Des sondages récents montrent qu’une majorité d’Américains blâment les républicains — et Trump en particulier — pour le shutdown. Le fait que Trump ait ouvertement revendiqué vouloir couper dans les « programmes démocrates » n’aide pas sa cause. Même parmi les électeurs républicains, certains expriment un malaise face à l’idée de licencier des milliers de travailleurs fédéraux en pleine crise budgétaire. Sur les réseaux sociaux, des témoignages de travailleurs fédéraux touchés par les licenciements — ou menacés de l’être — circulent largement. Des histoires de familles plongées dans l’incertitude, de carrières brisées du jour au lendemain, de services publics essentiels paralysés. Ces récits humanisent une crise qui, autrement, pourrait sembler abstraite. Ils rappellent que derrière chaque « réduction d’effectifs », il y a des gens réels. Et ça commence à peser. Plusieurs manifestations ont eu lieu devant des bureaux fédéraux et des bâtiments gouvernementaux, avec des travailleurs et leurs familles tenant des pancartes réclamant justice et respect. Les syndicats organisent des campagnes de sensibilisation, appelant les citoyens à contacter leurs représentants au Congrès pour exiger la fin du shutdown et l’annulation des licenciements.
Les enjeux juridiques : jusqu'où Trump peut-il aller ?

Les lois régissant les réductions d’effectifs — et leurs limites
Aux États-Unis, les réductions d’effectifs dans le secteur public fédéral sont strictement encadrées par la loi. Le processus, appelé « Reduction in Force » (RIF), est régi par des règlements fédéraux précis qui exigent des préavis, des justifications, et des procédures de recours. Les employeurs — y compris le gouvernement fédéral — doivent fournir aux travailleurs concernés un délai raisonnable pour se préparer, accéder à des conseils juridiques ou syndicaux, et contester la décision si nécessaire. Or, dans ce cas, rien de tout cela n’a été respecté. Les avis de licenciement ont été envoyés pendant un shutdown, quand les travailleurs sont en congé forcé et incapables d’accéder à leurs emails professionnels ou à l’assistance RH. Les syndicats soutiennent que cela viole les règles de base du RIF. De plus, les lois fédérales interdisent les licenciements arbitraires ou motivés par des raisons politiques. Un employé fédéral ne peut pas être licencié simplement parce que son agence est considérée comme « démocrate » par le président. Pourtant, c’est exactement ce que Trump a annoncé publiquement. Pour les avocats des syndicats, c’est une violation flagrante de la loi. La juge Illston semble d’accord, d’où son ordonnance de restriction temporaire. Mais la bataille juridique est loin d’être terminée.
Le précédent de la Cour suprême — et le spectre d’un appel
L’administration Trump pourrait faire appel de la décision d’Illston, potentiellement jusqu’à la Cour suprême. Et c’est là que les choses deviennent complexes. Plus tôt en 2025, la Cour suprême a déjà été impliquée dans des affaires similaires concernant des licenciements massifs de travailleurs fédéraux. En juillet 2025, la Cour a accordé une suspension d’une injonction préliminaire qui bloquait certains licenciements, permettant à l’administration de continuer temporairement. Ce précédent inquiète les défenseurs des travailleurs, car il suggère que la Cour — avec sa majorité conservatrice — pourrait être encline à donner plus de latitude au président en matière de gestion de la bureaucratie fédérale. Cependant, ce cas-ci est différent. Les déclarations publiques de Trump sur les « agences démocrates » fournissent des preuves directes de motivations politiques, ce qui rend les licenciements beaucoup plus difficiles à défendre juridiquement. Même une Cour suprême conservatrice pourrait hésiter à autoriser des licenciements ouvertement partisans, car cela ouvrirait la porte à des abus massifs dans les futures administrations. Si chaque président peut licencier librement des milliers d’employés fédéraux pour des raisons idéologiques, le service public devient une arme politique — et ça, c’est une menace pour la stabilité institutionnelle des États-Unis.
Que se passe-t-il maintenant ? Le calendrier judiciaire
L’ordonnance de restriction temporaire d’Illston est en vigueur immédiatement, mais elle n’est que temporaire. Une audience est prévue le 28 octobre pour examiner une injonction préliminaire, qui prolongerait la protection des travailleurs pendant toute la durée du procès. Si Illston accorde cette injonction — et tous les signes pointent dans cette direction — les licenciements resteront bloqués pendant des mois, peut-être plus longtemps. Entre-temps, l’administration Trump doit fournir, d’ici le 18 octobre, un rapport détaillé de tous les employés licenciés ou sur le point de l’être. Ce rapport permettra aux syndicats et aux avocats de mieux comprendre l’ampleur des coupures et de préparer leur défense. Mais Trump et Vought ne semblent pas prêts à reculer. Le Bureau de la gestion et du budget a posté sur X qu’ils continueraient les « RIF » et « attendraient ». C’est un défi direct à l’ordonnance judiciaire — et ça pourrait mener à de nouvelles confrontations entre l’administration et les tribunaux. Si Trump ignore l’ordonnance d’Illston et procède quand même aux licenciements, il risque d’être accusé d’outrage au tribunal, ce qui pourrait entraîner des sanctions sévères. Mais est-ce que ça l’arrêtera ? Difficile à dire.
Le contexte politique : un shutdown sans fin en vue

Johnson prolonge la pause parlementaire — et promet le pire
Le président de la Chambre des représentants, Mike Johnson, a annoncé qu’il prolongeait la pause parlementaire jusqu’au 19 octobre. Autrement dit, la Chambre ne reviendra pas siéger avant cette date, et aucun vote sur une résolution budgétaire n’aura lieu avant. Johnson a également déclaré qu’il ne négocierait pas avec les démocrates tant qu’ils n’abandonneraient pas leurs exigences concernant les soins de santé. C’est une impasse totale. Lors d’une conférence de presse, Johnson a même prévenu que ce shutdown pourrait devenir le plus long de l’histoire américaine, dépassant les 35 jours du shutdown de 2018-2019. Il a dit cela sans émotion, comme s’il annonçait la météo. Mais ce qu’il décrit, c’est un scénario catastrophe : des semaines, peut-être des mois de paralysie gouvernementale, avec des centaines de milliers de travailleurs sans salaire, des services publics effondrés, et une économie américaine plongée dans l’incertitude. Johnson a également affirmé qu’il n’avait « pas de stratégie » pour négocier avec les démocrates. C’est une admission accablante. Le chef de la Chambre, censé trouver des compromis, dit ouvertement qu’il n’a pas de plan. Pendant ce temps, Trump ajoute de l’huile sur le feu en intensifiant sa rhétorique sur les « programmes démocrates » à couper.
Le Sénat : neuf échecs consécutifs — et aucune lueur d’espoir
Du côté du Sénat, la situation n’est pas meilleure. Les sénateurs ont voté neuf fois sur des résolutions budgétaires — républicaines et démocrates — et les neuf ont échoué, presque toujours sur des lignes strictement partisanes. Quelques sénateurs ont traversé les lignes : les démocrates John Fetterman (Pennsylvanie), Catherine Cortez Masto (Nevada) et Angus King (Maine, indépendant mais aligné avec les démocrates) ont voté avec les républicains sur la résolution républicaine. De l’autre côté, le républicain Rand Paul (Kentucky) a voté contre la résolution de son propre camp. Mais ces défections n’ont pas suffi à atteindre le seuil requis pour adopter une résolution. Le leader démocrate au Sénat, Chuck Schumer, a accusé Trump de mentir lorsque le président a affirmé que des négociations étaient en cours avec les démocrates. « Ce n’est pas vrai », a déclaré Schumer lors d’une conférence de presse. « Il n’y a aucune négociation. Trump refuse de parler. » Pendant ce temps, le Sénat continue de tenir des votes symboliques qui ne mènent nulle part. C’est du théâtre politique, et les Américains en paient le prix.
Les militaires reçoivent leur paie — mais pas les civils
Au milieu de ce chaos, Trump a signé un décret ordonnant au secrétaire à la Défense, Pete Hegseth, de garantir que les membres de l’armée en service actif reçoivent leur paie le 15 octobre, malgré le shutdown. Trump a utilisé son autorité de commandant en chef pour diriger Hegseth à « utiliser tous les fonds alloués par le Congrès encore disponibles pour l’année fiscale 2026 » afin d’assurer le paiement des troupes. C’est une mesure populaire — personne ne veut que les soldats restent sans salaire. Mais elle soulève une question évidente : pourquoi les militaires sont-ils payés, mais pas les travailleurs civils fédéraux ? Pourquoi un soldat mérite-t-il sa paie pendant un shutdown, mais pas un chercheur médical au CDC, un agent du Trésor, ou un spécialiste de l’éducation ? La réponse, bien sûr, est politique. Trump sait que ne pas payer les militaires serait un suicide politique. Mais licencier des travailleurs civils dans des « agences démocrates » ? Ça fait partie de sa stratégie. C’est cynique. C’est calculé. Et c’est profondément injuste.
Conclusion

Ce qu’il faut retenir : une ligne rouge franchie
Le 15 octobre 2025, la juge Susan Illston a tracé une ligne rouge. Elle a dit à l’administration Trump : vous ne pouvez pas utiliser un shutdown pour licencier massivement des travailleurs fédéraux motivés par des raisons politiques. Vous ne pouvez pas ignorer les lois qui régissent les réductions d’effectifs. Vous ne pouvez pas sacrifier des milliers de vies humaines pour une stratégie partisane. Cette décision est historique. Jamais auparavant un tribunal n’avait dû bloquer une administration pour l’empêcher de licencier des employés pendant un shutdown — parce que jamais auparavant une administration n’avait osé le faire. Trump a franchi une ligne que ses prédécesseurs, républicains ou démocrates, n’avaient jamais franchie. Et un juge a dit : stop. Mais cette victoire est fragile. L’ordonnance d’Illston n’est que temporaire. L’audience du 28 octobre déterminera si une injonction préliminaire prolongera cette protection. Et même si elle le fait, l’administration pourrait faire appel, potentiellement jusqu’à la Cour suprême. Cette bataille judiciaire pourrait durer des mois. Pendant ce temps, le shutdown continue, le Congrès reste paralysé, et des centaines de milliers de travailleurs vivent dans l’incertitude.
Ce qui change dès maintenant : la résistance s’organise
Ce qui change maintenant, c’est que les contre-pouvoirs fonctionnent. Les syndicats ont agi rapidement et efficacement pour protéger leurs membres. Les tribunaux ont répondu en bloquant les licenciements. L’opinion publique commence à basculer contre Trump et sa stratégie de « programmes démocrates ». Des sénateurs républicains — même timidement — commencent à critiquer les licenciements. Tout cela crée une dynamique qui pourrait forcer l’administration à reculer. Ou du moins, à ralentir. Mais ne nous leurrons pas : Trump ne va pas abandonner facilement. Il croit qu’il peut tout faire. Il croit qu’il est au-dessus des lois. Et jusqu’à présent, il a souvent réussi à s’en tirer. Cette fois, cependant, il fait face à une opposition organisée — juridique, syndicale, et publique. C’est une guerre d’usure. Et elle ne fait que commencer. Pour les travailleurs fédéraux touchés, l’ordonnance d’Illston est un répit. Mais ce n’est qu’un répit. Ils doivent rester mobilisés, vigilants, et prêts à se battre. Parce que l’administration Trump va essayer de contourner cette ordonnance, de trouver des failles, de continuer les licenciements sous d’autres formes.
Ce que je recommande : ne lâchez rien
Si vous êtes un travailleur fédéral touché par ces licenciements — ou si vous craignez de l’être — voici ce que je recommande : rejoignez un syndicat immédiatement si ce n’est pas déjà fait. Les syndicats sont votre meilleure protection. Ils ont des avocats, des ressources, et une voix collective que l’administration ne peut pas ignorer. Consultez un avocat spécialisé en droit du travail fédéral pour comprendre vos droits et vos options. Documentez tout — chaque email, chaque notification, chaque interaction avec votre employeur. Ces preuves pourraient être cruciales si vous devez contester votre licenciement. Restez informé. Suivez les développements juridiques et politiques. Cette situation évolue rapidement, et vous devez savoir ce qui se passe. Mobilisez-vous politiquement. Contactez vos représentants au Congrès — sénateurs et membres de la Chambre — pour exiger la fin du shutdown et l’annulation des licenciements. Participez à des manifestations, signez des pétitions, faites entendre votre voix. Pour le reste d’entre nous — citoyens, contribuables, défenseurs de la démocratie — nous avons une responsabilité. Ne laissons pas cette histoire disparaître des titres. Continuons à en parler, à exiger des comptes, à soutenir les travailleurs fédéraux. Parce que ce qui leur arrive aujourd’hui pourrait nous arriver demain. Si Trump réussit à politiser complètement le service public, si les licenciements partisans deviennent la norme, nous perdons quelque chose de fondamental — l’idée même d’un gouvernement au service de tous, pas seulement d’un camp politique.