Au milieu des manifestations « No Kings » du 18 octobre 2025 — les plus importantes de l’histoire américaine moderne avec près de 7 millions de participants —, une image a fait surface qui a provoqué une onde de choc à travers le pays. Saud Anwar, sénateur démocrate de l’État du Connecticut et médecin de profession, a été photographié brandissant une pancarte portant un message glacant : « Laissez le cholestérol faire son travail. » Cette phrase, apparemment anodine pour le profane, cache en réalité un souhait à peine voilé que le président Donald Trump, connu pour son régime alimentaire riche en fast-food et ses problèmes de santé liés au poids, succombe à une maladie cardiovasculaire. Pour un élu — et plus encore pour un médecin ayant prêté le serment d’Hippocrate de protéger la vie — tenir une telle pancarte représente une transgression éthique et politique sans précédent.
L’image a rapidement circulé sur les réseaux sociaux, déclenchant une tempête de controverses. Les conservateurs ont immédiatement dénoncé ce qu’ils considèrent comme un appel déguisé à l’assassinat du président, tandis que les démocrates se sont retrouvés dans une position inconfortable, forcés de défendre ou de condamner l’un des leurs. Anwar, immigrant pakistanais et praticien respecté dans sa communauté, incarne normalement une figure de stabilité et de professionnalisme médical. Mais sa présence à cette manifestation avec cette pancarte soulève des questions troublantes sur les limites du discours politique acceptable — particulièrement après les multiples tentatives d’assassinat contre Trump en 2024 et 2025. Dans un pays déjà déchiré par la polarisation, où la violence politique a tué des militants de tous bords, cette pancarte n’est pas qu’un simple slogan provocateur : elle alimente un climat où souhaiter la mort de ses adversaires devient normalisé, voire célébré par certains.
Qui est Saud Anwar et que signifie réellement sa pancarte ?
Saud Anwar n’est pas un activiste marginal ou un manifestant anonyme. Il est sénateur d’État représentant South Windsor dans le Connecticut, un district de la banlieue de Hartford. Né au Pakistan et immigré aux États-Unis, Anwar est également médecin praticien, spécialisé dans les maladies pulmonaires et les soins intensifs. Il a travaillé pendant des années dans les hôpitaux du Connecticut, traitant des patients en situations critiques. Sa double identité — élu démocrate progressiste et professionnel de santé — lui confère une légitimité particulière dans les débats sur les politiques de santé publique. Il s’est notamment opposé aux coupes budgétaires de Trump dans les programmes Medicaid et aux tentatives de gel du financement fédéral pour la recherche médicale.
Mais c’est précisément cette double casquette qui rend sa pancarte « Laissez le cholestérol faire son travail » si choquante. Le cholestérol, particulièrement le LDL (lipoprotéine de basse densité), est directement lié aux maladies cardiovasculaires — infarctus du myocarde, accidents vasculaires cérébraux, athérosclérose. Quand on « laisse le cholestérol faire son travail » chez une personne à risque comme Trump (âgé de 79 ans, avec un historique de surpoids et une alimentation notoire riche en graisses saturées), on sous-entend qu’on souhaite qu’il développe une de ces pathologies potentiellement mortelles. Pour un médecin, formuler un tel vœu — même de manière détournée — constitue une violation flagrante du serment d’Hippocrate qui exige de « primum non nocere » (d’abord ne pas nuire) et de respecter la vie de tout être humain, indépendamment de ses opinions politiques ou de son statut.
Le contexte des manifestations « No Kings »
Les manifestations « No Kings » du 18 octobre 2025 ont réuni selon les organisateurs près de 7 millions de personnes à travers 2 600 événements dans tous les États américains et même à l’étranger. Cette mobilisation historique visait à dénoncer ce que les participants considèrent comme des tendances autoritaires de l’administration Trump : déploiement de forces fédérales dans les villes sans autorisation des gouverneurs, rafles massives d’immigrés menées par des agents de l’ICE souvent masqués, licenciements de plus de 80 000 employés du Département des Anciens Combattants, coupes dans les budgets de l’éducation et de la protection environnementale, et manipulation des circonscriptions électorales. Le ton général des manifestations était celui de la résistance démocratique pacifique — pas de violence, pas d’arrestations majeures malgré les foules immenses.
Dans ce contexte, la pancarte d’Anwar se détache comme une anomalie troublante. Alors que la plupart des manifestants portaient des messages dénonçant les politiques trumpiennes ou défendant les valeurs constitutionnelles (« Pas de rois en Amérique », « Défendez la démocratie », « Nous voulons que le gouvernement fonctionne »), quelques pancartes ont franchi une ligne beaucoup plus sombre. À Lansing dans le Michigan, des manifestants ont brandi des pancartes proclamant « Les rois obtiennent la guillotine », une référence historique à l’exécution de Louis XVI pendant la Révolution française mais qui, dans le contexte actuel, sonne comme un appel à la violence contre Trump. Ces messages extrêmes restent minoritaires, mais leur présence — et surtout leur défense par des élus comme Anwar — révèle une radicalisation inquiétante d’une frange du mouvement anti-Trump.
Une controverse immédiate et explosive
L’image d’Anwar tenant sa pancarte a été partagée pour la première fois par le compte conservateur « Libs of TikTok », connu pour exposer ce qu’il considère comme l’hypocrisie et les excès de la gauche progressiste. Le tweet accompagnant la photo déclarait : « Le sénateur d’État du Connecticut Saud Anwar (démocrate), qui est également médecin et originaire du Pakistan, a brandi cette pancarte lors de la manifestation No Kings, suggérant apparemment qu’il espère que Trump tombe malade et meure. Absolument dégoûtant pour un élu, et un médecin qui plus est ! » Le message a rapidement accumulé des dizaines de milliers de partages et de commentaires, divisant le pays selon des lignes partisanes prévisibles.
Les conservateurs ont exprimé une indignation unanime. The Gateway Pundit, un média pro-Trump, a titré : « Un sénateur démocrate d’État appelle à la MORT de Trump lors de la manifestation ‘No Kings’ », affirmant qu’aucun médecin ni aucun serviteur public ne devrait jamais traiter la vie comme un slogan politique. Townhall, un autre média conservateur, a regroupé la pancarte d’Anwar avec d’autres messages violents aperçus lors des manifestations, suggérant que le mouvement « No Kings » était moins une protestation démocratique qu’une campagne de haine alimentée par l’extrémisme de gauche. Le sénateur républicain de l’État, Rob Sampson, a publiquement condamné Anwar, soulignant l’ironie d’un démocrate — parti se réclamant de la compassion et de la protection de la vie — souhaitant publiquement la mort d’un adversaire politique.
Le serment d'Hippocrate trahi

Que dit le serment d’Hippocrate ?
Tous les médecins en exercice aux États-Unis — qu’ils soient nés dans le pays ou immigrés comme Anwar — prêtent le serment d’Hippocrate lors de leur entrée dans la profession médicale. Ce serment, vieux de plus de 2 000 ans et attribué au médecin grec Hippocrate, établit les fondements éthiques de la pratique médicale. Dans sa version moderne adoptée par la plupart des écoles de médecine américaines, il inclut des principes clairs : respecter la vie humaine dans toutes ses formes, s’abstenir de causer du tort intentionnel, traiter tous les patients avec la même dignité indépendamment de leur statut, et maintenir la confidentialité et le respect de la personne humaine.
Le principe du « primum non nocere » (d’abord ne pas nuire) est particulièrement pertinent ici. Bien qu’Anwar ne soit pas le médecin traitant de Trump et ne lui administre donc pas de soins directs, son statut de professionnel médical l’oblige moralement à ne jamais souhaiter activement qu’une maladie tue quelqu’un — même un adversaire politique détesté. La médecine n’est pas une arme politique. Les connaissances médicales ne doivent pas être utilisées pour formuler des souhaits de mort sophistiqués contre des ennemis idéologiques. Lorsqu’Anwar brandit une pancarte disant « Laissez le cholestérol faire son travail », il instrumentalise sa compréhension médicale de la pathologie cardiovasculaire pour exprimer un vœu de mort. C’est une perversion complète de l’éthique médicale.
La réaction (ou l’absence de réaction) de la communauté médicale
Au moment où cette controverse éclatait, la réaction de la communauté médicale organisée du Connecticut restait étonnamment silencieuse. Ni l’Association médicale du Connecticut, ni les hôpitaux où Anwar a pratiqué, ni les organisations de médecins spécialistes en pneumologie et soins intensifs n’ont publiquement commenté l’incident. Ce silence peut s’interpréter de plusieurs façons : soit une réticence à se mêler de politique partisane, soit une incapacité à naviguer dans la zone grise entre liberté d’expression personnelle et responsabilités professionnelles, soit — plus troublant — une acceptation tacite que la politique de l’ère Trump justifie des transgressions éthiques qui seraient normalement inacceptables.
Quelques voix individuelles se sont néanmoins élevées. Des médecins conservateurs sur les réseaux sociaux ont exprimé leur consternation, rappelant qu’un médecin ne devrait jamais, sous aucune circonstance, souhaiter la maladie ou la mort d’un patient potentiel. Certains ont demandé si Anwar serait capable de traiter Trump ou un de ses partisans avec impartialité professionnelle s’ils se présentaient aux urgences où il travaille. D’autres ont suggéré que les instances disciplinaires médicales du Connecticut devraient examiner si ce comportement viole les codes de déontologie professionnelle. Mais ces voix sont restées minoritaires et dispersées, incapables de générer la pression collective qui aurait pu forcer Anwar ou les autorités médicales de l’État à une réponse officielle.
Le double standard politique
L’un des aspects les plus frappants de cette controverse est le double standard évident dans le traitement médiatique et politique. Les critiques conservateurs ont immédiatement souligné que si un médecin républicain avait brandi une pancarte similaire visant le président Joe Biden ou un autre leader démocrate — par exemple « Laissez la démence faire son travail » en référence aux spéculations sur le déclin cognitif de Biden —, cela aurait déclenché une tempête médiatique nationale durant des semaines. Les grands médias auraient consacré des segments entiers à dénoncer la cruauté et l’inhumanité d’un tel message. Des appels à la démission auraient retenti de toutes parts. Les organisations médicales auraient publié des déclarations condamnant fermement ce comportement.
Mais parce qu’Anwar est démocrate et que sa pancarte visait Trump — une cible considérée comme légitime par une grande partie de l’establishment progressiste —, la réaction a été beaucoup plus muted. Les grands médias nationaux ont largement ignoré l’incident, se concentrant plutôt sur les aspects positifs des manifestations « No Kings » : leur ampleur historique, leur caractère pacifique, la diversité des participants. Seuls les médias conservateurs comme The Gateway Pundit, Townhall et quelques personnalités sur les réseaux sociaux ont donné à l’affaire l’attention qu’elle méritait. Ce silence sélectif révèle une vérité inconfortable : dans le climat politique actuel, certaines transgressions éthiques sont jugées acceptables tant qu’elles ciblent les « bonnes » personnes.
Le climat de violence politique en Amérique

Les tentatives d’assassinat contre Trump
La pancarte d’Anwar ne peut être analysée indépendamment du contexte de violence politique qui a marqué les années récentes. En juillet 2024, lors d’un rassemblement de campagne à Butler en Pennsylvanie, un tireur nommé Thomas Matthew Crooks a ouvert le feu sur Trump, le blessant à l’oreille et tuant un participant. Cette tentative d’assassinat a choqué la nation, provoquant des enquêtes bipartisanes du Sénat qui ont conclu que les échecs du Secret Service étaient « prévisibles et évitables ». Puis, en septembre 2025, l’activiste conservateur Charlie Kirk a été assassiné lors d’une manifestation, un meurtre qui a encore intensifié les tensions entre gauche et droite, chaque camp accusant l’autre d’avoir incité à la violence par sa rhétorique haineuse.
Dans ce contexte, toute suggestion — même voilée, même humoristique — qu’un leader politique devrait mourir prend une dimension beaucoup plus sinistre. Anwar peut prétendre que sa pancarte n’était qu’un commentaire ironique sur le régime alimentaire malsain de Trump, une plaisanterie sur les Big Macs et les frites que le président consomme régulièrement. Mais après deux tentatives d’assassinat réelles et un meurtre politique qui a secoué le pays, ce genre de « plaisanterie » devient indistinguable d’un vœu de mort. Pour les partisans de Trump — dont certains ont vu leur leader saigner sur scène à Butler —, la pancarte d’Anwar n’est pas drôle. Elle est menaçante.
Les pancartes « Les rois obtiennent la guillotine »
La pancarte d’Anwar n’était malheureusement pas la seule à franchir la ligne lors des manifestations « No Kings ». À Lansing dans le Michigan, des manifestants ont été photographiés tenant des pancartes proclamant « Les rois obtiennent la guillotine », une référence explicite à l’exécution de Louis XVI et Marie-Antoinette pendant la Révolution française. Le sénateur républicain du Michigan Aric Nesbitt a partagé ces images sur les réseaux sociaux avec le commentaire : « Comme prévu, les manifestants ‘No Kings’ de Lansing ont apporté beaucoup de pancartes appelant à plus de mort et de violence. Les républicains ne sont PAS le problème. »
D’autres pancartes observées lors des manifestations incluaient des messages ciblant non seulement Trump mais aussi les agents de l’ICE et les employés fédéraux appliquant les politiques d’immigration de l’administration. Certaines affichaient des images de guillotines avec des silhouettes de figures politiques, d’autres utilisaient un langage violent suggérant que les « tyrans » méritent le sort historique réservé aux monarques despotiques. Cette rhétorique guillotine — bien qu’historiquement ancrée dans la tradition révolutionnaire américaine et française — résonne de manière particulièrement troublante à une époque où la violence politique réelle a déjà fait des victimes. Ce n’est plus une métaphore abstraite, c’est une menace perçue comme tangible.
La normalisation de la déshumanisation
Le véritable danger de pancartes comme celle d’Anwar ou des messages sur la guillotine ne réside pas tant dans la probabilité qu’elles incitent directement quelqu’un à commettre un acte violent — bien que ce risque existe — mais plutôt dans la manière dont elles normalisent la déshumanisation des adversaires politiques. Quand on commence à voir ses opposants non pas comme des citoyens avec qui on est en désaccord mais comme des ennemis dont la mort serait préférable, on a franchi un seuil psychologique dangereux. On passe du débat démocratique à la guerre totale, de la politique de persuasion à la politique d’élimination.
Cette déshumanisation fonctionne dans les deux directions du spectre politique. Les partisans de Trump déshumanisent régulièrement les immigrants, les activistes de gauche, les « élites » libérales. Les opposants à Trump le diabolisent comme un fasciste, un nazi, un despote devant être arrêté « par tous les moyens nécessaires ». Dans ce climat, chaque camp se convainc que l’autre représente une menace existentielle justifiant des mesures extraordinaires. Et quand des élus — des personnes censées incarner la responsabilité civique et le leadership moral — participent à cette déshumanisation en brandissant des pancartes souhaitant la mort de leurs adversaires, ils légitiment et accélèrent cette spirale destructrice.
Les réactions politiques divisées

Le silence démocrate
L’aspect peut-être le plus révélateur de cette controverse est le silence quasi-total des leaders démocrates nationaux et de l’État du Connecticut. Ni le gouverneur du Connecticut, ni les sénateurs fédéraux Chris Murphy et Richard Blumenthal, ni le leader de la minorité à la Chambre Hakeem Jeffries n’ont publiquement commenté la pancarte d’Anwar. Cette absence de condamnation claire suggère soit une approbation tacite, soit une paralysie politique — une incapacité à critiquer l’un des leurs même quand son comportement franchit des lignes éthiques évidentes.
Le compte officiel des démocrates du Connecticut sur les réseaux sociaux n’a émis aucune déclaration sur l’incident. Anwar lui-même n’a apparemment pas publié d’excuses ou de clarifications, suggérant qu’il ne considère pas sa pancarte comme problématique. Cette absence de responsabilité reflète un calcul politique cynique : condamner Anwar pourrait aliéner la base progressiste qui partage son dégoût pour Trump, tandis que le défendre ouvertement serait politiquement toxique. Alors les démocrates choisissent le silence, espérant que la controverse disparaîtra d’elle-même sans qu’ils aient à prendre position.
L’indignation républicaine
Les républicains, en revanche, ont saisi l’opportunité avec empressement. Le sénateur d’État Rob Sampson a publié un message sarcastique sur Facebook soulignant l’ironie qu’Anwar — membre du parti se réclamant de la compassion et de l’empathie — pose avec une pancarte souhaitant essentiellement la mort du président. Des commentateurs conservateurs ont intégré l’incident dans un récit plus large des manifestations « No Kings » comme étant en réalité des « rassemblements de haine contre l’Amérique » masqués en protestation démocratique légitime.
Cette instrumentalisation républicaine de la controverse est également problématique. Plutôt que de s’engager dans une critique sincère de la violation éthique d’Anwar, beaucoup de conservateurs l’utilisent simplement comme munition politique pour discréditer l’ensemble du mouvement « No Kings » et par extension toute opposition à Trump. Ils généralisent à partir de quelques pancartes extrêmes pour suggérer que tous les 7 millions de manifestants étaient motivés par la haine plutôt que par des griefs légitimes concernant les politiques gouvernementales. Cette généralisation abusive sert leurs intérêts partisans mais ne fait rien pour élever le niveau du discours politique ou pour établir des normes partagées de décence.
Le rôle des médias sociaux dans l’amplification
L’affaire Anwar illustre parfaitement le rôle des médias sociaux dans l’amplification et la polarisation des controverses politiques. Sans le compte « Libs of TikTok » partageant initialement la photo, il est probable que la pancarte d’Anwar serait passée largement inaperçue — une pancarte parmi des milliers dans une manifestation de 7 millions de personnes. Mais une fois l’image capturée et partagée, elle a pris une vie propre, circulant dans les écosystèmes médiatiques conservateurs, générant des milliers de commentaires indignés, et finalement forçant même les médias progressistes à reconnaître son existence.
Cette dynamique crée un environnement où les moments les plus extrêmes et les plus controversés d’un événement reçoivent une attention disproportionnée par rapport aux aspects plus modérés et constructifs. Les 7 millions de manifestants pacifiques avec des pancartes raisonnables dénonçant des politiques spécifiques sont éclipsés par quelques dizaines de pancartes extrêmes sur la guillotine et le cholestérol. Cette sélectivité de l’attention façonne la perception publique de manière profondément distordue, renforçant les stéréotypes de chaque camp sur l’autre et rendant le dialogue constructif de plus en plus impossible.
L'argument du « financement par Soros »

La théorie conspirationniste persistante
Dans leur tentative de discréditer les manifestations « No Kings », de nombreux conservateurs — y compris The Gateway Pundit dans son article sur Anwar — ont affirmé que les protestations étaient « financées par George Soros ». Cette affirmation revient systématiquement dans le discours conservateur pour délegitimer pratiquement toute mobilisation progressiste. George Soros, milliardaire philanthrope d’origine hongroise et survivant de l’Holocauste, est devenu une figure diabolisée dans l’imaginaire de la droite américaine, accusé d’orchestrer secrètement des mouvements sociaux pour déstabiliser l’Amérique et imposer un agenda globaliste.
Il est vrai que l’Open Society Foundations de Soros finance certaines organisations de défense des droits civiques qui font partie de la coalition « No Kings », notamment l’ACLU et divers groupes de justice sociale. Mais suggérer que Soros « finance » directement les manifestations — comme s’il payait des individus pour descendre dans la rue — relève de la conspiration. Les 7 millions de participants aux manifestations « No Kings » ne recevaient pas de chèques de Soros. Ils manifestaient parce qu’ils étaient réellement préoccupés par les politiques de l’administration Trump. Réduire leur mobilisation à une manipulation financière par un seul milliardaire dénigre leur agence et leur sincérité politiques.
L’antisémitisme latent dans l’obsession Soros
Il est impossible d’ignorer les connotations antisémites de l’obsession conservative pour George Soros. Les théories conspirationnistes le présentant comme un marionnettiste contrôlant secrètement les événements mondiaux reprennent des tropes antisémites millénaires sur les juifs riches manipulant les sociétés gentiles pour leurs propres fins sinistres. Ces théories circulent librement dans les cercles conservateurs, souvent sans aucune reconnaissance de leurs origines haineuses ou de leurs implications dangereuses.
Critiquer les activités philanthropiques de Soros est légitime — on peut débattre de l’influence appropriée des milliardaires sur la politique démocratique indépendamment de leur identité. Mais la manière dont Soros est spécifiquement diabolisé, transformé en figure quasi-démoniaque orchestrant tous les maux du monde, dépasse largement la critique politique raisonnable et entre dans le territoire de la conspiration antisémite. Quand The Gateway Pundit affirme que les manifestations « No Kings » sont « soigneusement orchestrées » par Soros, il participe à cette tradition toxique qui a historiquement conduit à la violence anti-juive.
La vraie organisation derrière « No Kings »
En réalité, les manifestations « No Kings » sont organisées par une coalition de près de 200 organisations établies de défense des droits civiques, de syndicats et de groupes progressistes. Parmi elles figurent l’ACLU, la Fédération américaine des enseignants, Planned Parenthood, MoveOn, Indivisible, et de nombreux autres groupes avec des historiques longs et transparents de militantisme civique. Ces organisations reçoivent leurs financements de diverses sources — cotisations de membres, donations individuelles, fondations philanthropiques (dont effectivement certaines liées à Soros, mais aussi beaucoup d’autres).
Suggérer que cette coalition diversifiée est simplement une façade pour un complot Soros ignore la réalité complexe de l’organisation communautaire progressiste. Les millions de personnes qui ont participé aux manifestations « No Kings » l’ont fait par conviction personnelle, motivées par des préoccupations réelles concernant les politiques gouvernementales. Réduire leur mobilisation à une manipulation financière est non seulement factuellement incorrect, mais aussi profondément irrespectueux de leur agence citoyenne et de leurs griefs légitimes.
Les implications pour l'éthique médicale

Peut-on séparer le médecin du citoyen ?
L’un des débats soulevés par la pancarte d’Anwar concerne la question de savoir si un médecin, lorsqu’il agit en tant que citoyen privé ou élu, reste soumis aux mêmes obligations éthiques que dans sa pratique clinique. Anwar ne portait pas sa blouse blanche lors de la manifestation. Il ne se présentait pas comme « Dr Anwar » mais comme « Sénateur Anwar » ou simplement comme un citoyen manifestant. Dans ce contexte, a-t-il le droit à la même liberté d’expression que n’importe quel autre manifestant, y compris le droit de tenir des pancartes provocatrices ou de mauvais goût ?
Les codes de déontologie médicale offrent des réponses nuancées à cette question. La plupart reconnaissent que les médecins conservent des droits citoyens pleins et entiers, incluant la liberté d’expression politique. Mais ils soulignent également que le statut de médecin n’est jamais complètement séparable de la personne — un médecin reste médecin même en dehors de l’hôpital, et son comportement public reflète sur la profession dans son ensemble. Souhaiter publiquement qu’une maladie tue quelqu’un — même un adversaire politique — viole l’esprit du serment d’Hippocrate indépendamment du contexte dans lequel ce vœu est exprimé. La sanctité de la vie humaine que les médecins s’engagent à respecter ne s’applique pas seulement dans la salle d’opération, mais dans toutes leurs interactions.
Le précédent dangereux
Si le comportement d’Anwar est accepté sans conséquences professionnelles ou politiques, cela établit un précédent troublant. Cela suggère que des médecins peuvent utiliser leurs connaissances médicales pour formuler des souhaits de mort sophistiqués contre leurs ennemis politiques, tant qu’ils le font en dehors du contexte clinique direct. Cela ouvre la porte à d’autres violations éthiques similaires. Un médecin conservateur pourrait-il brandir une pancarte disant « Laissez la démence faire son travail » visant Biden ? Un psychiatre pourrait-il tenir une pancarte disant « Laissez la dépression faire son travail » visant un élu souffrant de problèmes de santé mentale connus ?
Ces exemples hypothétiques révèlent l’absurdité et la cruauté de permettre aux médecins d’instrumentaliser la pathologie à des fins politiques. La médecine doit rester une zone neutre, un domaine où la vie humaine est respectée indépendamment de toute considération politique. Quand cette neutralité est compromise — quand les médecins commencent à voir certaines vies comme moins dignes de protection parce qu’elles appartiennent au « mauvais » camp politique — l’ensemble de la confiance publique dans la profession médicale est érodée.
Que devraient faire les autorités médicales ?
Les instances disciplinaires médicales du Connecticut font face à une décision difficile. D’un côté, sanctionner Anwar pour son comportement lors d’une manifestation politique pourrait être perçu comme une atteinte à la liberté d’expression et une politisation de la régulation professionnelle. D’un autre côté, ignorer complètement l’incident envoie le message que les médecins peuvent violer les principes éthiques fondamentaux de leur profession tant qu’ils le font dans un contexte politique plutôt que clinique.
Une réponse appropriée pourrait inclure une enquête formelle pour déterminer si le comportement d’Anwar viole les codes de déontologie de l’État, suivie d’une éducation ou d’un rappel des obligations éthiques si une violation est constatée. Au minimum, les organisations médicales professionnelles du Connecticut devraient émettre des déclarations publiques réaffirmant que souhaiter la maladie ou la mort de quiconque — même un adversaire politique — est incompatible avec les valeurs médicales fondamentales. Sans une telle clarification, le silence des autorités médicales sera interprété comme une approbation tacite de comportements qui auraient été impensables il y a une génération.
Le contexte plus large : la dégradation du discours politique

Quand la rhétorique devient prophétie auto-réalisatrice
La pancarte d’Anwar et les messages similaires aux manifestations « No Kings » s’inscrivent dans une tendance plus large et profondément troublante : la dégradation progressive du discours politique américain vers des niveaux de haine et de déshumanisation historiquement associés aux périodes précédant les guerres civiles ou les effondrements démocratiques. Chaque camp accuse l’autre d’être une menace existentielle — les progressistes voient Trump comme un fasciste devant être arrêté par tous les moyens, les conservateurs voient les démocrates comme des marxistes détruisant la civilisation occidentale.
Dans cet environnement, la rhétorique violente n’est plus perçue comme excessive ou alarmante, mais comme proportionnée à la menace perçue. Si Trump est vraiment Hitler — comme beaucoup de ses opposants le suggèrent —, alors souhaiter sa mort par cholestérol semble presque modéré comparé à ce qui serait « nécessaire ». Si les démocrates sont vraiment des communistes cherchant à détruire l’Amérique — comme beaucoup de conservateurs le croient —, alors les décrire comme des ennemis méritant l’élimination semble justifié. Cette logique de guerre totale transforme la rhétorique en prophétie auto-réalisatrice : en traitant nos adversaires comme des ennemis mortels, nous créons progressivement les conditions d’un conflit réellement mortel.
La responsabilité des leaders
Dans ce contexte, la responsabilité des leaders — élus, médiatiques, communautaires — devient cruciale. Ces individus ont le pouvoir soit d’escalader soit de désamorcer les tensions. Quand un sénateur d’État comme Anwar brandit une pancarte souhaitant la mort du président, il escalade. Quand le président de la Chambre Mike Johnson qualifie les manifestations de « rassemblements de haine contre l’Amérique », il escalade. Quand les médias amplifient sélectivement les moments les plus extrêmes tout en ignorant les aspects constructifs, ils escaladent.
La déescalade nécessiterait que ces mêmes leaders reconnaissent l’humanité de leurs adversaires, établissent des limites claires sur la rhétorique acceptable, et condamnent les transgressions de leur propre camp avec la même vigueur qu’ils condamnent celles du camp adverse. Cela nécessiterait qu’Anwar s’excuse pour sa pancarte et reconnaisse qu’elle a franchi une ligne. Cela nécessiterait que les démocrates condamnent publiquement ce genre de message plutôt que de garder un silence complice. Cela nécessiterait que les républicains cessent de généraliser à partir de quelques pancartes extrêmes pour diaboliser 7 millions de manifestants pacifiques. Mais aucune de ces choses ne se produit, parce que la déescalade est politiquement coûteuse à court terme même si elle est nécessaire pour la survie démocratique à long terme.
Où nous mène cette trajectoire ?
Si la trajectoire actuelle continue — rhétorique de plus en plus violente, déshumanisation croissante, absence de conséquences pour les transgressions éthiques, silence des institutions modératrices —, où l’Amérique se retrouvera-t-elle dans cinq ou dix ans ? Les tentatives d’assassinat deviendront-elles plus fréquentes ? La violence politique entre citoyens ordinaires augmentera-t-elle ? Les institutions démocratiques s’effondreront-elles sous la pression de camps qui ne reconnaissent plus la légitimité de l’autre ?
Ces questions ne sont plus purement hypothétiques. L’Amérique a déjà connu deux tentatives d’assassinat contre Trump et le meurtre de Charlie Kirk. Elle a vu des manifestations massives suivies de contre-manifestations, chaque camp se militarisant progressivement. Elle observe ses institutions — médias, universités, églises, professions libérales — se fragmenter selon des lignes partisanes plutôt que de servir de forces modératrices. Dans ce contexte, la pancarte d’Anwar n’est pas qu’un incident isolé de mauvais goût. C’est un symptôme d’une maladie démocratique beaucoup plus profonde, une maladie qui pourrait s’avérer terminale si elle n’est pas traitée rapidement et sérieusement.
Conclusion

La pancarte brandée par le sénateur Saud Anwar lors des manifestations « No Kings » du 18 octobre 2025 — « Laissez le cholestérol faire son travail » — représente bien plus qu’un simple slogan provocateur ou une plaisanterie de mauvais goût. Elle incarne une transgression éthique profonde aux multiples niveaux : violation du serment d’Hippocrate par un médecin souhaitant la maladie d’un adversaire, abus de position par un élu normalisant la déshumanisation politique, et contribution à un climat de violence rhétorique qui a déjà produit des victimes réelles. Dans un pays qui a connu deux tentatives d’assassinat contre son président et le meurtre d’un activiste politique en moins de deux ans, ce genre de message ne peut être balayé comme inoffensif.
Ce qui rend l’incident particulièrement troublant est le double standard évident dans sa réception. Si un médecin républicain avait brandi une pancarte similaire visant un leader démocrate, la tempête médiatique aurait été féroce et durable. Mais parce qu’Anwar cible Trump — considéré comme une cible légitime par une grande partie de l’establishment progressiste —, la réaction reste confinée aux médias conservateurs tandis que les leaders démocrates gardent un silence complice. Cette asymétrie révèle une vérité inconfortable : dans le climat politique actuel, certaines vies sont considérées comme moins dignes de protection, certaines transgressions éthiques comme acceptables tant qu’elles visent les « bonnes » personnes. C’est précisément cette logique de déshumanisation sélective qui a historiquement pavé le chemin vers les pires atrocités politiques.
Les autorités médicales du Connecticut font face à un test décisif. Vont-elles rappeler à Anwar ses obligations éthiques fondamentales, clarifier que souhaiter la maladie ou la mort de quiconque — même un adversaire politique détesté — viole les principes médicaux de base ? Ou vont-elles garder le silence, permettant ainsi la normalisation progressive de comportements qui auraient été impensables pour des médecins il y a une génération ? Leur réponse, ou leur absence de réponse, établira un précédent qui dépassera largement ce cas individuel, signalant soit que la profession médicale maintient ses standards éthiques même face à la polarisation politique, soit qu’elle a capitulé devant les pressions partisanes comme tant d’autres institutions américaines.
Au-delà du cas spécifique d’Anwar, cette controverse soulève des questions existentielles sur la trajectoire de la démocratie américaine. Quand des médecins instrumentalisent la pathologie à des fins politiques, quand des manifestants brandissent des pancartes sur la guillotine, quand des leaders de chaque camp diabolisent systématiquement leurs adversaires comme des menaces existentielles méritant l’élimination, où tout cela mène-t-il ? La réponse, si l’histoire nous enseigne quelque chose, est nulle part où nous voulons aller. Les démocraties ne meurent généralement pas dans des coups d’État spectaculaires, mais dans une érosion graduelle des normes de décence, de respect mutuel et de reconnaissance de l’humanité partagée. Chaque transgression non sanctionnée, chaque silence complice, chaque justification de la cruauté politique accélère cette érosion. Et un jour, nous nous réveillerons dans un pays que nous ne reconnaissons plus, nous demandant comment nous en sommes arrivés là — sans réaliser que c’était pancarte par pancarte, silence par silence, transgression normalisée par transgression normalisée.
En fin de compte, l’histoire d’Anwar et de sa pancarte n’est pas vraiment sur lui. Il est juste un individu, un médecin et élu qui a fait un choix éthiquement douteux lors d’une manifestation. Non, cette histoire est sur nous — collectivement, en tant que société. Elle concerne les choix que nous faisons quand nous voyons de telles transgressions. Les condamnons-nous indépendamment de notre affiliation partisane ? Ou les ignorons-nous, les justifions-nous, les célébrons-nous même quand elles ciblent nos ennemis ? Ces choix, multipliés par des millions de personnes dans des milliers de situations, détermineront si la démocratie américaine survit à cette décennie. Pour l’instant, nous échouons ce test. Mais il n’est pas encore trop tard pour choisir différemment. Pas encore.