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L’offensive publicitaire ontarienne

L’Ontario n’y est pas allée de main morte. Le premier ministre provincial Doug Ford a débloqué 75 millions de dollars—oui, vous avez bien lu—pour diffuser une campagne publicitaire anti-tarifs aux États-Unis. Pas une petite campagne discrète. Non. Une offensive massive sur les grands réseaux américains : Newsmax, Fox News, NBC, CNBC, ESPN, ABC, et leurs affiliés locaux. L’objectif? Toucher directement les électeurs républicains, dans leurs districts, avec un message qui résonne : les tarifs font mal. Les tarifs détruisent des emplois. Et qui le dit? Pas un politicien canadien qu’on pourrait facilement balayer du revers de la main. Non. C’est Ronald Reagan lui-même, héros de la droite américaine, conservateur légendaire, qui dans un discours radio d’avril 1987 explique que « les tarifs élevés mènent inévitablement à des représailles de la part des pays étrangers et déclenchent de féroces guerres commerciales. »

Le clip utilise des extraits de ce discours où Reagan met en garde : « Quand quelqu’un dit ‘imposons des tarifs sur les importations étrangères’, ça semble patriotique, ça protège les produits et emplois américains. Et parfois, pendant un court moment, ça fonctionne—mais seulement pour un court moment. » Puis il ajoute, avec cette gravité qui caractérisait ses allocutions : « Les marchés rétrécissent et s’effondrent. Les entreprises et industries ferment. Et des millions de personnes perdent leur emploi. » Des mots puissants. Des mots qui, aujourd’hui en 2025, trouvent un écho troublant alors que les tarifs de Trump—35 % sur les produits canadiens depuis août 2025—étouffent les deux économies. Ford pensait avoir trouvé le coup parfait : utiliser Reagan contre Trump. Utiliser les propres héros républicains pour convaincre les Américains que cette guerre commerciale n’a aucun sens.

La réponse incendiaire de Trump

Sauf que Trump n’a pas apprécié. Pas du tout. Dans son post nocturne sur Truth Social, le président américain a explosé de rage. Il a accusé le Canada—encore une fois, confondant le gouvernement fédéral avec une province—d’avoir « frauduleusement utilisé une publicité qui est FAUSSE ». Trump affirme que la Fondation Ronald Reagan aurait dénoncé cette pub comme trompeuse, qu’elle utilisait des « extraits audio et vidéo sélectifs » pour déformer les propos de Reagan. La fondation a effectivement publié un communiqué disant qu’elle examine ses « options légales » et que l’Ontario n’avait ni demandé ni reçu la permission d’utiliser et modifier les remarques de Reagan. Mais voilà le hic : les mots de Reagan dans la pub sont authentiques. Ils proviennent bien de son allocution du 25 avril 1987. Ils n’ont pas été inventés, ni falsifiés. Certes, ils ont été réorganisés, condensés en une minute au lieu de cinq, mais ce sont ses mots. Reagan a réellement prononcé ces phrases. Il a réellement mis en garde contre les dangers des tarifs protectionnistes.

Ce que la fondation—et Trump—omettent de mentionner, c’est le contexte complet du discours. Reagan parlait effectivement d’un cas précis : il venait d’imposer des tarifs sur le Japon pour non-respect d’un accord sur les semi-conducteurs. Il expliquait que c’était un cas « spécial », qu’il était « réticent » à imposer des barrières commerciales, et qu’il restait fondamentalement attaché au libre-échange. Mais dans ce même discours, Reagan martelait aussi les dangers du protectionnisme à long terme, évoquant même la Grande Dépression et la loi Smoot-Hawley des années 1930 qui avait aggravé la crise économique mondiale. La pub ontarienne a donc choisi de mettre en avant cette partie-là du message. Une sélection? Oui. Une falsification? Non. Et c’est justement cette nuance que Trump refuse de voir, préférant crier au scandale et couper tous les ponts.

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