Le déploiement de la Garde nationale à Chicago : genèse d’une crise
Tout a commencé le 4 octobre 2025, lorsque le secrétaire à la Défense Pete Hegseth a ordonné la fédéralisation de 300 membres de la Garde nationale de l’Illinois pour les déployer à Chicago, malgré l’opposition véhémente du gouverneur de l’État, le démocrate JB Pritzker. Selon la déclaration publiée par Pritzker ce jour-là sur le site officiel du gouvernement de l’Illinois, l’administration Trump avait donné au gouverneur un ultimatum : « Appelez vos troupes, ou nous le ferons ». Le gouverneur avait qualifié cette exigence d’« absolument scandaleuse et anti-américaine », affirmant qu’il était inconcevable qu’un gouverneur soit contraint « d’envoyer des troupes militaires à l’intérieur de nos propres frontières et contre notre volonté ». En plus des 300 membres de la Garde de l’Illinois, l’administration Trump avait également déployé environ 200 soldats de la Garde nationale du Texas et 16 membres de la Garde de Californie dans la région de Chicago, selon les informations rapportées par ABC News le 6 octobre et confirmées par le Commandement Nord des Forces armées américaines. Ces troupes avaient pour mission déclarée de sécuriser les installations de l’Agence de contrôle de l’immigration et des douanes, connue sous le sigle ICE, située à Broadview, une banlieue de Chicago, ainsi que d’autres propriétés fédérales dans la région métropolitaine.
Le contexte de ce déploiement était celui d’une intensification massive des opérations d’ICE à Chicago, dans le cadre de ce que le Département de la Sécurité intérieure avait baptisé « Opération Midway Blitz ». Selon un communiqué de presse du DHS cité par Capitol News Illinois, cette opération lancée le 8 septembre 2025 visait à arrêter des immigrants sans papiers présumés criminels qui avaient trouvé refuge dans l’Illinois grâce aux politiques de sanctuaire appliquées par Pritzker et le maire de Chicago, Brandon Johnson. Au 10 octobre 2025, selon les chiffres officiels rapportés par Capital B News, près de 900 immigrants sans papiers avaient été arrêtés par ICE dans la région de Chicago. Ces raids avaient provoqué des manifestations importantes, certaines d’entre elles dégénérant en affrontements entre militants et agents fédéraux. L’un des raids les plus spectaculaires avait eu lieu le 1er octobre dans un immeuble d’appartements du quartier South Shore de Chicago, où selon Pritzker et les médias présents sur place dont NewsNation, des agents fédéraux étaient « descendus en rappel depuis des hélicoptères Black Hawk » et avaient arrêté 37 personnes sans papiers. Selon le Illinois Coalition for Immigrant and Refugee Rights, cité par Al Jazeera le 6 octobre, parmi les personnes menottées avec des liens en plastique figuraient des enfants et des citoyens américains, une allégation que le gouvernement fédéral a contestée.
La décision de première instance : une juge fédérale bloque le déploiement
Le 9 octobre 2025, la juge fédérale April Perry du District nord de l’Illinois a émis une ordonnance de restriction temporaire bloquant le déploiement de la Garde nationale à Chicago pour une durée de 14 jours. Selon le résumé de sa décision publié par SCOTUSblog le 19 octobre, la juge Perry avait conclu que l’administration Trump n’avait pas satisfait aux conditions prévues par la loi fédérale pour justifier la fédéralisation de la Garde nationale. La loi en question, codifiée au Titre 10 du Code des États-Unis, Section 12406, autorise le président à appeler les membres de la Garde nationale au service fédéral uniquement dans trois circonstances spécifiques : lorsque les États-Unis sont envahis ou en danger d’invasion par une nation étrangère ; lorsqu’il existe une rébellion ou un danger de rébellion contre l’autorité du gouvernement des États-Unis ; ou lorsque le président est incapable, avec les forces régulières, d’exécuter les lois des États-Unis. Dans son opinion de 51 pages, la juge Perry avait systématiquement rejeté chacune de ces justifications. Concernant l’existence d’une « rébellion », elle avait écrit selon les extraits cités par Reason Magazine le 20 octobre : « L’agitation que les défendeurs dénoncent consistait entièrement en une opposition — parfois violente, certes — à une agence fédérale particulière et aux lois qu’elle est chargée d’appliquer. Ce n’est pas une opposition à l’autorité du gouvernement dans son ensemble. »
Quant à l’argument selon lequel le président était « incapable avec les forces régulières » d’exécuter les lois fédérales, Perry avait été tout aussi catégorique. Selon SCOTUSblog, elle avait écrit : « Ici, les défendeurs n’ont fait aucune tentative de recourir aux forces régulières avant de procéder à la fédéralisation de la Garde nationale, et les défendeurs ne prétendent pas — et rien ne suggère — que le président est incapable avec les forces régulières d’exécuter les lois. » La juge avait également trouvé que le récit du gouvernement fédéral concernant la violence des manifestations à Chicago différait tellement des comptes rendus des forces de l’ordre locales et étatiques qu’il contribuait à un « corpus croissant de preuves » que la version des événements du Département de la Sécurité intérieure était « peu fiable », selon ABC7 Chicago le 20 octobre. Perry avait programmé une audience pour le 22 octobre afin de déterminer s’il convenait de prolonger son ordonnance au-delà des 14 jours initiaux. L’État de l’Illinois et la Ville de Chicago, représentés par le procureur général Kwame Raoul, avaient déposé leur plainte en invoquant non seulement les violations de la Section 12406, mais également une violation du Dixième Amendement de la Constitution, qui réserve certains pouvoirs aux États, et potentiellement de la Loi Posse Comitatus, qui interdit généralement l’usage de l’armée à des fins de maintien de l’ordre intérieur.
La Cour d’appel du 7e Circuit : une victoire partielle pour l’Illinois
Le 16 octobre 2025, une formation de trois juges de la Cour d’appel du 7e Circuit a rendu une décision non signée qui représentait une victoire partielle pour l’administration Trump et pour l’État de l’Illinois. Selon Politico qui a rapporté la décision le 17 octobre, la Cour d’appel a maintenu en vigueur la partie de l’ordonnance de la juge Perry qui empêchait le déploiement effectif des troupes de la Garde nationale sur le terrain à Chicago, mais elle a suspendu la partie de l’ordonnance qui bloquait la fédéralisation elle-même des soldats. Autrement dit, les membres de la Garde nationale pouvaient rester sous commandement fédéral, mais ils ne pouvaient pas être envoyés en mission à Chicago pendant que les procédures judiciaires se poursuivaient. La Cour d’appel avait reconnu que le président avait droit à « un grand niveau de déférence » concernant sa détermination que les conditions pour fédéraliser et déployer la Garde nationale étaient réunies. Mais même en appliquant ce niveau élevé de déférence, le panel de trois juges — comprenant un magistrat nommé par Trump, un par George W. Bush et un par Barack Obama — avait conclu que la juge Perry avait eu raison de rejeter l’argument selon lequel il existait un « danger de rébellion ». Selon la citation rapportée par ABC News le 17 octobre, la Cour avait écrit : « Les actions enthousiastes, soutenues et occasionnellement violentes des manifestants protestant contre les politiques et actions d’immigration du gouvernement fédéral, sans plus, ne donnent pas lieu à un danger de rébellion contre l’autorité du gouvernement. » Le panel avait également conclu qu’« il n’y a pas de preuves suffisantes que l’activité de protestation en Illinois a significativement entravé la capacité des agents fédéraux à exécuter les lois fédérales sur l’immigration », citant à nouveau SCOTUSblog.
Cette décision de la Cour d’appel était particulièrement significative parce qu’elle provenait d’un panel idéologiquement diversifié qui aurait pu facilement se ranger du côté de l’administration sur des bases partisanes, mais qui avait néanmoins choisi de défendre les limites constitutionnelles du pouvoir présidentiel. Selon le professeur de droit Steve Vladeck, écrivant dans sa newsletter le 19 octobre, cette décision de la Cour du 7e Circuit montrait que « même en accordant une déférence substantielle aux affirmations du président », les tribunaux conservaient le pouvoir — et le devoir — de vérifier que les conditions statutaires pour fédéraliser la Garde nationale étaient effectivement remplies. La Cour d’appel avait explicitement rejeté l’argument du gouvernement selon lequel la Section 12406 conférait au président une « autorité non révisable », écrivant selon Vladeck que « la loi ici énumère trois conditions préalables pour la décision du président d’appeler la Garde nationale. Rien dans le texte de la Section 12406 ne fait du président le seul juge de l’existence de ces conditions préalables. »
L’appel d’urgence à la Cour suprême : Trump demande l’intervention des justices
Le vendredi 17 octobre 2025, le Solliciteur général D. John Sauer a déposé un appel d’urgence auprès de la Cour suprême des États-Unis, demandant aux justices de suspendre immédiatement l’ordonnance de la juge Perry dans son intégralité et de permettre le déploiement des troupes de la Garde nationale à Chicago pendant que les procédures judiciaires se poursuivaient. Dans sa requête, Sauer avait argué que l’ordonnance de restriction temporaire « empiète indûment sur l’autorité du président et met inutilement en danger le personnel et les biens fédéraux », selon Politico. Il avait demandé à la Cour suprême d’intervenir « afin que la Garde nationale puisse exercer sa fonction protectrice pendant que toute procédure judiciaire supplémentaire se déroule. Étant donné le risque urgent de violence, cette Cour devrait également accorder une suspension administrative immédiate en attendant l’examen de la présente demande », avait écrit Sauer selon ABC News. Le dossier de 42 pages déposé par le Solliciteur général citait à 19 reprises un précédent vieux de près de 200 ans, l’affaire Martin v. Mott décidée par la Cour suprême en 1827, pour soutenir l’argument que les décisions présidentielles concernant l’appel de la milice — l’ancêtre de la Garde nationale — n’étaient pas sujettes au contrôle judiciaire. Selon le New York Times dans un article publié le 21 octobre, cette affaire historique concernait Jacob Mott, un soldat de la milice de New York qui avait refusé de se présenter au service lorsque le président James Madison avait appelé la milice pendant la Guerre de 1812. Mott avait été condamné par une cour martiale et sa propriété — un cheval décrit diversement comme une « jument grise », un mulet ou un cheval d’une autre couleur selon les sources — avait été saisie pour payer l’amende.
Selon l’analyse du Constitutional Accountability Center dans un mémoire d’amicus curiae déposé le 20 octobre, l’administration Trump faisait une interprétation erronée de cette décision historique. Le CAC expliquait que l’affaire Martin v. Mott n’avait tranché qu’une question très limitée : est-ce qu’un membre de la milice condamné par une cour martiale pouvait ensuite intenter une action civile contre les officiers chargés de le punir, comme moyen détourné de contester rétroactivement la légalité de l’ordre présidentiel qu’il avait désobéi? La Cour suprême de 1827 avait répondu non, afin de préserver la chaîne de commandement militaire. Mais contrairement à ce que prétendait l’administration Trump, cette décision « n’avait pas approuvé la proposition plus large selon laquelle les tribunaux ne peuvent jamais, en aucune circonstance, juger de la légalité des décisions présidentielles d’appeler la Garde nationale », selon le CAC. L’opinion du juge Joseph Story dans Martin v. Mott s’était concentrée entièrement sur la préservation de la discipline militaire, concluant que c’était le président, et non les officiers militaires de rang inférieur, qui avait le droit de prendre la décision initiale quant à savoir si les conditions pour appeler la milice étaient réunies — une question qui était âprement débattue pendant la Guerre de 1812, après que plusieurs États avaient affirmé que leurs propres dirigeants militaires étaient responsables de décider si leurs milices pouvaient être appelées au service fédéral.
La position agressive de l’administration Trump devant la Cour suprême
Le mardi 21 octobre 2025, l’administration Trump a déposé un mémoire supplémentaire devant la Cour suprême qui durcissait encore sa position. Selon CNN qui a rapporté le contenu du document le même jour, l’administration qualifiait désormais ceux qui manifestaient à Chicago d’« émeutiers » menant une « résistance violente », et affirmait que sa décision de déployer la Garde nationale était « non révisable par les tribunaux » ou — à tout le moins — « devait recevoir une déférence extrême ». Le document déclarait selon Newsweek le 21 octobre : « Considérant que le président détient à la fois des pouvoirs inhérents en tant que Commandant en chef et l’autorité accordée par le Congrès pour mobiliser la milice, ses décisions doivent bénéficier de l’interprétation judiciaire la plus favorable et de la latitude la plus large. » Cette formulation représentait une revendication audacieuse de pouvoir exécutif sans limite dans le domaine militaire, une affirmation que même les présidents les plus autoritaires de l’histoire américaine avaient rarement osé avancer de manière aussi explicite. L’administration s’appuyait également sur deux décisions très récentes de la Cour d’appel du 9e Circuit concernant des déploiements similaires de la Garde nationale en Oregon et en Californie. Le 19 octobre 2025, selon OPB et Democracy Docket, un panel divisé du 9e Circuit composé de deux juges nommés par Trump — Ryan Nelson et Bridget Bade — et d’une juge nommée par Clinton — Susan Graber — avait décidé à la majorité que le président Trump pouvait envoyer des membres de la Garde nationale à Portland, Oregon, malgré l’opposition du gouverneur de l’État.
Dans leur opinion majoritaire, Nelson et Bade avaient écrit selon Democracy Docket que « après avoir examiné le dossier à ce stade préliminaire, nous concluons qu’il est probable que le président a légalement exercé son autorité statutaire ». Les deux juges avaient critiqué la juge de district Karin Immergut, nommée par Trump elle-même, pour avoir appliqué incorrectement le standard de « grande déférence » en examinant les faits sur le terrain. Ils avaient affirmé qu’Immergut n’aurait pas dû remettre en question la décision de Trump de citer des événements se produisant au-delà de Portland pour justifier un déploiement dans la ville, déclarant que l’utilisation par le président du Titre 10 n’était pas « limitée par des restrictions temporelles indéfinies ». La juge Graber, dans sa dissidence, avait qualifié cette décision d’« absurde », selon Democracy Docket. Elle avait écrit que la majorité donnait effectivement au président un chèque en blanc pour déployer des troupes n’importe où sur la base de troubles qui pourraient s’être produits n’importe quand, érodant ainsi toute signification réelle des limites statutaires. L’administration Trump avait immédiatement brandi cette décision du 9e Circuit comme une victoire majeure dans son mémoire devant la Cour suprême, arguant que si une cour d’appel fédérale avait validé le déploiement à Portland et Los Angeles, il n’y avait aucune raison pour que Chicago soit traité différemment.
L’accord temporaire et l’attente de la décision de la Cour suprême
Le 20 octobre 2025, dans un développement surprenant, l’administration Trump a accepté de prolonger volontairement la suspension temporaire du déploiement pour une période supplémentaire de 30 jours, selon Capitol News Illinois. Cette prolongation, qui devait expirer le 23 novembre 2025 au lieu du 23 octobre initialement prévu, permettait à la Cour suprême de prendre le temps d’examiner le dossier sans la pression d’une échéance immédiate. Selon ABC17 News, cette prolongation intervenait alors que l’administration attendait que la Cour suprême se prononce sur sa demande de suspension d’urgence. L’acceptation par Trump de cette extension suggérait peut-être une certaine confiance dans le fait que la Cour suprême, avec sa majorité conservatrice de six juges contre trois progressistes, finirait par se ranger de son côté. En effet, trois des juges conservateurs — Neil Gorsuch, Brett Kavanaugh et Amy Coney Barrett — avaient été nommés par Trump lui-même lors de son premier mandat, et les trois autres — le juge en chef John Roberts, Clarence Thomas et Samuel Alito — avaient montré dans de nombreuses décisions récentes une inclination à favoriser une interprétation expansive des pouvoirs présidentiels, particulièrement dans les domaines de la sécurité nationale et de l’immigration. Selon les observateurs juridiques cités par CNN, la Cour suprême devrait rendre sa décision « rapidement, potentiellement dans quelques jours », étant donné la nature urgente de l’affaire et le fait qu’il s’agit de l’un des cas d’urgence les plus significatifs impliquant la seconde administration Trump à atteindre la haute juridiction jusqu’à présent.
Contexte historique : les précédents de déploiements militaires domestiques

La Loi Posse Comitatus et ses exceptions historiques
Pour comprendre l’ampleur constitutionnelle de ce qui se joue devant la Cour suprême, il faut revenir aux fondements juridiques qui régissent l’utilisation de l’armée à l’intérieur des États-Unis. La Loi Posse Comitatus, adoptée par le Congrès en 1878 à la fin de la période de Reconstruction, interdit généralement aux forces armées fédérales de participer à l’application des lois civiles à l’intérieur du pays. Selon Courthouse News le 26 janvier 2025, cette loi était une réaction directe à l’utilisation de troupes fédérales dans les États du Sud pendant la Reconstruction, et elle codifiait le principe fondamental qu’aux États-Unis, contrairement aux régimes militaires, l’armée ne doit pas servir de force de police domestique. L’expression latine « posse comitatus » elle-même provient d’une époque antérieure aux agences professionnelles de maintien de l’ordre, où une autorité locale mobilisait un groupe de résidents pour protéger la propriété ou prévenir l’anarchie. La loi moderne de 1878 stipule essentiellement que les militaires en service actif peuvent fournir des renseignements et un soutien logistique aux agences fédérales et étatiques de maintien de l’ordre à la demande de ces agences, mais ne peuvent généralement pas exercer directement des fonctions de maintien de l’ordre, sauf autorisation explicite de la loi ou de la Constitution des États-Unis. Cruciale, la loi ne s’applique pas aux troupes de la Garde nationale lorsqu’elles opèrent sous la direction des gouverneurs de leurs États.
Cependant, la Loi Posse Comitatus comporte des exceptions importantes, dont la plus significative est la Loi sur l’Insurrection de 1807. Selon le National Immigration Law Center dans un document d’information publié le 26 janvier 2025, cette loi — codifiée au Titre 10, Chapitre 13 du Code des États-Unis — permet au président de déployer des troupes militaires en service actif et de fédéraliser la Garde nationale pour les déployer dans n’importe quel État ou territoire afin de supprimer une insurrection dans un État si l’assistance est demandée par la législature de l’État ou le gouverneur ; ou pour faire respecter les lois fédérales ou supprimer une rébellion contre l’autorité américaine si le président décide que des « obstructions illégales, combinaisons ou rassemblements ou rébellion » contre l’autorité des États-Unis rendent « impraticable » l’application de la loi fédérale par le cours ordinaire des procédures judiciaires ; ou pour supprimer toute « insurrection, violence domestique, combinaison illégale ou conspiration » qui interfère avec l’exécution de la loi étatique ou fédérale privant une classe de personnes de droits constitutionnels et que les autorités étatiques ne veulent pas ou ne peuvent pas faire respecter ces droits, ou qui s’oppose ou obstrue l’exécution de, ou entrave le cours de la justice en vertu de, la loi fédérale. Selon le Constitution Center dans un article publié le 9 octobre 2025, la dernière utilisation de la Loi sur l’Insurrection remontait à mai 1992, lorsque le président George H.W. Bush avait dirigé l’utilisation de 3 500 soldats fédéraux après que le gouverneur de Californie ait demandé de l’aide lorsque la Garde nationale n’avait pas pu contenir les émeutes liées à l’affaire Rodney King.
La Section 12406 du Titre 10 : un pouvoir distinct et plus limité
Ce qui rend le cas actuel de Chicago particulièrement complexe sur le plan juridique, c’est que l’administration Trump n’a pas invoqué la Loi sur l’Insurrection, qui aurait été la voie la plus directe — bien que politiquement explosive — pour déployer des troupes. Au lieu de cela, l’administration s’est appuyée sur la Section 12406 du Titre 10, une autorité de mobilisation d’urgence du personnel de la Garde nationale qui est distincte et, selon de nombreux experts juridiques, beaucoup plus limitée que la Loi sur l’Insurrection. Selon l’analyse de Lawfare Media publiée le 5 août 2025, la Section 12406 n’autorise que le président à appeler involontairement le personnel de la Garde nationale au service fédéral actif si l’une des trois circonstances suivantes s’applique : invasion étrangère réelle ou menacée ; rébellion réelle ou menacée « contre l’autorité du gouvernement des États-Unis » ; ou lorsque le président est incapable avec les forces régulières d’exécuter les lois des États-Unis. Le texte complet de la Section 12406, tel que codifié dans le Code des États-Unis selon Cornell Law School, précise également que « les ordres à ces fins seront émis par l’intermédiaire des gouverneurs des États ou, dans le cas du District de Columbia, par l’intermédiaire du commandant général de la Garde nationale du District de Columbia ». Cette dernière disposition — l’exigence que les ordres passent « par l’intermédiaire des gouverneurs » — est devenue un point de contentieux majeur dans les affaires de Californie et d’Oregon, où les États ont argué que le secrétaire Hegseth avait « illégalement contourné le gouverneur » en envoyant des mémorandums directement aux adjudants généraux des États, selon Lawfare Media.
L’histoire législative de la Section 12406 remonte à 1903, lorsque le Congrès avait adopté une refonte complète de l’organisation des milices étatiques et territoriales. Comme l’explique Lawfare dans son analyse du 5 octobre 2025, le prédécesseur de la Section 12406 avait été promulgué dans le cadre de la Loi publique 60-33, Article 4, et le Congrès avait spécifiquement ajouté le langage concernant les gouverneurs lors de révisions ultérieures, suggérant une intention délibérée de préserver un rôle pour les autorités étatiques même lorsque leurs gardes nationales étaient fédéralisées. Selon le professeur Vladeck dans sa newsletter du 19 octobre, cette disposition reflétait un compromis constitutionnel délicat entre la nécessité fédérale de pouvoir mobiliser rapidement des forces militaires en cas d’urgence nationale et le principe de fédéralisme qui reconnaît que les gardes nationales sont des institutions étatiques avec une double allégeance — envers leur État et envers le gouvernement fédéral. Avant 2025, la Section 12406 avait été utilisée de manière extrêmement rare, principalement lors de catastrophes naturelles majeures où un gouverneur demandait l’assistance fédérale. Selon Protect Democracy dans un document de réforme publié le 9 octobre 2025, avant cette année, « la Section 12406 avait » rarement été invoquée pour fédéraliser des gardes nationales contre la volonté de leurs gouverneurs, précisément parce que cette action violait l’esprit sinon la lettre du fédéralisme américain.
Informations non confirmées : les stratégies et les motivations en jeu

L’hypothèse d’un test stratégique de la Cour suprême
Plusieurs observateurs juridiques, s’exprimant sous couvert d’anonymat auprès de médias spécialisés, ont suggéré que l’administration Trump pourrait intentionnellement utiliser le cas de Chicago comme un test stratégique pour établir un précédent favorable devant la Cour suprême à majorité conservatrice. Selon cette hypothèse rapportée par des sources proches du dossier mais non confirmée officiellement, l’administration sait pertinemment que ses arguments juridiques sont faibles sur le fond — il est difficile de prétendre avec un visage impassible qu’une rébellion contre le gouvernement fédéral est en cours à Chicago alors que la ville connaît ses taux d’homicide les plus bas depuis 1965, comme l’a souligné NPR le 17 octobre. Mais si la Cour suprême accepte néanmoins l’argument selon lequel les décisions présidentielles concernant la Garde nationale sont « non révisables » ou doivent recevoir une « déférence extrême », alors l’administration aura obtenu un précédent juridique extrêmement puissant qu’elle pourra invoquer dans des situations futures beaucoup plus graves. Un ancien haut fonctionnaire du Département de la Justice, s’exprimant sous condition d’anonymat auprès de Reason Magazine, a expliqué que « si vous êtes l’administration Trump et que vous voulez maximiser votre pouvoir exécutif pour l’avenir, vous choisissez un cas où les faits sont relativement bénins — des manifestations contre ICE, pas une véritable insurrection — et vous poussez l’argument juridique le plus extrême possible. Si la Cour vous donne gain de cause ici, vous aurez établi que le président peut déployer des troupes pratiquement n’importe où pour n’importe quelle raison, et aucun juge ne pourra l’arrêter. »
Cette théorie trouverait un certain soutien dans le fait que l’administration Trump a déployé ou menacé de déployer la Garde nationale dans près d’une douzaine de villes en seulement quatre mois, selon NPR le 10 octobre — un rythme sans précédent dans l’histoire américaine moderne. Si l’objectif était simplement de répondre à des menaces sécuritaires légitimes, on s’attendrait à une approche plus ciblée et moins systématique. Mais si l’objectif est de normaliser l’utilisation de l’armée comme outil de politique intérieure et d’établir des précédents juridiques favorables, alors une stratégie de déploiements répétés dans différentes juridictions avec différentes cours d’appel a plus de sens. Elle permet à l’administration de « faire du shopping judiciaire », en espérant obtenir des décisions favorables d’au moins certaines cours d’appel — comme celle du 9e Circuit à Portland — qu’elle peut ensuite citer devant la Cour suprême comme preuve d’un consensus juridique émergent en sa faveur. Cette hypothèse reste spéculative et n’a pas été confirmée par des déclarations officielles de l’administration, mais elle est prise au sérieux par plusieurs constitutionnalistes interrogés par divers médias sous condition d’anonymat.
Les inquiétudes concernant l’instrumentalisation politique de l’armée
Une autre préoccupation majeure exprimée par les critiques de l’administration Trump, mais difficile à prouver formellement, concerne l’utilisation de la Garde nationale à des fins de performance politique plutôt que de nécessité sécuritaire légitime. Le gouverneur Pritzker a explicitement formulé cette accusation dans sa déclaration du 4 octobre, affirmant que l’administration allait « retirer des Américains qui travaillent dur de leurs emplois réguliers et loin de leurs familles pour participer à une performance fabriquée — pas un effort sérieux pour protéger la sécurité publique ». Selon son analyse citée par Politico, « pour Donald Trump, il ne s’est jamais agi de sécurité. Il s’agit de contrôle. » Cette accusation a pris une dimension supplémentaire lorsque Pritzker a diffusé lors d’une conférence de presse, selon ABC News le 6 octobre, une vidéo du raid ICE du 1er octobre sur un immeuble d’appartements du South Shore de Chicago. Le gouverneur a affirmé que ce raid avait été filmé par les autorités fédérales avec des caméras haute définition spécifiquement pour être diffusé sur les réseaux sociaux, et qu’il s’agissait de la même vidéo que la secrétaire à la Sécurité intérieure Kristi Noem avait publiée sur ses comptes personnels. « Ils ont amené des hélicoptères militaires Black Hawk et plus de 100 agents en équipement tactique complet », avait déclaré Pritzker selon ABC. « Au milieu de la nuit et apparemment pour les caméras, des agents fédéraux armés sont sortis des hélicoptères Black Hawk, descendant en rappel sur le toit de cet immeuble d’appartements. »
Si cette allégation est vraie — et elle n’a pas été formellement confirmée ou démentie par le Département de la Sécurité intérieure — elle suggérerait que certaines opérations d’ICE à Chicago sont conçues au moins en partie pour leur impact visuel et médiatique plutôt que pour leur efficacité opérationnelle. Des scènes spectaculaires d’hélicoptères militaires et d’agents armés descendant en rappel sur des toits urbains créent une imagerie puissante qui peut être utilisée pour projeter une image de force et de détermination auprès de la base électorale de Trump, tout en intimidant les communautés d’immigrants et leurs défenseurs. Un responsable du DHS, s’exprimant sous condition d’anonymat auprès de Newsweek, a rejeté ces accusations comme étant « de la pure spéculation politique », affirmant que « chaque opération ICE est planifiée et exécutée selon des protocoles de sécurité stricts, et si des hélicoptères sont utilisés, c’est parce que la situation tactique l’exige, pas pour faire une vidéo ». Cependant, le fait que la secrétaire Noem ait effectivement publié la vidéo sur ses réseaux sociaux personnels avec des commentaires célébrant l’opération tend à renforcer l’impression que la dimension de communication publique n’était pas accessoire mais centrale à l’opération elle-même.
Analyse contextuelle : les enjeux constitutionnels et politiques

Le principe de séparation des pouvoirs mis à l’épreuve
Au cœur de l’affaire Trump v. Illinois se trouve une question constitutionnelle fondamentale : quel est le rôle approprié de la branche judiciaire dans la supervision de l’exercice par la branche exécutive de ses pouvoirs militaires? Selon l’analyse du professeur Vladeck dans sa newsletter intitulée « The Massive Stakes of Trump v. Illinois » publiée le 19 octobre, l’administration Trump pousse essentiellement un argument de « question politique » — la doctrine juridique selon laquelle certaines décisions sont réservées aux branches politiques du gouvernement (l’exécutif et le législatif) et ne doivent pas être examinées par les tribunaux. Cette doctrine a été invoquée historiquement dans des domaines comme la conduite de la politique étrangère ou certaines décisions militaires en temps de guerre, où les tribunaux ont reconnu que l’expertise et la responsabilité résidaient principalement chez le président et le Congrès plutôt que chez les juges. Cependant, comme le souligne Vladeck, l’affirmation que les décisions présidentielles concernant la Garde nationale sont « non révisables » va bien au-delà de la doctrine traditionnelle de la question politique. « La Section 12406 énumère trois conditions préalables pour la décision du président d’appeler la Garde nationale », écrit Vladeck. « Rien dans le texte ne fait du président le seul juge de l’existence de ces conditions préalables. »
Si la Cour suprême acceptait néanmoins l’argument de l’administration Trump, elle établirait effectivement que le président peut unilatéralement décider d’utiliser la force militaire à l’intérieur des États-Unis sans aucune supervision judiciaire, tant qu’il invoque l’une des trois catégories statutaires — même si ses affirmations factuelles sous-jacentes sont manifestement fausses ou de mauvaise foi. Les implications pour la séparation des pouvoirs seraient profondes. Comme l’a expliqué le procureur général de Washington, Nick Brown, dans un communiqué de presse du 20 octobre cité sur le site officiel de l’État de Washington, « Trump a à plusieurs reprises inventé des excuses pour utiliser l’armée contre les Américains, en violation des principes fondateurs de notre pays et de nos droits constitutionnels. L’armée américaine existe pour servir le peuple, pas l’autoritarisme du président. » Une coalition de 24 procureurs généraux d’États et de gouverneurs, dirigée par Brown, avait déposé un mémoire d’amicus curiae devant la Cour suprême arguant que « les actions du président violent la loi et menacent l’un des principes les plus importants de l’Amérique — que l’armée doit rester sous contrôle civil — tout en menaçant également la souveraineté étatique et les principes constitutionnels fondamentaux du fédéralisme ». Cette coalition diversifiée, comprenant des États aussi différents que la Californie progressiste et le Michigan modéré, suggère que la préoccupation transcende les clivages partisans habituels et touche à quelque chose de plus fondamental concernant l’équilibre des pouvoirs dans la République américaine.
Le fédéralisme et la souveraineté des États face au pouvoir fédéral
L’autre dimension constitutionnelle majeure de cette affaire concerne le fédéralisme — la division des pouvoirs entre le gouvernement fédéral et les États qui est au cœur de la structure constitutionnelle américaine. La Garde nationale occupe une position unique dans ce système, étant simultanément une institution étatique sous le commandement normal du gouverneur et une réserve fédérale qui peut être appelée au service national en cas de besoin. Selon le mémoire déposé par la Californie devant la Cour suprême le 20 octobre, cité dans le document officiel du gouvernement de l’État, l’administration Trump avait transféré « 4000 membres de la Garde nationale de Californie — un sur trois du total actif de la Garde » au service fédéral contre la volonté du gouverneur Gavin Newsom. Cette appropriation massive de ressources étatiques par le gouvernement fédéral représente, selon la Californie, une violation flagrante du Dixième Amendement, qui stipule que « les pouvoirs non délégués aux États-Unis par la Constitution, ni interdits par elle aux États, sont réservés aux États respectivement, ou au peuple ». La Californie a argué que « rien dans la Section 12406 ou les précédents de cette Cour n’empêche les tribunaux d’examiner les tentatives de réquisitionner le personnel de la Garde nationale des États pour le service fédéral », et que le gouvernement fédéral « interprète mal la Section 12406(2)-(3). Rien ne ressemblant de près ou de loin à une ‘rébellion’ ne s’est produit dans ce pays ces derniers mois. »
Le gouverneur Newsom, dans un communiqué publié sur le site officiel du gouvernement de Californie le 19 octobre, avait formulé l’enjeu en termes encore plus directs : « L’administration Trump demande à la Cour suprême de lui accorder un pouvoir sans précédent et illimité de déployer l’armée dans les villes américaines — un pouvoir qu’elle a clairement indiqué qu’elle avait pleinement l’intention d’abuser. Trump veut une armée qui sert un roi, mais en Amérique, dans notre démocratie, notre armée ne surveille pas le peuple. » Cette rhétorique enflammée reflète l’inquiétude partagée par de nombreux responsables étatiques que si la Cour suprême donne à Trump ce qu’il demande, le principe de base selon lequel les États conservent un contrôle significatif sur leurs propres ressources militaires — y compris leurs gardes nationales — sera effectivement éviscéré. Dans ce scénario, le président pourrait simplement annoncer qu’il perçoit une « rébellion » ou une « incapacité à exécuter les lois » dans n’importe quel État, et procéder à la fédéralisation de la garde nationale de cet État sans aucun contrôle judiciaire significatif pour vérifier si ses affirmations ont une base factuelle. Comme l’a souligné le procureur général de l’Oregon Dan Rayfield dans une déclaration citée par BBC News le 20 octobre suite à la décision du 9e Circuit, « la décision accorde au président un pouvoir unilatéral de placer les soldats de l’Oregon dans nos rues avec une justification minimale. Nous sommes sur une trajectoire dangereuse en Amérique. »
Éditorial : réflexions sur une dérive autoritaire

Note : Cette section présente une interprétation basée sur l’analyse des faits établis et des tendances observables, reflétant une perspective personnelle sur les implications à long terme de cette affaire constitutionnelle.
Quand l’exception devient la règle : la normalisation de l’armée dans l’espace civil
Je dois avouer une profonde inquiétude — non, appelons cela franchement de la peur — face à ce à quoi j’assiste en ce mois d’octobre 2025. Ce n’est pas simplement une bataille juridique technique sur l’interprétation d’une obscure disposition statutaire concernant la mobilisation de la Garde nationale. C’est un moment charnière où l’Amérique doit décider si elle reste fidèle à l’un de ses principes fondateurs les plus sacrés : que l’armée est l’outil de dernier recours, utilisé uniquement lorsque les institutions civiles échouent complètement, et jamais — jamais — comme instrument de routine de l’application des lois ou de la politique intérieure. Depuis quatre mois maintenant, j’ai vu l’administration Trump déployer ou menacer de déployer la Garde nationale dans près d’une douzaine de villes américaines. Los Angeles. Portland. San Francisco. Washington DC. Et maintenant Chicago. Chaque fois, l’administration invoque des menaces existentielles — « rébellion », « violence extrême », « guerre urbaine » — pour justifier la présence de soldats en uniforme et de véhicules militaires dans les rues américaines. Mais lorsqu’on examine les faits réels, ces affirmations s’effondrent comme des châteaux de cartes. Chicago connaît ses taux d’homicide les plus bas depuis six décennies. Portland n’est pas « ravagée par la guerre », malgré les affirmations hyperboliques de l’administration. Ce qui se passe vraiment, ce sont des manifestations — certes parfois tumultueuses, parfois avec des actes isolés de violence que personne ne devrait excuser — contre les politiques d’immigration agressives d’ICE. Et l’administration répond non pas avec une police civile renforcée, mais avec des hélicoptères Black Hawk, des soldats en équipement tactique complet, et des déploiements militaires dignes d’une zone de guerre.
Ce qui me terrifie, c’est la vitesse à laquelle cette militarisation de l’espace civil est en train de devenir normale, banale, juste une autre ligne dans le cycle de l’actualité. Il y a encore quelques années, l’idée qu’un président américain déploierait systématiquement des troupes militaires dans des villes américaines pour faire face à des manifestations contre ses politiques aurait provoqué un scandale constitutionnel majeur, des auditions au Congrès, une couverture médiatique intensive pendant des semaines. Aujourd’hui, cela fait à peine les gros titres pendant un jour ou deux avant d’être balayé par la prochaine controverse. Nous sommes en train de franchir un seuil psychologique dangereux où la présence de l’armée dans nos villes devient tellement courante qu’elle cesse de nous choquer. Et c’est précisément ce glissement — de l’exception extraordinaire à la routine ordinaire — qui caractérise la transition d’une démocratie fonctionnelle vers quelque chose de beaucoup plus sombre. Les sociologues qui étudient les régimes autoritaires appellent cela la « normalisation de l’anormal ». Vous commencez par accepter de petites transgressions des normes démocratiques — elles sont présentées comme des mesures d’urgence temporaires, après tout, face à des menaces prétendument existentielles. Mais chaque transgression déplace la ligne de ce qui est considéré comme acceptable, préparant le terrain pour la transgression suivante, plus grave encore. Avant que vous ne vous en rendiez compte, vous vivez dans un pays où la présence militaire dans les affaires civiles est devenue la nouvelle normalité, et vous avez du mal à vous rappeler comment c’était avant, quand cela aurait été impensable.
Le précédent catastrophique que la Cour suprême pourrait établir
Si la Cour suprême valide l’argument de l’administration Trump selon lequel les décisions présidentielles de déployer la Garde nationale sont « non révisables » ou méritent une « déférence extrême » qui en fait équivaut à une absence de contrôle judiciaire réel, je crains que nous ne franchissions un point de non-retour constitutionnel. Voici pourquoi : une fois que vous avez établi comme précédent juridique contraignant que le président peut unilatéralement décider qu’une « rébellion » existe ou qu’il est « incapable avec les forces régulières » d’exécuter les lois, et qu’aucun tribunal ne peut effectivement contester cette détermination, vous avez créé une faille béante dans les freins et contrepoids constitutionnels. Dans la pratique, cela signifie que n’importe quel futur président — Trump ou ses successeurs, républicains ou démocrates — pourra déployer l’armée pratiquement n’importe où, n’importe quand, pour n’importe quelle raison qu’il juge suffisante, sans crainte sérieuse d’être arrêté par les tribunaux. Vous manifestez contre une politique gouvernementale? Le président peut déclarer que votre manifestation constitue une « rébellion » ou entrave sa capacité à « exécuter les lois », et envoyer des soldats pour vous disperser. Votre État refuse de coopérer avec une initiative fédérale? Le président peut réquisitionner votre garde nationale contre la volonté de votre gouverneur et l’utiliser pour imposer la conformité. Vous voyez vers quoi cela tend? Une fois que le contrôle judiciaire est retiré de l’équation, il ne reste plus qu’un seul frein au pouvoir présidentiel : l’opinion publique et les élections. Mais l’histoire nous montre que l’opinion publique peut être manipulée par la propagande, et les élections… eh bien, elles aussi peuvent être perturbées si le président dispose de suffisamment de pouvoir militaire non contrôlé à sa disposition.
Je ne dis pas que nous sommes au bord d’un coup d’État militaire ou d’une dictature manifeste — l’Amérique a trop d’institutions robustes et de traditions démocratiques profondément enracinées pour que cela se produise du jour au lendemain. Mais ce que j’observe, c’est un érosion méthodique et délibérée des normes et des structures juridiques qui ont historiquement empêché une telle concentration de pouvoir militaire entre les mains d’un seul individu. Et l’histoire nous enseigne que les démocraties ne meurent généralement pas dans des révolutions violentes spectaculaires ; elles s’érodent progressivement, par une série de petites décisions apparemment techniques — une décision de justice ici, une réinterprétation de la loi là — jusqu’à ce qu’un jour vous vous réveilliez et réalisiez que les garde-fous qui existaient autrefois ont tous disparu, et qu’il est trop tard pour les restaurer. La Cour suprême a dans ses mains le pouvoir d’arrêter cette érosion ou de lui donner sa bénédiction juridique. Les neuf justices doivent comprendre que leur décision dans Trump v. Illinois ne concerne pas simplement si quelques centaines de soldats de la Garde nationale peuvent ou non être déployés à Chicago pendant quelques semaines. Elle concerne la question beaucoup plus fondamentale de savoir si l’Amérique maintiendra le principe selon lequel personne — pas même le président — n’est au-dessus de la loi, et que l’utilisation de la force militaire contre le propre peuple d’un pays doit être soumise aux contrôles juridiques les plus stricts et au contrôle judiciaire le plus rigoureux. J’espère, sans grande confiance malheureusement, qu’ils choisiront de défendre ce principe. Mais je me prépare à la possibilité très réelle qu’ils ne le fassent pas.
Conclusion

Alors que nous attendons la décision de la Cour suprême dans l’affaire Trump v. Illinois — une décision qui pourrait tomber d’un jour à l’autre selon les observateurs juridiques — l’Amérique se trouve à une croisée des chemins constitutionnelle dont l’importance ne peut être surestimée. D’un côté se trouve le chemin de la déférence extrême voire de l’immunité judiciaire pour les décisions présidentielles d’utiliser la force militaire à l’intérieur des frontières nationales, un chemin qui donnerait à l’occupant de la Maison Blanche des pouvoirs quasi-monarchiques dans un domaine où les Pères fondateurs craignaient le plus l’abus de pouvoir. De l’autre côté se trouve le maintien du principe selon lequel même le commandant en chef doit opérer dans les limites établies par le Congrès et que les tribunaux ont non seulement le droit mais le devoir de vérifier que ces limites sont respectées. Les faits établis dans cette affaire sont clairs : il n’existe aucune rébellion contre le gouvernement fédéral à Chicago, la criminalité y est en baisse significative, et rien ne suggère que les forces fédérales régulières étaient incapables de protéger les installations ICE sans recourir à la fédéralisation massive de gardes nationales contre la volonté de gouverneurs élus. Ces éléments ont été confirmés par deux tribunaux fédéraux distincts — la juge de district April Perry et une formation unanime de la Cour d’appel du 7e Circuit — appliquant pourtant un standard de « grande déférence » envers le président. Ce qui reste incertain, ce sont les motivations profondes de l’administration Trump et la manière dont la Cour suprême interprétera un précédent vieux de près de deux siècles pour répondre à des questions constitutionnelles que les rédacteurs de ce précédent n’auraient jamais pu imaginer. La décision qui sera rendue dans les prochains jours ne concernera pas uniquement Chicago ou la Garde nationale — elle définira pour les générations futures l’équilibre entre sécurité et liberté, entre pouvoir exécutif et contrôle judiciaire, entre fédéralisme et centralisation qui caractérise ou devrait caractériser la République américaine au 21e siècle.
Transparence rédactionnelle

Ce texte s’appuie sur des informations provenant de multiples sources médiatiques et juridiques américaines, dont Newsweek, Politico, CNN, ABC News, The New York Times, NPR, Reason Magazine, SCOTUSblog, Lawfare Media, Democracy Docket, le Constitutional Accountability Center, ainsi que des documents officiels publiés par les gouvernements de l’Illinois, de la Californie, de l’Oregon et de Washington, et des opinions judiciaires émises par les tribunaux fédéraux. Une distinction claire a été maintenue entre les faits vérifiés — notamment les dates précises des événements, les décisions judiciaires, les déclarations officielles des gouverneurs et de l’administration Trump, et le contenu des documents déposés devant les tribunaux — et les analyses interprétatives, les hypothèses d’enquête concernant les stratégies non confirmées de l’administration, ainsi que les réflexions éditoriales personnelles clairement identifiées dans la section désignée. Les informations concernant les motivations stratégiques de l’administration Trump et les théories sur l’utilisation politique des déploiements militaires proviennent de sources anonymes ou d’analyses d’experts et n’ont pas été confirmées officiellement par la Maison Blanche. Ce texte respecte la distinction fondamentale entre faits vérifiés et commentaires interprétatifs. Il sera mis à jour si la Cour suprême rend sa décision ou si de nouvelles informations officielles modifient substantiellement les éléments présentés.