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L’IEEPA: conçue pour les crises, utilisée pour la politique

L’International Emergency Economic Powers Act a été adoptée par le Congrès en 1977 dans un contexte très spécifique. Après des décennies où les présidents avaient abusé de leurs pouvoirs économiques d’urgence—notamment Richard Nixon qui avait imposé des contrôles de prix et gelé les salaires sans autorisation claire du Congrès—les législateurs ont voulu créer un cadre strict limitant ces pouvoirs à de véritables urgences nationales. L’IEEPA permet au président de «réguler» le commerce international et les transactions financières lorsqu’il déclare une urgence nationale face à une «menace inhabituelle et extraordinaire» pour la sécurité nationale, la politique étrangère ou l’économie américaine. Mais cette loi a été conçue pour des crises soudaines, imprévues—une invasion militaire, une attaque terroriste, un effondrement économique brutal. Elle n’a jamais été utilisée pour imposer des tarifs douaniers massifs sur la base d’un déficit commercial qui existe depuis des décennies et qui ne constitue en aucun cas une urgence soudaine ou extraordinaire.

Trump déclare deux «urgences» pour justifier ses tarifs

Trump a invoqué l’IEEPA deux fois pour imposer ses tarifs. En février 2025, il a déclaré une urgence nationale liée au fentanyl, affirmant que le Mexique, le Canada et la Chine n’en faisaient pas assez pour arrêter le trafic de cette drogue mortelle vers les États-Unis. Il a utilisé cette déclaration pour imposer des tarifs de 25% sur les produits mexicains et canadiens, et de 10% sur les produits chinois. Puis, en avril, il a déclaré une seconde urgence nationale basée sur le déficit commercial américain, qu’il a qualifié de «large et persistant», affirmant que ce déséquilibre commercial illustrait des «pratiques commerciales déloyales» qui avaient détruit l’industrie manufacturière américaine. Cette seconde déclaration lui a permis d’imposer un tarif de base de 10% sur presque tous les pays du monde, avec des taux allant jusqu’à 50% pour certains pays jugés particulièrement «déloyaux». Ces tarifs ne sont pas temporaires—Trump n’a fixé aucune date d’expiration, suggérant qu’ils pourraient durer indéfiniment.

Des cours inférieures unanimes: c’est illégal

Les entreprises affectées par ces tarifs—des petits importateurs aux grandes corporations—ainsi que douze États à majorité démocrate, ont immédiatement contesté ces mesures en justice. Et tous les tribunaux inférieurs qui ont examiné l’affaire ont statué contre Trump. Un juge fédéral en Californie, un autre à New York, et la Cour d’appel du neuvième circuit ont tous conclu que Trump avait excédé son autorité en utilisant l’IEEPA pour imposer des tarifs massifs basés sur des «urgences» fabriquées. Ces juges ont souligné que le déficit commercial existe depuis des décennies et ne constitue pas une menace «inhabituelle et extraordinaire». Ils ont noté que le Congrès a déjà donné au président des pouvoirs spécifiques pour imposer des tarifs dans certaines circonstances—la Section 232 pour la sécurité nationale, la Section 301 pour les pratiques commerciales déloyales—mais n’a jamais autorisé l’utilisation de l’IEEPA à cette fin. Cependant, ces tribunaux ont permis aux tarifs de rester en vigueur pendant que l’affaire montait vers la Cour suprême, reconnaissant que les annuler immédiatement causerait un chaos économique massif.

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