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Sept mille emplois rayés d’un trait de plume

En mars 2025, l’Administration de la sécurité sociale a annoncé son intention de réduire ses effectifs de cinquante-sept mille à cinquante mille employés — une diminution de sept mille postes, soit environ douze pour cent de sa main-d’œuvre totale. Cette décision, présentée comme une mesure de modernisation et d’efficacité, s’inscrit dans le cadre des ordres exécutifs de Donald Trump visant à réduire drastiquement la fonction publique fédérale. L’agence a d’abord proposé un programme de départ différé et de retraite anticipée volontaire à un nombre limité d’employés, puis a étendu ces offres à l’ensemble du personnel. Les paiements incitatifs de séparation volontaire ont été offerts selon le principe du premier arrivé, premier servi — une course macabre où les employés les plus expérimentés, ceux qui possèdent des décennies de connaissance institutionnelle, ont été encouragés à partir immédiatement.

Mais les départs volontaires ne suffisaient pas. L’agence a clairement indiqué que des licenciements forcés suivraient, incluant l’abolition pure et simple d’organisations et de postes entiers. Les régions administratives — autrefois dix bureaux régionaux répartis à travers le pays — ont été réduites à quatre. La structure organisationnelle au siège a été révisée, passant d’un système complexe à seulement sept organisations au niveau de commissaire adjoint. Ces changements ont été justifiés par le besoin d’éliminer les « couches redondantes de gestion » et de réduire le « travail non essentiel à la mission ». Mais pour les millions d’Américains qui dépendent de la sécurité sociale — plus de soixante-dix millions de bénéficiaires — ces euphémismes bureaucratiques se traduisent par une réalité brutale : il n’y a tout simplement plus assez de personnes pour répondre aux téléphones, traiter les demandes, résoudre les problèmes. Le système s’est effondré sous son propre poids.

L’exode massif des travailleurs fédéraux

Les coupes n’ont pas seulement réduit les effectifs par décision administrative — elles ont déclenché ce que les observateurs décrivent comme un exode en masse des employés fédéraux. Selon un rapport de Yahoo Finance publié fin octobre 2025, les travailleurs fédéraux quittent leurs postes en masse, et les effets commencent à se propager bien au-delà de Washington. L’Administration de la sécurité sociale, déjà confrontée à des pénuries chroniques de personnel avant les ordres de Trump, a vu ses rangs se vider à un rythme alarmant. Les examinateurs de handicap — ces spécialistes formés qui évaluent les demandes d’assurance-invalidité de la sécurité sociale et de revenu de sécurité supplémentaire — sont particulièrement touchés. Leur travail exige une expertise considérable, des années de formation pour comprendre les réglementations médicales complexes, les critères d’éligibilité, les protocoles d’évaluation.

Lorsque ces travailleurs expérimentés partent, ils emportent avec eux des décennies de savoir institutionnel. Les nouveaux employés, s’il y en a pour les remplacer, doivent être formés — un processus qui prend des mois, voire des années pour atteindre le niveau de compétence des vétérans. Mais il n’y a pas de nouveaux employés. Les embauches sont gelées. Les processus de recrutement sont au point mort. Résultat : les demandes s’accumulent, les arriérés gonflent, les délais d’attente explosent. En juillet 2025, près d’un million de personnes attendaient des décisions concernant leurs prestations d’invalidité — le résultat de décennies de sous-financement aggravé par ces nouvelles coupes. Les demandeurs d’assurance-invalidité attendent maintenant en moyenne sept mois pour une détermination d’éligibilité initiale, soit le double du temps d’attente d’avant la pandémie.

La fermeture des bureaux régionaux

Simultanément aux réductions de personnel, l’Administration de la sécurité sociale a annoncé la fermeture de plusieurs bureaux régionaux à travers le pays. Cette décision, justifiée par le besoin de consolider les opérations et de réduire les coûts immobiliers, crée des déserts de service dans de vastes régions géographiques. Pour les Américains ruraux, les personnes âgées sans véhicule, les personnes handicapées à mobilité réduite, ces fermetures représentent des obstacles pratiquement insurmontables. Où étaient autrefois des bureaux accessibles à quelques kilomètres, il faut maintenant parcourir des dizaines, parfois des centaines de kilomètres pour atteindre le bureau le plus proche. Et même en arrivant, les temps d’attente sur place sont devenus astronomiques — les rendez-vous doivent être pris par téléphone après une attente moyenne de deux heures, et les créneaux disponibles sont réservés plus d’un mois à l’avance.

Le Center on Budget and Policy Priorities a publié un rapport accablant montrant que les nouvelles restrictions de service téléphonique imposées par l’administration Trump et le Department of Government Efficiency obligeront les gens à effectuer plus de 1,93 million de déplacements supplémentaires vers les bureaux de la sécurité sociale sous-staffés chaque année. Même sans trafic, ces déplacements additionnels entraîneront plus d’un million d’heures perdues en déplacements inutiles annuellement. Pour les personnes âgées vivant avec des revenus fixes, chaque déplacement représente un coût financier — essence, transport public, parfois même la nécessité d’embaucher quelqu’un pour les conduire. Pour les personnes souffrant de conditions médicales chroniques, chaque déplacement représente une épreuve physique. Ces coûts — financiers, temporels, physiques, émotionnels — ne figurent jamais dans les calculs d’efficacité bureaucratique. Ils sont invisibles, externalisés, transférés silencieusement sur les épaules des citoyens les plus vulnérables.

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