Aller au contenu

Imaginez un instant — des élus, des leaders politiques, des visages de l’avenir républicain américain, riant dans un groupe de discussion privé en faisant des blagues sur les chambres à gaz, en vantant Hitler, en crachant des insultes racistes contre les Noirs, les Juifs, les Indiens, les Latinos. Imaginez qu’ils parlent de viol comme d’une chose « épique », qu’ils utilisent des croix gammées comme émojis, qu’ils proposent de torturer leurs adversaires politiques. Ce n’est pas une fiction dystopique — c’est ce qui vient de se produire aux États-Unis, et l’onde de choc traverse encore tout le pays. Le 14 octobre 2025, Politico a publié un rapport dévastateur qui a fait exploser la bulle de respectabilité que certains jeunes républicains tentaient de maintenir. Parmi les douze participants de ce chat Telegram baptisé « RESTOREYR WAR ROOM », un seul était un élu officiel : Samuel Douglass, sénateur républicain du Vermont âgé de vingt-six ans à peine. Et trois jours plus tard, il a dû démissionner sous une pression insoutenable.

Cette affaire n’est pas qu’un simple scandale politique — c’est un miroir braqué sur une dérive idéologique qui ronge une partie de la droite américaine. Pendant sept mois, de janvier à août 2025, ces jeunes cadres républicains ont échangé près de 2 900 pages de messages où le racisme, l’antisémitisme, le sexisme et la glorification du nazisme coulaient à flots. Douglass lui-même, quoique moins actif que d’autres dans ce bourbier verbal, a participé avec des commentaires désobligeants sur les Indiens et n’a rien fait pour freiner sa femme, Brianna, quand elle a tenu des propos antisémites ciblant un collègue juif. Le gouverneur républicain du Vermont, Phil Scott, a été le premier à exiger sa démission, décrivant ces échanges comme « vils, racistes, bigots et antisémites ». Mais la question demeure : comment en est-on arrivé là ? Comment des jeunes militants, censés représenter l’avenir d’un grand parti politique, ont-ils pu se complaire dans une telle haine ?

Qui est Samuel Douglass ?

Samuel Adam Douglass n’était pas un poids lourd de la politique — loin de là. Né en 1998 à Newport, dans le Vermont, il a grandi dans les petites communautés rurales de Jay et North Troy, au cœur de cette région montagneuse où la politique locale est encore une affaire de voisinage. Diplômé en histoire de l’université d’État du Vermont en 2021, Douglass a d’abord travaillé comme intervenant en crise pour les services de santé mentale du comté de Lamoille, puis comme agent immobilier. Lui et sa femme exploitent également une petite ferme où ils élèvent des chèvres, des poules, des canards et des abeilles — une image bucolique qui contrastait cruellement avec les messages qu’il allait laisser filtrer dans ce groupe Telegram.

Douglass était un militant républicain actif, président des Jeunes Républicains du Vermont et du comité républicain du comté d’Orleans. En 2022, il avait perdu une première tentative pour le Sénat de l’État, mais en 2024, avec le retrait du vétéran Robert Starr, il avait enfin décroché son siège. À peine quelques mois après sa prise de fonction en janvier 2025, il se retrouvait au cœur d’une tempête médiatique dévastatrice. Sa jeunesse, son inexpérience, son ambition — tout cela semblait l’avoir rendu vulnérable à l’influence toxique d’un cercle de jeunes républicains qui, loin des regards, s’étaient laissés aller à leurs pires instincts.

Le groupe Telegram : une chambre d’écho pour la haine

Le groupe « RESTOREYR WAR ROOM » avait été créé par Peter Giunta, ancien président des Jeunes Républicains de l’État de New York, âgé de trente et un ans. Giunta cherchait à rassembler des soutiens pour devenir président national de l’organisation des Jeunes Républicains, et il avait recruté des leaders de chapitres locaux dans plusieurs États — New York, Vermont, Kansas, Arizona. Ce qui aurait dû être un espace de stratégie politique s’est rapidement transformé en un déversoir de discours haineux. Selon Politico, les messages contenaient plus de 250 utilisations de insultes raciales et homophobes, des discussions admiratives sur Hitler, des plaisanteries sur les chambres à gaz, la torture et le viol.

Un exemple parmi tant d’autres : Giunta aurait écrit « Tous ceux qui votent non vont à la chambre à gaz ». Dans un autre échange, il aurait répondu : « Génial. J’adore Hitler ». Annie Kaykaty, membre du comité national des Jeunes Républicains pour New York, et Bobby Walker, qui a succédé à Giunta comme président des Jeunes Républicains de New York, étaient également des participants actifs. Walker a plus tard présenté des excuses publiques, affirmant que certains messages avaient été « altérés, sortis de leur contexte ou manipulés » — une défense peu convaincante face à l’ampleur des preuves. Le chat incluait également des images de drapeaux américains modifiés avec des croix gammées, des discussions sur les théories du complot liées à Jeffrey Epstein, et des commentaires misogynes qualifiant le viol d’« épique ».

Les contributions de Douglass et de sa femme

Samuel Douglass n’était pas le membre le plus actif du groupe, mais ses interventions, bien que rares, étaient révélatrices. En juin 2025, lors d’un échange où Bobby Walker évoquait un ami commun ayant fréquenté une « femme indienne obèse », Peter Giunta avait corrigé en disant que la femme n’était pas indienne. Douglass avait alors répondu : « Elle ne se lavait tout simplement pas souvent ». Un commentaire raciste, gratuit, qui réduisait une personne à un stéréotype dégradant. Mais c’est sa femme, Brianna Douglass, membre du comité national des Jeunes Républicains pour le Vermont, qui a franchi une ligne encore plus sombre. Quand son mari a mentionné qu’un collègue juif, Hayden Padgett, président de la Fédération nationale des Jeunes Républicains, avait peut-être commis une erreur procédurale, Brianna a répondu : « J’allais dire que tu donnes trop de crédit aux nationaux et que tu t’attends à ce que le Juif soit honnête ».

Ces échanges, quoique brefs de la part de Douglass, montraient une participation consciente et consentante à une culture de mépris et de haine. Il n’a pas contesté, il n’a pas dénoncé — il a simplement suivi le courant. Et c’est précisément cette passivité, cette complaisance face à l’inacceptable, qui a provoqué l’indignation généralisée. Le couple Douglass, loin de représenter des valeurs républicaines traditionnelles de dignité et de respect, incarnait une nouvelle génération de militants pour qui la transgression verbale et la provocation semblaient être devenues des badges d’honneur.

facebook icon twitter icon linkedin icon
Copié!

Commentaires

0 0 votes
Évaluation de l'article
Subscribe
Notify of
guest
0 Commentaires
Newest
Oldest Most Voted
Inline Feedbacks
View all comments
More Content