Introduction
Il avait promis de réunir l’Amérique. De la rendre grande à nouveau. De transcender les divisions partisanes pour restaurer la fierté nationale. Mais neuf mois après son retour triomphal à la Maison Blanche, Donald Trump a réussi l’exploit inverse: il a transformé les États-Unis en un champ de bataille idéologique où 64 pour cent des électeurs estiment que le pays est désormais trop divisé pour résoudre ses problèmes. C’est une augmentation stupéfiante par rapport aux 42 pour cent qui partageaient ce pessimisme en 2020, à l’apogée de la pandémie. En d’autres termes, les Américains se sentent plus fracturés sous Trump en 2025 qu’ils ne l’étaient pendant COVID, pendant les émeutes raciales, pendant le chaos sanitaire. Comment en est-on arrivé là? Comment un président élu démocratiquement peut-il systématiquement détruire le tissu social de son propre pays?
La réponse tient dans une stratégie délibérée de gouvernance par le chaos. Trump ne cherche pas à rassembler — il cherche à dominer. Il ne construit pas de consensus — il écrase la dissidence. Depuis janvier 2025, il a purgé plus de 300 000 fonctionnaires fédéraux dans ce qui constitue la plus grande liquidation de la fonction publique américaine de l’histoire moderne. Il a militarisé des villes comme Chicago et Los Angeles, envoyant des troupes de la Garde nationale tirer sur des civils non armés. Il a étiqueté ses opposants politiques comme « l’ennemi intérieur », provoquant des vagues de manifestations massives où des millions d’Américains descendent dans les rues sous la bannière « No Kings » (Pas de rois). Et pendant que le pays brûle métaphoriquement — et parfois littéralement —, Trump alimente les flammes avec des tweets incendiaires, des purges institutionnelles, et une rhétorique qui rappelle davantage les régimes autoritaires que la plus vieille démocratie du monde. L’Amérique n’est plus une république unie. C’est un empire fragmenté gouverné par un empereur sans frein.
La polarisation mesurée scientifiquement
Les chiffres ne mentent pas. Un sondage du New York Times et de l’Université Siena publié début octobre 2025 révèle que 64 pour cent des électeurs inscrits pensent que les États-Unis sont trop politiquement divisés pour résoudre les problèmes nationaux, contre seulement 33 pour cent qui croient encore que le système politique peut fonctionner. En septembre 2020, ces proportions étaient respectivement de 42 et 51 pour cent. Autrement dit, en cinq ans — et surtout depuis le retour de Trump au pouvoir —, la confiance dans la capacité du système américain à s’autogérer s’est effondrée. Plus inquiétant encore, 41 pour cent des Américains refusent maintenant de décrire leur pays comme « démocratique », incluant 52 pour cent des démocrates et 40 pour cent des indépendants. C’est colossal. Près de la moitié du pays ne reconnaît plus l’Amérique comme une démocratie fonctionnelle.
Cette polarisation ne se limite pas à des désaccords politiques ordinaires sur les impôts ou la santé. C’est une fracture identitaire profonde. Les démocrates et les républicains ne vivent plus dans le même univers informationnel. Ils ne consomment pas les mêmes médias, ne fréquentent pas les mêmes commerces, n’habitent pas les mêmes quartiers. Les partis politiques sont plus idéologiquement divisés qu’à n’importe quel moment des dernières décennies. Les votes au Congrès tombent strictement selon les lignes partisanes — zéro coopération, zéro compromis. L’éducation est devenue un marqueur politique: les démocrates attirent les diplômés universitaires, les républicains les non-diplômés. Ces divisions ne sont pas culturelles — elles sont structurelles, ancrées dans l’économie, la géographie, la race, la religion. Et Trump exploite chacune de ces failles avec une précision chirurgicale, sachant qu’un pays divisé est un pays qu’il peut contrôler.
Trump identifie ses ennemis comme « l’ennemi intérieur »
La rhétorique de Trump a franchi un seuil dangereux. Il ne critique plus simplement ses opposants politiques — il les déshumanise. Lors de multiples événements publics et sur Truth Social, Trump a qualifié les démocrates d’« ennemi intérieur », un terme chargé d’implications totalitaires. Pas juste des adversaires. Pas juste des rivaux. Des ennemis. Cette terminologie n’est pas innocente — elle est empruntée directement au lexique des régimes autoritaires. Mao parlait des « ennemis du peuple ». Staline purgeait les « ennemis intérieurs ». Trump recycle cette sémantique pour légitimer la répression de la dissidence. Et ça fonctionne. Sa base MAGA, convaincue que les démocrates veulent détruire l’Amérique, considère désormais toute opposition comme une menace existentielle.
Cette diabolisation de l’opposition crée un cercle vicieux mortel. Lorsque les républicains perçoivent les démocrates comme des ennemis qui violent les normes démocratiques, ils se sentent justifiés de violer ces mêmes normes pour « combattre » l’autre camp. L’attaque du Capitole le 6 janvier 2021 en est l’exemple parfait: des milliers de partisans de Trump, convaincus que l’élection avait été « volée », ont pris d’assaut le siège du gouvernement américain pour tenter d’annuler les résultats. Trump leur avait répété pendant des semaines: « Nous ne céderons jamais. » « Nous stopperons le vol. » Et ils ont obéi. Cette polarisation ne sert plus la démocratie — elle sert de combustible pour ceux au pouvoir qui veulent éliminer leurs rivaux. Les experts en démocratie comme Rachel Kleinfeld avertissent que la seule façon de réduire cette polarisation serait de rassurer les citoyens que l’autre camp ne cherche pas à détruire les normes démocratiques. Mais comment faire ça quand le président lui-même alimente constamment cette peur?
Les manifestations « No Kings » qui enflamment le pays
Le 18 octobre 2025, des millions d’Américains sont descendus dans les rues pour la deuxième vague de manifestations « No Kings », organisées dans plus de 2 600 sites à travers le pays et même au-delà des frontières — des Canadiens solidaires se sont rassemblés à Montréal pour soutenir leurs voisins du sud. C’est presque le double du nombre de rassemblements lors de la première vague quelques mois plus tôt. Le mouvement grandit. Il prend de l’ampleur malgré les tentatives du GOP de discréditer ces manifestations en les qualifiant de « rassemblements de haine de l’Amérique ». Mais ce cadrage ne prend pas. Les manifestants ne détestent pas l’Amérique — ils détestent ce que Trump fait à l’Amérique. Leurs slogans résonnent partout: « Trump doit partir », « Aucun homme au-dessus de la loi », « Défendez la démocratie ».
Ces protestations ne sont pas juste des événements politiques ordinaires. Elles représentent une mobilisation sans précédent de citoyens terrifiés par la trajectoire autoritaire du pays. Le Harvard Crowd Counting Consortium, qui surveille les rassemblements politiques, rapporte une augmentation significative des manifestations en 2025 par rapport à la même période en 2017. Les « No Kings » constituent probablement la deuxième plus grande démonstration nationale depuis l’entrée en fonction de Trump en janvier 2017, derrière seulement la Marche des femmes de 2017. En juin 2025, malgré une tragédie où un homme a tué un élu et son conjoint à St. Paul, des dizaines de milliers de personnes se sont quand même rassemblées pour « No Kings » alors que le tireur était toujours en fuite — démontrant une détermination qui dépasse la peur. Les organisateurs dénoncent les « tendances autoritaires croissantes et la corruption » de Trump, citant les expulsions massives d’immigrants, les coupes dans les programmes sociaux, le gerrymandering, et la priorité donnée aux milliardaires plutôt qu’aux familles.
Je me surprends à ressentir une émotion étrange en lisant ces récits de manifestations massives — un mélange d’espoir et de désespoir. Espoir parce que des millions d’Américains refusent encore de se soumettre, descendent dans les rues malgré les menaces, défient le pouvoir malgré les risques. Mais désespoir aussi, parce que ces manifestations révèlent à quel point la situation est grave. On ne manifeste pas par millions si tout va bien. On ne risque pas sa sécurité personnelle pour protester si la démocratie fonctionne normalement. Ces foules dans les rues sont un cri de détresse collectif.
La purge bureaucratique la plus massive de l'histoire

Plus de 300 000 fonctionnaires fédéraux licenciés
Pendant que les Américains débattent de polarisation politique, Trump mène une guerre silencieuse contre la fonction publique fédérale. Depuis son retour au pouvoir en janvier 2025, son administration a licencié ou forcé au départ plus de 300 000 employés fédéraux — la plus vaste purge de la bureaucratie américaine de l’histoire moderne. Ce n’est pas une simple réduction d’effectifs pour des raisons budgétaires. C’est une campagne calculée pour éliminer toute expertise institutionnelle qui pourrait résister aux directives présidentielles. Russell Vought, directeur du Bureau de la gestion et du budget (OMB) et architecte principal du Projet 2025, dirige cette opération avec une efficacité brutale. Au moins 4 600 avis de licenciement ont été envoyés à travers les agences majeures — Trésor, Santé et Services sociaux, Éducation, Sécurité intérieure.
Officiellement, il s’agit d’« efficacité ». Officieusement, les mémos internes montrent que les départements ont reçu l’ordre de cibler les programmes « non conformes aux priorités présidentielles ». Traduction: tout ce qui déplaît à Trump doit disparaître, y compris les personnes qui gèrent ces programmes. Priscilla Novak, chercheuse gouvernementale mise au chômage technique, témoigne: « Nous sommes utilisés comme pions politiques. C’est la troisième fermeture gouvernementale de ma carrière — mais la première fois où j’ai l’impression qu’ils veulent vraiment nous voir partir. » Brent Barron, un officiel du Département du Travail et représentant syndical, ajoute: « Ce que j’entends, c’est beaucoup d’anxiété, de confusion, et de chaos. Les gens ne savent même pas s’ils sont mis au chômage technique ou licenciés. C’est du chaos par conception. » C’est exactement ça — le chaos n’est pas un effet secondaire, c’est l’objectif.
Les agences de sécurité nationale décapitées
Les purges touchent même les institutions censées être apolitiques et critiques pour la sécurité nationale. Le FBI, la CIA, le Pentagone voient leurs dirigeants expérimentés limogés et remplacés par des loyalistes de Trump sans qualification appropriée. Le CDC (Centre de contrôle et de prévention des maladies) subit des licenciements massifs qui provoquent ce que les critiques appellent une « destruction imprudente » de la capacité de santé publique du pays, menaçant directement la sécurité et les vies des citoyens. Ces coupes ne sont pas motivées par l’efficacité — elles sont motivées par la loyauté. Trump veut des agences qui lui obéissent sans question, pas des professionnels qui pourraient freiner ses impulsions dangereuses.
Un réseau de plus de 340 anciens officiels des renseignements et de la sécurité nationale — de la CIA, de la NSA, du Département d’État — a publié mi-octobre 2025 une évaluation alarmante intitulée « Accélération autoritaire: évaluation du déclin démocratique ». Leur conclusion? Les États-Unis sont « sur une trajectoire » vers un régime autoritaire, et l’érosion des principes démocratiques s’intensifie sous Trump, risquant de devenir permanente sans opposition coordonnée. Ils expriment une « confiance modérée à élevée » que le pays transite vers ce que les experts appellent l’« autoritarisme compétitif » — un système où les élections et les processus judiciaires persistent, mais sont « systématiquement manipulés » pour renforcer le pouvoir exécutif et réduire les contre-pouvoirs. Ces patterns deviennent de plus en plus apparents aux États-Unis, alignés avec les efforts de Trump pour « assurer la loyauté et la conformité idéologique » au sein du gouvernement fédéral.
Le shutdown gouvernemental comme arme politique
Le shutdown du gouvernement fédéral qui traîne depuis des semaines en octobre 2025 n’est pas juste une impasse budgétaire ordinaire. C’est une stratégie délibérée pour affaiblir les démocrates et accélérer la purge bureaucratique. Plus de 750 000 employés fédéraux restent au chômage technique, tandis que des centaines de milliers d’autres travaillent sans salaire. Pendant ce temps, l’administration Trump utilise le chaos pour exécuter des « réductions de force » (RIF) permanentes qui pourraient réduire la fonction publique de près d’un demi-million d’emplois avant 2026. Des officiels de la Maison Blanche caractérisent ces actions comme essentielles pour « restaurer la responsabilité » et éliminer l’« obstruction politiquement motivée » du gouvernement fédéral. Vought a publiquement reconnu: « Les RIF ont commencé. »
Les opposants — syndicats, défenseurs de la fonction publique — qualifient ces licenciements d’illégaux et politiquement motivés. L’American Federation of Government Employees et d’autres syndicats préparent des poursuites judiciaires, alléguant des violations du processus équitable et des protections de longue date pour l’emploi fédéral. Mais Trump s’en fiche. Il sait que les procès prendront des années, et pendant ce temps, les dégâts seront faits. Les analystes avertissent que les licenciements permanents pourraient sévèrement affaiblir les agences essentielles et aggraver le dysfonctionnement d’un système fédéral déjà surchargé. C’est du sabotage institutionnel — détruire la capacité du gouvernement à fonctionner pour ensuite pointer du doigt son inefficacité et justifier encore plus de coupes. Un cercle vicieux auto-réalisateur.
Il y a quelque chose de profondément cynique dans cette stratégie. Trump a passé sa carrière à dire que le gouvernement ne fonctionne pas, et maintenant qu’il contrôle ce gouvernement, il fait tout pour prouver qu’il avait raison — en le détruisant activement. C’est comme un pompier qui brûlerait des maisons pour justifier l’existence de son service d’incendie. Sauf que les victimes sont réelles: des centaines de milliers de familles qui perdent leur gagne-pain, des millions d’Américains qui dépendent des services gouvernementaux qui s’effondrent. C’est de la cruauté idéologique déguisée en réforme.
La militarisation des villes américaines

Chicago transformée en zone de guerre
En juin 2025, Trump a déclenché une crise constitutionnelle en envoyant des troupes de la Garde nationale dans les rues de Chicago sans l’autorisation des autorités locales ou de l’État. Officiellement, c’était pour « rétablir l’ordre » face aux manifestations et à la criminalité. Mais la réalité sur le terrain raconte une histoire différente: des officiels locaux arrêtés pour avoir protesté, des journalistes du Chicago Sun-Times et de CBS Chicago News détenus, gazés lacrymogènes et bombardés de balles en caoutchouc. La semaine dernière, des agents de la Customs and Border Protection (CBP) ont tiré sur une femme non armée. En septembre, des agents de l’ICE ont tué par balle un immigrant illégal non armé à Franklin Park. Le mois dernier, 300 agents fédéraux ont fait une descente dans un immeuble d’appartements — certains descendant en rappel depuis des hélicoptères Blackhawk —, attachant avec des serre-flex des citoyens et même des enfants, avant d’arrêter finalement 37 personnes supposément illégales ou liées à des gangs ou cartels de drogue.
C’est une escalade terrifiante. Les États-Unis ressemblent de plus en plus à une dictature militaire qu’à une démocratie fonctionnelle. Et Trump promet de répliquer ce modèle dans d’autres villes comme Portland et Los Angeles — envoyant des troupes, provoquant des protestations et de la violence, puis invoquant l’Insurrection Act pour partir en guerre contre les Américains, rassembler les dissidents, et potentiellement annuler les élections. Les sondages montrent que 58 pour cent des Américains s’opposent à la militarisation de l’application de la loi dans les villes américaines sans menace externe explicite. Mais Trump ignore l’opinion publique. Il a découvert que la peur fonctionne — que montrer la force brute intimide l’opposition, rallie sa base MAGA qui adore voir le président « nettoyer » les villes libérales, et normalise l’utilisation de l’armée contre la population civile.
Los Angeles sous occupation fédérale
La situation à Los Angeles illustre parfaitement le chaos délibéré de Trump. Avant le déploiement de la Garde nationale, il y avait environ 250 manifestants dans les rues. Après le déploiement illégal des troupes? Plus de 3 000 manifestants. La présence militaire n’a pas calmé la situation — elle l’a enflammée. Le gouverneur de Californie, Gavin Newsom, a formellement demandé que la fédéralisation de la Garde nationale soit annulée et que l’État reprenne le contrôle. Il a rencontré les responsables locaux de l’application de la loi sur le terrain. Il a déposé une poursuite avec le procureur général Rob Bonta contre l’administration Trump pour sa prise de contrôle illégale de la Garde nationale californienne. Newsom a également demandé au tribunal d’intervenir immédiatement pour bloquer la militarisation inutile de Los Angeles, incluant l’application de l’immigration dans les communautés.
L’État de Californie a dû mobiliser plus de 800 officiers de police supplémentaires (État et locaux) pour « nettoyer le désordre du président Trump », comme l’a formulé Newsom. Les forces de l’ordre locales et étatiques ont dû intervenir pour protéger la sécurité publique, pendant que la Garde nationale reste plantée devant les bâtiments fédéraux sans rien faire d’utile. Les troupes envoyées étaient « sauvagement mal préparées » et dormaient sur les planchers. Les actions de Trump n’ont pas seulement causé une panique et un chaos généralisés — elles ont inutilement créé une diversion de ressources alors que l’État tente de calmer une communauté terrorisée par cette action fédérale imprudente. Le gouverneur a condamné la militarisation illégale de Los Angeles, avertissant que les actions du président marquent un « point d’inflexion dangereux pour la nation ».
L’Insurrection Act comme menace permanente
L’Insurrection Act de 1807 permet au président de déployer l’armée américaine pour réprimer des rébellions civiles ou appliquer les lois fédérales dans des circonstances extrêmes. Historiquement, cette loi a été invoquée rarement — pendant la guerre de Sécession, pendant les émeutes raciales des années 1960, lors du chaos post-Katrina. Mais Trump brandit l’Insurrection Act comme une arme permanente contre toute ville ou État qui refuse de se soumettre à ses politiques. Il ne s’agit plus de défendre la Constitution ou de protéger les citoyens — il s’agit de punir les opposants politiques. Les experts en démocratie avertissent que Trump traite l’armée comme une « armée privée », déployant des troupes pour des objectifs politiques plutôt que pour la sécurité nationale. Nicholas Grossman, professeur de relations internationales à l’Université de l’Illinois, dit appartenir fermement au camp « ça peut arriver ici » concernant la capacité de l’autoritarisme à prendre racine aux États-Unis. Ceux qui croient « ça ne peut pas arriver ici » ont « toujours eu tort — et ils ont clairement tort maintenant ».
Des fois je ferme les yeux et j’essaie d’imaginer comment un citoyen ordinaire doit se sentir en voyant des hélicoptères militaires planer au-dessus de son quartier, des soldats en treillis patrouiller ses rues, des agents fédéraux tirer sur des gens non armés. Ce n’est pas censé être l’Amérique. C’est censé être Bagdad, ou Kaboul, ou ces endroits lointains où l’Amérique envoie ses troupes pour « rétablir l’ordre ». Mais maintenant c’est Chicago. C’est Los Angeles. Et je me demande combien de temps avant que ça devienne aussi Montréal, Toronto, toutes ces villes qui regardent horrifiées leur voisin basculer dans quelque chose de très sombre.
La rhétorique qui normalise la violence politique

Les meurtres politiques qui s’accumulent
Septembre 2025 restera gravé dans l’histoire comme un mois de violence politique sans précédent. Charlie Kirk, commentateur d’extrême droite, a été assassiné — un meurtre qui a déclenché une vague de représailles et d’accusations. Un sénateur d’État du Minnesota et son conjoint ont été tués. Ces incidents ne sont pas isolés — ils s’inscrivent dans une escalade continue de violence alimentée par une rhétorique de plus en plus extrême. Trump a étiqueté Antifa comme une organisation terroriste et a promis d’enquêter et d’agir contre tout groupe de gauche qu’il perçoit comme soutenant le terrorisme. C’est une définition dangereusement large qui pourrait inclure n’importe quelle organisation progressiste. Les experts en violence politique s’alarment: dix spécialistes interrogés par Politico en septembre ont tous souligné que la rhétorique de Trump et des leaders MAGA « s’appuie sur des menaces et la violence pour attiser les tensions ».
Quand les leaders politiques déshumanisent leurs adversaires, quand ils les qualifient d’ennemis plutôt que d’opposants, quand ils suggèrent que la violence pourrait être justifiée pour « sauver le pays », ils ouvrent la porte à des actes terribles. Et c’est exactement ce que Trump fait. Il ne condamne pas la violence politique — il l’encourage implicitement en célébrant ceux qui « défendent l’Amérique » contre « l’ennemi intérieur ». Sa base comprend le message: les démocrates ne sont pas juste des gens avec qui on est en désaccord, ce sont des traîtres qui méritent d’être éliminés. Le résultat? Une société où de plus en plus de citoyens considèrent la violence comme un outil politique légitime. Les sondages montrent une augmentation alarmante du nombre d’Américains qui estiment que la violence pourrait être nécessaire pour atteindre des objectifs politiques. C’est le signe d’une démocratie en phase terminale.
Les médias qui capitulent devant la pression
Les médias américains, censés être le quatrième pouvoir gardien de la démocratie, se soumettent un à un aux pressions de Trump. Disney a capitulé en congédiant Jimmy Kimmel. CBS et ABC ont viré leurs animateurs critiques de Trump. Les journaux et les chaînes de télévision adoucissent leur couverture par peur de représailles — enquêtes fédérales, retrait de licences de diffusion, boycotts organisés par la base MAGA. Un article du Journal de Québec en septembre 2025 titrait: « Les médias plient devant Trump: virage MAGA en cours ». C’est effrayant. Quand les médias perdent leur indépendance, quand ils cessent de tenir les puissants responsables, quand ils deviennent des outils de propagande plutôt que des sources d’information objective, la démocratie meurt.
Trump a compris depuis longtemps que contrôler le narratif est plus important que contrôler les faits. Il attaque constamment les médias traditionnels comme « fake news », accuse les journalistes d’être « des ennemis du peuple », et récompense ceux qui le soutiennent avec des accès exclusifs. Le résultat? Une population américaine divisée en bulles informationnelles imperméables. Les partisans de Trump regardent Fox News, Newsmax, écoutent ses déclarations sur Truth Social — et croient que tout va bien, que le président sauve l’Amérique des élites corrompues. Les opposants lisent le New York Times, le Washington Post, écoutent NPR — et voient un démagogue autoritaire détruisant la démocratie. Ces deux groupes n’habitent plus la même réalité. Comment une société peut-elle fonctionner quand ses citoyens ne peuvent même pas s’accorder sur les faits de base?
Les réseaux sociaux comme amplificateurs de haine
Un scandale a éclaté la semaine dernière quand le New York Times a révélé qu’un groupe de jeunes républicains — activistes et personnel politique — partageaient des messages racistes et haineux sur un chat Telegram. Ce n’est pas juste quelques individus extrémistes — c’est une cohorte d’officiels du Parti républicain qui normalisent ouvertement le racisme dans leurs communications privées. Et quand ces messages sont rendus publics, que se passe-t-il? Rien. Pas de conséquences. Pas de démissions forcées. Juste des excuses creuses et une poursuite de la carrière politique comme si de rien n’était. Parce que dans l’Amérique de Trump, le racisme n’est plus disqualifiant — c’est juste « franc-parler ».
Les réseaux sociaux amplifient cette dynamique toxique. Les algorithmes favorisent le contenu provocateur, émotionnel, divisif — parce que c’est ce qui génère le plus d’engagement. Les gens partagent des articles qui confirment leurs préjugés, rejoignent des groupes qui renforcent leurs croyances, attaquent ceux qui pensent différemment. La polarisation affective — l’émotion négative intense envers le parti opposé — atteint des niveaux records. Les démocrates et les républicains ne se voient plus simplement comme des adversaires politiques, mais comme des ennemis moraux qui menacent l’avenir du pays. Et dans cet environnement de haine mutuelle, la violence devient presque inévitable. Quand tu considères l’autre camp comme une menace existentielle, toutes les tactiques deviennent justifiables — y compris la violence.
Je repense à cette citation célèbre: « La seule chose nécessaire au triomphe du mal, c’est que les hommes bons ne fassent rien. » Mais ici, le problème n’est pas juste l’inaction — c’est la complicité active. Les médias qui se taisent. Les politiciens républicains qui regardent ailleurs. Les citoyens ordinaires qui haussent les épaules et disent « la politique ne m’intéresse pas ». Chacun de ces petits abandons, chacune de ces petites lâchetés s’additionne pour créer quelque chose de monstrueux. Et moi, assis devant mon écran, qu’est-ce que je fais? J’écris. J’informe. Mais est-ce suffisant? Je ne sais pas. Probablement pas.
Le système judiciaire transformé en arme partisane

Les poursuites contre les opposants politiques
Trump a ouvertement déclaré pendant sa campagne qu’il se vengerait de tous ceux qu’il considère comme ses ennemis personnels. Et il tient parole. Le Département de la Justice, censé être indépendant du pouvoir exécutif, est devenu un outil de vengeance présidentielle. James Comey, ancien directeur du FBI qui a enquêté sur Trump, fait face à des accusations de fausses déclarations au Congrès. Letitia James, procureure générale de New York qui a poursuivi Trump pour fraude fiscale, est accusée de fraude hypothécaire. John Bolton, ancien conseiller à la sécurité nationale devenu critique féroce, est inculpé pour rétention d’informations classifiées. Adam Schiff, sénateur démocrate de Californie, fait l’objet d’une enquête fédérale. Le motif récurrent? Tous ont enquêté sur Trump, poursuivi Trump, ou critiqué Trump.
Les experts juridiques craignent que les États-Unis soient entrés dans un « cycle destructeur » où les présidents poursuivent leurs rivaux comme forme de représailles. Les réformes adoptées après Watergate pour renforcer la confiance publique dans l’impartialité des poursuites se révèlent datées et inefficaces. Stacey Young, ancienne employée du DOJ et dirigeante de Justice Connection, confirme que l’indépendance historique du département s’effrite et que le personnel se sent anxieux. La procureure générale Pam Bondi, loyaliste de Trump, a déclaré: « Il n’y a qu’un seul niveau de justice pour tous les Américains. » Mais simultanément, elle a congédié des procureurs de carrière qui travaillaient sur des enquêtes condamnées par Trump et réduit la portée d’autres investigations. Le Département de la Justice sous Trump ressemble de plus en plus à un instrument de règlement de comptes personnel qu’à un gardien impartial de la loi.
Les tribunaux sous pression politique
Trump attaque également le système judiciaire lui-même. Il dénonce les juges qui rendent des décisions défavorables comme « partisans » ou « activistes ». Il menace de ne pas respecter les décisions de justice qu’il juge « illégales ». Il encourage ses partisans à manifester devant les tribunaux pour intimider les juges. C’est une érosion systématique de l’indépendance judiciaire — le dernier rempart contre la tyrannie exécutive. Et ça fonctionne. Certains juges, conscients de la pression politique intense, commencent à hésiter avant de bloquer les actions de Trump, sachant que toute décision défavorable déclenchera une avalanche d’attaques personnelles, de menaces de mort, et potentiellement même des enquêtes du Département de la Justice sur leur propre conduite.
Les juges de la Cour suprême nommés par Trump — trois sur neuf — forment maintenant un bloc conservateur qui vote systématiquement en faveur de l’expansion du pouvoir exécutif. Ils ont validé l’interdiction de voyager musulmane. Ils ont autorisé le financement du mur frontalier. Ils ont réduit les restrictions sur l’utilisation du pouvoir d’urgence présidentiel. Chaque décision renforce Trump, affaiblit les contre-pouvoirs. Les minorités libérales de la Cour publient des dissidences alarmées, avertissant que la majorité transforme la présidence en une quasi-monarchie. Mais ces avertissements restent des dissidences — la majorité conservatrice contrôle. Et pendant ce temps, les normes constitutionnelles qui ont défini la république américaine pendant 250 ans s’érodent lentement mais sûrement.
L’attaque contre la Réserve fédérale
Trump a également pris pour cible la Réserve fédérale, l’institution censée être absolument indépendante du pouvoir politique. Il exige publiquement que le président de la Fed, Jerome Powell, baisse les taux d’intérêt pour stimuler artificiellement l’économie avant les élections de mi-mandat. Il suggère qu’il pourrait limoger Powell si celui-ci refuse d’obéir. C’est une violation flagrante des normes établies depuis des décennies. La crédibilité de la Fed repose précisément sur son indépendance — sur le fait que les décisions monétaires sont prises selon des considérations économiques, pas politiques. Si cette indépendance est perçue comme compromise, les marchés internationaux perdront confiance dans le dollar américain, les taux d’intérêt augmenteront, et l’ensemble du système financier mondial — qui repose sur la stabilité du dollar — pourrait vaciller.
Les PDG interrogés lors du forum de Yale en septembre ont exprimé des préoccupations majeures: plus de 60 pour cent estiment que Trump a causé des dommages durables à l’indépendance de la Réserve fédérale, et plus de trois quarts pensent que ses actions de politisation sont à blâmer. C’est catastrophique. Le dollar américain est la monnaie de réserve mondiale précisément parce que les investisseurs internationaux font confiance à la stabilité et à l’indépendance des institutions américaines. En attaquant la Fed, Trump sape cette confiance. Il joue avec des dynamiques qu’il ne comprend pas et dont les conséquences pourraient être dévastatrices. Mais tout ce qui l’intéresse, c’est la gratification politique immédiate — avoir des taux bas maintenant pour stimuler l’économie avant les élections. L’avenir? Quelqu’un d’autre s’en occupera.
Il y a une arrogance particulièrement toxique chez Trump — cette conviction absolue qu’il sait mieux que tout le monde, que les experts sont des idiots, que les institutions sont des obstacles à contourner plutôt que des structures à respecter. C’est l’hubris d’un homme qui n’a jamais vraiment été tenu responsable de ses erreurs, qui a toujours pu acheter, mentir ou poursuivre son chemin hors des problèmes. Mais on ne peut pas gérer un pays comme on gère une entreprise immobilière. Les conséquences sont trop grandes. Les enjeux sont trop élevés. Et des millions de vies dépendent de ces institutions qu’il démantèle avec tant de désinvolture.
Les divisions qui détruisent le tissu social

Les familles et amitiés brisées par la politique
La polarisation ne reste pas confinée aux institutions gouvernementales — elle s’infiltre dans les relations personnelles les plus intimes. Des familles se déchirent lors des repas de Thanksgiving, des amitiés de décennies se terminent brutalement, des couples divorcent à cause de désaccords politiques devenus insurmontables. Une enquête de 2025 révèle que 10 pour cent des Américains ont participé à une manifestation au cours de l’année précédente — le pourcentage le plus élevé enregistré depuis que l’étude a commencé en 1976. La protestation est devenue l’un des moyens les plus courants par lesquels les Américains expriment leurs opinions politiques. Mais cette mobilisation intense reflète aussi une colère profonde, une frustration existentielle face à un pays qui ne semble plus reconnaître ses propres valeurs.
Les démocrates et les républicains ne vivent littéralement plus dans les mêmes communautés. Les villes sont massivement démocrates, les zones rurales massivement républicaines. Cette ségrégation géographique renforce la polarisation: quand tu ne côtoies jamais quelqu’un de l’autre bord, quand tu n’as jamais de conversation authentique avec un électeur du camp opposé, il devient facile de les diaboliser, de les réduire à des caricatures. Les études montrent que l’éducation, le revenu, la race, la religion — tous ces facteurs se superposent pour créer des identités politiques hermétiques. Un Américain blanc, chrétien, sans diplôme universitaire, vivant en zone rurale, sera presque certainement républicain. Un Américain urbain, diplômé, non religieux ou de minorité visible sera presque certainement démocrate. Ces divisions ne sont pas juste politiques — elles sont totales, façonnant chaque aspect de la vie quotidienne.
La peur qui paralyse la société civile
Depuis les manifestations « No Kings » de juin, où un homme a tué un élu et son conjoint pendant que le tireur était encore en liberté, de nombreux Américains ont commencé à établir des « plans de sécurité » avant de participer aux protestations. Des formations sont organisées pour servir comme marshals lors des manifestations, pour apprendre les techniques de désescalade. Mais certains citoyens choisissent de rester chez eux par peur accrue — peur d’être arrêtés, peur d’être déportés (pour les immigrants), peur d’être blessés par les forces de l’ordre ou par des contre-manifestants violents. Cette peur érode la capacité de la société civile à s’organiser et à résister. Et c’est exactement ce que Trump veut: une population trop terrifiée pour descendre dans les rues, trop divisée pour s’unir contre lui.
La confiance entre citoyens s’effondre. Les sondages montrent que les Américains ont de moins en moins confiance en leurs voisins, en leurs collègues, en leurs concitoyens en général. Ils suspectent que les autres ont des motivations cachées, qu’ils sont manipulés par des forces obscures, qu’ils ne peuvent pas être raisonnés. Cette défiance généralisée détruit le capital social — ce réseau invisible de relations et de confiance mutuelle qui permet à une société de fonctionner. Quand ce capital disparaît, quand les gens cessent de coopérer parce qu’ils ne se font plus confiance, toutes les institutions s’affaiblissent. Les entreprises peinent à embaucher. Les écoles ont du mal à éduquer. Les communautés se fragmentent. Et le chaos qui en résulte renforce le message de Trump: « Voyez? Le système ne fonctionne pas. Vous avez besoin d’un leader fort pour restaurer l’ordre. »
L’exode des cerveaux qui commence
Un phénomène nouveau et inquiétant émerge: des experts en démocratie, des universitaires, des professionnels qualifiés commencent à quitter les États-Unis. Certains des meilleurs spécialistes nationaux sur la démocratie, le fascisme et les sujets connexes ont pris des mesures pour quitter le pays pendant le second mandat de Trump. Ils ne croient plus que le système américain peut résister à l’assaut autoritaire. Ils voient les mêmes patterns qu’ils ont étudiés dans d’autres pays — la Hongrie sous Orban, la Turquie sous Erdogan, les Philippines sous Duterte — et ils concluent que l’Amérique suit la même trajectoire. Alors ils partent. Ils cherchent refuge au Canada, en Europe, partout où les institutions démocratiques semblent encore robustes.
Cette fuite des cerveaux affaiblit encore davantage le pays. Les universités perdent leurs meilleurs professeurs. Les think tanks perdent leurs meilleurs analystes. Les médias perdent leurs meilleurs journalistes. Et pendant ce temps, Trump continue de purger le gouvernement fédéral de toute expertise institutionnelle. Le résultat? Une Amérique de plus en plus gouvernée par l’idéologie et la loyauté plutôt que par la compétence et l’expertise. C’est exactement ce qui s’est passé dans les régimes autoritaires du XXe siècle: les professionnels compétents sont remplacés par des apparatchiks loyaux, l’efficacité gouvernementale s’effondre, et la population en souffre. Mais le dirigeant consolide son pouvoir. Et au final, c’est tout ce qui compte pour Trump.
Je me surprends à penser à l’Allemagne des années 1930, à la Russie des années 1920, à tous ces moments historiques où les sociétés ont basculé vers l’autoritarisme. Et à chaque fois, les gens qui vivaient ces époques ne réalisaient pas pleinement ce qui se passait. Ils pensaient que c’était temporaire, que les institutions résisteraient, que « ça ne peut pas arriver ici ». Jusqu’à ce que ça arrive. Et je me demande si nous sommes à ce point maintenant — ce moment où l’histoire bascule, où la démocratie meurt non pas dans un coup d’État violent mais dans une érosion lente et méthodique. Et si c’est le cas, qu’est-ce qu’on fait? On se bat? On fuit? On survit et on espère?
Le mouvement MAGA qui se fracture de l'intérieur

Les divisions entre populistes et élites technologiques
Ironiquement, le mouvement MAGA lui-même commence à se fissurer. Les partisans originaux — les nationalistes populistes comme Steve Bannon, les activistes de la première heure comme Laura Loomer — se trouvent en conflit avec les nouveaux arrivants, notamment les magnats de la tech comme Elon Musk. Loomer a accusé publiquement Musk d’« acheter de l’influence » pour « manipuler et changer notre politique étrangère, notre politique technologique et notre politique d’immigration ». Bannon aussi a attaqué Musk, le qualifiant de menace pour les valeurs MAGA traditionnelles. Le problème? Les travailleurs cols bleus qui forment la base MAGA veulent des emplois protégés et des restrictions d’immigration strictes. Les entreprises technologiques veulent une immigration qualifiée ouverte et des marchés globaux. Ces intérêts sont contradictoires et inconciliables.
Trump, fidèle à son style, encourage ces divisions. Il aime créer de la compétition entre ses conseillers, laisser différentes factions se battre, puis trancher lui-même en fonction de son intérêt immédiat. Mais cette stratégie, qui pouvait fonctionner quand MAGA était un mouvement insurgent unifié par l’opposition à l’establishment, devient problématique maintenant que MAGA est l’establishment. Les contradictions internes explosent. Les compromis deviennent impossibles. Trump découvre qu’il ne peut pas satisfaire simultanément les isolationnistes qui veulent l’Amérique repliée sur elle-même et les expansionnistes qui veulent dominer le monde, les protectionnistes qui détestent le commerce international et les capitalistes qui en dépendent. L’édifice MAGA, construit sur des slogans simplistes et des promesses impossibles, commence à s’effondrer sous le poids de ses propres contradictions.
La base électorale qui s’érode
Les sondages d’octobre 2025 montrent que Trump possède un taux d’approbation pire que n’importe quel président au même stade de son mandat depuis George W. Bush en 2003 pendant la guerre en Irak. Son taux de désapprobation dépasse largement son taux d’approbation. Les électeurs indépendants — ceux qui ont fait pencher la balance en sa faveur en novembre 2024 — l’abandonnent. Même certains républicains commencent à exprimer des doutes. Pourquoi? L’inflation qui augmente alors que Trump avait promis de la réduire. Les tarifs douaniers qui font grimper les prix sans ramener les emplois manufacturiers promis. Les attaques contre les institutions démocratiques qui inquiètent même des conservateurs traditionnels. Les scandales à répétition. À un an des élections de mi-mandat prévues en novembre 2026, c’est de très mauvais augure pour la majorité républicaine au Congrès.
Mais Trump refuse de changer de stratégie. Il double plutôt la mise sur la polarisation, sur l’attaque de ses ennemis, sur la mobilisation de sa base la plus fanatique. Il calcule qu’en maintenant ses partisans les plus fervents ultra-motivés, il peut compenser la perte des indépendants et des républicains modérés. C’est un pari risqué. Cela signifie gouverner pour environ 35-40 pour cent de la population tout en aliénant les 60-65 pour cent restants. C’est possible de gagner des élections avec cette stratégie dans un système électoral biaisé comme celui des États-Unis — où le Collège électoral et la représentation au Sénat favorisent les États ruraux moins peuplés. Mais c’est une recette pour une instabilité sociale permanente. Un pays où la majorité se sent gouvernée par une minorité radicalisée ne peut pas rester stable longtemps.
Les prédictions d’effondrement
Des analystes politiques, des historiens, des experts en démocratie prédisent de plus en plus ouvertement que le mouvement MAGA ne survivra pas à Trump. Le culte de la personnalité est si intense, si centré sur un seul homme, qu’il est difficile d’imaginer comment il continuerait sans lui. Trump a 79 ans. Il ne sera pas là éternellement. Et quand il partira — que ce soit par défaite électorale, par incapacité physique, ou par mort —, qu’arrivera-t-il au trumpisme? Les différentes factions se déchireront pour le contrôle. Les élus républicains qui ont passé des années à ramper devant Trump découvriront qu’ils n’ont aucune autorité morale ou leadership propre. La base MAGA, privée de son idole, pourrait se fragmenter ou radicaliser davantage. Euronews a publié un article en octobre 2025 titré: « Fissures dans le monde MAGA — le mouvement survivra-t-il à Trump? »
Mais même si le trumpisme s’effondre éventuellement, les dégâts qu’il aura causés aux institutions américaines, au tissu social, à la confiance civique persisteront pendant des générations. On ne reconstruit pas facilement ce qui a été détruit. La polarisation ne disparaîtra pas du jour au lendemain. Les citoyens qui se sont habitués à considérer leurs compatriotes comme des ennemis ne retrouveront pas automatiquement la confiance mutuelle. Les institutions démocratiques affaiblies ne se renforcent pas par magie. Cela prendra des décennies de travail délibéré et patient — si tant est que la volonté existe pour entreprendre ce travail. Et c’est un grand « si ». Parce qu’une partie significative de la population américaine ne veut pas de réconciliation. Elle veut la victoire totale. Elle veut que ses ennemis soient vaincus, humiliés, éliminés. Et tant que cet esprit prévaut, l’Amérique restera un pays en guerre civile froide contre lui-même.
Vous savez ce qui me hante le plus dans tout ça? Ce n’est pas Trump lui-même — il est ce qu’il a toujours été, un narcissique pathologique assoiffé d’attention et de pouvoir. Non, ce qui me hante, c’est le nombre d’Américains qui le soutiennent en toute connaissance de cause. Qui voient sa cruauté, son incompétence, sa corruption, et qui disent « oui, c’est exactement ce que nous voulons ». Parce que ça révèle quelque chose de profondément troublant sur la nature humaine. Cette capacité à choisir la tribut plutôt que la vérité, la vengeance plutôt que la justice, la domination plutôt que la coopération. Trump a exposé cette part sombre de l’Amérique. Mais il ne l’a pas créée — elle était déjà là.
Conclusion

Donald Trump avait promis de rendre l’Amérique grande. Il a livré le chaos. Il avait promis d’unir le pays. Il a semé la division la plus profonde depuis la guerre de Sécession. Il avait promis de restaurer la loi et l’ordre. Il a transformé le Département de la Justice en arme personnelle et militarisé les villes américaines. Il avait promis de défendre la Constitution. Il a attaqué systématiquement chaque institution indépendante qui pourrait limiter son pouvoir — le FBI, la CIA, la Réserve fédérale, les tribunaux, la presse libre. Neuf mois après son retour triomphal à la Maison Blanche, l’Amérique n’est plus reconnaissable. Elle ressemble davantage à un État autoritaire en devenir qu’à la démocratie qui a inspiré le monde pendant des siècles. Et le plus tragique? Une partie substantielle de la population américaine applaudit cette destruction, convaincue que Trump les sauve d’un ennemi imaginaire.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes: 64 pour cent des Américains pensent que le pays est trop divisé pour résoudre ses problèmes. Plus de 300 000 fonctionnaires fédéraux purgés. Des millions de citoyens dans les rues lors des manifestations « No Kings ». Des villes militarisées. Des opposants politiques poursuivis en justice. Des institutions démocratiques érodées. Des anciens officiels de sécurité nationale qui avertissent que le pays est « sur une trajectoire » vers l’autoritarisme. Ce n’est plus de la politique normale — c’est une transformation systémique de la nature même de la république américaine. Et tout ça se passe sous nos yeux, en temps réel, pendant que le monde regarde horrifié cette superpuissance qui s’autodétruit lentement mais sûrement. Trump n’a pas réuni l’Amérique — il l’a fracturée irrémédiablement. Il n’a pas semé la prospérité — il a semé le chaos. Et maintenant, alors que le pays brûle, il verse de l’huile sur les flammes et se délecte du spectacle. C’est ainsi que meurent les démocraties: non pas dans un coup d’État violent, mais dans l’applaudissement de ceux qui célèbrent leur propre asservissement.