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La mer des Caraïbes n’a jamais semblé aussi périlleuse. Depuis la mi-septembre 2025, les eaux tropicales qui bordent la Colombie sont devenues le théâtre d’une confrontation militaire et diplomatique d’une violence inouïe entre Washington et Bogota. Donald Trump, de retour à la Maison-Blanche depuis janvier 2025, a déclenché une campagne de frappes aériennes et navales sans précédent dans cette région, prétendument pour combattre les narcotrafiquants. Mais voilà : les balles et les missiles ne distinguent pas toujours les coupables des innocents. Le président colombien Gustavo Petro accuse désormais les États-Unis d’avoir assassiné un simple pêcheur, Alejandro Carranza, et d’avoir violé la souveraineté colombienne dans ses propres eaux territoriales. Ce week-end d’octobre, la tension a explosé. Trump a suspendu toute aide financière à la Colombie — plus de 740 millions de dollars annuels —, promis de nouveaux tarifs douaniers punitifs, et qualifié Petro de « baron de la drogue illégal » qui encourage la production massive de stupéfiants. En retour, Bogota a rappelé son ambassadeur à Washington et dénoncé une « menace d’invasion » américaine. Les mots sont devenus des armes, les accusations volent dans tous les sens, et l’alliance historique entre ces deux pays semble avoir volé en éclats.

Des frappes meurtrières qui changent tout

Depuis août 2025, l’armée américaine a déployé sept navires de guerre et des avions de combat furtifs dans la mer des Caraïbes. Officiellement, il s’agit de lutter contre le trafic de drogue qui alimente les États-Unis. Mais dans les faits, cette campagne militaire ressemble davantage à une opération de guerre non déclarée qu’à une simple mission de lutte antidrogue. Entre début septembre et mi-octobre, au moins sept frappes ont été menées contre des embarcations suspectes. Le bilan humain est lourd : au moins 32 personnes tuées, selon les chiffres officiels de l’administration Trump. Mais aucune preuve publique n’a été fournie pour justifier ces attaques. Aucun détail sur l’identité des victimes. Aucune transparence sur les circonstances exactes de chaque frappe. Les familles en Colombie et à Trinidad-et-Tobago ont commencé à dénoncer la mort de proches dans ces opérations, affirmant que certaines victimes étaient de simples pêcheurs ou des migrants, pas des narcotrafiquants armés. Le Pentagone affirme avoir visé des navires affiliés à l’Armée de libération nationale (ELN), une guérilla colombienne de gauche accusée de participer au trafic de drogue. Mais les témoignages recueillis sur le terrain racontent une toute autre histoire.

Alejandro Carranza, pêcheur ou narco ?

Le nom d’Alejandro Carranza est devenu le symbole de cette tragédie. Selon le président Petro, cet homme était un pêcheur de longue date, originaire de Santa Marta, une ville côtière du nord de la Colombie. Le 15 septembre 2025, son bateau était en panne au large, dérivant dans les eaux caribéennes. Il avait activé un signal de détresse parce que son moteur ne fonctionnait plus. Au lieu de recevoir de l’aide, il a été bombardé par l’armée américaine. Audenis Manjarres, un parent de la victime, a identifié le bateau d’Alejandro dans des vidéos publiées par des médias internationaux. « Ce n’est pas juste qu’ils l’aient bombardé de la sorte. C’est une personne innocente qui est sortie pour chercher son pain quotidien », a-t-il déclaré à la télévision publique colombienne RTVC Noticias. La dernière communication avec le pêcheur avait eu lieu la veille de l’attaque, à 5 heures du matin, heure locale. Ensuite, plus rien. Lorsqu’on a demandé à Donald Trump s’il avait la preuve qu’il s’agissait d’un « narco-bateau », il a répondu : « Nous avons des preuves. Tout ce que vous avez à faire, c’est de regarder la cargaison qui était éparpillée dans tout l’océan : de gros sacs de cocaïne et de fentanyl partout. » Mais ces preuves n’ont jamais été rendues publiques. Et les familles des victimes attendent toujours des réponses.

Un déploiement militaire qui interroge

Le déploiement militaire américain dans les Caraïbes a commencé en août 2025, sous l’impulsion de Donald Trump qui a fait de la lutte contre les cartels de drogue une priorité absolue de son second mandat. Sept navires de guerre américains patrouillent désormais dans cette région, accompagnés d’avions de combat furtifs capables de frapper rapidement des cibles en mer. Le ministre de la Défense Pete Hegseth a révélé dimanche 19 octobre la dernière opération en date : la destruction d’un bateau affilié à l’ELN, tuant trois passagers. Selon lui, l’embarcation transportait des quantités importantes de stupéfiants. Il a partagé une courte vidéo montrant un bateau englouti par les flammes après une explosion, survenue vendredi 18 octobre. Mais là encore, aucune preuve indépendante n’a été fournie. Des experts juridiques internationaux s’interrogent sur la légalité de ces opérations. Frapper des bateaux en eaux internationales ou dans les eaux territoriales d’un pays souverain sans autorisation explicite pourrait constituer une violation du droit international. Washington n’a pas demandé l’autorisation formelle de la Colombie pour mener ces frappes, ce qui alimente les accusations de Petro concernant une violation de la souveraineté colombienne.

Trump traite Petro de « baron de la drogue »

Samedi 18 octobre, après que Gustavo Petro ait publiquement accusé les États-Unis d’avoir « commis un assassinat » en tuant Alejandro Carranza, Donald Trump a explosé. Sur son réseau social Truth Social, il a qualifié le président colombien de « dirigeant illégal de la drogue » qui encourage fortement la production massive de stupéfiants dans son pays. « Petro, un dirigeant peu apprécié et très impopulaire… ferait mieux de fermer ces champs de la mort immédiatement, sinon les États-Unis les fermeront pour lui et cela ne se fera pas gentiment », a écrit Trump. Dimanche 19 octobre, à bord d’Air Force One, le président américain a doublé la mise. Il a critiqué la Colombie pour son manque de « lutte sérieuse contre les drogues », décrivant le pays comme une « machine de fabrication de drogue » dirigée par un « fou ». Il a annoncé qu’il dévoilerait de nouveaux tarifs douaniers dès le lundi suivant. Ces mots ont choqué en Colombie, où même les opposants politiques de Petro ont jugé les accusations de Trump excessives et insultantes. La Colombie reste l’un des plus gros producteurs de cocaïne au monde, c’est vrai. Mais le gouvernement de Petro a tenté d’adopter une approche différente de la lutte antidrogue, privilégiant les mesures sociales et économiques plutôt que la répression militaire pure et dure, une stratégie qui n’a pas donné les résultats espérés.

Bogota suspend le traité de libre-échange

En réponse aux menaces de Trump, Gustavo Petro a proclamé lundi 20 octobre que l’accord de libre-échange entre la Colombie et les États-Unis, signé en 2010, était désormais « de facto suspendu ». Il a attribué cette suspension à l’action unilatérale de Trump consistant à imposer des tarifs douaniers de 10 % sur les produits colombiens plus tôt dans l’année. Cet accord commercial était un pilier des relations économiques entre les deux pays depuis plus de quinze ans. Les États-Unis sont le principal partenaire commercial de la Colombie, représentant 30 % de ses exportations. Le pétrole, le café, les fleurs, l’or, les fruits et les produits manufacturés colombiens dépendent massivement de la demande américaine. Si de nouveaux tarifs sont imposés, les conséquences pour l’économie colombienne seront dévastatrices. Ángel Duarte, un chauffeur de taxi de Bogota, a exprimé son inquiétude : « C’est injuste que les innocents subissent les conséquences. Si Trump impose des tarifs plus élevés, d’innombrables emplois vont disparaître, et de nombreuses entreprises vont faire faillite. » Selon l’Association nationale du commerce extérieur de Colombie, les répercussions sur le commerce pourraient être catastrophiques.

La fin de l’aide américaine

Dimanche soir, Donald Trump a annoncé la suspension immédiate de toute aide financière américaine à la Colombie. Il n’a pas précisé quelles aides seraient coupées, mais les chiffres parlent d’eux-mêmes : en 2023 — dernière année dont les données complètes sont disponibles —, les États-Unis ont versé plus de 740 millions de dollars à la Colombie, le montant le plus élevé pour un pays d’Amérique du Sud. La moitié de cette somme est consacrée à la lutte contre la drogue. Le reste finance des programmes humanitaires, alimentaires et de développement. Ces fonds ont permis de soutenir des projets de substitution de cultures de coca, d’aide aux victimes du conflit armé interne colombien, et de renforcement des institutions judiciaires et policières. Couper ces aides signifierait abandonner des milliers de Colombiens qui dépendent de ces programmes pour survivre. Cela signifierait aussi affaiblir les capacités de l’État colombien à lutter contre les groupes armés et les cartels. Mais pour Trump, ces considérations ne pèsent pas lourd face à ce qu’il perçoit comme une trahison de Petro. Le président américain estime que la Colombie ne fait pas assez pour arrêter la production de drogue, et qu’elle ne mérite donc plus le soutien financier de Washington.

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