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Les associations de presse sonnent l’alarme

Les organisations de défense de la liberté de presse—la Associated Press Editors & Publishers, l’American Society of News Editors, le Committee to Protect Journalists—ont toutes publié des déclarations condamnant ces restrictions. Leurs mots sont forts : « attaque contre la liberté de presse », « anticonstitutionnel », « contraire aux traditions démocratiques ». Mais qu’est-ce que ces déclarations changent, réellement ? Rien. Absolument rien.

C’est ça qui rend la situation si frustrante pour les défenseurs de la presse. Il n’y a pas d’arme juridique facile. Vous pouvez crier à l’injustice. Vous pouvez documenter les abus. Mais contester une décision administrative interne à la Maison Blanche ? C’est presque impossible. Le Président a le droit de gérer son propre personnel, ses propres bâtiments, ses propres règles de sécurité. C’est un droit largement incontestable en jurisprudence américaine.

Quelques journalistes plus hargneux ont tenté des approches légales. Demandes de documents via les lois d’accès à l’information. Menaces de procès. Plaintes auprès de commissions indépendantes. Mais rien n’a vraiment bloqué les restrictions. Elles continuent, tranquilles, systématiques, inexorables.

Les grands médias protestent mais acceptent

Les grands médias américains—The New York Times, The Washington Post, CNN—ont tous protesté officiellement. Mais que font-ils réellement ? Ils s’adaptent. Ils réorganisent leurs équipes. Ils cherchent d’autres angles d’accès. Ils deviennent plus dépendants des communications écrites, des statements officiels, des informations canalisées. C’est exactement ce que voulait l’administration : transformer la presse investigative en transmetteur de messages préparés.

Il y a quelque chose de paradoxal ici. Les médias mainstream ont les ressources pour se battre. Ils ont des avocats, des audiences massives, du poids politique. Et pourtant, ils cèdent progressivement. Pourquoi ? Parce qu’il n’y a rien à conquérir judiciairement. Parce que chaque bataille coûte cher. Parce qu’à un moment, l’adaptation semble plus facile que la résistance.

Les petits médias, eux, disparaissent silencieusement de la Maison Blanche. Leurs passes ne sont pas renouvelés. Leurs demandes d’accréditation restent sans réponse. C’est une stratégie de deux niveaux : faire plier les grands médias par les inconvénients, et éliminer les petits par la simple attrition administrative.

Les journalistes individuels : la frustration quotidienne

Pour le journaliste ordinaire courant entre la Maison Blanche et ses bureaux de rédaction, ces restrictions sont des cauchemars quotidiens. Impossible de vérifier rapidement une information auprès d’un fonctionnaire. Impossible d’avoir une conversation confidentialisée pour comprendre les enjeux réels derrière les déclarations publiques. Impossible d’exercer le journalisme d’investigation traditionnel qui demande du temps, des contacts, de la proximité.

Un reporter du Washington Post me confiait récemment son frustation : « J’ai passé dix ans à construire des relations à la Maison Blanche. Des gens qui me parlaient parce qu’ils me faisaient confiance. Maintenant ? Plus de relations. Plus de confiance. Juste une porte fermée et un SMS automatique disant que mon pass n’est plus valide pour cette zone. » C’est l’expérience quotidienne devenue la norme.

Les journalistes d’expérience reconnaissent ce qui se passe : c’est une évolution progressive mais inévitable. L’administration Trump teste constamment les limites. Elle impose une restriction. Personne ne peut la bloquer légalement. Elle impose une deuxième restriction. Puis une troisième. À un moment, le système de presse tel qu’il existait n’existe plus. C’est de la bouillie de grenouille : augmentez graduellement la chaleur et la grenouille ne remarque pas qu’elle bout.

 

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