Le silence assourdissant qui cache une stratégie audacieuse
Washington, 16 octobre 2025. Seize jours que le gouvernement fédéral américain est paralysé. Seize jours que plus de 750 000 employés fédéraux sont chez eux sans salaire, que des services essentiels tournent au ralenti, que le chaos s’installe. Et pourtant… les démocrates ne bronchent pas. Ils ne piquent pas de crise. Ils ne cèdent pas d’un pouce. Alors que Donald Trump vient d’ordonner au Pentagone de puiser dans les fonds de recherche et développement pour payer les militaires — une manœuvre juridiquement douteuse mais politiquement astucieuse —, les démocrates refusent toujours de voter pour rouvrir le gouvernement. Pourquoi ? Parce qu’ils ont décidé, cette fois, de tenir bon. Parce qu’en mars dernier, quand Chuck Schumer et neuf sénateurs démocrates ont voté avec les républicains pour éviter un shutdown, ils se sont fait massacrer par leur propre camp. Alexandria Ocasio-Cortez les a attaqués publiquement. La gauche progressiste les a traités de lâches. Et maintenant, avec AOC qui mène Schumer de dix points dans les sondages pour la primaire sénatoriale de 2028 à New York, le leader démocrate au Sénat n’a plus le choix. Il doit montrer qu’il a une colonne vertébrale. Même si ça signifie laisser le gouvernement fermé pendant des semaines.
Trump joue aux échecs — et perd la partie
Trump croyait avoir trouvé l’arme ultime. Licencier massivement des employés fédéraux pendant le shutdown. Menacer de couper dans les « programmes démocrates ». Faire pression sur les travailleurs sans salaire pour qu’ils supplient leurs élus de capituler. Mais il a sous-estimé quelque chose de fondamental : cette fois, les démocrates ont une cause qui résonne auprès des électeurs. Ils se battent pour les subventions de l’Affordable Care Act — ces aides financières qui permettent à près de 24 millions d’Américains d’avoir une assurance santé abordable. Ces subventions expirent le 31 décembre 2025. Si elles ne sont pas renouvelées, les primes d’assurance exploseront de 114 % en moyenne dès 2026. Des petits entrepreneurs, des fermiers, des travailleurs indépendants, des familles de la classe moyenne verront leurs coûts passer de 888 dollars par an à près de 1 900 dollars. Et l’inscription ouvre le 1er novembre… dans deux semaines. Les démocrates savent que chaque jour qui passe, les Américains comprennent mieux ce qui est en jeu. Trump, lui, parle de narcotrafiquants vénézuéliens et de « programmes démocrates ». Pas exactement ce qui préoccupe les familles qui essaient de payer leurs factures médicales.
La décision militaire de Trump — un aveu de faiblesse
Mercredi 15 octobre, Trump a signé un mémorandum présidentiel ordonnant au secrétaire à la Défense, Pete Hegseth, de garantir le paiement des 1,3 million de militaires en service actif malgré le shutdown. Il a invoqué son autorité de commandant en chef et ordonné au Pentagone de puiser dans les fonds déjà alloués par le Congrès pour l’année fiscale 2026 — notamment les budgets de recherche et développement. C’est une décision populaire, évidemment. Personne ne veut que les soldats ne soient pas payés. Mais c’est aussi un aveu que Trump commence à paniquer. Parce que s’il doit intervenir personnellement pour payer les militaires, ça signifie qu’il sait que le shutdown lui coûte politiquement. Les sondages montrent que les Américains blâment les deux partis à parts égales — environ 63 % pour chacun. Mais dans les États clés, dans les circonscriptions contestées, les démocrates gagnent du terrain sur le message de la santé. Trump essaie donc de limiter les dégâts en protégeant au moins les militaires. Mais ça ne change rien au fait que des centaines de milliers d’employés civils restent sans salaire. Et que les démocrates refusent toujours de bouger.
Schumer sous pression : la menace AOC plane sur tout

Mars 2025 — le vote qui a tout changé
Pour comprendre pourquoi Schumer tient bon aujourd’hui, il faut revenir à mars 2025. À l’époque, le Congrès faisait face à une échéance budgétaire similaire. Trump menaçait de laisser le gouvernement se fermer. Schumer, fidèle à sa réputation de négociateur pragmatique, a décidé de voter avec les républicains pour adopter une résolution budgétaire temporaire — un « continuing resolution » ou CR — qui maintenait les niveaux de financement existants et évitait le shutdown. Il a entraîné neuf autres sénateurs démocrates avec lui. Sur le moment, ça semblait raisonnable. « Il n’y a pas de gagnants dans un shutdown gouvernemental », avait-il déclaré pour justifier son choix. Mais la réaction a été brutale. AOC l’a critiqué publiquement, l’accusant de céder trop facilement face à Trump. Bernie Sanders a exprimé sa « déception ». Le leader démocrate à la Chambre, Hakeem Jeffries, a refusé de dire qu’il avait « confiance » en Schumer — un camouflet public humiliant. Et surtout, les appels à une primaire ont commencé. Des militants progressistes ont lancé des campagnes pour trouver un candidat capable de défier Schumer en 2028. Et ce candidat, tout le monde le savait, ce serait AOC.
Le sondage qui a tout changé — AOC devant Schumer
En avril 2025, un sondage réalisé par Data For Progress a fait l’effet d’une bombe. Dans une primaire hypothétique pour le Sénat de New York en 2028, Alexandria Ocasio-Cortez menait Chuck Schumer par dix points — 48 % contre 38 % parmi les électeurs démocrates probables. Dix points. Pour un leader historique du Sénat, en poste depuis des décennies, contre une représentante de quatrième mandat. C’est un effondrement. Schumer, soixante-quatorze ans, symbole de l’establishment démocrate, faisait face à la perspective très réelle d’être détrôné par la star montante de la gauche progressiste. Et tout ça à cause de ce vote de mars. Parce qu’il avait cédé trop vite. Parce qu’il n’avait pas tenu tête à Trump. Les républicains, évidemment, ont sauté sur l’occasion. Le vice-président JD Vance a déclaré publiquement que Schumer était « terrifié » par une primaire d’AOC et que c’était pour ça qu’il laissait maintenant le gouvernement se fermer. Le speaker de la Chambre, Mike Johnson, a répété la même chose. Trump lui-même a qualifié Schumer de « politicien affaibli » qui terminerait sa carrière comme un « raté ». Tout ça pour créer une pression maximale sur Schumer et le forcer à céder à nouveau.
AOC refuse de répondre — mais laisse planer le doute
Lors d’un town hall diffusé sur CNN mercredi soir, en plein shutdown, la journaliste Kaitlan Collins a posé la question directement à AOC : « Le speaker Johnson dit que Schumer soutient le shutdown pour éviter une primaire de votre part. Est-ce que ça influence ses décisions ? » AOC a ri. « Non, absolument pas. Cette suggestion est complètement ridicule et montre leur niveau de désespoir. » Puis elle a ajouté : « Johnson et Thune disent ça parce qu’ils esquivent leurs responsabilités. Ils inventent un drame politique dont personne ne veut entendre parler. » Mais ce qu’elle n’a pas dit, c’est qu’elle ne ferait pas la primaire. Quand NBC News lui a demandé directement si elle envisageait de défier Schumer en 2028, elle a esquivé avec habileté : « Les gens souffrent maintenant. Personne ne pense aux élections dans trois ans. » Comprenez : oui, c’est possible, mais je ne vais pas l’annoncer maintenant parce que ça détournerait l’attention de la bataille actuelle. Elle a également défendu Schumer et Jeffries : « Ces leaders mènent bien les négociations. Les démocrates sont extrêmement unis. » Mais tout le monde sait que c’est elle qui tient la laisse. Elle n’a pas besoin de menacer Schumer publiquement. Le simple fait qu’elle existe, qu’elle soit populaire, qu’elle mène dans les sondages… ça suffit.
La bataille pour l'Affordable Care Act : l'enjeu qui change tout

Vingt-quatre millions d’Américains en otage
Cette fois, contrairement aux shutdowns précédents, les démocrates ont une cause claire et compréhensible. Ils exigent que le Congrès renouvelle les subventions renforcées de l’Affordable Care Act — ces aides financières qui ont été adoptées pendant la pandémie sous Biden et qui ont permis à des millions d’Américains supplémentaires d’accéder à une assurance santé abordable. Actuellement, près de 24 millions de personnes sont inscrites aux marchés d’assurance de l’ACA. C’est un record historique. Le taux de non-assurés aux États-Unis est tombé à son plus bas niveau jamais enregistré. Mais ces subventions expirent le 31 décembre 2025. Si le Congrès ne les renouvelle pas, les primes d’assurance vont exploser. Selon une analyse de KFF, les personnes qui achètent leur assurance sur les marchés de l’ACA et reçoivent une aide financière verront leurs primes augmenter de 114 % en moyenne — passant de 888 dollars en 2025 à 1 904 dollars en 2026. Pour une famille de quatre personnes de la classe moyenne, c’est dévastateur. Et ça ne touche pas seulement les pauvres. Ça touche les petits entrepreneurs, les fermiers, les travailleurs indépendants, les artistes, les consultants — tous ceux qui n’ont pas d’assurance via un employeur.
Le 1er novembre approche — et Trump ne peut pas l’ignorer
Le 1er novembre est la date où commence l’inscription ouverte pour les plans d’assurance de l’ACA dans la plupart des États. C’est dans deux semaines. Si les subventions ne sont pas renouvelées d’ici là, les primes affichées sur les sites d’inscription seront beaucoup plus élevées. Des millions d’Américains vont se connecter pour renouveler ou souscrire une assurance… et découvrir que leurs coûts ont doublé. Ils vont immédiatement blâmer le Congrès. Et puisque les républicains contrôlent les deux chambres et la Maison-Blanche, ils savent qui sera pointé du doigt. Les démocrates jouent avec le calendrier. Ils savent que chaque jour qui passe rapproche du 1er novembre. Et que Trump ne peut pas se permettre politiquement de laisser les primes exploser juste avant les élections de mi-mandat de 2026. Melinda Buntin, professeure à Johns Hopkins, l’a dit clairement : « Si l’inscription ouverte commence et que ces subventions ne sont pas approuvées, les gens vont voir leurs primes grimper. Et ils vont être furieux. » Les républicains essaient de minimiser l’urgence. Le sénateur Lindsey Graham a déclaré : « Si l’ACA est vraiment abordable, pourquoi dépensons-nous 350 milliards de dollars encore et encore pour le maintenir en vie ? » Mais les démocrates ne lâchent rien.
Un message simple qui résonne — « ils veulent vous enlever votre santé »
Les démocrates ont enfin un message qui fonctionne. « Les républicains veulent vous enlever votre assurance santé. » C’est simple. C’est direct. C’est compréhensible. Et c’est vrai, dans une certaine mesure. Les républicains refusent de renouveler les subventions. Ils disent qu’ils sont prêts à négocier… mais seulement après la réouverture du gouvernement. Les démocrates répondent : « Non. On ne vous fait plus confiance. On négocie maintenant, ou pas du tout. » Le sénateur Mark Kelly, démocrate de l’Arizona, l’a dit brutalement : « Cette bataille sur le shutdown concerne une seule chose : le coût des soins de santé. Dix-neuf millions de personnes dépendent de l’ACA. Leurs primes vont exploser si nous ne faisons rien. » Et contrairement aux batailles abstraites sur les dépenses budgétaires ou les niveaux de déficit, celle-ci touche directement les portefeuilles des électeurs. C’est tangible. C’est immédiat. Les républicains essaient de contre-attaquer en accusant les démocrates de vouloir étendre l’assurance santé aux immigrants illégaux — ce qui est faux, puisque les immigrants sans papiers ne sont pas éligibles aux subventions fédérales. Mais le message ne prend pas. Parce que les électeurs savent ce qui est en jeu.
Trump tente d'intimider — et échoue lamentablement

Les licenciements massifs qui ne font pas plier les démocrates
Trump a essayé une autre tactique : licencier massivement des employés fédéraux pendant le shutdown. Plus de 4 100 travailleurs ont reçu des avis de mise à pied depuis vendredi dernier. Trump a menacé d’en licencier « au-delà de 10 000 » selon Russell Vought, directeur du Bureau de la gestion et du budget. L’idée ? Créer une pression telle que les démocrates seraient forcés de capituler pour sauver ces emplois. Mais ça n’a pas fonctionné. Au contraire, les démocrates se sont radicalisés. Le sénateur Tim Kaine, de Virginie, a déclaré après avoir parlé à ses électeurs pendant le week-end : « Les gens me disent : vous devez arrêter le carnage. Et on ne l’arrête pas en cédant. » Le sénateur Brian Schatz, d’Hawaï, a qualifié les licenciements de « beaucoup de bluff » et prédit qu’ils seraient renversés par les tribunaux — ce qui s’est déjà produit partiellement avec l’ordonnance de la juge Susan Illston le 15 octobre. Hakeem Jeffries a été encore plus direct : « Leurs tactiques d’intimidation ne fonctionnent pas. Et elles continueront à échouer. » Pourquoi cette résistance ? Parce que les démocrates ont calculé que l’impact des subventions de santé qui expirent — touchant 24 millions de personnes — l’emporte largement sur l’impact des licenciements fédéraux — touchant quelques milliers. C’est froid, c’est calculé, mais c’est stratégique.
Les démocrates modérés ne bougent pas non plus
Au début du shutdown, les républicains espéraient que les démocrates modérés — ceux qui représentent des États ou des districts plus conservateurs — finiraient par craquer et voter avec eux pour rouvrir le gouvernement. Ça ne s’est pas produit. Les sénateurs démocrates qui avaient voté avec les républicains en mars — John Fetterman (Pennsylvanie), Catherine Cortez Masto (Nevada), Angus King (Maine) — ont cette fois tenu bon. Ils ont rejeté la résolution républicaine à neuf reprises. Pourquoi ? Parce qu’ils ont compris que céder maintenant serait politiquement suicidaire. Leurs électeurs — y compris les électeurs modérés — dépendent des subventions de l’ACA. Céder signifierait les trahir. Le sénateur Chris Coons, du Delaware, l’a dit explicitement : « L’impact de l’expiration des subventions de santé, combiné aux coupes dans Medicaid adoptées par les républicains plus tôt cette année, dépasse de loin les menaces de licenciements fédéraux. » Les démocrates ont fait le calcul politique. Et ils ont décidé que cette bataille valait la peine d’être menée. Même si ça signifie un shutdown prolongé. Même si ça signifie des employés fédéraux sans salaire. Même si ça signifie des critiques dans les médias.
La Maison-Blanche publie une horloge du shutdown — et ça se retourne contre eux
Dans une tentative désespérée de blâmer les démocrates, la Maison-Blanche a publié une page web intitulée « Government Shutdown Clock » — une horloge qui compte les jours, heures, minutes et secondes depuis le début du shutdown. La page accuse Schumer d’avoir changé d’avis entre mars et octobre, affirmant qu’il a cédé aux pressions de la « gauche radicale » et d’AOC par peur de perdre une primaire. Elle cite le sondage montrant AOC devant Schumer. Elle accuse les démocrates de vouloir « donner l’aide sociale aux immigrants illégaux » — une affirmation fausse. Et elle prédit que cette décision « pourrait finir la carrière » de Schumer. Mais tout ça sonne creux. Parce que la réalité, c’est que Trump contrôle les deux chambres du Congrès et la Maison-Blanche. Si le gouvernement est fermé, c’est parce que les républicains ne parviennent pas à adopter un budget. Les démocrates peuvent bloquer au Sénat grâce au filibuster, mais ça ne change rien au fait que la responsabilité première incombe au parti au pouvoir. Et les sondages le montrent : 63 % des Américains blâment les républicains autant que les démocrates. Trump n’a pas réussi à créer une dynamique où les démocrates seraient perçus comme les seuls responsables.
Les républicains coincés dans leur propre piège

Thune propose un vote sur les subventions — après réouverture
Le leader républicain au Sénat, John Thune, a finalement fait une offre aux démocrates. Il a proposé de tenir un vote sur l’extension des subventions de l’ACA… mais seulement après que le gouvernement soit rouvert. « Rouvrez le gouvernement, et ensuite nous négocierons sur la santé », a-t-il dit. C’est exactement la même tactique que les républicains ont utilisée lors de précédents shutdowns. Et ça n’a jamais fonctionné. Les démocrates ont rejeté l’offre immédiatement. Schumer a répondu : « Nous ne vous faisons plus confiance. Vous avez promis de négocier en mars, et vous n’avez rien fait. Cette fois, nous négocions maintenant, ou pas du tout. » Et il a raison. Les républicains ont une histoire de promettre des négociations après la réouverture… puis de ne rien tenir. Ils savent que dès que le gouvernement rouvre, la pression disparaît, et ils peuvent ignorer les demandes démocrates. Cette fois, Schumer refuse de tomber dans le piège. Thune a essayé une autre approche jeudi : il a proposé un vote sur des projets de loi d’appropriations — une manœuvre procédurale pour montrer que le Sénat fait « quelque chose ». Mais ça n’a convaincu personne. Les démocrates voient clair dans son jeu.
Le speaker Johnson prédit le plus long shutdown de l’histoire
Le speaker de la Chambre, Mike Johnson, a fait une déclaration inquiétante en début de semaine : « Nous nous dirigeons vers un des shutdowns les plus longs de l’histoire américaine. » Le record actuel ? 35 jours, établi lors du shutdown de décembre 2018 à janvier 2019 sous Trump. Ce shutdown-ci en est à 16 jours. Si Johnson a raison, nous pourrions être bloqués jusqu’en novembre… voire au-delà. Mais Johnson ne semble pas avoir de stratégie pour sortir de l’impasse. Il a prolongé la pause parlementaire de la Chambre jusqu’au 19 octobre, affirmant qu’il ne négocierait pas tant que les démocrates n’abandonneraient pas leurs « demandes ridicules » sur la santé. C’est une impasse totale. Les républicains refusent de négocier. Les démocrates refusent de céder. Et pendant ce temps, le pays s’enfonce dans le chaos. Les services fédéraux sont paralysés. Les employés ne sont pas payés. Les agences critiques fonctionnent au ralenti. Et personne ne voit de sortie de crise. Parce que pour qu’il y ait une sortie de crise, il faudrait que l’un des deux camps recule. Et pour l’instant, aucun des deux n’est prêt à le faire.
Les républicains divisés sur la stratégie
Même au sein du Parti républicain, des fissures commencent à apparaître. Le sénateur Rand Paul a voté contre la résolution républicaine à plusieurs reprises, estimant qu’elle ne réduit pas assez les dépenses. La sénatrice Lisa Murkowski, de l’Alaska, a publiquement critiqué les licenciements fédéraux pendant le shutdown, les qualifiant d’« inappropriés » et de « punitifs ». La sénatrice Susan Collins, du Maine, a exprimé des préoccupations similaires. Mais ces voix restent minoritaires. La majorité des républicains soutient Trump — ou du moins, refuse de le critiquer publiquement. Ils espèrent que la pression finira par forcer les démocrates à céder. Mais cette stratégie suppose que les démocrates vont craquer en premier. Et rien n’indique que ce soit le cas. Au contraire, chaque jour qui passe rapproche du 1er novembre, date d’ouverture des inscriptions ACA, et renforce la position démocrate. Lindsey Graham, habituellement un allié fidèle de Trump, a admis sur « Meet the Press » que le shutdown de 2018-2019 sur le mur frontalier n’avait rien accompli. « Nous avons fermé le gouvernement pendant 35 jours pour forcer les démocrates à financer le mur. Nous avons finalement construit le mur, mais pas à cause du shutdown. » Autrement dit : les shutdowns ne fonctionnent pas comme outil de négociation. Mais Trump ne semble pas avoir reçu le mémo.
La décision militaire : populaire mais juridiquement douteuse

Trump invoque son autorité de commandant en chef
Le mémorandum signé par Trump le 15 octobre invoque son autorité constitutionnelle en tant que commandant en chef pour ordonner au Pentagone de payer les militaires. Il cite l’Article II de la Constitution, qui accorde au président des pouvoirs étendus en matière de défense nationale. Le mémo affirme que « l’interruption des appropriations actuelles présente une menace sérieuse et inacceptable pour la préparation militaire et la capacité de nos forces armées à protéger et défendre notre nation. » Trump ordonne au secrétaire à la Défense d’utiliser « tous les fonds disponibles » alloués par le Congrès pour l’année fiscale 2026 afin de couvrir les salaires et allocations des militaires en service actif. Selon des responsables de la Maison-Blanche, ces fonds proviendront principalement des budgets de recherche et développement du Pentagone. C’est une manœuvre juridiquement risquée. Normalement, les fonds alloués par le Congrès doivent être utilisés pour les objectifs spécifiques approuvés par le Congrès. Trump affirme qu’il peut les réaffecter parce qu’il s’agit d’une urgence de sécurité nationale. Mais des experts constitutionnels ont exprimé des doutes. Est-ce que le président peut vraiment déplacer des fonds sans l’approbation du Congrès ? La réponse dépend de l’interprétation de la loi. Et probablement, ça finira devant les tribunaux.
Une solution temporaire — mais après le 31 octobre ?
Le représentant républicain Nick LaLota, de New York, a salué la décision de Trump mais a soulevé une question cruciale : « L’action de Trump à la mi-octobre est une bonne nouvelle pour la communauté militaire. Mais maintenant, cette même communauté s’inquiète de ce qui se passera fin octobre, quand les hypothèques, les loyers et les paiements de voiture seront dus. » En effet, la décision de Trump couvre le paiement du 15 octobre — celui qui était censé arriver cette semaine. Mais qu’en est-il du prochain paiement, fin octobre ? Le speaker Johnson a averti que le Pentagone pourrait « manquer de fonds » pour payer les militaires si le shutdown continue jusqu’au 31 octobre. Où Trump trouvera-t-il l’argent alors ? Il ne peut pas indéfiniment puiser dans les budgets de recherche et développement sans conséquences. Ces budgets financent des projets critiques — nouveaux systèmes d’armes, technologies de défense avancées, cybersécurité. Si Trump les vide pour payer les salaires, ça aura un impact sur la préparation militaire à long terme. Ironiquement, la « menace sérieuse pour la préparation militaire » que Trump prétend combattre… il pourrait la créer lui-même en déplaçant ces fonds. Mais pour l’instant, ça lui permet de gagner du temps. Et politiquement, c’est tout ce qui compte.
Les employés civils fédéraux laissés pour compte
Mais voici la question clé que personne ne pose assez fort : pourquoi les militaires méritent-ils d’être payés pendant le shutdown, mais pas les employés civils fédéraux ? Pourquoi un soldat reçoit son salaire, mais pas un chercheur médical au CDC ? Pas un agent du Trésor qui traite vos déclarations fiscales ? Pas un inspecteur de la sécurité alimentaire qui protège votre santé ? La réponse est politique. Trump sait qu’il ne peut pas se permettre de ne pas payer les militaires. Ce serait un suicide politique. Les militaires et leurs familles forment une base électorale importante, surtout pour les républicains. Mais les employés civils ? Beaucoup travaillent dans des « agences démocrates » que Trump veut couper. Alors il les laisse sans salaire. C’est cynique. C’est injuste. Et ça montre exactement comment Trump perçoit le service public : les militaires méritent d’être soutenus parce qu’ils portent l’uniforme. Les civils ? Pas vraiment. Pourtant, ces employés civils font un travail tout aussi essentiel. Ils protègent la santé publique. Ils luttent contre la fraude financière. Ils gèrent les parcs nationaux. Ils aident les vétérans à obtenir leurs prestations. Mais pour Trump, ils sont invisibles. Ou pire, ils sont des ennemis.
Les conséquences à long terme : une nouvelle normalité toxique

Les shutdowns deviennent une arme politique permanente
Ce qui est le plus inquiétant dans cette crise, ce n’est pas le shutdown lui-même. C’est ce qu’il représente. Depuis les années 1990, les shutdowns gouvernementaux sont devenus de plus en plus fréquents et de plus en plus longs. Avant 1995, ils duraient quelques heures ou quelques jours tout au plus. Maintenant, ils durent des semaines. Et ils sont utilisés comme armes politiques — des outils pour forcer l’autre camp à céder sur des questions qui n’ont souvent rien à voir avec le budget lui-même. En 2013, les républicains ont fermé le gouvernement pour tenter de défaire l’Affordable Care Act. En 2018-2019, Trump l’a fermé pour obtenir des fonds pour son mur frontalier. Maintenant, en 2025, c’est une bataille sur les subventions de santé. À chaque fois, les enjeux augmentent. Les durées s’allongent. Les conséquences s’aggravent. Et la norme change. Nous acceptons collectivement que le gouvernement puisse se fermer pendant des semaines comme si c’était normal. Que des centaines de milliers de travailleurs soient utilisés comme otages dans des batailles politiques. Que des services essentiels soient interrompus parce que les adultes à Washington ne peuvent pas se mettre d’accord. C’est toxique. Et ça érode la confiance dans les institutions démocratiques.
Les employés fédéraux démoralisés et en fuite
Pour les employés fédéraux, cette situation est catastrophique. Imaginez travailler pendant des années dans le service public — souvent pour un salaire inférieur à ce que vous pourriez gagner dans le secteur privé — parce que vous croyez en la mission. Et puis, tous les quelques années, votre gouvernement vous dit : « Désolé, on ne peut pas vous payer ce mois-ci. Mais continuez à travailler quand même. Ou restez chez vous sans salaire. Et on ne sait pas quand ça va se terminer. » C’est une humiliation. C’est une trahison. Et ça pousse les meilleurs talents à fuir le service public. Pourquoi rester dans un emploi fédéral si vous êtes traité comme une variable d’ajustement dans des batailles politiques ? Pourquoi accepter l’instabilité chronique quand vous pourriez avoir un emploi stable dans le secteur privé ? Résultat : les agences fédérales perdent leurs employés les plus compétents. Ceux qui restent sont souvent ceux qui n’ont pas d’autres options. Et la qualité du service public se dégrade. C’est un cercle vicieux. Plus les shutdowns deviennent fréquents, plus les talents fuient, plus la fonction publique s’affaiblit, plus il devient facile pour les politiciens de la dénigrer et de la couper davantage. Et au final, ce sont les citoyens ordinaires qui en pâtissent.
La confiance dans le gouvernement atteint des niveaux historiquement bas
Les sondages montrent que la confiance des Américains dans le gouvernement fédéral est à un niveau historiquement bas. Moins de 20 % des Américains disent avoir confiance dans le gouvernement pour « faire ce qui est juste la plupart du temps ». Et des situations comme celle-ci ne font qu’aggraver les choses. Quand les gens voient que leurs élus sont incapables de maintenir le gouvernement ouvert — la tâche la plus basique du Congrès —, ils perdent espoir. Ils se disent : « Si ils ne peuvent même pas faire ça, comment peuvent-ils résoudre des problèmes complexes comme le climat, la santé, l’économie ? » Et cette perte de confiance a des conséquences réelles. Elle alimente le populisme. Elle pousse les gens vers des figures autoritaires qui promettent de « nettoyer le marais » et de « tout réparer ». Elle rend la démocratie plus fragile. Parce que quand les citoyens ne croient plus que leur gouvernement peut fonctionner, ils deviennent ouverts à des solutions radicales — y compris des solutions qui sapent les institutions démocratiques elles-mêmes. C’est exactement ce que Trump exploite. Il a construit toute sa carrière politique sur le message que « Washington est brisé » et que seul lui peut le réparer. Et chaque shutdown, chaque crise, chaque dysfonctionnement… renforce ce message.
Conclusion

Ce qu’il faut retenir : les démocrates jouent une partie dangereuse — mais calculée
Alors, pourquoi les démocrates ne piquent-ils pas de crise face à la décision de Trump de payer les militaires mais pas les civils ? Parce qu’ils ont fait le calcul politique. Ils savent que cette décision est populaire — personne ne veut que les soldats ne soient pas payés. Mais ils savent aussi qu’elle ne change rien au fond du problème. Trump essaie de limiter les dégâts politiques du shutdown en protégeant les militaires. Mais ça ne résout pas la crise. Ça ne rouvre pas le gouvernement. Ça ne renouvelle pas les subventions de santé. Et surtout, ça ne change pas le fait que 24 millions d’Américains risquent de voir leurs primes d’assurance doubler dans quelques semaines. Les démocrates ont décidé que cette bataille valait la peine d’être menée. Pas par idéalisme. Pas par principe moral. Par calcul politique. Schumer sait qu’il ne peut plus céder sans signer son arrêt de mort face à une primaire d’AOC. Les démocrates modérés savent que leurs électeurs dépendent des subventions de l’ACA. Et tous savent que chaque jour qui passe rapproche du 1er novembre, date où les conséquences de l’inaction républicaine deviendront visibles pour des millions de personnes. C’est une stratégie risquée. Si le shutdown dure trop longtemps, l’opinion publique pourrait se retourner contre eux. Mais pour l’instant, ils tiennent bon.
Ce qui change dès maintenant : une nouvelle ère de confrontations permanentes
Ce qui change maintenant, c’est que nous entrons dans une nouvelle ère de la politique américaine. Une ère où les shutdowns ne sont plus des événements rares et exceptionnels, mais des outils routiniers de confrontation politique. Une ère où aucun des deux partis ne recule, où chacun attend que l’autre craque en premier, où les citoyens ordinaires sont pris en otage dans des batailles qu’ils n’ont pas choisies. Trump a normalisé cette approche. Il a montré qu’on peut gouverner en mode crise permanente, qu’on peut utiliser le chaos comme stratégie, qu’on peut ignorer les normes et les conventions sans conséquences graves. Et maintenant, les démocrates adoptent la même posture. Ils ont appris que céder ne mène nulle part. Que la seule façon de résister à Trump, c’est de tenir bon, peu importe les coûts. C’est une escalade. Et personne ne sait où elle mènera. Peut-être que ce shutdown se terminera dans quelques jours avec un compromis de dernière minute. Ou peut-être qu’il durera 35 jours, 50 jours, record après record. Peut-être que les subventions de santé seront renouvelées. Ou peut-être que des millions d’Américains verront leurs primes exploser. Personne ne sait. Parce que nous sommes en territoire inconnu.
Ce que je recommande : exigez mieux de vos élus — ou préparez-vous au pire
Que pouvons-nous faire, nous, citoyens ordinaires, face à ce cirque ? D’abord, refusez d’accepter que c’est normal. Un shutdown de 16 jours — et qui pourrait durer bien plus longtemps — n’est pas une fatalité. C’est un choix politique. Les élus des deux partis ont choisi de laisser le gouvernement se fermer plutôt que de négocier sérieusement. Appelez vos représentants. Sénateurs, membres de la Chambre, peu importe leur parti. Dites-leur que vous en avez assez. Que vous voulez qu’ils fassent leur travail. Que vous les tiendrez responsables lors des prochaines élections. Ensuite, soutenez les employés fédéraux. Ce ne sont pas des statistiques. Ce sont des gens avec des familles, des factures, des vies. Si vous connaissez quelqu’un qui travaille pour le gouvernement fédéral et qui n’est pas payé, aidez-le. Même un petit geste compte. Et enfin, préparez-vous. Parce que si cette crise nous apprend quelque chose, c’est que notre système politique est profondément dysfonctionnel. Et ça ne va pas s’améliorer de sitôt. Les shutdowns vont devenir plus fréquents. Les confrontations plus intenses. Les conséquences plus graves. Nous devons accepter cette réalité et nous y adapter. Parce que sinon, nous serons constamment pris au dépourvu, constamment choqués, constamment déçus. Et franchement, nous méritons mieux que ça.