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Dix frappes, 43 morts, zéro approbation du Congrès

Les chiffres parlent d’eux-mêmes avec une clarté brutale. Depuis le 2 septembre, l’armée américaine a mené au moins dix frappes aériennes confirmées contre des bateaux présumés transporteurs de drogue. Le bilan officiel : 43 personnes tuées. Mais ce décompte pourrait être incomplet — certaines sources suggèrent que des victimes colombiennes figurent parmi les morts, soulevant des questions sur l’identité réelle des personnes à bord de ces embarcations. Le secrétaire à la Défense Pete Hegseth annonce chaque frappe avec une rhétorique guerrière standardisée : « narcoterroristes neutralisés », « quantités importantes de stupéfiants », « poison mortel empêché d’atteindre nos côtes ». Mais derrière cette langue de bois militaire se cache une réalité troublante : personne ne sait vraiment qui étaient ces 43 personnes.

Rand Paul martèle cette question avec une insistance dévastatrice : « Personne n’a donné leur nom, personne n’a présenté de preuves, personne n’a dit s’ils étaient armés. » Comment peut-on justifier la mort de quelqu’un sans même établir publiquement son identité ou ses crimes présumés ? L’administration Trump a classifié les cartels de drogue comme organisations terroristes et affirme que les États-Unis sont engagés dans un « conflit armé » contre eux — une désignation légale qui permet l’usage de la force militaire sans les contraintes du droit pénal ordinaire. Mais cette transformation juridique d’un problème de trafic de drogue en guerre contre le terrorisme contourne précisément les protections constitutionnelles que les Pères fondateurs ont inscrites dans la Charte : seul le Congrès peut déclarer la guerre.

L’extension géographique vers le Pacifique

Si les premières frappes se concentraient dans les Caraïbes, au large du Venezuela, la campagne s’est récemment étendue au Pacifique — un élargissement géographique qui signale une escalade majeure dans la portée de l’opération. Cette expansion suggère que l’administration Trump ne cible plus uniquement les routes de trafic vénézuéliennes, mais élargit sa définition de ce qui constitue une menace liée aux cartels. Chaque nouvelle zone géographique ajoutée au théâtre d’opérations augmente les risques de conflits accidentels avec d’autres nations, d’incidents diplomatiques, et de dérapages incontrôlés vers des confrontations militaires imprévues.

Les républicains qui commencent à exprimer leur malaise soulignent précisément ce risque d’escalade. Le sénateur Mike Rounds, membre du Comité des services armés, insiste : « Nous avons des responsabilités de supervision, et nous nous attendons à obtenir des réponses à nos questions. » Cette formulation diplomatique dissimule à peine l’inquiétude sous-jacente : le Congrès est censé surveiller les opérations militaires, mais il a été complètement contourné dans cette campagne. Les frappes ont commencé en septembre sans consultation préalable, sans autorisation législative, sans débat public sur leur légalité ou leur sagesse stratégique. L’administration a simplement agi, présentant le Congrès et le peuple américain devant un fait accompli militaire.

La menace d’expansion vers des frappes terrestres au Venezuela

Mais ce qui terrorise vraiment les critiques républicains, c’est ce qui pourrait venir ensuite. Trump a clairement laissé entendre que la campagne pourrait s’étendre au-delà de la destruction de bateaux en mer pour inclure des frappes terrestres sur le territoire vénézuélien lui-même. Le sénateur Lindsey Graham, toujours prompt à soutenir les aventures militaires trumpiennes, a déclaré sur CBS News que les frappes terrestres au Venezuela étaient « une vraie possibilité » et que Trump avait décidé qu’il était temps pour le président Nicolás Maduro de « partir ». Cette rhétorique de changement de régime évoque immédiatement les guerres désastreuses d’Irak et de Libye, où les interventions américaines visant à renverser des dictateurs ont plongé des régions entières dans le chaos prolongé.

Le Venezuela n’est pas l’Irak ou la Libye. C’est un pays avec des réserves pétrolières parmi les plus importantes au monde, une population de près de 30 millions d’habitants, et des alliances avec la Russie et la Chine. Maduro, réélu dans ce que les experts indépendants qualifient d’élection frauduleuse, a dénoncé une « agression armée » des États-Unis et accusé Washington d’utiliser le trafic de drogue comme prétexte pour s’emparer du pétrole vénézuélien. Qu’on considère Maduro comme un dictateur corrompu ou non, son analyse du prétexte n’est pas dénuée de fondement historique : les États-Unis ont une longue tradition d’interventions militaires en Amérique latine justifiées par diverses rhétoriques mais souvent motivées par des intérêts économiques et géopolitiques. L’envoi du porte-avions Gerald Ford et de destroyers équipés de missiles dans la région ne fait qu’amplifier les craintes d’une guerre imminente.

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