Chicago et le spectacle de force qui annonce une nouvelle ère
L’incident de Los Angeles ne se produit pas dans un vide — il fait partie d’une escalade dramatique et délibérée de la violence et de la militarisation des opérations d’immigration à travers les États-Unis depuis le retour de Trump au pouvoir. Le 30 septembre 2025, moins d’un mois avant la fusillade de Los Angeles, l’ICE a mené un raid spectaculaire sur un immeuble d’appartements au 7500 South Shore Drive à Chicago qui ressemble plus à une opération militaire contre une installation ennemie qu’à une procédure d’immigration civile. Les images — délibérément éditées par le DHS en une vidéo dramatique avec une bande sonore inquiétante — montrent des projecteurs balayant le bâtiment la nuit, des agents lourdement armés déferlant à l’intérieur avec des armes dégainées, des voitures banalisées remplissant les rues, et des agents se lançant en rappel depuis un hélicoptère Black Hawk. La musique commence basse et menaçante, puis devient plus entraînante alors que la vidéo montre des agents emmenant des hommes torse nu, les mains attachées derrière le dos avec des liens en plastique. Les autorités ont déclaré qu’elles ciblaient le gang vénézuélien Tren de Aragua, mais seulement deux des 37 immigrants arrêtés étaient des membres de gang. Les autres étaient dans le pays illégalement, ont-ils dit, dont certains avec des antécédents criminels. Un citoyen américain a été arrêté pour un mandat de stupéfiants en suspens. Mais les appartements de dizaines d’autres citoyens américains ont également été ciblés, ont déclaré les résidents, et au moins six Américains ont été détenus pendant des heures. Cette démonstration immense de force a signalé une escalade brutale de la répression de l’immigration de la Maison-Blanche et amplifié les tensions dans une ville déjà sur les nerfs. Le fait que le DHS ait édité cette opération en propagande vidéo — la distribuant aux médias avec une mise en scène cinématographique — révèle l’intention délibérée d’intimider et de terroriser les communautés immigrées.
Agents masqués, véhicules banalisés et refus d’identification
À travers le pays, les raids de l’ICE suivent maintenant un schéma troublant documenté par des dizaines de vidéos de témoins : agents en civil portant des masques faciaux, véhicules banalisés sans plaques d’immatriculation ou avec des plaques d’autres États, refus de s’identifier ou de montrer des insignes, et tactiques agressives qui ressemblent davantage à des enlèvements qu’à des procédures légales d’arrestation. À Santa Ana en Californie en juin 2025, les appels au 911 ont capturé la terreur d’une communauté face à des hommes masqués en civil forçant des gens dans des fourgonnettes blanches sans plaques d’immatriculation. « Il saigne », a déclaré un appelant décrivant un homme arraché d’un lave-auto et battu avant d’être jeté dans un véhicule ne portant aucune identification ICE. Une femme a demandé d’une voix tremblante : « Quel genre de police circule sans plaques d’immatriculation ? » Six appels ont explicitement utilisé le mot « kidnapping » pour décrire ce qu’ils observaient. Le 21 octobre 2025 — le même jour que la fusillade de Los Angeles — des dizaines d’agents fédéraux, beaucoup avec des masques couvrant leurs visages, ont inondé Lower Manhattan en ciblant des vendeurs de rue immigrants, la plupart africains. Alors que la nouvelle des raids se répandait, plusieurs personnes sont descendues dans les rues pour protester. Cette normalisation de l’anonymat pour les forces de l’ordre fédérales opérant sur le sol américain représente un tournant autoritaire alarmant. Lee Morgenbesser, professeur australien de sciences politiques spécialisé dans l’autoritarisme, a déclaré que ce qui l’a amené à considérer l’ICE comme une possible police secrète était précisément ces tactiques : agents masqués, anonymat complet, refus de s’identifier, enlèvements en plein jour.
Les affirmations invérifiables d’une augmentation massive des agressions
Pour justifier cette escalade militarisée, le DHS a lancé une campagne de relations publiques affirmant que les agents de l’ICE font face à une augmentation explosive des agressions. En juin 2025, Tricia McLaughlin a déclaré dans un communiqué de presse que « nos agents font face à une augmentation de 413 pour cent des agressions contre eux alors qu’ils risquent leur vie pour arrêter des meurtriers, des violeurs et des membres de gangs ». Puis, alors que les villes et États commençaient à questionner les tactiques utilisées par les agents de l’ICE, le nombre d’agressions que l’agence prétendait endurer a escaladé à un rythme stupéfiant. Une semaine après l’affirmation d’une augmentation de 413 pour cent, l’ICE a dit que les agressions avaient maintenant bondi de 500 pour cent. Le 8 juillet, c’était 700 pour cent. Une semaine plus tard, 830 pour cent. Début août, le chef de l’ICE a déclaré dans une interview télévisée que le nombre d’agressions contre les agents avait récemment augmenté de plus de « 1 000 pour cent ». L’ICE et les responsables du DHS n’ont jamais clarifié à quoi ils comparaient ces chiffres dans le passé, et n’ont publié aucune donnée pour soutenir ces chiffres énormes. Juste la semaine dernière, le président Trump a déclaré dans un décret exécutif que l’augmentation de 1 000 pour cent était par rapport à la même période l’année précédente. NPR et d’autres médias ont demandé à maintes reprises au DHS et à l’ICE de fournir des données vérifiables soutenant ces affirmations. Aucune donnée n’a jamais été publiée. En l’absence de preuves, ces chiffres ressemblent davantage à de la propagande conçue pour justifier des tactiques de plus en plus violentes qu’à des statistiques réelles reflétant la réalité sur le terrain.
Les conséquences de la fusillade de Los Angeles

Carlitos Ricardo Parias inculpé et face à huit ans de prison
Quelques heures seulement après la fusillade, le procureur américain par intérim Bill Essayli a annoncé que Carlitos Ricardo Parias avait été inculpé d’agression contre un agent fédéral, un crime passible de huit ans de prison fédérale s’il est reconnu coupable. Dans une déclaration publiée sur X (anciennement Twitter), Essayli a déclaré : « Ce matin, Parias a percuté sa voiture dans les véhicules des agents après qu’ils l’aient encerclé et lui aient ordonné de se soumettre à l’arrestation. Parias, qui avait auparavant évité la capture par les autorités d’immigration, a refusé de se conformer aux ordres des agents et a transformé ce qui aurait pu être une simple arrestation en une situation mettant la vie en danger. » Essayli a ajouté : « Les véhicules sont des armes mortelles. Quiconque les utilise contre des agents fédéraux risque l’arrestation, l’emprisonnement et des blessures potentiellement mortelles. Nous continuerons à utiliser tous les outils de notre arsenal juridique pour protéger nos agents et faire respecter les lois sur l’immigration adoptées par le Congrès. » Cette rhétorique agressive — transformer immédiatement une victime de tir en criminel violent méritant une peine de prison sévère — fait partie d’un schéma plus large où le DHS et le DOJ travaillent ensemble pour créer des récits justifiant la violence des agents. Parias devait comparaître pour la première fois mercredi 23 octobre au Roybal Federal Building dans le centre-ville de Los Angeles. Son avocat Carlos Jurado maintient que les accusations sont exagérées et que Parias — qui n’a aucun casier criminel et deux enfants citoyens américains — était simplement terrifié. Mais dans le climat politique actuel, où l’administration Trump cherche désespérément des exemples de « résistance violente » pour justifier son approche militarisée, Parias est devenu un bouc émissaire parfait.
Mobilisation communautaire et réaction politique polarisée
La nouvelle de la fusillade s’est répandue rapidement à travers les réseaux sociaux, et en quelques heures, des foules se sont rassemblées à la fois sur les lieux de la fusillade et devant le California Hospital où Parias et le deputy US Marshal blessés avaient été transportés. Des activistes ont organisé un rassemblement et une conférence de presse pour protester contre les opérations de l’ICE. Le conseiller municipal Curren Price a défendu publiquement Parias, une position politique risquée qui a provoqué la fureur des responsables fédéraux. Price a qualifié Parias de « pilier de notre communauté » et de « journaliste citoyen intrépide », refusant explicitement d’accepter le cadrage du DHS de lui comme criminel dangereux. Cette défense publique d’un homme inculpé d’agression contre un agent fédéral aurait été politiquement impensable il y a quelques années, mais elle reflète à quel point les relations entre les villes sanctuaires et le gouvernement fédéral se sont détériorées. Tricia McLaughlin du DHS a immédiatement contre-attaqué, déclarant : « Ces incidents sont les conséquences de la conduite et de la rhétorique des politiciens sanctuaires et des activistes qui encouragent les étrangers illégaux à résister à l’arrestation. Une telle résistance met en danger la sécurité des étrangers sans papiers, des forces de l’ordre et du public. » Elle a spécifiquement accusé le gouverneur de Californie Gavin Newsom et la mairesse de Los Angeles Karen Bass d’avoir une « rhétorique incendiaire » qui incite à la violence contre l’ICE. Cette escalade rhétorique — où les responsables fédéraux accusent directement les élus locaux démocrates d’incitation à la violence — marque un nouveau nadir dans les relations intergouvernementales américaines.
L’incident s’est produit près d’une école secondaire
Un détail particulièrement troublant de cette fusillade est sa proximité avec le Santee Education Complex, une école secondaire où des centaines d’étudiants assistaient aux cours au moment de l’incident. La fusillade s’est produite à moins d’un pâté de maisons de l’école, suffisamment proche pour que les étudiants et le personnel aient probablement entendu les coups de feu. Bien que les opérations du campus n’aient pas été immédiatement affectées, la proximité de l’événement a finalement suscité des préoccupations concernant l’application de telles mesures près des écoles. L’administration Trump a renversé la politique de l’administration précédente et a donné à l’ICE la permission de mener des raids dans les écoles, les hôpitaux et les lieux de culte — des endroits auparavant considérés comme des zones sensibles où les opérations d’immigration étaient généralement évitées. Cette politique a créé un climat de peur dans les communautés immigrées où les parents ont peur de déposer leurs enfants à l’école de peur d’être arrêtés, où les malades évitent les hôpitaux même en cas d’urgence médicale, et où les fidèles craignent d’assister aux services religieux. Le fait qu’une fusillade impliquant des agents fédéraux se produise à proximité immédiate d’une école fréquentée par des centaines d’adolescents — pendant les heures de cours, pas le week-end ou tard le soir — illustre à quel point la sécurité publique est devenue secondaire par rapport aux priorités d’application de l’immigration.
Le contexte national : une guerre contre les villes sanctuaires

ATF et autres agences détournées de leurs missions principales
L’escalade des opérations d’immigration ne se limite pas à l’ICE — elle détourne massivement des ressources d’autres agences fédérales de leurs missions principales vers l’application de l’immigration. Selon une enquête de CNN publiée le 15 octobre 2025, le Bureau of Alcohol, Tobacco, Firearms and Explosives (ATF) a réaffecté environ 80 pour cent de ses agents spéciaux aux questions d’immigration, selon un ancien haut responsable de l’agence. Cette réaffectation massive a eu des conséquences catastrophiques pour la mission principale de l’ATF : réguler les armes à feu et poursuivre les crimes liés aux armes. Cette année, l’ATF a vu une réduction d’un enquêteur sur sept de licences d’armes à feu en raison de coupes d’emplois et de retraites, avec des projections indiquant une perte de 550 des 600 restants si le budget proposé par Trump est adopté. De plus, l’agence a mis en place de nouvelles réglementations strictes rendant extrêmement difficile la révocation des licences des revendeurs d’armes à feu qui ne respectent pas les vérifications d’antécédents nécessaires ou violent d’autres lois. En conséquence, aucune licence de revendeur n’a été révoquée par l’ATF au cours des premier neuf mois de l’année, selon un ancien haut responsable, notant que ce rythme indique une baisse potentielle d’au moins 90 pour cent par rapport à l’année précédente sous le président Joe Biden, durant laquelle 195 revendeurs ont perdu leurs privilèges de vente. L’ATF n’est qu’une des plusieurs agences fédérales d’application de la loi qui ont ressenti un impact notable sur leurs fonctions normales tout en assistant avec la mission d’immigration. La DEA, le FBI, les US Marshals — tous ont vu des ressources substantielles détournées vers les raids de l’ICE.
New York : des vendeurs de rue africains ciblés
Le même jour que la fusillade de Los Angeles — le 21 octobre 2025 — l’ICE a mené une opération massive à Lower Manhattan, ciblant des vendeurs de rue immigrants vendant principalement des marchandises de contrefaçon. Des dizaines d’agents fédéraux, beaucoup portant des masques faciaux, ont inondé Canal Street dans ce que le DHS a décrit comme une opération contre la contrefaçon et la vente de marchandises illégales. Mais les communautés locales ont vu quelque chose de différent : un raid ciblant principalement des vendeurs africains, dont beaucoup sont dans le pays légalement ou ont des demandes d’asile en cours, pour le « crime » de vendre des sacs à main et des montres contrefaits dans la rue. Le NYPD a déclaré qu’il n’était pas impliqué dans l’opération, qui semblait cibler les vendeurs qui vendent des marchandises dans la rue. Alors que la nouvelle des raids se répandait, plusieurs personnes sont descendues dans les rues pour protester. Selon le DHS, « lors de cette opération d’application de la loi, des émeutiers qui criaient des obscénités sont devenus violents et ont obstrué les fonctions d’application de la loi ». Cette description — qualifier les manifestants de « émeutiers » — est devenue standard pour le DHS lorsqu’il décrit toute opposition publique à ses opérations. La simultanéité des raids à Los Angeles et New York le même jour suggère une stratégie délibérée d’opérations multiples à travers le pays conçues pour submerger et intimider les communautés immigrées tout en testant les limites de ce que le public américain tolérera. Emma De Paz, une grand-mère de 58 ans qui vendait de la nourriture devant un Home Depot à Hollywood, a été arrêtée par l’ICE en juin et finalement relâchée en octobre après quatre mois de détention — un exemple parmi des milliers d’arrestations qui ciblent non pas des « meurtriers et violeurs » comme le prétend le DHS, mais des gens ordinaires essayant de gagner leur vie.
Portland et Chicago : militarisation et résistance
Les tensions entre les autorités fédérales et les responsables locaux ainsi que les résidents dans des villes comme Chicago, Los Angeles et Portland, Oregon, ont atteint des niveaux que personne n’aurait imaginés il y a quelques années. À Portland, des manifestants se rassemblent régulièrement devant un centre fédéral d’immigration en banlieue, confrontant les agents alors qu’ils arrivent et partent. Bien que la violence lors des manifestations soit rare, les confrontations en colère sont de plus en plus courantes. Le président Trump a notamment intensifié les initiatives d’application de l’immigration dans ces zones, envoyant parfois des troupes de la Garde nationale — bien que deux juges aient bloqué la mobilisation militaire interne, la qualifiant d’inconstitutionnelle. À Chicago, le raid spectaculaire du 30 septembre a créé une onde de choc qui se fait encore sentir. Les résidents décrivent un état de siège où ils ont peur de sortir de chez eux, où les enfants sont traumatisés par la présence d’agents lourdement armés dans leurs couloirs d’immeuble, et où la confiance entre les communautés immigrées et toute forme d’autorité gouvernementale s’est complètement effondrée. Les maires démocrates de ces villes sont pris dans une position impossible : ils ont promis de protéger leurs résidents immigrants mais ont peu de pouvoir réel pour s’opposer aux opérations fédérales. Certains, comme la mairesse de Chicago Brandon Johnson, ont adopté une rhétorique de résistance, qualifiant les tactiques de l’ICE d' »inacceptables » et promettant de ne pas coopérer. D’autres, comme la mairesse de Los Angeles Karen Bass, ont été plus prudents, essayant d’équilibrer les préoccupations de sécurité publique avec les exigences politiques de leur base progressiste.
Les doubles blessés : Parias et le marshal fédéral

Les blessures et le pronostic médical
Selon les rapports officiels, Carlitos Ricardo Parias a été touché au coude par un tir des agents fédéraux. Le deputy US Marshal non identifié a été touché à la main par ce que les autorités décrivent comme une « balle ricochée ». Les deux hommes ont été transportés à l’hôpital avec des blessures décrites comme non mortelles. Le marshal était dans un état stable et devait se rétablir complètement, selon le US Marshals Service du district central de Californie. L’état de Parias était initialement décrit par une source policière parlant à CNN comme « gravement blessé », bien que les rapports ultérieurs aient précisé que ses blessures n’étaient pas non plus mortelles et qu’il devait se rétablir. Cependant, des témoins sur place ont raconté une histoire plus troublante. Pier Rojas, qui filme également les activités de l’ICE, a déclaré à ABC 7 en espagnol que Parias semblait avoir été frappé non seulement par des balles réelles mais aussi par des balles en caoutchouc et du gaz lacrymogène avant la fusillade finale. Si cette affirmation est vraie — et elle n’a pas été confirmée indépendamment — elle suggérerait une escalade progressive de la force utilisée contre Parias alors qu’il restait dans son véhicule, culminant finalement en tirs d’armes à feu. Des foules de supporters se sont rassemblées devant l’hôpital où Parias était traité, certains tenant des pancartes et scandant son soutien. L’atmosphère était tendue, avec des agents de sécurité hospitaliers et la police locale maintenant un périmètre pour empêcher les manifestants d’entrer dans les locaux médicaux. Un camion de remorquage a même été appelé pour enlever un véhicule de l’ICE garé à l’hôpital, dans ce qui semblait être une tentative de l’hôpital de désamorcer les tensions en retirant les symboles visibles de la présence fédérale.
Les enquêtes multiples et leurs limites
Plusieurs agences mènent ostensiblement des enquêtes sur la fusillade : le Bureau de l’inspecteur général du Département de la Sécurité intérieure, le Federal Bureau of Investigation, le Los Angeles Police Department et le US Marshals Service. Le FBI a déclaré que son équipe de réponse aux preuves examinait la scène et qu’elle coordonnait avec le US Marshals Service, le DHS et le LAPD. Le FBI a clarifié que ses agents ne faisaient pas partie de l’incident, et les policiers de Los Angeles géraient le contrôle du périmètre extérieur de la circulation. Cette multiplication des enquêtes pourrait sembler rassurante — sûrement avec autant d’agences impliquées, la vérité émergera. Mais l’histoire récente suggère un scepticisme justifié. Les enquêtes internes des agences d’application de la loi aboutissent rarement à des conclusions critiques de leurs propres agents. Le Bureau de l’inspecteur général du DHS — qui pourrait théoriquement fournir une surveillance indépendante — a vu son personnel et son autorité drastiquement réduits sous l’administration Trump. Le LAPD, bien qu’il enquête, n’était pas directement impliqué dans l’opération et manque donc d’accès aux preuves critiques détenues par les agences fédérales. Le FBI, traditionnellement plus indépendant, opère maintenant sous une administration qui a clairement indiqué que la loyauté politique est plus précieuse que l’intégrité professionnelle. Le US Marshals Service enquête sur un incident où l’un de ses propres deputies a été blessé, créant un conflit d’intérêts évident. Il est peu probable que ces enquêtes aboutissent à des accusations criminelles contre les agents fédéraux impliqués, indépendamment de ce qui s’est réellement passé.
Le précédent de Chicago : un homme abattu en septembre
La fusillade de Los Angeles n’est pas un incident isolé mais fait partie d’un schéma troublant de violence croissante lors des opérations de l’ICE. En septembre 2025, à Chicago, un agent de l’ICE a abattu mortellement un homme qui fuyait après avoir prétendument frappé un agent avec son véhicule. Cet incident a reçu relativement peu de couverture médiatique nationale, mais il a traumatisé la communauté locale et renforcé les craintes que les agents de l’ICE opèrent maintenant avec une mentalité de « tirer d’abord, poser des questions ensuite ». Les détails de cet incident restent troubles — la famille de l’homme abattu insiste sur le fait qu’il ne représentait aucune menace et que les agents ont utilisé une force excessive. Le DHS affirme que l’agent a agi en légitime défense. Aucune accusation n’a été portée contre l’agent impliqué. Aucune discipline n’a été imposée. L’homme est mort, son nom a été brièvement dans les nouvelles locales, et maintenant il est largement oublié sauf par sa famille en deuil et sa communauté. Ce précédent — qu’un agent de l’ICE peut abattre quelqu’un, affirmer qu’il se sentait menacé, et échapper à toute conséquence — crée un environnement où de telles fusillades deviennent de plus en plus probables. Si vous êtes un agent sachant que votre agence vous soutiendra indépendamment de ce qui se passe, que le système juridique ne vous tiendra probablement jamais responsable, et que votre formation met l’accent sur la « sécurité des agents » au-dessus de tout le reste, pourquoi ne tireriez-vous pas au moindre signe de résistance perçue ?
La rhétorique incendiaire et la réalité des statistiques

Les affirmations non prouvées d’augmentation massive des agressions
Immédiatement après la fusillade de Los Angeles, Tricia McLaughlin du DHS a publié une déclaration liant l’incident à ce qu’elle décrit comme une épidémie croissante d’agressions contre les agents de l’ICE. « Ces incidents sont les conséquences de la conduite et de la rhétorique des politiciens sanctuaires et des activistes qui encouragent les étrangers illégaux à résister à l’arrestation », a-t-elle déclaré. Cette narration — que les politiciens de gauche incitent activement à la violence contre les agents fédéraux — est devenue centrale à la justification du DHS pour des tactiques de plus en plus agressives. Mais comme mentionné précédemment, les chiffres cités par le DHS pour soutenir cette narration n’ont jamais été vérifiés de manière indépendante. Le 10 octobre 2025, NPR a publié une enquête approfondie examinant les affirmations du DHS d’une augmentation de « plus de 1 000 pour cent » des agressions contre les agents de l’ICE. L’article note : « Les responsables de l’Immigration and Customs Enforcement affirment que les agressions contre leurs agents ont fortement augmenté depuis juin. Il n’y a aucune preuve publique que ce nombre soit vrai. » NPR a demandé à plusieurs reprises au DHS et à l’ICE de fournir les données sous-jacentes à ces affirmations. Aucune donnée n’a été fournie. Les seules « preuves » sont les déclarations répétées de responsables gouvernementaux citant des pourcentages sans base de référence claire. Quand des journalistes ont demandé ce que signifiait une augmentation de « 1 000 pour cent » — 1 000 pour cent par rapport à quoi, exactement ? — les réponses ont été évasives ou inexistantes.
Le refus de fournir des données vérifiables
L’opacité délibérée du DHS concernant les statistiques d’agression n’est pas accidentelle — c’est une stratégie. En refusant de publier des données vérifiables, l’agence peut faire des affirmations spectaculaires qui façonnent la perception publique sans risquer d’être réfutée par des faits contradictoires. Si le DHS publiait des chiffres réels — disons, « il y a eu 50 agressions contre des agents de l’ICE en septembre 2024 et 150 en septembre 2025 » — ces chiffres pourraient être analysés, contextualisés et potentiellement contestés. Mais en ne fournissant que des pourcentages sans base de référence, le DHS crée une impression d’escalade dramatique tout en rendant impossible la vérification indépendante. Cette tactique n’est pas nouvelle — elle a été utilisée par des gouvernements autoritaires à travers le monde pour justifier la répression. Affirmez qu’il y a une crise menaçante (agressions massives contre les forces de l’ordre), refusez de fournir des preuves vérifiables, utilisez les médias complaisants pour amplifier l’affirmation, puis utilisez la « crise » comme justification pour des mesures extraordinaires. Colorado Public Radio, dans une enquête publiée le 2 octobre 2025, a noté : « En juin, les responsables de l’Immigration and Customs Enforcement ont fait une affirmation stupéfiante sur les dangers auxquels les agents sont confrontés alors qu’ils augmentaient les détentions et les patrouilles à travers les États-Unis… Puis, alors que les villes et les États commençaient à questionner les tactiques utilisées par les agents de l’ICE pour dissimuler leurs identités avec des masques et des vêtements de ville tout en menant des opérations rapides de saisie pour détenir des immigrants, le nombre d’agressions que l’ICE prétendait endurer a escaladé à un rythme stupéfiant. »
Qui blâmer : les politiciens ou les politiques ?
McLaughlin et d’autres porte-parole du DHS ont systématiquement blâmé les « politiciens sanctuaires » et les « activistes » pour ce qu’ils décrivent comme une atmosphère d’hostilité croissante envers les agents de l’ICE. Cette attribution de la responsabilité inverse soigneusement la cause et l’effet. Les « politiciens sanctuaires » comme le gouverneur Newsom et la mairesse Bass n’ont pas créé l’hostilité publique envers l’ICE à partir de rien — ils répondent à l’indignation de leurs électeurs face aux tactiques de plus en plus agressives de l’ICE. Quand des agents masqués en véhicules banalisés arrachent des gens des rues sans s’identifier, quand des hélicoptères Black Hawk se lancent en rappel des agents dans des immeubles d’appartements au milieu de la nuit, quand des femmes enceintes sont détenues et maltraitées, quand des enfants sont séparés de leurs parents — la colère publique résultante n’est pas « incitée » par des politiciens, c’est une réponse naturelle et justifiée à l’injustice observée. De plus, si la rhétorique des politiciens locaux était vraiment responsable de la violence contre les agents fédéraux, nous nous attendrions à voir des corrélations claires : plus de violence dans les juridictions avec la rhétorique la plus forte, moins de violence là où les responsables locaux coopèrent avec l’ICE. Mais le DHS n’a fourni aucune ventilation géographique de ses statistiques d’agression prétendues, rendant impossible le test de cette hypothèse. Cette omission suggère que les données — si elles existent — ne soutiennent probablement pas le récit que le DHS essaie de construire.
Conclusion

La fusillade du 21 octobre 2025 dans le sud de Los Angeles — où des agents fédéraux ont blessé à la fois leur cible et l’un des leurs lors d’une opération d’immigration apparemment de routine — résume parfaitement l’état de l’application de l’immigration aux États-Unis sous le second mandat de Trump. Un TikToker documentant les raids de l’ICE se retrouve encerclé par des agents en véhicules banalisés. Une confrontation s’ensuit — les détails exacts restent contestés, avec le DHS affirmant que Parias a « transformé son véhicule en arme » tandis que les témoins décrivent un homme terrifié refusant de sortir de sa voiture. Des armes à feu sont déchargées. Parias est touché au coude. Un deputy US Marshal est touché à la main par une balle ricochée — possiblement tirée accidentellement par un collègue agent fracassant une vitre de voiture. Deux hommes à l’hôpital. Une communauté en colère se mobilisant par centaines. Un homme de 44 ans sans casier criminel et deux enfants citoyens américains fait maintenant face à huit ans de prison fédérale pour agression contre un agent fédéral. Cette séquence d’événements n’est pas une aberration mais un microcosme d’un système d’application de l’immigration qui est devenu de plus en plus militarisé, violent et incontrôlé. Des agents masqués en véhicules banalisés opérant sans identification. Des hélicoptères Black Hawk se lançant en rappel des agents dans des immeubles d’appartements. Des affirmations invérifiables d’augmentations de 1 000 pour cent des agressions utilisées pour justifier des tactiques toujours plus agressives. Quatre-vingts pour cent des agents spéciaux de l’ATF détournés de la régulation des armes à feu vers les raids d’immigration. Des raids se produisant près d’écoles, dans des hôpitaux, devant des lieux de culte — partout où les communautés immigrées vivent, travaillent et prient. Et maintenant, des fusillades. À Chicago en septembre, un homme abattu mortellement. À Los Angeles en octobre, deux hommes blessés dont un agent fédéral touché par le tir de ses propres collègues. Combien d’autres incidents similaires se sont produits mais n’ont pas fait les gros titres ? Combien d’autres se produiront avant que quelque chose change ? Le conseiller municipal Curren Price a qualifié Carlitos Ricardo Parias de « pilier de notre communauté » et de « journaliste citoyen intrépide ». Le procureur fédéral Essayli l’a qualifié de criminel violent qui a « transformé ce qui aurait pu être une simple arrestation en une situation mettant la vie en danger ». Ces deux descriptions ne peuvent pas être vraies simultanément, mais elles coexistent dans l’Amérique de 2025 — une Amérique si polarisée, si fragmentée, que les gens regardent les mêmes événements et voient des réalités complètement différentes. Ce qui est incontestable, c’est que des balles ont été tirées, que du sang a coulé, qu’un agent fédéral a été blessé par ses propres collègues, et qu’une opération d’immigration s’est transformée en fiasco sanglant qui résume tout ce qui ne va pas avec l’approche actuelle. Et pendant que Parias se remet à l’hôpital face à une décennie potentielle de prison, pendant que le deputy marshal blessé récupère de sa blessure à la main, pendant que les enquêteurs collectent des preuves qui ne mèneront probablement à aucune responsabilité, l’ICE planifie déjà son prochain raid. Les hélicoptères continueront de voler. Les agents masqués continueront d’opérer. Les communautés continueront de vivre dans la peur. Et inévitablement, il y aura plus de sang.