Un événement organisé en toute discrétion
Le 6 novembre 2025, Sean Duffy s’apprête à prendre la tête d’un événement de campagne pour Michael Alfonso, son gendre de 25 ans qui brigue le siège du 7ème district congressionel du Wisconsin. Un territoire que Duffy connaît bien, puisqu’il l’a lui-même représenté de 2011 jusqu’à sa démission en 2019. Mais voilà, ce qui devrait être un simple geste de soutien familial se transforme en bombe politique. Car Duffy, membre du cabinet présidentiel, n’a jamais sollicité l’aval de la Maison Blanche avant d’annoncer sa participation à cet événement de « meet-and-greet ». Une négligence — ou pire, un acte délibéré — qui viole les protocoles stricts régissant les activités politiques des secrétaires fédéraux. Dans un contexte où Trump exige une discipline de fer et une obéissance sans faille, cette initiative autonome résonne comme un camouflet. Les sources internes rapportent une fureur grandissante parmi les conseillers présidentiels, certains évoquant déjà des mesures de rétorsion. L’administration envisagerait même d’imposer des restrictions supplémentaires sur la participation des membres du cabinet aux primaires républicaines, précisément pour éviter que de tels écarts ne se reproduisent.
Une loyauté familiale qui défie l’autorité présidentielle
Michael Alfonso se présente comme un « conservateur pro-Trump », un jeune loup politique qui invoque ses origines cubaines et son attachement viscéral au rêve américain. Son mariage avec Evita Duffy, la fille du secrétaire aux Transports, lui offre un capital politique précieux dans une région profondément républicaine. Mais ce lien familial devient un piège pour Sean Duffy, qui se retrouve pris entre deux loyautés contradictoires : celle envers son gendre et celle envers son président. En choisissant d’appuyer publiquement Alfonso sans en référer à Trump, Duffy envoie un message dangereux — il existe des priorités qui surpassent les ordres de la Maison Blanche. C’est exactement le genre d’autonomie que Trump abhorre, lui qui a construit son pouvoir sur la soumission totale de son entourage. Les observateurs politiques notent que cette affaire intervient dans un climat déjà tendu, où Duffy accumule les frictions avec d’autres figures de l’administration. La décision du secrétaire révèle soit une naïveté politique stupéfiante, soit une volonté délibérée de tester les limites de son influence. Dans les deux cas, les répercussions pourraient être dévastatrices.
Les coulisses d’une administration en ébullition
Ce qui rend l’affaire Duffy encore plus explosive, c’est qu’elle ne constitue pas un incident isolé. Selon plusieurs sources, le secrétaire aux Transports irrite de plus en plus les hauts responsables de la Maison Blanche depuis plusieurs semaines. Les tensions ont éclaté au grand jour autour de la bataille pour la direction permanente de la NASA, un poste que Duffy occupe par intérim tout en conservant ses fonctions aux Transports. Le secrétaire aurait même formulé une ambition extraordinaire : intégrer la NASA au sein de son département pour consolider son empire bureaucratique. Une manœuvre qui a provoqué l’ire de nombreux conseillers présidentiels, lesquels voient dans cette tentative de coup d’État administratif une preuve supplémentaire de l’arrogance de Duffy. Les guerres de territoire font rage, les alliances se font et se défont, et chaque décision prend des allures de complot. L’administration Trump ressemble de plus en plus à une cour byzantine où les coups bas remplacent la cohésion, où les ambitions personnelles étouffent l’intérêt collectif. Et Duffy, par ses initiatives non autorisées, attise un feu qui menace d’embraser tout l’édifice.
Les batailles souterraines pour le contrôle de la NASA
Duffy contre Isaacman : la guerre des prétendants
Pendant que Duffy organise des événements de campagne non autorisés, une autre bataille fait rage pour le contrôle permanent de la NASA. Face à lui se dresse Jared Isaacman, milliardaire astronaute privé et proche d’Elon Musk. Isaacman avait initialement été nommé par Trump pour diriger l’agence spatiale avant que sa candidature ne soit mystérieusement retirée au début de l’année 2025. La raison invoquée ? Ses donations passées au Parti démocrate, un péché cardinal dans l’univers trumpien. Mais le retrait d’Isaacman a déclenché une crise majeure, notamment une brouille retentissante entre Trump et Musk qui a monopolisé les manchettes pendant des semaines. Aujourd’hui, Isaacman refait surface comme candidat sérieux, interviewé le 13 octobre par Duffy lui-même et plusieurs conseillers du Département des Transports. Un exercice surréaliste où le secrétaire intérimaire interroge son propre rival potentiel. Les sources de la Maison Blanche considèrent Isaacman comme le favori pour le poste, une perspective qui doit glacer le sang de Duffy. Car perdre la NASA signifierait perdre une part considérable de son influence et de sa visibilité politique.
Une fuite stratégique qui trahit la despération
En août 2025, Isaacman a partagé avec Duffy et son chef de cabinet un document confidentiel de 62 pages intitulé « Athena », détaillant sa vision pour la NASA. Ce plan ambitieux propose une refonte radicale des dépenses de l’agence, avec un accent massif sur la collaboration avec le secteur spatial commercial. Une approche qui menace directement les contracteurs traditionnels de la NASA, ces géants industriels qui se nourrissent depuis des décennies des budgets gouvernementaux. Quelques semaines plus tard, le contenu du document « Athena » se retrouve entre les mains de législateurs et de lobbyistes, provoquant une levée de boucliers parmi les bénéficiaires du statu quo. Les indices pointent vers Duffy comme source probable de la fuite. Une manœuvre désespérée pour saboter la candidature d’Isaacman en mobilisant les forces conservatrices du complexe industriel spatial contre lui. Si cette hypothèse se confirme, Duffy aurait franchi une nouvelle ligne rouge — trahir la confidentialité d’un document remis en toute confiance. Un comportement qui, ironiquement, prouve exactement pourquoi il ne devrait pas diriger une agence aussi sensible que la NASA.
Trump pris entre deux camps
Le président Trump se retrouve dans une position inconfortable, tiraillé entre son secrétaire aux Transports et le protégé de son allié turbulent Elon Musk. Durant son récent voyage en Asie, Trump a appris que Musk critiquait publiquement Duffy, notamment après que le secrétaire ait exprimé des inquiétudes sur les retards de SpaceX dans le développement du module lunaire. Un contrat de 2,9 milliards de dollars qui représente un enjeu colossal pour l’entreprise de Musk. La réaction de Trump ? Une simple désapprobation des attaques de Musk contre Duffy, sans véritable défense de son secrétaire. Cette tiédeur présidentielle en dit long sur la fragilité de la position de Duffy. Les sources internes révèlent que Trump continue de louer publiquement le travail de son secrétaire aux Transports, insistant sur le fait qu’il « fait un excellent travail » malgré les turbulences. Mais ces louanges sonnent creux face à l’accumulation des controverses. La véritable question n’est plus de savoir si Duffy survivra politiquement, mais combien de temps Trump tolérera encore ses dérapages avant de trancher définitivement.
Les répercussions au sein du cabinet Trump
Une administration fracturée dès le départ
L’affaire Duffy n’est qu’un symptôme d’une maladie bien plus profonde qui ronge l’administration Trump depuis son second mandat. En avril 2025, le Wall Street Journal avait déjà révélé un épisode édifiant : le secrétaire au Trésor Scott Bessent et le secrétaire au Commerce Howard Lutnick avaient profité de l’absence momentanée de Peter Navarro, conseiller commercial du président, pour se précipiter dans le Bureau ovale. Leur mission ? Convaincre Trump d’annoncer une pause de 90 jours sur certains tarifs douaniers, une décision qui contredisait frontalement la stratégie de Navarro. Les deux secrétaires sont restés aux côtés du président jusqu’à ce qu’il rédige un message sur Truth Social, laissant Navarro sidéré par ce coup de force. Cette manœuvre révèle une réalité glaçante — les membres du cabinet sont prêts à conspirer dans le dos les uns des autres pour influencer un président qu’ils considèrent apparemment comme malléable et imprévisible. Les divisions ne se limitent pas à ces trois personnages : Elon Musk s’est également heurté à Navarro, qu’il a traité de « plus stupide qu’un sac de briques ».
Des guerres de clan qui paralysent la gouvernance
Les factions au sein de l’administration Trump se multiplient à une vitesse alarmante. Bessent et Musk se trouvent dans des camps opposés, tout comme Musk et le secrétaire d’État Marco Rubio, sans parler des tensions entre Rubio et l’aile ouest. Chaque décision majeure devient le terrain d’affrontements épuisants entre clans rivaux, chacun tentant d’imposer sa vision ou simplement de préserver son territoire. Ce qui frappe les observateurs, c’est la rapidité avec laquelle ces fractures sont apparues — à peine trois mois après l’inauguration du second mandat, selon les rapports d’avril 2025. Alors que d’autres administrations ont connu des rivalités qui se développaient progressivement, l’équipe Trump 2.0 est née dans le chaos et s’y enfonce chaque jour davantage. Les membres du cabinet ne semblent plus travailler vers des objectifs communs mais poursuivent leurs propres agendas, souvent contradictoires. Cette anarchie organisée fait peser des risques considérables sur la capacité du gouvernement à répondre aux crises, qu’elles soient économiques, diplomatiques ou sécuritaires.
Les conséquences politiques à venir
La « décision stupide de classe mondiale » de Duffy pourrait bien déclencher une refonte des règles encadrant les activités politiques des membres du cabinet. Selon les informations rapportées par NOTUS, la Maison Blanche envisage sérieusement d’imposer des restrictions supplémentaires pour empêcher les secrétaires de participer aux primaires républicaines sans autorisation explicite. Une mesure qui témoigne de la perte de confiance au sommet de l’État. Mais au-delà des ajustements réglementaires, c’est toute la crédibilité de l’administration qui est en jeu. Comment les citoyens peuvent-ils faire confiance à un gouvernement où les hauts responsables agissent en électrons libres, poursuivant leurs intérêts personnels au mépris de la coordination et de la discipline ? Comment les alliés internationaux peuvent-ils négocier avec une équipe dont les membres se sabotent mutuellement ? Les dégâts causés par ces dysfonctionnements dépassent largement le cadre des querelles internes — ils affaiblissent la position stratégique des États-Unis sur la scène mondiale et érodent la confiance des électeurs dans les institutions démocratiques.
Le cumul des postes : une aberration administrative
Deux emplois à temps plein, zéro cohérence
Comment un seul homme peut-il gérer simultanément le Département des Transports et la NASA, deux mastodontes bureaucratiques aux missions radicalement différentes ? C’est la question que se posent de nombreux experts depuis que Duffy a été désigné administrateur intérimaire de la NASA en juillet 2025, tout en conservant ses fonctions de secrétaire aux Transports. Le Département des Transports supervise l’ensemble du système de transport américain — routes, ponts, chemins de fer, aviation civile, sécurité maritime. La NASA, de son côté, gère l’exploration spatiale, les missions scientifiques, les partenariats internationaux et les contrats avec le secteur privé spatial. Deux univers distincts qui exigent chacun une attention totale et une expertise pointue. Mais Duffy, dans son ambition démesurée, semble convaincu qu’il peut exceller dans les deux domaines simultanément. La réalité prouve le contraire : pendant qu’il s’empêtre dans des controverses politiques et des batailles de territoire, les dossiers urgents s’accumulent. Les contrôleurs aériens travaillent sans salaire à cause d’un blocage budgétaire orchestré par les démocrates, selon la porte-parole de la Maison Blanche Karoline Leavitt, et le système de contrôle du trafic aérien fait face à des défis critiques.
L’intégration de la NASA aux Transports : une idée délirante
Mais Duffy ne se contente pas de jongler maladroitement entre deux ministères. Il caresse un projet encore plus audacieux — ou délirant, selon le point de vue : fusionner la NASA avec le Département des Transports. Une proposition qui a fait bondir les responsables de la Maison Blanche et provoqué des remous dans les milieux scientifiques et politiques. L’idée sous-jacente serait de permettre à Duffy de conserver le contrôle de l’agence spatiale même si un autre administrateur est finalement nommé officiellement. Une manœuvre bureaucratique qui trahit une soif de pouvoir débordante. Les critiques soulignent l’absurdité conceptuelle d’une telle fusion : la NASA n’est pas une agence de transport au sens conventionel du terme, même si elle envoie des fusées dans l’espace. Ses missions scientifiques, ses programmes de recherche fondamentale, ses collaborations internationales avec d’autres agences spatiales n’ont rien à voir avec la régulation des autoroutes ou la gestion des compagnies aériennes. Intégrer la NASA aux Transports reviendrait à diluer sa mission unique dans un océan de préoccupations terrestres, à sacrifier l’exploration spatiale sur l’autel de l’efficacité administrative.
Les signaux d’alarme ignorés
Les indices suggérant que Duffy n’est pas à la hauteur de la tâche s’accumulent. En octobre, il a publiquement exprimé ses préoccupations concernant les retards de SpaceX dans le développement du module d’atterrissage lunaire, un commentaire qui a immédiatement attiré les foudres d’Elon Musk. Plutôt que de gérer cette tension de manière diplomatique, Duffy s’est retrouvé au centre d’une guerre publique entre l’administration et l’un de ses partenaires industriels les plus importants. De plus, les révélations sur la fuite du document « Athena » d’Isaacman pointent vers un manque de professionnalisme et d’éthique. Si Duffy est effectivement responsable de cette fuite, cela démontre qu’il est prêt à compromettre l’intégrité du processus de nomination pour servir ses propres intérêts. Les signaux d’alarme clignotent de toutes parts, mais Duffy semble déterminé à poursuivre sa course folle vers l’accumulation de pouvoir. La question n’est plus de savoir s’il va s’effondrer sous le poids de ses responsabilités contradictoires, mais quand et à quel prix pour l’administration et pour le pays.
Le contexte électoral au Wisconsin
Un siège stratégique pour les républicains
Le 7ème district congressionel du Wisconsin représente un enjeu capital pour le Parti républicain. Ce territoire du nord de l’État, surnommé « Northwoods », a été solidement républicain pendant des décennies. Sean Duffy l’a représenté de 2011 jusqu’à sa démission en 2019 pour s’occuper de ses neuf enfants, dont le plus jeune souffrait d’une malformation cardiaque. Le siège est actuellement occupé par le représentant Tom Tiffany, qui a annoncé sa candidature au poste de gouverneur du Wisconsin, laissant ainsi le siège vacant pour les élections de mi-mandat de 2026. Michael Alfonso, le gendre de Duffy, tente de capitaliser sur l’héritage politique de son beau-père en se positionnant comme le candidat « pro-Trump » de la nouvelle génération. À 25 ans, Alfonso mise sur sa jeunesse et ses origines cubaines — il se présente comme le petit-fils d’un réfugié cubain ayant fui le régime castriste — pour séduire un électorat attaché aux valeurs conservatrices traditionnelles et à l’idéal du rêve américain. Sa campagne met l’accent sur la défense de la liberté, la protection des familles et des exploitations agricoles, ainsi que la préservation des droits constitutionnels.
Une campagne sous haute surveillance
L’entrée en lice d’Alfonso a immédiatement attiré l’attention des médias et des observateurs politiques. Son mariage avec Evita Duffy, la fille de Sean, lui confère un capital de reconnaissance instantané dans une région où le nom Duffy reste populaire. Mais cette connexion familiale se révèle être une arme à double tranchant. D’un côté, elle ouvre des portes et garantit un accès privilégié aux réseaux républicains locaux. De l’autre, elle expose Alfonso aux controverses qui entourent son beau-père, notamment cette récente affaire d’événement de campagne non autorisé. Les adversaires politiques d’Alfonso ne manqueront pas d’exploiter les faux pas de Duffy pour questionner le jugement et l’indépendance du jeune candidat. La course pour le 7ème district s’annonce serrée malgré l’avantage républicain historique, car plusieurs candidats conservateurs pourraient diviser le vote lors de la primaire. Alfonso devra démontrer qu’il possède sa propre vision politique plutôt que de simplement surfer sur l’héritage familial. Et pendant ce temps, chaque controverse impliquant Sean Duffy devient une munition potentielle pour ses rivaux.
Les enjeux nationaux d’une élection locale
Au-delà des dynamiques locales, la course du 7ème district du Wisconsin revêt une dimension nationale cruciale. Les élections de mi-mandat de 2026 détermineront le contrôle de la Chambre des représentants et potentiellement la capacité de Trump à gouverner efficacement durant la seconde moitié de son mandat. Chaque siège compte, et perdre un district aussi républicain que le 7ème serait un désastre symbolique pour le parti. C’est précisément pourquoi l’implication de Sean Duffy dans la campagne de son gendre devrait être coordonnée avec la stratégie nationale du parti et approuvée par la Maison Blanche. Mais en agissant unilatéralement, Duffy risque de transformer une victoire apparemment acquise en bataille incertaine. Les démocrates, sentant une opportunité dans le chaos entourant Duffy, pourraient investir des ressources significatives dans ce district pour tenter un coup d’éclat. Une défaite républicaine dans le 7ème district enverrait des ondes de choc à travers tout le parti et serait interprétée comme un rejet de l’establishment trumpien. Les paris sont élevés, les tensions maximales, et Sean Duffy vient de compliquer considérablement l’équation.
Les précédents historiques de défiance
Quand les collaborateurs sabotent leur président
L’histoire de la présidence Trump est parsemée d’épisodes où des membres de son administration ont agi dans son dos ou contre ses directives. En septembre 2018, le New York Times avait publié un éditorial anonyme rédigé par un « haut responsable » de l’administration, révélant l’existence d’une « résistance silencieuse » au sein même de la Maison Blanche. Ce groupe de fonctionnaires « aux vues similaires » s’était donné pour mission de « contrecarrer les impulsions les plus malavisées de M. Trump » pour protéger les intérêts du pays. L’éditorial avait provoqué une fureur présidentielle, Trump dénonçant une « trahison » passible de la peine de mort. Mais les juristes avaient rapidement corrigé cette qualification juridiquement erronée — il s’agissait de déloyauté, certes grave, mais pas de trahison au sens légal du terme. Le livre de Bob Woodward, publié à la même période, avait apporté des détails encore plus troublants : des assistants subtilisant des documents du bureau de Trump pour l’empêcher de signer certains ordres, le secrétaire à la Défense James Mattis ignorant un ordre présidentiel d’assassiner le dictateur syrien Bachar al-Assad après une attaque chimique en avril 2017.
Un schéma récurrent d’insubordination
Ces précédents révèlent un schéma inquiétant : les membres du gouvernement Trump semblent régulièrement convaincus qu’ils doivent protéger le pays contre leur propre président. Une situation extraordinaire qui soulève des questions fondamentales sur la nature du leadership présidentiel et la loyauté dans l’exercice du pouvoir. Quand des hauts responsables estiment nécessaire de contourner ou d’ignorer les directives de leur supérieur hiérarchique, cela signifie soit que le président donne des ordres dangereux et irresponsables, soit que son équipe est peuplée de traîtres et de conspirateurs. La vérité se situe probablement quelque part entre ces deux extrêmes : Trump gouverne par impulsions et déclarations improvisées, ce qui force ses collaborateurs à naviguer constamment entre obéissance littérale et interprétation flexible. Dans ce contexte, l’affaire Duffy s’inscrit dans une tradition bien établie de membres du cabinet prenant des initiatives non autorisées, convaincus qu’ils agissent au mieux des intérêts de l’administration ou, dans le cas présent, de leurs propres intérêts familiaux et politiques.
Les limites de la loyauté trumpienne
Trump a construit son style de gouvernance sur l’exigence d’une loyauté personnelle absolue, souvent au détriment de la loyauté institutionnelle ou constitutionnelle. Ses collaborateurs doivent démontrer leur allégeance à travers des actes publics de soumission, des déclarations de soutien inconditionnels, et surtout une absence totale de critique ou de dissension. Mais cette exigence impossible crée un environnement toxique où la servilité remplace la compétence, où la flatterie supplante le conseil honnête. Les membres du cabinet qui survivent politiquement sont ceux qui maîtrisent l’art délicat de flatter Trump tout en poursuivant discrètement leurs propres agendas. Duffy semble avoir échoué dans cet équilibre précaire. En organisant publiquement un événement de campagne sans autorisation, il a exposé son manque de soumission aux yeux de tous. Dans l’univers trumpien, cette transparence est une erreur fatale. Les transgressions peuvent être tolérées si elles restent secrètes, mais une fois révélées, elles deviennent impardonnables. Duffy a violé la règle d’or : ne jamais embarrasser publiquement le président.
Les implications pour l'avenir de l'administration
Une hémorragie de crédibilité
Chaque scandale, chaque révélation de dysfonctionnement interne érode un peu plus la crédibilité de l’administration Trump auprès du public américain et de la communauté internationale. L’affaire Duffy s’ajoute à une longue liste d’incidents qui peignent le tableau d’un gouvernement en perpétuel désordre, incapable de maintenir la discipline de base au sein de son propre cabinet. Les alliés étrangers observent ces turbulences avec un mélange de perplexité et d’inquiétude, se demandant avec qui exactement ils négocient lorsqu’ils traitent avec l’administration américaine. Si un secrétaire aux Transports peut agir en électron libre sur des questions politiques mineures, qu’en est-il des décisions cruciales en matière de sécurité nationale, de politique économique ou d’engagement militaire ? La confiance, une fois perdue, se reconstruit difficilement. Et l’administration Trump a épuisé les réserves de bonne volonté dont elle disposait au début du mandat. Les électeurs, même ceux qui soutiennent généralement Trump, commencent à montrer des signes de lassitude face au flux constant de controverses et de drames internes.
Le risque d’un remaniement majeur
Les sources proches de la Maison Blanche suggèrent qu’un remaniement du cabinet pourrait intervenir dans les prochains mois, particulièrement si les dysfonctionnements continuent de s’accumuler. Duffy, malgré les louanges publiques de Trump, pourrait bien figurer parmi les premières victimes d’une telle purge. Remplacer un secrétaire aux Transports en pleine crise du contrôle aérien serait politiquement risqué, mais maintenir quelqu’un qui mine activement l’autorité présidentielle l’est encore davantage. Le problème plus large auquel Trump fait face est celui du recrutement : où trouver des personnes suffisamment compétentes pour gérer des départements complexes, mais suffisamment dociles pour accepter le style de gouvernance erratique du président ? Les meilleurs talents hésitent de plus en plus à rejoindre une administration aussi chaotique, craignant pour leur réputation professionnelle. Trump se retrouve donc coincé avec une équipe de second ou troisième choix, dont beaucoup poursuivent leurs propres agendas faute d’une vision cohérente imposée d’en haut.
La normalisation du dysfonctionnement
Peut-être la conséquence la plus inquiétante de ces scandales à répétition est la normalisation progressive du dysfonctionnement gouvernemental. Quand chaque semaine apporte son lot de révélations sur les luttes intestines, les décisions non coordonnées et les contradictions flagrantes, le public finit par hausser les épaules avec résignation. « C’est juste comme ça que fonctionne cette administration » devient le refrain habituel, remplaçant l’indignation légitime par une acceptation fataliste. Cette normalisation est dangereuse car elle abaisse les standards de gouvernance auxquels les citoyens sont en droit de s’attendre. Un gouvernement efficace nécessite coordination, discipline, respect des procédures et soumission de l’intérêt personnel à l’intérêt collectif. Quand ces principes de base sont abandonnés, c’est toute la machinerie démocratique qui se grippe. L’affaire Duffy, en elle-même, n’est qu’un incident mineur dans le grand récit de l’administration Trump. Mais elle symbolise parfaitement la dérive vers une gouvernance improvisée, où chacun fait ce qui lui semble bon sans égard pour la cohérence d’ensemble ou l’autorité hiérarchique.
Conclusion
L’affaire Sean Duffy n’est pas un simple faux pas administratif ou une erreur de jugement isolée — c’est le reflet brutal d’une administration en pleine décomposition, où les règles les plus élémentaires de gouvernance sont foulées aux pieds par ceux-là mêmes qui devraient les incarner. Quand un secrétaire du cabinet se permet d’organiser un événement politique pour son gendre sans même informer la Maison Blanche, quand il cumule deux postes à plein temps tout en complotant pour en obtenir un troisième, quand il sabote les candidatures de ses rivaux par des fuites stratégiques, ce ne sont pas des incidents regrettables mais des symptômes d’une maladie systémique. Trump a voulu construire un gouvernement basé sur la loyauté personnelle plutôt que sur la compétence institutionnelle, et il récolte aujourd’hui les fruits empoisonnés de ce choix. Ses collaborateurs, voyant que le président lui-même gouverne par impulsions et contradictions, se sentent autorisés à poursuivre leurs propres agendas dans un climat d’anarchie à peine déguisée. Duffy n’est qu’un exemple parmi d’autres, mais son cas illustre parfaitement la trajectoire descendante d’une administration qui a échangé la stabilité contre le spectacle, la cohérence contre le chaos. La « décision stupide de classe mondiale » dont il est accusé n’est finalement que le dernier épisode d’une série interminable de dysfonctionnements qui transforment la gouvernance américaine en une mauvaise série télévisée dont personne ne peut détourner le regard. Et pendant que les ego s’affrontent et que les ambitions dévorent leurs porteurs, le pays attend toujours un semblant de leadership responsable. Mais peut-être attend-il en vain.