L’absurde militarisé en haute mer
Je dois te dire. Quelque chose vient de basculer. Le 22 octobre 2025—hier soir, presque—Donald Trump a ordonné l’exécution de neuf navires en quatre semaines. Neuf bateaux. Dans les eaux internationales. Sans déclaration de guerre. Sans autorisation du Congrès. Sans procès. Sans preuves tangibles. Et à chaque fois, la même vidéo noir et blanc d’une trentaine de secondes : un bateau qui flotte. Une explosion. Des débris qui flottent. « Ennemi vaincu. Adieu. » Voilà. C’est tout. Trente-sept personnes mortes. Trente-sept. Ce chiffre. Il faut que tu le comprennes. Ce n’est pas une statistique. Ce sont des vies. Des hommes. Peut-être des familles. Trump les compare à « Al-Qaïda », à « des narco-terroristes » qui ne méritent « aucun refuge » et « aucun pardon ». Juste une exécution. Juste la justice. Selon lui. Mais comment? Comment peut-on tuer trente-sept personnes et affirmer, sans trembler, qu’elles trafiquaient de la drogue? Comment? Je pose la question parce que personne ne semble capable de répondre. Le Pentagone refuse de fournir les détails. Les vidéos ne montrent aucune cargaison. Aucun document. Aucune preuve concrète. Rien. Juste l’assurance du gouvernement américain : « Croyez-nous. C’étaient des trafiquants. » Et voilà que les bateaux brûlent. Et voilà que personne ne peut les contredire. Parce qu’ils sont morts. Parce qu’il n’y a pas de tribunal. Pas d’appel. Pas de droits. Juste une arme. Juste une explosion. Juste le silence qui suit.
Ce qui me frappe le plus—et écoute-moi bien—c’est l’incroyable normalisation de l’anormal. Les médias couvrent ça comme un événement. Les politiciens dénoncent ça avec des mots doux. Les juristes évoquent des zones grises légales. Mais personne. Personne ne hurle. Personne n’arrête les bateaux qui arrivent. Personne ne dit non. Le seul leader qui ose—véritablement ose—c’est Gustavo Petro, le président de la Colombie. Et Trump le traite de « loser », de « trafiquant de drogue », lui coupe l’aide militaire, le menace publiquement. « Watch it », a-t-il écrit sur ses réseaux. Regarde. Regarde bien. Parce que je suis capable de tout. Capable de détruire un gouvernement allié. Capable d’arrêter les livraisons d’armement. Capable de t’effacer. C’est ça le message. C’est ça qu’on vient de voir. Et c’est ça qui doit te terrifier, pas l’absence de preuves. C’est ça qui doit te réveiller.
Neuf strikes. Quatre semaines. Une escalade vertigineuse
D’abord le Caraïbe, puis la percée du Pacifique
Ça a commencé en silence. Le 2 septembre 2025. Un premier bateau. Puis un deuxième. Puis un troisième. Tout dans la Caraïbe. Tout au large du Venezuela. Trump parlait de guerre contre la drogue, de fentanyl qui ravage les États-Unis, de « 25 000 Américains morts chaque année » à cause du trafic. Et techniquement—juridiquement—il avait un argument. Les cartels mexicains inondent l’Amérique. C’est vrai. Le fentanyl tue massivement. C’est documenté. Mais voilà le truc : les bateaux qu’il attaque ne viennent pas du Mexique. Ils opèrent dans les Caraïbes. Ils naviguent en eaux internationales. Ils transportent—selon Trump—du cocaine vers l’Amérique du Nord. Et Trump a décidé que « non ». Que c’est fini les lois. Que c’est fini les frontières. Que c’est fini les procédures. Que la mort aérienne sera la seule réponse.
Les premières semaines? Personne ou presque ne remarquait. Les médias de droite applaudissaient. « Trump prend les cartels au sérieux », clamaient-ils. Les médias de gauche criaient au despotisme. Les deux côtés utilisaient le même événement pour valider des narratives opposées. Mais personne n’arrêtait vraiment. Et puis—mardi 21 octobre—une première. Trump ordonne une frappe dans le Pacifique. Première fois. Deuxième océan. Même logique. Même vidéo. Même absence de preuve. Deux morts. Et puis le lendemain, mercredi 22 octobre, une neuvième frappe. Trois autres morts. Total en quarante-huit heures : cinq morts. En trois jours : neuf strikes. Neuf. C’est exponentiel. C’est une logique de croissance. C’est la promesse silencieuse que ça va s’accélérer, que ça va s’intensifier, que le Pacifique n’était qu’un début. Trump a même déclaré—textuellement—qu’il était « totalement prêt » à étendre les opérations sur terre. Sur terre. Tu comprends? Du air-strike sur les côtes vers des opérations terrestres. Vers une guerre déclarée et totale. Vers une intervention militaire massive en Amérique latine. « Si l’extension se fait vers terre, on peut retourner au Congrès », a-t-il dit avec une décontraction terrifiante. Peut-être. Comme si ça changeait quelque chose. Comme si le Congrès républicain allait lui dire non.
Le calcul de Trump : faire peur plus qu’arrêter
Parce que voilà le réel enjeu. Trump ne cherche pas à arrêter la drogue. Il n’y a aucune preuve que ça fonctionne. Les saisies de cocaine continuent à monter. Les décès par overdose aux États-Unis restent catastrophiques. Rien ne change. Rien ne s’améliore. Alors pourquoi? Pourquoi faire ça? La réponse est politique. Viscéralement politique. Trump se positionne comme « le homme fort ». L’homme qui n’a peur de rien. L’homme qui utilise la machine militaire la plus puissante du monde pour détruire des adversaires—réels ou supposés. Il se compare à Ronald Reagan dans la guerre froide. Il se compare à George W. Bush après le 11 septembre. Il cherche une narration héroïque où il est le gladiateur, le protecteur, le sauveur. Et pour ça, il a besoin que tu aies peur. Que tu voies des explosions. Que tu entendes parler de « cartels » et de « narco-terroristes ». Que tu acceptes l’anormal comme la nouvelle normalité. Le calcul fonctionne remarquablement bien. Les sondages montrent que 56 % des Américains appuient ces attaques. 56 %. Ils regardent une vidéo de 30 secondes d’une explosion, entendent le mot « drogue », et concluentque c’est justifié. Que c’est nécessaire. Que c’est juste. Voilà comment ça marche. Pas par la logique. Par l’émotion. Par la peur. Par la spectacle.
L’arme atomique juridique : la déclaration de guerre interne
Le coup de génie—et je dis ça avec une dose énorme de sarcasme amer—c’est que Trump a trouvé une base légale. Faible? Extrêmement. Contestable? Absolument. Mais existante. Le 1er octobre 2025, Trump a officially notifié le Congrès que les États-Unis étaient engagés dans un « conflit armé non-international » avec des « combattants illégaux ». Les cartels de drogue. Boom. D’un coup, il les classe au même statut juridique que les talibans, Al-Qaïda, les milices terroristes. Et dans un conflit armé? Tu peux tuer. Tu peux frapper. Tu n’as pas besoin de preuves immédiates. Tu n’as pas besoin de capture. Tu n’as besoin de rien. Juste une déclaration unilatérale du président. Le Pentagone a même transmis un mémorandum au Congrès : « En conflit armé, un pays peut légalement tuer des combattants ennemis même s’ils ne représentent pas une menace immédiate. » Donc voilà. Techniquement, c’est légal. Extraordinairement immoral? Probablement. Contraire à la Convention de Genève? Peut-être. Mais légal? Selon la jurisprudence américaine actuelle? Oui. Et ça, c’est ce qui fait peur. Parce que c’est le précédent. Parce que c’est l’arme que tous les futurs présidents vont pouvoir utiliser.
Des avocats militaires retraités—des vrais experts—ont publié des analyses juridiques déchirantes. Ils expliquent que le statut de « combattant ennemi » ne s’applique pas aux trafiquants de drogue. Qu’il n’existe pas de conflit international formalisé. Que les règles de guerre—« les lois et coutumes du conflit armé »—exigent une distinction entre combattants et civils, une proportionnalité, une nécessité militaire. Tu ne peux pas juste tirer sur un bateau en mer et dire « c’était un combattant » sans preuve. Sauf que Trump le fait. Et personne ne peut l’arrêter maintenant parce qu’il a reçu le méchanisme legalpour le justifier après coup. La Cour suprême? Elle va probablement—probablement—valider ça. Les républicains au Congrès? Ils applaudissent. Les démocrates? Même Rand Paul et Lisa Murkowski, deux sénateurs républicains qui crient au despotisme, ne peuvent que protester. Protester. C’est tout ce qu’il leur reste. Des mots. Pendant que les bateaux brûlent.

Gustavo Petro : le seul qui ne se couche pas
Quand la Colombie se dresse contre l’empire
Il y a un politicien qui a osé. Véritablement osé. Gustavo Petro, le président de la Colombie—un leader de gauche, intellectuel, ex-guérillero devenu démocrate. Il n’a pas accepté la narratif trumpienne. Il ne s’est pas prosterné devant la puissance militaire américaine. « C’est l’application de la peine de mort sur un territoire qui n’est pas le vôtre », a-t-il déclaré après la frappe du 22 octobre. Et c’est exact. C’est précis. C’est courageux. Parce que critiquer Trump en tant que leader latino-américain? C’est risqué. Tu perds l’aide militaire. Tu perds les alliances. Tu deviens un « ennemi ». Et c’est exactement ce qui s’est passé. Trump—en vrai tyran de dessin animé—l’a appelé un « thug », un « incompétent », un « drug dealer » qui détruit son propre pays. Le secrétaire d’État Marco Rubio a utilisé le mot « lunatic ». Littéralement. Cinglé. Fou. Et puis Trump a coupé l’aide militaire. Juste comme ça. Plusieurs milliards de dollars en équipement, formation, renseignement militaire. Fini. Adios. Parce que Petro a osé dire la vérité.
Ce qui est absurde—et c’est où j’aimerais te forcer à regarder en face—c’est que les frappes se produisent près de la Colombie. Techniquement en eaux internationales. Mais pas loin. Le Pacifique colombien. Et la plupart des bateaux—ceux du Caraïbe surtout—naviguent depuis des ports colombiens. Partent de Colombie. Utilisent l’infrastructure colombienne. Donc Petro aurait pu laisser faire. Laisser les Américains nettoyer. Se taire. Garder l’aide militaire. Garder les alliances. Rester ami. Mais il ne l’a pas fait. Il s’est levé. Il a dit non. Et maintenant il se tient seul. Avec ses avocats américains—il a menacé de poursuivre Trump légalement aux États-Unis—et son intégrité. C’est une scène historique d’un leader qui refuse l’empire. Ça ne durera probablement pas. Trump va probablement trouver un moyen de l’écraser. Mais pour l’instant? Petro est debout. Et ça compte. Même si ça fait mal.
La Colombie, victime d’une stratégie désespérée
Parce qu’il y a un truc important que personne ne dit clairement. Les cartels colombiens ne sont pas une invention. Ils existent depuis des décennies. Le cocaine vient de la Colombie, du Pérou, de la Bolivie. C’est géographique. C’est économique. C’est structural. Et Trump ne va pas résoudre ça en bombardant des bateaux. Ça change rien. La production continue. Le trafic continue. Les morts continuent. Les overdoses aux États-Unis continuent. Les familles américaines continuen à pleurer. Donc pourquoi? Pourquoi ce spectacle de destruction? Parce que Trump a besoin de montrer qu’il agit. Qu’il fait quelque chose. N’importe quoi. Même si ça ne marche pas. Même si ça crée des tensions diplomatiques massives. Même si ça pousse un leader latino-américain vers la confrontation. C’est l’illusion du pouvoir. C’est le théâtre. Et pendant ce temps, les cartels adaptent leurs routes. Ils se décentralisent. Ils trouvent d’autres chemins. La production de cocaine atteint des records. Plus de drogue rentre aux États-Unis qu’avant ces frappes. Et Trump? Il continue à envoyer des vidéos de 30 secondes de bateaux qui brûlent. C’est comme faire une vidéo TikTok en guerre. C’est l’Amérique en 2025.

Les cadavres que personne ne voit
Voilà ce qui me dérange le plus profondément. Il n’y a pas de corps. Pas de noms. Pas de visages. Pas d’identité. Trump tue des gens dans l’obscurité absolue. Les vidéos montrent des bateaux—pas des êtres humains. Les mots parlent de « narco-terroristes »—pas de pères, de mères, de fils, de filles. On ne sait rien d’eux. D’où ils viennent. Qui ils sont. Si c’étaient vraiment des trafiquants ou juste des pauvres gars qui acceptaient un travail bien payé sur un bateau. Parce qu’en Amérique latine? Accepter de piloter un bateau pour les cartels, c’est survie. C’est le salaire d’une année en une semaine. C’est la seule opportunité. Donc oui, probablement des gens impliqués dans le trafic. Probablement. Mais—et c’est crucial—probablement pas des « terroristes » au sens où on entend le mot. Pas des planificateurs. Pas des idéologues. Pas des décideurs. Juste des travailleurs. Des ouvriers de la chaîne de drogue mondiale. Et ils méritaient un procès. Une chance. Une vérité. Même s’ils avaient tort. Même s’ils culpabilité était absolue. Ils méritaient plus qu’une vidéo qui brûle.
Trump dit qu’il les a sauvés. Qu’il a évité que la drogue ne tue 25 000 Américains cette année. C’est peut-être vrai. Mais c’est pas comment tu construis une civilisation. C’est comment tu la détruit. C’est comment tu dis—explicitement—que les lois ne s’appliquent plus. Que les droits sont négociables. Que la procédure est morte. Que l’exécution extrajudiciaire est acceptée. Et une fois que tu dis ça? Une fois que tu franchis cette ligne? Où est-ce que ça s’arrête? Les bateaux de drogue? Ou les organisations de défense des droits de l’homme? Ou les journalistes qui le critiquent? Ou les politiciens qui s’opposent? Où est la limite? Trump dit qu’il n’y en a pas. Et ça, c’est le signe d’une démocratie qui meurt. Lentement. Puis tout à coup.
Les juges qui regardent sans rien faire
Pendant ce temps, où est la justice? Où est le pouvoir judiciaire? Les tribunaux américains pourraient arrêter ça. Ils pourraient dire que c’est illégal. Que c’est anticonstitutionnel. Que c’est contraire à la Déclaration universelle des droits de l’homme dont les États-Unis ont signé. Mais ils ne le font pas. Pourquoi? Parce que Trump a nommé trois juges à la Cour suprême. Parce que les tribunaux fédéraux sont remplis de juges désignés par des républicains. Parce que la théorie du « pouvoir exécutif fort » est dominate. Parce qu’on a accepté—silencieusement, graduellement, fatalement—que le président peut faire à peu près n’importe quoi au nom de la « sécurité nationale. » Des appels? Quelques-uns. Des démocrates au Congrès qui demandent une investigation? Oui. Mais pas d’action. Pas de blocage. Pas d’injonction de la Cour suprême qui dit « arrête maintenant. » C’est un vide juridique. Un puits. Et Trump le remplit avec du béton.
La leçon pour le reste du monde
Et c’est là que je veux te laisser. Avec cette pensée. Avec ce malaise. Trump bombardant des bateaux sans approbation du Congrès n’est pas une anomalie. C’est un signal. C’est Trump qui teste les limites. C’est Trump qui regarde autour de lui et se demande—« jusqu’où je peux aller? » Et chaque jour où personne n’arrête? C’est un oui. Silencieux. Institutionnel. Mais oui. Oui, tu peux bombarder des bateaux. Oui, tu peux tuer sans procès. Oui, tu peux humilier les alliés. Oui, tu peux repousser les limites. Et le jour où les limites n’existent plus? Le jour où il n’y a plus de « non »? Voilà quand le vrai problème arrive. Voilà quand la démocratie ne sauve pas. Voilà quand la Colombie regarde depuis dehors. Et quand Petro crie dans le vide.
Trump bombarde sans limite : neuf strikes, zéro transparence, le Congrès regarde