Des centaines de Canadiens ont envahi les rues samedi, le 18 octobre 2025, pour crier leur rage face à ce qu’ils considèrent comme une menace autoritaire sans précédent venue du sud. De Montréal à Vancouver, de Toronto à Ottawa, le mouvement «No Tyrants» («Pas de tyrans») a mobilisé des citoyens qui refusent de fermer les yeux devant ce qu’ils perçoivent comme les dérives autocratiques du président américain Donald Trump. Cette journée de mobilisation massive, synchronisée avec plus de 2 700 rassemblements aux États-Unis, a transformé les places publiques canadiennes en bastions de résistance démocratique. Sous des ciels gris d’automne, brandissant pancartes et scandant des slogans percutants, ces manifestants ont choisi de se tenir debout—non pas seulement pour défendre leurs voisins américains, mais aussi pour protéger leur propre souveraineté contre un homme qu’ils jugent dangereux et imprévisible.
La Place du Canada à Montréal débordait de manifestants venus de tous horizons—expatriés américains, étudiants étrangers, Québécois de souche, Canadiens inquiets. Ils scandaient «No fear, No King» («Pas de peur, pas de roi») avec une intensité qui faisait vibrer l’air automnal. À Toronto, malgré les perturbations causées par un marathon matinal, des centaines de personnes se sont regroupées devant le consulat américain sur University Avenue, refusant le silence. Vancouver a vu des rassemblements au Jack Poole Plaza, tandis qu’Ottawa comptait des centaines de citoyens devant l’ambassade des États-Unis, tous unis dans un même cri: la démocratie ne peut pas tomber sans combat. L’atmosphère était chargée d’émotion, d’urgence, de colère retenue mais également d’espoir—cet espoir fragile que les voix de millions de personnes peuvent encore faire trembler les fondations d’un pouvoir qui se croit invincible.
Une vague de mobilisation historique qui traverse les frontières

Le mouvement «No Kings» prend racine au Canada
Le mouvement «No Kings», rebaptisé «No Tyrants» au Canada pour éviter toute confusion dans un pays qui reconnaît la monarchie britannique, est devenu un phénomène transnational qui refuse de se limiter aux frontières américaines. Né dans les rues américaines pour dénoncer ce que ses organisateurs appellent les excès autoritaires de l’administration Trump, ce collectif regroupe plus de 300 associations et mobilise des millions de personnes à travers l’Amérique du Nord. Au Canada, ce slogan résonne avec une intensité particulière: les citoyens canadiens, témoins impuissants des tensions commerciales, des menaces d’annexion et des insultes répétées lancées par Trump contre leur pays, ont trouvé dans ce mouvement une façon de canaliser leur frustration. Les organisateurs canadiens—Democrats Abroad Quebec, Indivisible Quebec, Indivisible Vancouver, Indivisible Toronto—ont coordonné ces rassemblements avec une précision militaire, transformant une journée ordinaire d’octobre en un moment de résistance collective.
Montréal: un cri de solidarité et de défiance
À Montréal, la Place du Canada est devenue l’épicentre de cette indignation populaire. Des centaines de manifestants, peut-être même plus d’un millier selon certaines estimations non officielles, se sont massés sous un ciel gris pour «défendre la démocratie et dénoncer les dérives autoritaires de Donald Trump». Lorne Feldman, un sexagénaire qui a vécu 46 ans aux États-Unis avant de revenir s’installer à Montréal, a confié aux journalistes: «Avant je pensais que c’était un privilège de pouvoir habiter aux États-Unis. Maintenant, je pense que c’est un privilège de pouvoir les quitter.» Son témoignage résume à lui seul le désenchantement profond ressenti par de nombreux Américains expatriés qui ont fui leur propre pays par peur pour leurs droits fondamentaux. Les pancartes affichaient des messages sans équivoque—certains dénonçaient les politiques migratoires brutales, d’autres critiquaient les attaques contre les institutions démocratiques, plusieurs arboraient des slogans humoristiques mais incisifs comparant Trump à un clown plutôt qu’à un leader légitime.
Toronto et Vancouver: des milliers de voix qui refusent le silence
Toronto n’a pas été en reste. Malgré un changement d’horaire de dernière minute causé par le marathon de la ville, des centaines de manifestants se sont réunis à midi devant le consulat américain situé au 361 University Avenue. Les organisateurs avaient demandé aux participants de porter du jaune et de s’habiller en personnages non-violents pour contrer la narrative selon laquelle les manifestants anti-Trump seraient des «terroristes». À Vancouver, le rassemblement au Jack Poole Plaza près du Centre des congrès a attiré des centaines de personnes venues exprimer leur solidarité avec leurs voisins américains. La BC Humanist Association, fière supportrice du mouvement, a déclaré: «Ici au Canada, nous nous tenons en solidarité avec nos voisins américains contre leur dictateur en devenir.» Ottawa, la capitale fédérale, a également vu des centaines de citoyens se masser devant l’ambassade des États-Unis, transformant ce lieu diplomatique en scène de protestation pacifique mais déterminée.
Les raisons d'une colère qui traverse les frontières

La politique migratoire brutale qui choque le monde
L’une des principales sources d’indignation concerne la politique migratoire de l’administration Trump, jugée inhumaine et brutale par les manifestants. Depuis son retour à la Maison-Blanche en janvier 2025, Trump a triplé le budget de l’agence d’immigration américaine ICE (Immigration and Customs Enforcement), déclenchant une vague d’expulsions violentes d’immigrants illégaux à travers le pays. Des militaires de la Garde nationale ont été déployés dans plusieurs bastions démocrates comme Los Angeles et Washington, officiellement pour lutter contre la criminalité, mais perçus par beaucoup comme une force d’intimidation politique. Lorne Feldman, l’expatrié montréalais, a raconté comment plusieurs de ses amis restés aux États-Unis sont «coincés», incapables de partir, tandis que d’autres ont été expulsés sans ménagement. Ces témoignages personnels donnent un visage humain à une politique que beaucoup jugent cruelle et arbitraire.
Les menaces contre la souveraineté canadienne
Pour les Canadiens, la colère ne se limite pas à la solidarité avec leurs voisins du sud. Trump a multiplié les menaces directes contre le Canada depuis son retour au pouvoir, ravivant sa rhétorique selon laquelle le Canada devrait devenir le «51e État» américain. Ces déclarations, que beaucoup considèrent comme des provocations calculées, ont profondément blessé l’orgueil national canadien. En octobre 2025, lors de négociations commerciales qui stagnaient, Trump a ravivé cette rhétorique pour «piquer le Canada», selon un analyste politique cité dans les médias. Les tarifs douaniers unilatéraux imposés par Washington sur l’acier et l’automobile canadiens menacent des milliers d’emplois, tandis que les insultes répétées du président américain envers le Canada ont créé un climat de tension sans précédent. Les manifestants canadiens ne protestent donc pas seulement contre l’autoritarisme abstrait—ils protestent contre une menace concrète à leur indépendance et leur dignité nationale.
Le sentiment d’urgence face aux attaques contre les institutions démocratiques
Au-delà des politiques spécifiques, les manifestants dénoncent ce qu’ils perçoivent comme une attaque systématique contre les institutions démocratiques américaines. Leah Greenberg, cofondatrice du collectif «Indivisible», a déclaré à l’AFP: «Ils envoient la Garde nationale. Ils terrorisent nos amis et voisins migrants. Ils poursuivent en justice leurs opposants politiques.» Ce sentiment que Trump «pense que son pouvoir est absolu», comme le formule le mouvement «No Kings», alimente l’inquiétude profonde des manifestants. Ils voient dans les actions de l’administration Trump un modèle autocratique qui rappelle les dictatures historiques—un président qui défie les tribunaux, qui utilise l’armée à des fins politiques, qui attaque la presse et qui réprime violemment toute dissidence. Cette perception d’une démocratie en danger imminent explique l’urgence et l’intensité émotionnelle de ces mobilisations.
Un précédent historique inquiétant
Les organisateurs du mouvement «No Kings» rappellent que samedi 18 octobre 2025 n’était pas la première mobilisation de ce type. En juin dernier, une première journée «No Tyrants» avait déjà attiré des millions de participants à travers les États-Unis et le Canada, constituant la plus grande contestation depuis le retour de Trump à la Maison-Blanche. À Toronto, des manifestants avaient défilé dans les rues pour protester contre les tarifs douaniers et les menaces d’annexation. À Montréal, des rassemblements avaient réuni des centaines de personnes scandant «Bas les pattes de mon pays» et «51e État, c’est non». Ce samedi d’octobre s’inscrit donc dans une dynamique de mobilisation continue, un mouvement qui refuse de s’essouffler malgré les mois qui passent. Les organisateurs s’attendent à plusieurs millions de participants à travers l’Amérique du Nord pour cette deuxième grande journée, avec plus de 2 700 rassemblements prévus aux États-Unis seulement—un chiffre qui témoigne de l’ampleur et de la persistance de cette résistance populaire.
Un mouvement pacifique mais déterminé à faire entendre sa voix

Des slogans percutants qui résument une indignation collective
Les slogans scandés lors de ces manifestations traduisent l’intensité émotionnelle du mouvement. «No fear, No King» («Pas de peur, pas de roi») est devenu le cri de ralliement principal, affirmant que dans une démocratie moderne, aucun dirigeant ne peut prétendre à un pouvoir absolu. D’autres slogans plus provocateurs circulaient également: «No Crowns, No Clowns» («Pas de couronnes, pas de clowns»), un jeu de mots qui remplace la référence monarchique par une critique directe du style et des méthodes de Trump. Les organisateurs avaient même encouragé les participants à se déguiser en «Trump clown»—perruque blonde décoiffée, visage peint en orange, longue cravate rouge—pour tourner en dérision l’homme qu’ils accusent de menacer la démocratie. Cette approche humoristique, loin d’atténuer le sérieux du message, permet au contraire de le rendre plus accessible et viral, transformant la protestation en un événement à la fois politique et culturel.
Un engagement envers la non-violence et la désescalade
Un principe fondamental du mouvement «No Kings/No Tyrants» est son engagement indéfectible envers la non-violence. Les organisateurs ont explicitement demandé à tous les participants de rechercher la désescalade en cas de confrontation avec ceux qui ne partagent pas leurs valeurs. Aucune arme, même légalement autorisée, ne devait être apportée aux événements. Cette insistance sur la paix et le respect de la loi vise à contrer la narrative trumpienne selon laquelle les manifestants progressistes seraient des «terroristes» ou des éléments violents. En adoptant une posture résolument pacifique, les organisateurs cherchent à démontrer que la résistance démocratique peut être puissante sans recourir à l’intimidation physique. Cette stratégie rappelle les grands mouvements de désobéissance civile du passé—Martin Luther King, Gandhi—où la force morale l’emportait sur la violence brute.
La diversité des participants reflète l’ampleur de l’inquiétude
Ce qui frappe dans ces rassemblements, c’est la diversité des participants. À Montréal, la foule mêlait expatriés américains fuyant leur propre pays, Montréalais de longue date, étudiants étrangers inquiets pour leur avenir, et Canadiens de toutes origines venus exprimer leur solidarité. Lorne Feldman, le sexagénaire revenu de 46 ans passés aux États-Unis, côtoyait des jeunes activistes nés au Canada qui n’avaient jamais mis les pieds au sud de la frontière. À Toronto, des membres de Democrats Abroad se mêlaient à des syndicalistes canadiens et à des citoyens ordinaires préoccupés par les tarifs douaniers menaçant leurs emplois. Cette convergence de préoccupations—droits humains, souveraineté nationale, stabilité économique, défense de la démocratie—fait du mouvement «No Tyrants» un phénomène qui dépasse les clivages traditionnels et unit des personnes qui, en temps normal, ne se retrouveraient pas nécessairement dans les mêmes manifestations.
Les répercussions politiques et sociales d'une mobilisation massive

Un signal envoyé à l’administration Trump
Les organisateurs du mouvement «No Kings» sont clairs: ces manifestations visent à envoyer un signal puissant à l’administration Trump. Avec plus de 2 700 rassemblements prévus à travers les États-Unis et des événements de solidarité dans plusieurs pays, le message est simple: des millions de personnes rejettent la vision autocratique du président américain. Les manifestations se sont déroulées près de la résidence Mar-a-Lago de Trump en Floride, où il passait le week-end, ainsi que dans les grandes métropoles comme New York, Los Angeles, San Francisco et Washington. En incluant les rassemblements canadiens, le mouvement prend une dimension internationale, démontrant que l’inquiétude face aux dérives trumpiennes dépasse largement les frontières américaines. Cette pression populaire, même si elle ne force pas nécessairement un changement de politique immédiat, maintient une vigilance collective et rappelle aux élus que les citoyens observent et jugent chacune de leurs actions.
Un message destiné à l’opposition démocrate américaine
Mais ces manifestations ne visent pas uniquement Trump. Elles constituent également un avertissement à l’opposition démocrate américaine, souvent critiquée pour sa mollesse face aux excès de l’administration républicaine. Les organisateurs veulent montrer aux élus démocrates que leur base attend d’eux une résistance ferme, pas des compromis tièdes. Leah Greenberg d’Indivisible a insisté sur le fait que ce mouvement venait de la base, des citoyens ordinaires qui refusent d’attendre passivement que leurs représentants agissent. En mobilisant des millions de personnes, le mouvement «No Kings» cherche à créer une pression politique suffisante pour forcer l’opposition à durcir le ton et à utiliser tous les outils démocratiques à sa disposition—enquêtes parlementaires, poursuites judiciaires, obstruction législative—pour contrer les politiques trumpiennes. C’est un rappel brutal que dans une démocratie, le pouvoir appartient au peuple, et que les élus doivent en rendre compte.
L’impact sur les relations canado-américaines
Pour le Canada, ces manifestations soulignent la complexité croissante des relations avec son voisin du sud. Les tensions commerciales, les menaces d’annexion, les tarifs douaniers punitifs ont créé un climat de méfiance sans précédent entre les deux pays, traditionnellement considérés comme des alliés proches. Les manifestants canadiens, en exprimant publiquement leur opposition à Trump, mettent une pression supplémentaire sur le gouvernement canadien pour qu’il adopte une posture plus ferme dans les négociations. Le premier ministre canadien et les premiers ministres provinciaux sont confrontés à un dilemme: comment protéger les intérêts économiques du Canada sans céder aux demandes excessives d’une administration américaine imprévisible? Les manifestations du 18 octobre envoient un message clair aux dirigeants canadiens: les citoyens attendent d’eux qu’ils défendent la souveraineté nationale sans compromis, même si cela implique des sacrifices économiques à court terme.
Le risque d’une polarisation accrue
Cependant, ces manifestations massives comportent également des risques. Les républicains américains ont rapidement dénoncé ces rassemblements, les qualifiant de tentatives de déstabilisation orchestrées par des «extrémistes de gauche». Cette rhétorique alimente la polarisation politique déjà extrême aux États-Unis, où les deux camps semblent incapables de trouver un terrain d’entente. Au Canada, bien que la situation soit moins tendue, les manifestations contre Trump pourraient également contribuer à une division croissante entre ceux qui voient dans ces protestations une défense légitime de la démocratie et ceux qui y voient une ingérence inacceptable dans les affaires d’un pays étranger. Certains commentateurs conservateurs canadiens ont critiqué les manifestants, arguant que le Canada devrait se concentrer sur ses propres problèmes plutôt que de se mêler de la politique américaine. Cette tension reflète un débat plus large sur le rôle que le Canada doit jouer face à un voisin de plus en plus imprévisible et potentiellement hostile.
Les témoignages qui donnent un visage humain à la résistance

Lorne Feldman: l’exilé américain qui a fui son propre pays
Le témoignage de Lorne Feldman résume à lui seul le désespoir ressenti par de nombreux Américains face à l’évolution politique de leur pays. Après 46 ans passés aux États-Unis, ce sexagénaire a pris la décision difficile de revenir s’installer à Montréal, inquiet pour ses droits fondamentaux. «Avant je pensais que c’était un privilège de pouvoir habiter aux États-Unis. Maintenant, je pense que c’est un privilège de pouvoir les quitter», a-t-il confié lors de la manifestation montréalaise. Cette phrase choc illustre le renversement complet de perception qu’ont vécu certains Américains depuis le retour de Trump au pouvoir. Feldman raconte également que plusieurs de ses amis sont «coincés» aux États-Unis, incapables de partir—soit pour des raisons financières, soit parce qu’ils ont des obligations familiales ou professionnelles qui les retiennent. D’autres, des immigrants, ont été expulsés sans ménagement. Ces histoires personnelles transforment les statistiques abstraites en drames humains concrets, donnant une profondeur émotionnelle au mouvement de résistance.
Les organisateurs: des citoyens ordinaires devenus activistes
Plusieurs organisateurs des manifestations canadiennes ont insisté sur le fait qu’ils n’avaient aucune expérience politique avant de se lancer dans cette aventure. Patricia Chartier, membre du groupe Woodrow Avenue Elbows Up à Toronto, a déclaré: «Nous avons décidé de nous organiser avec nos voisins près de Coxwell et Danforth afin de nous soutenir mutuellement dans le combat à venir. Nous espérons inspirer d’autres à suivre notre exemple et qu’ultimement il y aura un réseau de collectifs Elbows Up à travers le pays.» Cette dimension de mobilisation de proximité, où des voisins s’organisent au niveau de leur rue ou de leur quartier, rappelle les mouvements de résistance historiques qui ont toujours commencé par de petits groupes déterminés. Le fait que des citoyens sans formation politique parviennent à organiser des manifestations attirant des centaines, voire des milliers de participants, démontre la puissance du militantisme de base lorsque les gens se sentent suffisamment menacés pour agir.
Les expatriés américains: entre deux pays, deux identités
Les expatriés américains vivant au Canada se retrouvent dans une position particulièrement délicate. D’un côté, ils sont citoyens d’un pays qu’ils voient sombrer dans l’autoritarisme; de l’autre, ils vivent dans un pays voisin directement menacé par les politiques trumpiennes. Democrats Abroad Quebec, Democrats Abroad Toronto et d’autres branches canadiennes de cette organisation ont joué un rôle central dans l’organisation des manifestations du 18 octobre. Pour ces Américains expatriés, manifester contre Trump n’est pas seulement un acte de solidarité avec leurs compatriotes restés au pays—c’est également une façon de préserver leur propre identité, de refuser que leur passeport américain devienne synonyme d’approbation tacite des politiques qu’ils rejettent. Beaucoup portaient des pancartes affirmant «Not My President» ou «American in Exile», des slogans qui expriment à la fois la douleur de l’exil et la fierté de la résistance.
Les défis à venir pour le mouvement de résistance

Maintenir la mobilisation sur le long terme
L’un des plus grands défis pour le mouvement «No Kings/No Tyrants» sera de maintenir la mobilisation au fil des mois et des années. L’histoire des mouvements sociaux montre que les grandes manifestations initiales sont souvent suivies d’un essoufflement progressif, à mesure que les participants retournent à leur vie quotidienne et que l’urgence perçue s’atténue. Les organisateurs en sont conscients et cherchent à créer des structures durables—comme les collectifs Elbows Up dans les quartiers canadiens—qui permettront de soutenir l’engagement sur le long terme. Ils prévoient également d’organiser régulièrement des événements sociaux, comme les «Pints and Politics» à Toronto, où les activistes peuvent se retrouver dans un cadre plus détendu pour discuter stratégie et maintenir le moral des troupes. Car c’est bien de cela qu’il s’agit: un combat de longue haleine qui exige non seulement de l’indignation, mais aussi de la résilience et de la persévérance.
Éviter la récupération politique et rester authentique
Un autre défi majeur est d’éviter que le mouvement soit récupéré par des intérêts politiques partisans. Bien que le mouvement «No Kings» soit clairement progressiste dans ses valeurs, ses organisateurs insistent sur le fait qu’il s’agit avant tout d’une défense des principes démocratiques fondamentaux, pas d’un outil électoral pour le Parti démocrate américain ou pour quelque parti canadien que ce soit. Cette distinction est cruciale pour maintenir la crédibilité du mouvement et éviter qu’il soit perçu comme une simple opération de communication politique. Les organisateurs ont d’ailleurs mis en garde les participants affiliés à Democrats Abroad contre le fait de commenter les affaires intérieures canadiennes lors des manifestations, afin de préserver la légitimité du mouvement comme défenseur de valeurs universelles plutôt que d’intérêts partisans spécifiques.
Traduire la mobilisation en changements concrets
Le défi ultime, bien sûr, est de traduire cette mobilisation massive en changements politiques concrets. Les manifestations, aussi impressionnantes soient-elles, ne suffisent pas à elles seules à modifier les politiques gouvernementales. Le mouvement doit trouver des moyens de transformer l’énergie des rues en pression législative, en actions judiciaires, en campagnes électorales efficaces. Cela exige une coordination complexe entre différents niveaux d’action—local, régional, national, international—et une capacité à maintenir la pression sur les élus entre les grandes manifestations. Les organisateurs parlent de créer un «réseau de collectifs» à travers le Canada et les États-Unis, une infrastructure qui permettrait de mobiliser rapidement en cas de nouvelles crises tout en maintenant un travail de fond constant pour défendre les institutions démocratiques menacées.
Protéger les participants contre la répression
Enfin, il y a la question de la sécurité des participants. Aux États-Unis, l’administration Trump a montré une volonté inquiétante de réprimer la dissidence, notamment en poursuivant judiciairement des opposants politiques et en déployant la Garde nationale dans des villes démocrates. Les organisateurs du mouvement «No Kings» doivent donc non seulement mobiliser des millions de personnes, mais aussi les protéger contre d’éventuelles représailles. Au Canada, le risque est moindre, mais il existe néanmoins: les expatriés américains participant aux manifestations pourraient théoriquement faire face à des complications s’ils retournent aux États-Unis, notamment si l’administration Trump décidait de compiler des listes de «dissidents». Cette dimension de risque personnel ajoute une gravité supplémentaire aux manifestations, transformant chaque participation en un acte de courage civique plutôt qu’en un simple exercice de liberté d’expression.
Conclusion

Le 18 octobre 2025 restera gravé comme une journée où des milliers de Canadiens ont refusé le silence face à ce qu’ils perçoivent comme une menace existentielle pour la démocratie nord-américaine. De Montréal à Vancouver, de Toronto à Ottawa, les places publiques se sont transformées en scènes de résistance pacifique mais déterminée, où des citoyens de tous horizons ont uni leurs voix pour dire «non» à l’autoritarisme, «non» aux dérives trumpiennes, «non» à la normalisation de l’inacceptable. Ces manifestations, synchronisées avec plus de 2 700 rassemblements aux États-Unis, démontrent que le mouvement «No Kings/No Tyrants» n’est pas un phénomène éphémère mais une mobilisation durable ancrée dans une inquiétude profonde pour l’avenir des institutions démocratiques. Les témoignages bouleversants d’expatriés comme Lorne Feldman, qui ont fui leur propre pays par peur pour leurs droits, donnent un visage humain à cette crise et rappellent que derrière les slogans et les pancartes se cachent des drames personnels et des choix déchirants.
Mais au-delà de l’indignation et de la colère, ces manifestations portent également un message d’espoir et de résilience. Elles prouvent que la démocratie, même malmenée, peut encore compter sur des millions de citoyens prêts à la défendre. Elles montrent que les frontières ne peuvent pas contenir la solidarité humaine, et que lorsque les valeurs fondamentales sont menacées, les gens ordinaires deviennent des héros extraordinaires. Le chemin à parcourir reste long et semé d’embûches—maintenir la mobilisation, éviter la récupération politique, traduire l’énergie des rues en changements concrets, protéger les participants contre la répression. Mais en cette journée d’octobre, sous les ciels gris du Canada, des milliers de voix se sont élevées pour affirmer une vérité simple et puissante: dans une démocratie, il n’y a pas de rois, il n’y a pas de tyrans, il n’y a que des citoyens libres et égaux qui refusent de plier le genou devant quiconque prétend régner sans limites. Et tant que ces voix continueront de résonner, l’espoir d’un avenir plus juste et plus démocratique demeurera vivant, vibrant, inextinguible.
Alors voilà où nous en sommes. Des Canadiens qui manifestent contre un président américain, des Américains exilés qui pleurent leur pays perdu, des millions de personnes dans les rues à travers le continent pour hurler que la démocratie compte encore. C’est à la fois magnifique et terrifiant—magnifique parce que ça prouve que l’humanité n’a pas perdu sa capacité d’indignation, terrifiant parce que si nous devons descendre dans les rues pour défendre des principes qu’on croyait acquis, c’est que quelque chose s’est profondément brisé. Je ne sais pas si ces manifestations changeront quoi que ce soit. Peut-être que Trump continuera sa route, indifférent aux cris de millions de gens. Ou peut-être que quelque part, dans un bureau de Washington ou de Mar-a-Lago, quelqu’un écoutera et se dira: il faut arrêter avant que tout explose. Un espoir mince, fragile comme du verre, mais un espoir quand même. Parce que sans espoir, qu’est-ce qui nous reste?