Truth Social : l’aveu qui change tout
2 octobre 2025, Truth Social. Donald Trump publie le message le plus révélateur de sa présidence : « Je rencontre Russ Vought pour déterminer quelles Agences démocrates nous pourrions réduire de façon temporaire ou permanente. Je n’arrive pas à croire que les démocrates radicaux de gauche m’ont donné cette opportunité sans précédent ! » L’aveu direct : utiliser le shutdown pour détruire définitivement l’État démocrate. Trump remercie ironiquement les démocrates de lui permettre de « MAKE AMERICA GREAT AGAIN rapidement et silencieusement » — référence directe au Project 2025 qu’il avait nié pendant sa campagne électorale. L’homme qui jurait ne rien connaître de ce programme radical l’applique désormais ouvertement. La dissimulation électorale cède la place à l’application gouvernementale assumée.
Cette confession révèle la transformation du shutdown en révolution conservatrice permanente. Trump ne cherche plus à rouvrir le gouvernement — il veut le reconstruire selon ses obsessions idéologiques. Chaque jour de fermeture devient une opportunité de destruction irréversible de l’héritage démocrate dans l’administration fédérale. Le shutdown comme méthode de refondation autoritaire de l’État américain. Tous les électeurs modérés qui avaient cru à sa « distance » avec le Project 2025 découvrent qu’ils ont été dupés. Trump applique exactement le programme qu’il prétendait ignorer — destruction de l’État fédéral, purges administratives, révolution conservatrice. La démocratie américaine victime d’une gigantesque escroquerie électorale. La Heritage Foundation, conceptrice du Project 2025, peut savourer sa victoire : son programme s’applique intégralement sous la direction de Russell Vought, son ancien cadre.
Russell Vought : l’architecte de la punition collective
Russell Vought — ancien théoricien du Project 2025 — orchestre méthodiquement cette offensive anti-démocrate depuis les coulisses de la Maison Blanche. « Près de 8 milliards de dollars de financement Green New Scam alimentant l’agenda climatique de la gauche est annulé », tweete-t-il avec cette satisfaction bureaucratique du fonctionnaire qui exécute les basses œuvres trumpiennes. L’homme qui a planifié la destruction de l’État fédéral peut enfin mettre ses théories en pratique. Cette orchestration révèle la préméditation de cette guerre économique contre les États démocrates. Vought n’improvise pas — il applique une stratégie mûrement réfléchie de déstabilisation financière des territoires hostiles à Trump. Chaque dollar gelé frappe précisément là où cela fait mal : transport, environnement, infrastructure — les secteurs vitaux de l’économie démocrate urbaine.
Vought incarne cette technocratie pervertie qui met l’expertise administrative au service de la destruction administrative. Ancien théoricien, il applique désormais ses théories avec l’efficacité redoutable d’un professionnel qui connaît intimement les rouages du système qu’il sabote. L’État détruit par ses propres experts — l’ironie ultime de la démocratie américaine. Cette perversion révèle les failles structurelles du système américain face à l’autoritarisme interne : comment se défendre contre des ennemis qui maîtrisent parfaitement les règles démocratiques pour mieux les détourner ? Vought ne viole pas la loi — il l’exploite cyniquement pour détruire l’esprit démocratique. Une sophistication autoritaire qui révèle l’évolution des menaces contre la démocratie : plus subtiles, plus légales, plus efficaces que les coups d’État traditionnels.
La Heritage Foundation : quarante ans de patience récompensés
La Heritage Foundation — conceptrice du Project 2025 — peut savourer sa victoire posthume : son programme de destruction de l’État fédéral s’applique intégralement sous la direction de Russell Vought, son ancien cadre. Tous les think tanks conservateurs qui ont théorisé pendant des décennies la révolution anti-étatique voient leurs rêves se réaliser en temps réel sous leurs yeux ébahis. Cette réalisation révèle la patience stratégique du mouvement conservateur radical : infiltrer l’administration, former les cadres, attendre l’occasion, puis frapper massivement quand l’opportunité se présente. Le shutdown devient l’occasion rêvée d’appliquer 40 ans de théories anti-gouvernementales. Une révolution bureaucratique menée par des bureaucrates formés pour détruire la bureaucratie — l’ironie ultime du système américain.
Pendant sa campagne 2024, Trump avait multiplié les dénégations. « Je ne connais rien du Project 2025. » « Ce n’est pas mon programme. » « La Heritage Foundation fait son travail, moi le mien. » Des millions d’électeurs modérés ont voté pour lui en croyant ces mensonges. Ils pensaient élire un républicain classique, pas un révolutionnaire conservateur prêt à détruire l’État fédéral. Maintenant, ils découvrent la supercherie. Trump applique méthodiquement le programme qu’il prétendait ignorer. Chaque page du Project 2025 devient réalité administrative. Et les électeurs trompés ? Ils paient le prix de leur naïveté. Leurs services publics disparaissent. Leurs infrastructures se délabrent. Leur gouvernement les abandonne. Tout ça parce qu’ils ont cru qu’un homme qui mentait depuis 50 ans dirait soudainement la vérité.
Les démocrates piégés dans l'impasse
Chuck Schumer : otage de la menace AOC
Pour comprendre pourquoi Schumer tient bon aujourd’hui, il faut revenir à mars 2025. À l’époque, le Congrès faisait face à une échéance budgétaire similaire. Trump menaçait de laisser le gouvernement se fermer. Schumer, fidèle à sa réputation de négociateur pragmatique, a décidé de voter avec les républicains pour adopter une résolution budgétaire temporaire qui maintenait les niveaux de financement existants et évitait le shutdown. Il a entraîné neuf autres sénateurs démocrates avec lui. Sur le moment, ça semblait raisonnable. Mais la réaction a été brutale. AOC l’a critiqué publiquement, l’accusant de céder trop facilement face à Trump. Bernie Sanders a exprimé sa « déception ». Le leader démocrate à la Chambre, Hakeem Jeffries, a refusé de dire qu’il avait « confiance » en Schumer — un camouflet public humiliant.
En avril 2025, un sondage réalisé par Data For Progress a fait l’effet d’une bombe. Dans une primaire hypothétique pour le Sénat de New York en 2028, Alexandria Ocasio-Cortez menait Chuck Schumer par dix points — 48 % contre 38 % parmi les électeurs démocrates probables. Dix points. Pour un leader historique du Sénat, en poste depuis des décennies, contre une représentante de quatrième mandat. C’est un effondrement. Schumer, soixante-quatorze ans, symbole de l’establishment démocrate, faisait face à la perspective très réelle d’être détrôné par la star montante de la gauche progressiste. Et tout ça à cause de ce vote de mars. Parce qu’il avait cédé trop vite. Parce qu’il n’avait pas tenu tête à Trump. Les républicains ont sauté sur l’occasion. Le vice-président JD Vance a déclaré publiquement que Schumer était « terrifié » par une primaire d’AOC et que c’était pour ça qu’il laissait maintenant le gouvernement se fermer.
L’Affordable Care Act : l’enjeu qui change tout
Cette fois, contrairement aux shutdowns précédents, les démocrates ont une cause claire et compréhensible. Ils exigent que le Congrès renouvelle les subventions renforcées de l’Affordable Care Act — ces aides financières adoptées pendant la pandémie sous Biden qui ont permis à des millions d’Américains supplémentaires d’accéder à une assurance santé abordable. Actuellement, près de 24 millions de personnes sont inscrites aux marchés d’assurance de l’ACA. Mais ces subventions expirent le 31 décembre 2025. Si le Congrès ne les renouvelle pas, les primes d’assurance vont exploser. Selon une analyse de KFF, les personnes qui achètent leur assurance sur les marchés de l’ACA et reçoivent une aide financière verront leurs primes augmenter de 114 % en moyenne — passant de 888 dollars en 2025 à 1 904 dollars en 2026.
Le 1er novembre est la date où commence l’inscription ouverte pour les plans d’assurance de l’ACA dans la plupart des États. Si les subventions ne sont pas renouvelées d’ici là, les primes affichées sur les sites d’inscription seront beaucoup plus élevées. Des millions d’Américains vont se connecter pour renouveler ou souscrire une assurance… et découvrir que leurs coûts ont doublé. Ils vont immédiatement blâmer le Congrès. Et puisque les républicains contrôlent les deux chambres et la Maison-Blanche, ils savent qui sera pointé du doigt. Les démocrates jouent avec le calendrier. Ils savent que chaque jour qui passe rapproche du 1er novembre. Et que Trump ne peut pas se permettre politiquement de laisser les primes exploser juste avant les élections de mi-mandat de 2026. Melinda Buntin, professeure à Johns Hopkins, l’a dit clairement : « Si l’inscription ouverte commence et que ces subventions ne sont pas approuvées, les gens vont voir leurs primes grimper. Et ils vont être furieux. »
Hakeem Jeffries : l’impuissance de l’opposition
Hakeem Jeffries — leader démocrate de la Chambre — attaque personnellement Russell Vought : « Il est l’enfant-affiche du privilège et de la médiocratie. Dégage ! » Une colère qui révèle la frustration de l’impuissance démocrate face à un bureaucrate qui détruit méthodiquement l’héritage de leurs prédécesseurs. Jeffries découvre que sa circonscription new-yorkaise paie le prix de sa résistance politique. Cette personnalisation révèle la dégradation du débat politique américain sous Trump : les dirigeants démocrates réduits aux attaques ad hominem faute de pouvoir institutionnel effectif. Jeffries ne peut pas protéger ses électeurs — il ne peut que insulter celui qui les punit. Une régression démocratique qui transforme les leaders d’opposition en opposants impuissants réduits à l’invective.
Chuck Schumer dénonce l’instrumentalisation des citoyens par Trump : « Il utilise les New-Yorkais et les habitants du New Jersey comme pions, provoquant de la douleur sur le pays comme chantage. C’est dégoûtant. » L’impuissance du leader démocrate face au rouleau compresseur budgétaire trumpien révèle les limites de la résistance institutionnelle classique. Cette impuissance révèle l’asymétrie des moyens entre pouvoir exécutif et opposition parlementaire dans le système américain. Schumer peut protester, dénoncer, s’indigner — il ne peut pas empêcher Vought de geler les financements fédéraux. L’architecture constitutionnelle américaine impuissante face à un président qui instrumentalise ses pouvoirs pour punir l’opposition. La démocratie américaine découvre ses failles structurelles. Les républicains ont une histoire de promettre des négociations après la réouverture… puis de ne rien tenir.
750 000 fonctionnaires en otages
Deuxième jour sans salaire : l’arme sociale
750 000 fonctionnaires fédéraux — du FBI à la NASA — entament leur seizième jour de chômage technique sans certitude de remboursement futur. Contrairement aux shutdowns précédents où le Congrès garantissait le paiement rétroactif, Trump menace explicitement de licenciements définitifs si la crise se prolonge. JD Vance annonce froidement que « des licenciements pourraient commencer dans quelques jours ». L’arme sociale ultime pour briser la résistance démocrate. Cette menace révèle la transformation des fonctionnaires fédéraux en otages de la guerre budgétaire trumpienne. Ces agents — policiers, douaniers, scientifiques, administrateurs — découvrent que leur emploi dépend désormais de la capitulation démocrate face aux exigences trumpiennes. Une pression sociale qui vise à retourner l’opinion publique contre les démocrates « responsables » du shutdown.
Le représentant républicain Nick LaLota, de New York, a soulevé une question cruciale : « L’action de Trump à la mi-octobre est une bonne nouvelle pour la communauté militaire. Mais maintenant, cette même communauté s’inquiète de ce qui se passera fin octobre, quand les hypothèques, les loyers et les paiements de voiture seront dus. » La décision de Trump couvre le paiement du 15 octobre — celui qui était censé arriver cette semaine. Mais qu’en est-il du prochain paiement, fin octobre ? Le speaker Johnson a averti que le Pentagone pourrait « manquer de fonds » pour payer les militaires si le shutdown continue jusqu’au 31 octobre. Où Trump trouvera-t-il l’argent alors ? Il ne peut pas indéfiniment puiser dans les budgets de recherche et développement sans conséquences. Ces budgets financent des projets critiques — nouveaux systèmes d’armes, technologies de défense avancées, cybersécurité.
Site web HUD : propagande gouvernementale assumée
Le département du Logement transforme son site officiel en tribune anti-démocrate : « Les démocrates radicaux de gauche bloquent le financement gouvernemental. » L’administration fédérale violant ouvertement la loi Hatch qui interdit l’usage des ressources publiques à des fins partisanes. Agriculture, Trésor, État, Justice — tous les ministères transformés en agences de propagande trumpienne. Cette violation révèle l’effondrement de la neutralité administrative sous Trump. L’État fédéral ne sert plus tous les citoyens équitablement — il devient instrument de guerre politique au service du président. Chaque site gouvernemental transformé en outil de campagne permanente contre l’opposition démocrate. L’administration Trump ne gouverne plus — elle fait de la propagande avec les deniers publics.
Scott Turner, secrétaire au Logement, assume la violation de la loi Hatch : les critiques viennent des « démocrates et de l’extrême gauche » qui tentent de détourner l’attention de leurs « actions irresponsables ». Un membre du cabinet qui nie ouvertement la légalité de ses actes — révélant l’ampleur de la dérive autoritaire trumpienne qui se place au-dessus des lois fédérales. Cette arrogance révèle la mentalité trumpienne face à la légalité : les lois n’existent que pour gêner les adversaires, pas pour contraindre les partisans. Turner viole la loi Hatch parce qu’il sait qu’aucune sanction réelle ne le menace dans un système où l’exécutif contrôle sa propre police. L’État de droit américain réduit à une fiction décorative par l’impunité gouvernementale organisée.
Vous savez ce qui me frappe le plus dans tout ça ? Ce n’est pas la corruption. Ce n’est pas l’autoritarisme. C’est l’impunité totale. Turner viole la loi Hatch en direct, devant des millions de témoins, et… rien. Personne pour l’arrêter. Personne pour le sanctionner. Il sourit, il tweete, il continue. Parce qu’il sait que dans l’Amérique de Trump, la loi ne s’applique qu’aux ennemis. Les alliés peuvent tout faire. Et c’est comme ça qu’une démocratie meurt : pas dans un coup d’État spectaculaire, mais dans cette érosion quotidienne où chaque transgression normalisée prépare la suivante.
Les employés civils laissés pour compte
Mais voici la question clé que personne ne pose assez fort : pourquoi les militaires méritent-ils d’être payés pendant le shutdown, mais pas les employés civils fédéraux ? Pourquoi un soldat reçoit son salaire, mais pas un chercheur médical au CDC ? Pas un agent du Trésor qui traite vos déclarations fiscales ? Pas un inspecteur de la sécurité alimentaire qui protège votre santé ? La réponse est politique. Trump sait qu’il ne peut pas se permettre de ne pas payer les militaires. Ce serait un suicide politique. Les militaires et leurs familles forment une base électorale importante, surtout pour les républicains. Mais les employés civils ? Beaucoup travaillent dans des « agences démocrates » que Trump veut couper. Alors il les laisse sans salaire. C’est cynique. C’est injuste.
Pourtant, ces employés civils font un travail tout aussi essentiel. Ils protègent la santé publique. Ils luttent contre la fraude financière. Ils gèrent les parcs nationaux. Ils aident les vétérans à obtenir leurs prestations. Mais pour Trump, ils sont invisibles. Ou pire, ils sont des ennemis. Pour les employés fédéraux, cette situation est catastrophique. Imaginez travailler pendant des années dans le service public — souvent pour un salaire inférieur à ce que vous pourriez gagner dans le secteur privé — parce que vous croyez en la mission. Et puis, tous les quelques années, votre gouvernement vous dit : « Désolé, on ne peut pas vous payer ce mois-ci. Mais continuez à travailler quand même. Ou restez chez vous sans salaire. Et on ne sait pas quand ça va se terminer. » C’est une humiliation. C’est une trahison. Et ça pousse les meilleurs talents à fuir le service public.
Les républicains piégés dans leur propre stratégie
Mike Johnson prédit le plus long shutdown de l’histoire
Le speaker de la Chambre, Mike Johnson, a fait une déclaration inquiétante en début de semaine : « Nous nous dirigeons vers un des shutdowns les plus longs de l’histoire américaine. » Le record actuel ? 35 jours, établi lors du shutdown de décembre 2018 à janvier 2019 sous Trump. Ce shutdown-ci en est à 16 jours. Si Johnson a raison, nous pourrions être bloqués jusqu’en novembre… voire au-delà. Mais Johnson ne semble pas avoir de stratégie pour sortir de l’impasse. Il a prolongé la pause parlementaire de la Chambre jusqu’au 19 octobre, affirmant qu’il ne négocierait pas tant que les démocrates n’abandonneraient pas leurs « demandes ridicules » sur la santé. C’est une impasse totale. Les républicains refusent de négocier. Les démocrates refusent de céder.
Le leader républicain au Sénat, John Thune, a finalement fait une offre aux démocrates. Il a proposé de tenir un vote sur l’extension des subventions de l’ACA… mais seulement après que le gouvernement soit rouvert. « Rouvrez le gouvernement, et ensuite nous négocierons sur la santé », a-t-il dit. C’est exactement la même tactique que les républicains ont utilisée lors de précédents shutdowns. Et ça n’a jamais fonctionné. Les démocrates ont rejeté l’offre immédiatement. Schumer a répondu : « Nous ne vous faisons plus confiance. Vous avez promis de négocier en mars, et vous n’avez rien fait. Cette fois, nous négocions maintenant, ou pas du tout. » Et il a raison. Les républicains ont une histoire de promettre des négociations après la réouverture… puis de ne rien tenir. Cette fois, Schumer refuse de tomber dans le piège.
Thom Tillis : l’inquiétude républicaine modérée
Révélateur : le sénateur républicain Thom Tillis exprime ses inquiétudes face au gel des financements new-yorkais : « Ils doivent faire attention avec ça, parce que ça peut créer un environnement toxique ici. » Même certains républicains comprennent que la vindicte trumpienne va trop loin et risque de compromettre toute négociation future avec les démocrates. Cette inquiétude révèle les limites de la tolérance républicaine face aux excès trumpiens. Tillis incarne cette fraction républicaine « modérée » qui soutient Trump mais s’inquiète de ses méthodes les plus extrêmes. Une voix isolée qui révèle la quasi-soumission du GOP aux obsessions présidentielles. Même les réticences républicaines restent marginales face au rouleau compresseur trumpien.
Même au sein du Parti républicain, des fissures commencent à apparaître. Le sénateur Rand Paul a voté contre la résolution républicaine à plusieurs reprises, estimant qu’elle ne réduit pas assez les dépenses. La sénatrice Lisa Murkowski, de l’Alaska, a publiquement critiqué les licenciements fédéraux pendant le shutdown, les qualifiant d’« inappropriés » et de « punitifs ». La sénatrice Susan Collins, du Maine, a exprimé des préoccupations similaires. Mais ces voix restent minoritaires. La majorité des républicains soutient Trump — ou du moins, refuse de le critiquer publiquement. Ils espèrent que la pression finira par forcer les démocrates à céder. Lindsey Graham, habituellement un allié fidèle de Trump, a admis sur « Meet the Press » que le shutdown de 2018-2019 sur le mur frontalier n’avait rien accompli.
Tillis m’intéresse. Pas parce qu’il est courageux — il ne l’est pas. Mais parce qu’il représente cette catégorie de républicains qui comprennent intellectuellement que Trump détruit leur parti tout en étant politiquement incapables de s’y opposer. Ils voient l’iceberg. Ils savent que le navire va couler. Mais ils continuent de sourire, de voter, d’applaudir. Par lâcheté ? Par calcul ? Par résignation ? Probablement les trois. Et c’est comme ça qu’un parti de Lincoln devient le parti de Vought : par l’accumulation de petites lâchetés individuelles qui finissent par former une capitulation collective.
Les conséquences à long terme
Les shutdowns comme arme politique permanente
Ce qui est le plus inquiétant dans cette crise, ce n’est pas le shutdown lui-même. C’est ce qu’il représente. Depuis les années 1990, les shutdowns gouvernementaux sont devenus de plus en plus fréquents et de plus en plus longs. Avant 1995, ils duraient quelques heures ou quelques jours tout au plus. Maintenant, ils durent des semaines. Et ils sont utilisés comme armes politiques — des outils pour forcer l’autre camp à céder sur des questions qui n’ont souvent rien à voir avec le budget lui-même. En 2013, les républicains ont fermé le gouvernement pour tenter de défaire l’Affordable Care Act. En 2018-2019, Trump l’a fermé pour obtenir des fonds pour son mur frontalier. Maintenant, en 2025, c’est une bataille sur les subventions de santé.
À chaque fois, les enjeux augmentent. Les durées s’allongent. Les conséquences s’aggravent. Et la norme change. Nous acceptons collectivement que le gouvernement puisse se fermer pendant des semaines comme si c’était normal. Que des centaines de milliers de travailleurs soient utilisés comme otages dans des batailles politiques. Que des services essentiels soient interrompus parce que les adultes à Washington ne peuvent pas se mettre d’accord. C’est toxique. Et ça érode la confiance dans les institutions démocratiques. Pour les employés fédéraux, cette situation est catastrophique. Pourquoi rester dans un emploi fédéral si vous êtes traité comme une variable d’ajustement dans des batailles politiques ? Pourquoi accepter l’instabilité chronique quand vous pourriez avoir un emploi stable dans le secteur privé ? Résultat : les agences fédérales perdent leurs employés les plus compétents.
La confiance dans le gouvernement s’effondre
Les sondages montrent que la confiance des Américains dans le gouvernement fédéral est à un niveau historiquement bas. Moins de 20 % des Américains disent avoir confiance dans le gouvernement pour « faire ce qui est juste la plupart du temps ». Et des situations comme celle-ci ne font qu’aggraver les choses. Quand les gens voient que leurs élus sont incapables de maintenir le gouvernement ouvert — la tâche la plus basique du Congrès —, ils perdent espoir. Ils se disent : « Si ils ne peuvent même pas faire ça, comment peuvent-ils résoudre des problèmes complexes comme le climat, la santé, l’économie ? » Et cette perte de confiance a des conséquences réelles. Elle alimente le populisme. Elle pousse les gens vers des figures autoritaires qui promettent de « nettoyer le marais » et de « tout réparer ».
Quand les citoyens ne croient plus que leur gouvernement peut fonctionner, ils deviennent ouverts à des solutions radicales — y compris des solutions qui sapent les institutions démocratiques elles-mêmes. C’est exactement ce que Trump exploite. Il a construit toute sa carrière politique sur le message que « Washington est brisé » et que seul lui peut le réparer. Et chaque shutdown, chaque crise, chaque dysfonctionnement… renforce ce message. C’est un cercle vicieux. Plus les shutdowns deviennent fréquents, plus les talents fuient, plus la fonction publique s’affaiblit, plus il devient facile pour les politiciens de la dénigrer et de la couper davantage. Et au final, ce sont les citoyens ordinaires qui en pâtissent. Parce que ce sont eux qui dépendent des services fédéraux — inspections alimentaires, sécurité aérienne, recherche médicale, parcs nationaux.
2025-2028 : fenêtre de destruction irréversible
Cette offensive de destruction budgétaire marque le début d’une révolution conservatrice qui pourrait transformer irréversiblement l’Amérique. Chaque jour de shutdown détruit un peu plus l’héritage démocrate, chaque milliard gelé affaiblit durablement l’économie progressive. Si cette méthode « fonctionne » — si les démocrates capitulent —, elle devient la norme : chaque futur président pourra punir économiquement les États hostiles. Cette perspective révèle l’enjeu existentiel de cette crise budgétaire : l’Amérique teste sa capacité de résistance à l’autoritarisme interne. Si elle tolère que son président punisse 16 États pour leur vote, elle accepte la transformation de la démocratie en dictature élue. Si elle résiste, elle pourrait encore sauver l’idée fédérale d’égalité territoriale.
L’issue de ce shutdown déterminera si l’Amérique de 2028 ressemblera encore à celle de 1776 — ou à n’importe quelle république bananière où l’État récompense les fidèles et châtie les rebelles. Russell Vought et ses 26 milliards de vengeance testent la démocratie américaine — et découvrent qu’elle peut mourir de ses propres mains, légalement, démocratiquement, bureaucratiquement. La mort la plus hypocrite qui soit : l’autodestruction déguisée en révolution. Ce qui change maintenant, c’est que nous entrons dans une nouvelle ère de la politique américaine. Une ère où les shutdowns ne sont plus des événements rares et exceptionnels, mais des outils routiniers de confrontation politique. Une ère où aucun des deux partis ne recule, où chacun attend que l’autre craque en premier, où les citoyens ordinaires sont pris en otages dans des batailles qu’ils n’ont pas choisies.
Conclusion
Ce qu’il faut retenir : guerre civile économique
Alors, pourquoi les démocrates ne piquent-ils pas de crise face à la décision de Trump de payer les militaires mais pas les civils ? Parce qu’ils ont fait le calcul politique. Ils savent que cette décision est populaire — personne ne veut que les soldats ne soient pas payés. Mais ils savent aussi qu’elle ne change rien au fond du problème. Trump essaie de limiter les dégâts politiques du shutdown en protégeant les militaires. Mais ça ne rouvre pas le gouvernement. Ça ne renouvelle pas les subventions de santé. Et surtout, ça ne change pas le fait que 24 millions d’Américains risquent de voir leurs primes d’assurance doubler dans quelques semaines. Les démocrates ont décidé que cette bataille valait la peine d’être menée. Pas par idéalisme. Pas par principe moral. Par calcul politique.
Schumer sait qu’il ne peut plus céder sans signer son arrêt de mort face à une primaire d’AOC. Les démocrates modérés savent que leurs électeurs dépendent des subventions de l’ACA. Et tous savent que chaque jour qui passe rapproche du 1er novembre, date où les conséquences de l’inaction républicaine deviendront visibles pour des millions de personnes. C’est une stratégie risquée. Si le shutdown dure trop longtemps, l’opinion publique pourrait se retourner contre eux. Mais pour l’instant, ils tiennent bon. Ce gel de 26 milliards de dollars révèle la transformation de l’État fédéral américain en instrument de vengeance territoriale. 16 États punis pour avoir mal voté, des millions de citoyens sanctionnés pour les choix de leurs voisins, des projets vitaux sacrifiés pour satisfaire les rancœurs présidentielles. L’Amérique découvre qu’elle peut se faire la guerre économique à elle-même par pur narcissisme politique.
Je me suis souvent demandé comment les grandes démocraties s’effondraient. On imagine toujours des tanks dans les rues, des coups d’État spectaculaires. Mais en réalité, c’est beaucoup plus banal. C’est un bureaucrate qui gèle quelques milliards par ici. Un site web gouvernemental transformé en propagande par là. Des mensonges électoraux qui deviennent politiques publiques. Des opposants traités en ennemis. Des citoyens punis pour leur vote. Rien de dramatique. Rien de cinématographique. Juste cette érosion quotidienne, méthodique, bureaucratique. Et un jour, on se réveille et on réalise qu’on ne vit plus dans le même pays.
Exigez mieux — ou préparez-vous au pire
Que pouvons-nous faire, nous, citoyens ordinaires, face à ce cirque ? D’abord, refusez d’accepter que c’est normal. Un shutdown de 16 jours — et qui pourrait durer bien plus longtemps — n’est pas une fatalité. C’est un choix politique. Les élus des deux partis ont choisi de laisser le gouvernement se fermer plutôt que de négocier sérieusement. Appelez vos représentants. Sénateurs, membres de la Chambre, peu importe leur parti. Dites-leur que vous en avez assez. Que vous voulez qu’ils fassent leur travail. Que vous les tiendrez responsables lors des prochaines élections. Ensuite, soutenez les employés fédéraux. Ce ne sont pas des statistiques. Ce sont des gens avec des familles, des factures, des vies. Si vous connaissez quelqu’un qui travaille pour le gouvernement fédéral et qui n’est pas payé, aidez-le. Même un petit geste compte.
Et enfin, préparez-vous. Parce que si cette crise nous apprend quelque chose, c’est que notre système politique est profondément dysfonctionnel. Et ça ne va pas s’améliorer de sitôt. Les shutdowns vont devenir plus fréquents. Les confrontations plus intenses. Les conséquences plus graves. Nous devons accepter cette réalité et nous y adapter. Parce que sinon, nous serons constamment pris au dépourvu, constamment choqués, constamment déçus. Cette géographie de la punition révèle l’effondrement de l’idée même d’États-Unis — unis dans la diversité, égaux en dignité, solidaires dans l’adversité. Trump balkanise l’Amérique en territoires loyaux et territoires ennemis, transformant le fédéralisme équitable en clientélisme territorial. Une régression qui ramène l’Amérique aux heures les plus sombres de la guerre civile — quand les États se combattaient économiquement avant de s’entretuer militairement. Et franchement, nous méritons mieux que ça.