Un shutdown qui entre dans l’histoire
Depuis le 1er octobre 2025, le gouvernement américain est à l’arrêt. Les négociations entre républicains et démocrates s’enlisent dans un bourbier parlementaire où chacun campe sur ses positions, refusant le moindre compromis. Un texte républicain a échoué pour la neuvième fois au Sénat le 15 octobre, signe que personne ne veut céder un pouce de terrain. Plus de sept cent mille fonctionnaires ont été placés en chômage technique, leur salaire gelé indéfiniment, tandis que près de sept cent mille autres continuent de travailler sans être payés. Seuls les militaires — plus d’un million trois cent mille hommes et femmes — reçoivent leur solde après que Trump a ordonné l’utilisation de fonds spéciaux pour garantir leur rémunération.
Le trafic aérien vacille. Les contrôleurs aériens, les agents de sécurité des transports montrent des signes d’absentéisme croissant. Comment pourrait-il en être autrement quand on travaille sans salaire, quand les factures s’accumulent, quand l’incertitude ronge tout espoir de stabilité ? Ce shutdown devient une catastrophe humanitaire silencieuse, celle qui frappe les travailleurs fédéraux sans que les projecteurs médiatiques ne s’y attardent vraiment. Pendant ce temps, à Washington, les joutes politiques se poursuivent, chaque camp accusant l’autre d’être responsable de cette paralysie mortelle.
Les licenciements comme arme politique
Ce qui rend cette situation encore plus glaçante, c’est que Donald Trump l’assume pleinement. Il a répété à plusieurs reprises qu’il s’en prendrait aux « agences démocrates », ces institutions fédérales qu’il perçoit comme infiltrées par ses opposants politiques. Russell Vought, son bras armé budgétaire, a même déclaré publiquement que ces premières réductions d’effectifs n’étaient qu’un « aperçu » de ce qui restait à venir. L’intention est transparente, presque provocante : profiter du chaos budgétaire pour démanteler des pans entiers de l’administration fédérale, cibler ceux qu’il considère comme des ennemis idéologiques, rayer de la carte des programmes sociaux et environnementaux soutenus par les démocrates.
La juge Illston n’a pas hésité à qualifier ces actes de vengeance politique. « C’est précisément ce que le président Trump a annoncé faire », a-t-elle écrit dans son jugement, soulignant l’aspect inhabituel — pour ne pas dire inédit — de licencier des employés civils durant un shutdown dans le but explicite de punir le parti opposé. Aucune autre administration dans l’histoire américaine n’avait franchi cette ligne rouge. Même lors du précédent shutdown de trente-cinq jours entre 2018 et 2019, sous le premier mandat de Trump, aucun licenciement massif n’avait été ordonné. Cette fois, c’est différent. Plus agressif. Plus dangereux.
Le rôle trouble de Chuck Schumer
Et puis il y a Chuck Schumer, chef des sénateurs démocrates, dont la position semble paradoxale, presque contradictoire. En mars 2025, il avait averti son propre caucus qu’un shutdown donnerait toute liberté à Russell Vought — architecte notoire du Project 2025 — pour tailler dans les programmes fédéraux comme bon lui semble. « Il n’y a pas d’issue de secours », avait-il déclaré alors. « Un shutdown total, comment on l’arrête, c’est entièrement déterminé par la Chambre et le Sénat républicains, et ils ont montré une obéissance aveugle totale à Trump. » Schumer savait. Il avait prédit ce scénario avec une lucidité troublante.
Pourtant, lorsque le moment est venu de voter sur une résolution de financement temporaire en septembre, les démocrates n’ont pas cédé. Schumer a maintenu sa ligne dure, exigeant la prolongation des subventions à l’assurance maladie (les crédits d’impôt de l’Obamacare) en échange de tout accord budgétaire. Les républicains ont refusé net. Le shutdown est devenu inévitable. Aujourd’hui, Schumer dénonce les licenciements comme étant « cruels, non nécessaires, et profondément blessants », affirmant que « personne n’a forcé le gouvernement à effectuer ces licenciements. Ils l’ont fait parce qu’ils le voulaient, point final. » Mais cette indignation sonne creux pour certains observateurs qui se demandent pourquoi il n’a pas joué différemment ses cartes en amont.
La juge qui ose dire non
Une juge nommée par Clinton face à l’empire Trump
Susan Illston n’est pas une inconnue dans le paysage judiciaire américain. Nommée par Bill Clinton en 1995, cette magistrate fédérale a bâti sa carrière sur une réputation de rigueur et d’indépendance. Lors de l’audience du 27 octobre à San Francisco, elle n’a pas caché son opinion sur les méthodes employées par l’administration Trump. « Je pense que je conclurai que ces licenciements sont arbitraires et capricieux », a-t-elle déclaré devant les avocats du ministère de la Justice, « comme en témoigne la manière désordonnée dont ils ont été menés, et qu’ils visaient une vengeance politique. » Ces mots ne laissent aucune place à l’ambiguïté.
Face à elle, Michael Velchik, avocat du département de la Justice, tente de défendre l’indéfendable. Il soutient que les agences fédérales disposent de larges pouvoirs pour licencier lorsqu’elles n’ont plus les fonds nécessaires pour rémunérer leurs employés. Que Trump tient ainsi une promesse de campagne : réduire la taille de la bureaucratie fédérale, cette machine tentaculaire qu’il accuse d’être inefficace et corrompue. Mais Danielle Leonard, avocate des syndicats représentant les employés fédéraux, rétorque avec une logique imparable : « Si c’était le cas, Trump pourrait licencier l’ensemble du gouvernement fédéral pendant une fermeture s’il le souhaitait. » Un argument qui fait mouche.
Les syndicats en première ligne
C’est l’American Federation of Government Employees, qui représente huit cent mille fonctionnaires fédéraux, qui a porté cette affaire devant les tribunaux. Sans cette action en justice, les licenciements auraient continué sans frein, sans contrôle, sans que personne ne puisse s’y opposer légalement. Les syndicats affirment que ces suppressions d’emplois ne constituent pas un « service essentiel » pouvant être exécuté durant un shutdown, et que la paralysie budgétaire actuelle ne justifie en aucun cas des licenciements massifs alors que de nombreux employés sont déjà en congé sans solde.
Cette semaine encore, le syndicat a appelé républicains et démocrates à dépasser leurs différends et à adopter un projet de loi de financement pour permettre aux employés de reprendre le travail. Un appel au calme qui semble tomber dans le vide. À court terme, la décision d’Illston protège les membres syndiqués — mais seulement eux. Le jugement ne s’applique qu’aux adhérents des syndicats plaignants, ce qui laisse potentiellement des milliers d’autres employés non syndiqués vulnérables aux futures vagues de licenciements que Vought promet déjà.
Un processus illégal et chaotique
Ce qui frappe dans ce dossier, c’est le caractère complètement désorganisé des licenciements. Des employés fédéraux reçoivent leur avis de mise à pied sur leur messagerie professionnelle alors qu’ils sont en congé sans solde et n’y ont donc pas accès. D’autres ne savent même pas s’ils sont concernés ou non. Certaines agences ont procédé à des coupes dans leurs effectifs sans aucune évaluation préalable de l’impact sur leurs missions essentielles. « C’est du prêt, feu, visez sur la plupart de ces programmes », avait déclaré Illston lors d’une audience précédente. « Ça a un coût humain… un coût humain qui ne peut être toléré. »
Selon les documents judiciaires, plus de quatre mille cent fonctionnaires répartis dans huit agences différentes ont été informés de leur licenciement avant l’intervention judiciaire du 16 octobre. Sept ministères sont touchés. Les secteurs concernés vont de l’environnement à la santé publique, en passant par l’éducation et les services sociaux — autant de domaines que Trump et ses alliés considèrent comme trop influencés par les politiques démocrates. Russell Vought ne s’en cache pas : l’administration américaine souhaite rester « très agressive lorsqu’il s’agit de s’en prendre à la bureaucratie ».
Les enjeux juridiques et politiques
Une bataille qui monte jusqu’à la Cour suprême
La décision d’Illston n’est que provisoire. Un jugement en référé, autrement dit une mesure d’urgence destinée à stopper immédiatement les procédures en attendant que le tribunal se prononce sur le fond. L’administration Trump a déjà annoncé qu’elle ferait appel. Cette affaire remontera probablement jusqu’à la Cour suprême des États-Unis, où une majorité conservatrice de six juges contre trois pourrait se montrer plus favorable aux arguments de l’exécutif. En juillet 2025, la Cour suprême avait déjà ouvert la voie aux licenciements massifs voulus par Trump en levant une suspension prononcée par un tribunal de Californie.
À l’époque, la plus haute juridiction américaine avait pris soin de préciser que sa décision ne portait pas « sur la légalité des plans de réduction d’effectifs » eux-mêmes, mais uniquement sur le décret présidentiel du 11 février ordonnant aux agences de planifier des réorganisations « conformément à la législation en vigueur ». Une nuance importante, mais qui laisse la porte ouverte à de futures batailles juridiques. Skye Perryman, présidente-directrice générale de Democracy Forward, un groupe juridique progressiste représentant les syndicats, a qualifié la décision d’Illston de « revers majeur » pour ce qu’elle appelle la tentative de Trump de décimer la fonction publique fédérale.
Les républicains campent sur leurs positions
Du côté républicain, aucun signe de recul. Les élus du GOP détiennent la majorité dans les deux chambres du Congrès, mais ils ont besoin d’au moins sept voix démocrates pour faire adopter un projet de loi de financement au Sénat. Or, les démocrates refusent catégoriquement de céder tant que les subventions à l’assurance maladie ne seront pas prolongées. Le sénateur John Cornyn, républicain du Texas, a même déclaré au média The Independent que ses électeurs « aiment l’idée que le gouvernement soit fermé, ils pensent qu’il est de toute façon trop gros ».
Cette attitude révèle une réalité troublante : pour une partie significative de la base républicaine, le shutdown n’est pas une catastrophe à éviter, mais une opportunité à saisir. Une chance de réduire drastiquement la taille de l’État fédéral, de couper dans les programmes sociaux, de remettre en question l’existence même de certaines agences. Trump a clairement dit qu’il imputait la responsabilité de la fermeture aux démocrates, bien qu’aucune autre administration n’ait jamais procédé à des licenciements massifs lors d’un arrêt de financement. C’est une stratégie de tension maximale, où chaque jour qui passe renforce la pression sur les employés fédéraux et leurs familles.
Les victimes oubliées du chaos
Les victimes collatérales d’une guerre idéologique
Derrière les statistiques et les communiqués officiels, il y a des histoires humaines que personne ne raconte vraiment. Des contrôleurs aériens qui travaillent sans salaire en se demandant comment ils vont nourrir leurs enfants. Des scientifiques qui voient leurs recherches sur le changement climatique brutalement interrompues parce que leur agence est considérée comme trop « démocrate ». Des travailleurs sociaux qui ne peuvent plus aider les familles vulnérables parce que leur programme a été identifié comme une cible prioritaire dans la croisade budgétaire de Russell Vought.
Le Bipartisan Policy Center estime que plus de sept cent mille fonctionnaires ont été mis en chômage technique depuis le début du shutdown. Leurs salaires sont gelés indéfiniment. Certains puisent dans leurs économies, d’autres contractent des prêts d’urgence auprès de leur banque ou de leur famille. Les plus vulnérables se tournent vers les banques alimentaires, ces mêmes organisations caritatives qui dépendent parfois de financements fédéraux eux-mêmes gelés. C’est une spirale descendante où chaque jour qui passe aggrave la précarité de ceux qui sont censés faire tourner la machine administrative du pays.
Le Project 2025 en toile de fond
Il est impossible de comprendre cette crise sans évoquer le Project 2025, ce plan élaboré par des think tanks conservateurs pour restructurer radicalement l’État fédéral américain. Russell Vought en est l’un des principaux architectes. Son objectif avoué : démanteler ce qu’il appelle « l’État profond », ces milliers de fonctionnaires qui, selon lui, sabotent les politiques conservatrices depuis des décennies. Le shutdown actuel n’est pas un accident ni un dysfonctionnement du système politique — c’est un outil stratégique pour accélérer la mise en œuvre de ce projet.
Chuck Schumer l’avait compris dès le départ. En mars 2025, il avait prévenu que refuser une résolution de financement temporaire donnerait à Vought et au Department of Government Efficiency (alors dirigé par Elon Musk) toute latitude pour tailler dans les programmes fédéraux sans contrôle parlementaire. « Ils pourraient nous maintenir en shutdown pendant des mois et des mois », avait-il averti. Cette prédiction s’est réalisée avec une précision glaçante. Vingt-huit jours de paralysie et aucun signe que les républicains soient prêts à négocier sérieusement.
L’impact sur les services essentiels
Au-delà des employés directement touchés par les licenciements, c’est l’ensemble des services publics américains qui vacille. Les parcs nationaux sont fermés ou fonctionnent avec un personnel réduit. Les centres de recherche scientifique ont mis leurs projets en pause. Les agences de protection de l’environnement ne peuvent plus effectuer leurs inspections de routine. Les programmes d’aide alimentaire pour les familles à faible revenu sont menacés de suspension. L’administration de la sécurité sociale accumule les retards dans le traitement des dossiers de retraite et d’invalidité.
Et puis il y a le secteur aérien, véritable baromètre de la crise. Les contrôleurs aériens et les agents de sécurité des transports montrent des taux d’absentéisme croissants. Comment leur en vouloir ? Ils travaillent sans être payés, dans des conditions de stress extrême, avec la menace permanente d’un licenciement suspendu au-dessus de leur tête comme une épée de Damoclès. Si cette situation perdure, des perturbations majeures du trafic aérien pourraient survenir, avec des conséquences économiques catastrophiques pour tout le pays.
Les conséquences à long terme
Une décision historique aux conséquences incertaines
La prolongation indéfinie de l’interdiction par la juge Illston marque un tournant décisif dans cette crise. Pour la première fois depuis le début du shutdown, l’administration Trump se heurte à un obstacle juridique qu’elle ne peut pas simplement ignorer ou contourner par décret présidentiel. Les quarante agences fédérales concernées par l’ordonnance d’Illston doivent désormais suspendre tout processus de licenciement en attendant que la justice se prononce sur le fond de l’affaire.
Mais cette victoire des syndicats pourrait être de courte durée. L’administration a déjà annoncé qu’elle ferait appel devant la cour d’appel du neuvième circuit, basée à San Francisco. Si cette juridiction confirme la décision d’Illston, Trump pourrait saisir directement la Cour suprême pour obtenir une suspension d’urgence de l’interdiction. Et là, avec sa majorité conservatrice solidement établie, les chances que la plus haute juridiction américaine donne raison à l’exécutif augmentent considérablement. En attendant, près de dix mille employés fédéraux vivent dans un état d’incertitude totale, ne sachant pas si leur emploi sera toujours là dans une semaine, dans un mois, dans six mois.
Les démocrates piégés dans leur propre stratégie
La position des démocrates dans cette crise mérite qu’on s’y attarde. Chuck Schumer et Hakeem Jeffries, leader démocrate à la Chambre, ont clairement établi leur ligne rouge : pas d’accord budgétaire sans prolongation des subventions à l’assurance maladie. « Annuler le shutdown, réduire les coûts, sauver les soins de santé », martèle Jeffries. Une position moralement défendable, politiquement cohérente, mais qui place les démocrates dans une situation inconfortable.
Car en refusant tout compromis, ils laissent effectivement à Trump et à Vought les mains libres pour mettre en œuvre leur plan de restructuration radicale de l’État fédéral. Schumer le savait. Il l’avait dit à son caucus en mars. Et pourtant, lorsque le moment est venu de voter, les démocrates n’ont pas cédé. Calcul politique ? Principe inviolable ? Ou simple incapacité à anticiper que les républicains iraient jusqu’au bout de leur logique destructrice ? Difficile à dire. Ce qui est certain, c’est qu’aujourd’hui, les employés fédéraux paient le prix de cette guerre d’usure parlementaire où aucun des deux camps ne semble prêt à baisser sa garde.
Un précédent dangereux pour l’avenir
Au-delà de cette crise spécifique, c’est un précédent extrêmement dangereux qui est en train de s’établir. Si l’administration Trump parvient à ses fins — que ce soit par une victoire judiciaire devant la Cour suprême ou par l’épuisement des résistances démocrates —, elle aura démontré qu’un président peut utiliser un shutdown pour licencier massivement des fonctionnaires, contourner les protections légales normalement accordées aux employés fédéraux, et restructurer l’appareil d’État selon ses préférences idéologiques.
Imaginez ce que cela signifierait pour les futures administrations. Un président pourrait déclencher volontairement une crise budgétaire, puis profiter du chaos pour éliminer tous les programmes, toutes les agences, tous les employés qu’il juge politiquement indésirables. La fonction publique fédérale, censée être protégée des aléas politiques pour garantir la continuité de l’État, deviendrait une variable d’ajustement soumise aux caprices de celui qui occupe le Bureau ovale. C’est exactement ce contre quoi la juge Illston s’insurge quand elle parle de licenciements « arbitraires et capricieux » motivés par « une vengeance politique ».
La résistance s’organise
Face à cette offensive sans précédent, les organisations de défense des employés fédéraux se mobilisent. Democracy Forward, l’American Federation of Government Employees, et d’autres groupes juridiques progressistes ont décidé de transformer chaque licenciement en bataille judiciaire. Leur stratégie : inonder les tribunaux de recours, contester chaque décision administrative, forcer l’administration Trump à justifier légalement chacune de ses actions.
Cette approche commence à porter ses fruits. L’interdiction prolongée par Illston en est la preuve la plus éclatante. Mais elle a ses limites. D’abord, elle ne protège que les employés syndiqués, laissant de côté des milliers d’autres travailleurs fédéraux non affiliés à un syndicat. Ensuite, elle dépend entièrement de la bonne volonté de juges individuels, dont les décisions peuvent être renversées en appel. Enfin, elle ne résout pas le problème fondamental : tant que le Congrès ne votera pas un budget, le shutdown continuera, et avec lui l’incertitude qui paralyse toute l’administration fédérale.
Conclusion
Le 27 octobre 2025 restera probablement dans l’histoire comme le jour où une juge fédérale a osé dire non à un président qui pensait pouvoir tout se permettre. Susan Illston, avec son interdiction prolongée indéfiniment, a tracé une ligne rouge que même Donald Trump ne peut franchir sans conséquences juridiques immédiates. Quarante agences fédérales ne peuvent plus procéder aux licenciements prévus. Près de dix mille employés obtiennent un répit — fragile, provisoire, mais réel.
Pourtant, cette victoire a un goût amer. Le shutdown entre dans son vingt-huitième jour. Plus d’un million quatre cent mille fonctionnaires fédéraux vivent sans salaire ou en chômage technique. Les services publics essentiels se dégradent jour après jour. Et pendant ce temps, républicains et démocrates continuent leur guerre d’usure parlementaire, chacun convaincu d’être dans son bon droit, chacun refusant de céder le moindre pouce de terrain. Russell Vought a déjà promis de nouveaux licenciements. Chuck Schumer maintient ses exigences sur l’assurance maladie. Mike Johnson répète que tout dépend des démocrates. Un disque rayé qui tourne en boucle pendant que des vies basculent.
Ce qui se joue ici dépasse largement une simple crise budgétaire. C’est une bataille existentielle pour définir ce que sera l’État américain dans les décennies à venir. Un État réduit à sa plus simple expression, vidé de ses capacités d’intervention, soumis aux fluctuations politiques ? Ou un État capable de maintenir des services publics stables, protégés des vengeances partisanes ? La réponse se dessinera dans les mois qui viennent, au gré des décisions judiciaires, des négociations parlementaires, et peut-être surtout de la capacité des citoyens ordinaires à faire entendre leur voix face à des élites politiques qui semblent avoir oublié pour qui elles travaillent.
En attendant, la juge Illston a fait ce qu’elle pouvait avec les outils dont elle disposait. Elle a rappelé que même en temps de crise, même durant un shutdown, même face à un président déterminé à bousculer tous les codes, l’État de droit existe encore. Que les lois s’appliquent à tout le monde, y compris — et surtout — à ceux qui exercent le pouvoir. C’est peu. C’est insuffisant pour résoudre la crise. Mais dans le climat actuel, où chaque institution semble vaciller sous les coups de boutoir de la radicalisation politique, c’est déjà beaucoup. Peut-être même assez pour empêcher que cette descente aux enfers ne devienne complètement incontrôlable.