Le shutdown le plus long de l’histoire américaine
Le 1er octobre 2025, le gouvernement fédéral américain est entré en shutdown—une paralysie administrative causée par l’incapacité du Congrès à adopter un budget. Ce n’est pas la première fois que cela se produit, mais cette fois-ci, les enjeux sont d’une ampleur inédite. Les Républicains, qui contrôlent la Chambre des représentants, ont adopté durant l’été le « One Big Beautiful Bill Act »—un projet de loi massif qui intègre les recommandations les plus radicales du Project 2025, ce plan politique ultraconservateur longtemps nié publiquement mais désormais pleinement assumé. Parmi les mesures phares : des coupes drastiques dans les programmes d’aide sociale, l’imposition de nouvelles conditions de travail pour accéder à Medicaid, et la réduction du financement du SNAP. Les Démocrates, quant à eux, refusent de négocier tant que les Républicains n’acceptent pas de prolonger les crédits d’impôt bonifiés de l’Affordable Care Act—qui empêchent actuellement les primes d’assurance maladie d’exploser de 75 % pour des millions de familles. Dans cette guerre de tranchées, les civils sont les premières victimes : 42 millions d’Américains qui dépendent du SNAP pour manger, 800 000 employés fédéraux qui travaillent sans salaire, des contrôleurs aériens au bord de la rupture, des files interminables dans les aéroports…
La suspension inédite des prestations snap
Le Département de l’Agriculture (USDA), qui gère le programme SNAP, a annoncé fin octobre qu’il ne pourrait plus financer les allocations à partir du 1er novembre en raison du shutdown. Cette décision est sans précédent. Lors des précédents shutdowns—y compris pendant le premier mandat de Trump—l’administration avait systématiquement puisé dans le fonds de contingence du SNAP pour garantir la continuité des paiements. Cette fois, l’administration Trump a choisi de ne pas le faire. Pourquoi ? Selon les documents judiciaires, elle voulait utiliser cette suspension comme levier de pression pour forcer les Démocrates à accepter ses conditions budgétaires. L’économiste Paul Krugman, dans une analyse publiée le 31 octobre, décrit cette stratégie comme « trop cruelle, trop tôt ». Selon lui, le calendrier initial du Project 2025 prévoyait que les mesures les plus dures—comme les exigences de travail draconiennes pour Medicaid—n’entrent en vigueur qu’après les élections de mi-mandat de 2026, lorsque les Républicains espéraient avoir consolidé leur pouvoir. Mais le shutdown a accéléré le processus, exposant brutalement la violence de leur projet politique bien avant qu’ils ne soient prêts à en assumer les conséquences électorales.
Les chiffres qui glacent le sang
Selon les dernières données de l’USDA, près de 42 millions de personnes dépendent du SNAP chaque mois. La prestation moyenne est d’environ 350 dollars par ménage—un montant déjà jugé insuffisant par de nombreux experts. Le coût mensuel total du programme oscille entre 8 et 9 milliards de dollars. Le fonds de contingence du SNAP, destiné aux situations d’urgence, contient 5,25 milliards de dollars. Largement suffisant pour couvrir un mois complet de prestations. Pourtant, l’administration Trump a choisi d’allouer seulement 4,65 milliards à des paiements partiels—soit 50 % des allocations habituelles—et 600 millions aux frais administratifs des États. Résultat : des millions de familles qui comptaient sur 350 dollars pour survivre en novembre ne recevront que 175 dollars. Et encore, pas tout de suite. Selon les aveux mêmes de l’USDA dans des documents judiciaires, les États pourraient mettre « quelques semaines à plusieurs mois » pour modifier leurs systèmes informatiques afin de traiter ces paiements partiels—une situation inédite dans l’histoire du programme. Pendant ce temps, les banques alimentaires sont submergées, les familles sautent des repas, les enfants ont faim.
Les ordonnances judiciaires et la résistance partielle
Deux juges ordonnent le financement d’urgence
Face à l’urgence humanitaire, plusieurs organisations de défense des droits sociaux ont porté l’affaire devant les tribunaux fédéraux. Le 31 octobre, deux juges—tous deux nommés par le président Barack Obama—ont rendu des décisions cinglantes contre l’administration Trump. À Boston, la juge Patti Saris a statué que la suspension du SNAP était probablement illégale et a ordonné à l’USDA de présenter un plan pour garantir au moins des paiements partiels avant le lundi 3 novembre. À Rhode Island, le juge John McConnell est allé plus loin en émettant une ordonnance restrictive temporaire, exigeant que l’administration utilise les fonds de contingence ou, à défaut, puise dans d’autres ressources fédérales—comme les 4 milliards de dollars provenant des tarifs douaniers actuellement alloués aux programmes de nutrition infantile—pour financer intégralement le SNAP en novembre. Ces décisions ont créé un moment de vérité pour l’administration Trump : soit respecter l’État de droit et financer le programme, soit défier ouvertement la justice fédérale et assumer les conséquences politiques et juridiques d’un tel geste.
La réponse minimaliste de trump
Le 3 novembre, l’administration Trump a déposé une réponse devant le tribunal de Rhode Island. Elle acceptait de puiser dans le fonds de contingence du SNAP… mais refusait catégoriquement d’utiliser les ressources alternatives proposées par le juge McConnell. Résultat : seulement 50 % des prestations seraient versées. Pourquoi ce refus obstiné de financer intégralement le programme alors que les ressources existent ? Selon les Démocrates, il s’agit d’un choix politique délibéré. La représentante démocrate Rosa DeLauro a déclaré : « C’est un choix vicieux et intentionnel que Donald Trump et les Républicains font. » Les Républicains, de leur côté, justifient cette décision en affirmant que détourner les fonds des programmes de nutrition infantile poserait un « risque inacceptable » pour les enfants à faible revenu. L’ironie est accablante : ils prétendent protéger les enfants pauvres en refusant de financer un programme qui… alimente justement ces mêmes enfants pauvres. Car oui, parmi les 42 millions de bénéficiaires du SNAP, une majorité écrasante sont des enfants, des personnes âgées ou des personnes handicapées—des populations particulièrement vulnérables qui ne peuvent pas simplement « trouver un travail » comme le suggèrent certains élus conservateurs.
Les délais qui tuent
Mais le pire reste à venir. Même si l’administration Trump a promis de débloquer les fonds partiels, elle a averti que la distribution effective pourrait prendre un temps considérable. Le secrétaire au Trésor Scott Bessent a évoqué mercredi comme date possible pour les premiers paiements—soit deux jours après la décision judiciaire. Mais les documents déposés au tribunal sont beaucoup plus pessimistes : « Certains États pourraient nécessiter plusieurs semaines, voire plusieurs mois, pour modifier leurs systèmes afin de calculer et distribuer ces montants réduits. » Pendant ce temps, les familles n’ont plus rien. Laterese Johnson, une grand-mère qui élève ses petits-enfants avec ses allocations SNAP, résume la situation avec une lucidité déchirante : « Le montant que je reçois est déjà insuffisant pour une personne, et je dois le partager avec mes petits-enfants. C’est déjà un sacrifice. » Maintenant, ce sacrifice devient une impossibilité. Dans tout le pays, les banques alimentaires rapportent des files d’attente qui s’allongent de jour en jour, des familles désespérées qui viennent chercher de quoi manger après avoir épuisé leurs dernières ressources.
Les conséquences économiques et sociales désastreuses
Le snap comme outil anti-pauvreté essentiel
Contrairement au discours conservateur qui présente le SNAP comme un programme d’assistanat encourageant la paresse, les études économiques montrent qu’il s’agit d’un des investissements sociaux les plus rentables aux États-Unis. Chaque dollar dépensé en prestations SNAP génère environ 1,50 à 1,80 dollar d’activité économique locale, car les bénéficiaires dépensent immédiatement cet argent dans les épiceries, les supermarchés, les marchés fermiers. Ce sont des emplois maintenus, des commerces qui survivent, des communautés qui restent dynamiques. À l’inverse, couper le SNAP provoque un effet domino dévastateur : les familles cessent d’acheter des produits frais, les commerces locaux voient leur chiffre d’affaires chuter, les employés sont licenciés, les propriétaires ne peuvent plus payer leurs factures… Lindsay Allen, de Northwestern, insiste sur ce point : « C’est économiquement irresponsable. » En affamant 42 millions de personnes, Trump ne fait pas des économies—il provoque une récession localisée dans les communautés les plus vulnérables, avec des coûts à long terme qui dépasseront largement les quelques milliards « économisés » à court terme.
L’impact sanitaire catastrophique
L’insécurité alimentaire ne se limite pas à la faim immédiate—elle provoque des dommages sanitaires profonds et durables. Les enfants qui ne mangent pas suffisamment développent des retards cognitifs, des difficultés d’apprentissage, des problèmes de comportement. Les adultes souffrant de malnutrition chronique voient leur système immunitaire s’affaiblir, leurs maladies chroniques (diabète, hypertension, maladies cardiaques) se détériorer. Les personnes âgées comme Ronald Lubrant, déjà fragilisées, risquent des hospitalisations coûteuses pour des complications évitables. Une étude de Northwestern Medicine, publiée récemment, a démontré que l’insécurité alimentaire durant l’enfance est associée à une santé cardiovasculaire dégradée vingt ans plus tard. Mais la participation au SNAP peut atténuer ce risque. En coupant le programme maintenant, l’administration Trump condamne toute une génération d’enfants à des problèmes de santé futurs—qui coûteront infiniment plus cher au système de santé que ce que le gouvernement « économise » aujourd’hui en suspendant les prestations. C’est une stratégie à courte vue, aveugle, criminellement stupide.
Le gaspillage alimentaire comme insulte ultime
Voici une statistique qui devrait faire honte à toute une nation : les États-Unis gaspillent près de 400 milliards de dollars de nourriture chaque année. Oui, vous avez bien lu. 400 milliards. Pendant que 42 millions de personnes ne savent pas comment elles vont manger ce mois-ci, les Américains jettent à la poubelle presque la moitié de la nourriture qu’ils achètent. Des fruits qui pourrissent dans les réfrigérateurs, des légumes jetés parce qu’ils ne sont pas « assez beaux », des repas entiers balancés à la poubelle parce qu’on a commandé trop au restaurant. Cette coexistence obscène—des gens qui meurent de faim d’un côté, des montagnes de nourriture gaspillée de l’autre—révèle une pathologie morale au cœur de la société américaine. Et maintenant, on nous dit qu’il n’y a « pas assez d’argent » pour financer le SNAP ? Que les 8 milliards de dollars mensuels nécessaires pour nourrir les plus vulnérables sont un « fardeau inacceptable » pour le budget fédéral ? Pendant que les entreprises américaines jettent l’équivalent de plusieurs décennies de prestations SNAP chaque année ? C’est une insulte. C’est une obscénité. Et ça devrait provoquer une révolte collective.
La dimension politique : le project 2025 enfin démasqué
Un plan radical appliqué plus tôt que prévu
Paul Krugman, économiste Nobel et chroniqueur politique, a publié le 31 octobre une analyse glaçante intitulée « Trop cruel, trop tôt ». Il y explique que la suspension du SNAP et les autres catastrophes en cours n’étaient pas des accidents, mais des conséquences prévues du Project 2025—ce programme politique ultraconservateur élaboré par la Heritage Foundation et d’autres think tanks de droite. Le projet prévoyait effectivement des coupes massives dans les programmes sociaux, l’imposition de conditions de travail draconiennes pour accéder à Medicaid, et une restructuration radicale de l’État fédéral. Mais selon Krugman, le calendrier initial prévoyait que ces mesures les plus dures n’entrent en vigueur qu’après les élections de mi-mandat de 2026, permettant ainsi aux Républicains de consolider leur pouvoir avant que les électeurs ne réalisent l’ampleur des dégâts. Le shutdown a court-circuité ce plan. En suspendant le SNAP maintenant, en provoquant des files d’attente aux aéroports, en retardant les salaires de centaines de milliers d’employés fédéraux, l’administration Trump a exposé prématurément la violence de son projet—et les Américains sont « abasourdis par la cruauté », comme le soulignent plusieurs sondages récents.
La bataille autour de l’affordable care act
Le shutdown ne porte pas seulement sur le SNAP. L’autre enjeu majeur concerne les crédits d’impôt bonifiés de l’Affordable Care Act—communément appelé Obamacare. Ces crédits, adoptés durant la pandémie puis prolongés, permettent à des millions de familles de classe moyenne d’accéder à une assurance maladie abordable. Sans eux, les primes d’assurance augmenteraient de 75 % du jour au lendemain pour environ 20 millions d’Américains. Les Démocrates exigent que ces crédits soient prolongés dans tout accord budgétaire. Les Républicains refusent, considérant qu’il s’agit d’un « gaspillage » et d’une forme d’assistanat. Lindsay Allen, de Northwestern, résume la situation : « Les Démocrates tiennent bon parce qu’ils ne veulent pas éliminer les subventions bonifiées de l’ACA, que la plupart des Américains ne réalisent pas être la seule chose qui maintient leur couverture abordable. À moins que les Républicains acceptent de prolonger les crédits d’impôt, les gens vont être choqués par l’augmentation de leurs primes. Ils ne pourront plus se payer l’épicerie, le loyer, les médicaments, parce que leurs primes vont augmenter de 75 % du jour au lendemain. » C’est un double piège : affamer les pauvres d’un côté, appauvrir la classe moyenne de l’autre.
Les républicains pris au piège de leur propre cruauté
Le calcul politique initial des Républicains était simple : imposer des coupes brutales dans les programmes sociaux, mais les dissimuler assez longtemps pour que les électeurs ne réalisent pas avant les prochaines élections. Le shutdown a détruit cette stratégie. Maintenant, les Américains voient directement les conséquences : leurs voisins qui font la queue aux banques alimentaires, leurs parents âgés qui paniquent parce que leur SNAP n’arrive pas, leurs propres primes d’assurance qui explosent. Et ils sont furieux. Même dans les circonscriptions conservatrices, les élus républicains reçoivent des appels rageurs d’électeurs qui découvrent que les « réformes » promises se traduisent concrètement par leur propre appauvrissement. Plusieurs gouverneurs républicains—notamment dans le Maryland—ont été contraints de débloquer des fonds d’État pour compenser partiellement la suspension du SNAP, prouvant ainsi que même les conservateurs reconnaissent le caractère intenable de la situation. Mais ces mesures d’urgence locales ne peuvent pas remplacer un programme fédéral de cette ampleur. Les Républicains sont pris au piège de leur propre idéologie : ils ont promis la cruauté, ils doivent maintenant l’assumer devant des électeurs qui ne trouvent plus ça drôle quand c’est eux qui souffrent.
Les solutions possibles et les blocages idéologiques
Des ressources existent mais sont refusées
Voici le fait le plus enrageant de toute cette histoire : les ressources pour financer intégralement le SNAP en novembre existent. Le juge McConnell a explicitement proposé à l’administration Trump d’utiliser 4 milliards de dollars provenant des revenus tarifaires (les fameux tarifs douaniers dont Trump est si fier) actuellement alloués aux programmes de nutrition infantile et autres initiatives du Child Nutrition Act. Ces fonds pourraient être temporairement redirigés vers le SNAP, puis remboursés une fois le shutdown terminé. Cela garantirait que les 42 millions de bénéficiaires reçoivent leurs prestations complètes sans compromettre les autres programmes. Mais l’administration Trump a catégoriquement refusé. Pourquoi ? Officiellement, parce que cela poserait un « risque inacceptable » pour les enfants à faible revenu. Officieusement, parce que cela affaiblirait leur position de négociation face aux Démocrates. Si le gouvernement peut financer le SNAP en piochant dans d’autres sources, alors l’argument selon lequel « il n’y a pas d’argent sans budget voté » s’effondre. Les Républicains perdraient leur levier de pression. Donc, ils préfèrent affamer 42 millions de personnes plutôt que de perdre la face politiquement. C’est un calcul froid, cynique, monstrueux.
Les états tentent de colmater les brèches
Face à l’inaction fédérale, certains États ont tenté de prendre les choses en main. Le Maryland, par exemple, a annoncé le déblocage de 62 millions de dollars pour aider à couvrir les prestations SNAP de novembre. D’autres États envisagent des mesures similaires. Mais ces initiatives, aussi louables soient-elles, sont insuffisantes et insoutenables. Le SNAP est un programme fédéral financé par le gouvernement fédéral précisément parce que la pauvreté et l’insécurité alimentaire sont des problèmes nationaux qui dépassent les capacités budgétaires des États individuels. Les États les plus pauvres—souvent ceux où les bénéficiaires du SNAP sont les plus nombreux—n’ont tout simplement pas les ressources pour compenser la suspension fédérale. Résultat : une inégalité territoriale se creuse, où les résidents des États riches et progressistes (Californie, New York, Maryland) reçoivent un soutien d’urgence, tandis que ceux des États pauvres et conservateurs (Mississippi, Alabama, Virginie-Occidentale) sont abandonnés à leur sort. L’Amérique à deux vitesses devient une réalité encore plus crue.
La solution évidente que personne ne veut prendre
Il existe une solution simple, évidente, immédiate : rouvrir le gouvernement. Adopter un budget de continuité qui maintient les programmes existants le temps de négocier une réforme plus large. C’est ce qui s’est toujours fait lors des précédents shutdowns. Mais cette fois, les deux camps refusent de céder. Les Républicains veulent imposer leur vision radicale inscrite dans le One Big Beautiful Bill Act. Les Démocrates refusent d’accepter des coupes massives dans les programmes sociaux et l’élimination des crédits d’impôt de l’ACA. Et pendant que les élus se livrent à cette guerre d’ego, ce sont les civils qui paient le prix. Des experts en négociation politique suggèrent qu’un compromis pourrait inclure une prolongation temporaire des crédits d’impôt de l’ACA en échange de certaines réformes du SNAP—comme des exigences de travail renforcées pour les adultes sans enfants. Mais même ces compromis sont rejetés par les ailes radicales des deux partis. À gauche, on refuse toute conditionnalité supplémentaire qui exclurait des bénéficiaires vulnérables. À droite, on refuse tout ce qui ressemble à une « victoire » démocrate. Le centre de gravité politique s’est tellement déplacé vers les extrêmes que toute forme de pragmatisme est devenue politiquement toxique.
Conclusion
L’affaire du SNAP en novembre 2025 restera comme un moment de vérité brutal pour l’Amérique. Elle a révélé, de manière crue et incontestable, ce que beaucoup refusaient de voir : que le Project 2025 n’était pas une théorie du complot ou une exagération partisane, mais un programme politique réel, appliqué méthodiquement, avec des conséquences dévastatrices pour les plus vulnérables. Elle a exposé la vacuité des discours conservateurs sur les « valeurs chrétiennes » et la « protection de la vie »—comment peut-on prétendre défendre la vie tout en affamant délibérément 42 millions de personnes, dont une majorité d’enfants, de personnes âgées et de personnes handicapées ? Elle a démontré que la cruauté n’est pas un bug du système politique actuel, mais une fonctionnalité—un outil consciemment utilisé pour forcer des concessions, punir les adversaires, et maintenir un rapport de force favorable. Ronald Lubrant avait raison : pour des millions d’Américains, la suspension du SNAP est une sentence de mort. Pas immédiate, pas spectaculaire, mais progressive, insidieuse, implacable. On ne meurt pas en un jour quand on ne mange pas—on s’affaiblit, on tombe malade, on perd ses forces, on abandonne. Et c’est exactement ce que l’administration Trump et les Républicains du Congrès ont choisi d’infliger à leurs concitoyens les plus démunis. Au nom de quoi ? De principes budgétaires abstraits ? D’une idéologie punitive qui considère la pauvreté comme une faute morale ? D’un calcul politique cynique qui parie sur l’oubli et la passivité des électeurs ? Peu importe, au fond. Le résultat est le même : des enfants ont faim, des vieillards désespèrent, des familles se disloquent. Et pendant ce temps, l’Amérique—cette nation qui se prétend la plus riche, la plus puissante, la plus vertueuse du monde—gaspille 400 milliards de dollars de nourriture chaque année. Si ce n’est pas une condamnation morale sans appel de notre civilisation, je ne sais pas ce qui pourrait l’être.