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Les procureurs de Trump limogés sans procédure

Les deux procureurs fédéraux qui ont contribué aux poursuites contre Donald Trump — et qui ont été sommairement licenciés dès son retour au pouvoir — viennent d’ouvrir un cabinet d’avocats privé spécialisé dans la corruption publique, domaine que le ministère de la Justice semble désormais abandonner. Mais leur départ ne s’est pas fait dans l’acceptation résignée : les deux juristes contestent activement leurs licenciements qu’ils jugent illégaux, effectués sans procédure régulière ni motif spécifique. Cette expulsion brutale illustre la première étape de la stratégie Trump : éliminer physiquement du système ceux qui connaissent ses dossiers, qui ont documenté ses infractions présumées, qui possèdent l’expertise pour continuer à l’enquêter. Le bureau du procureur fédéral de Washington, profondément imbriqué dans le fonctionnement gouvernemental et responsable des affaires criminelles impliquant Trump, ressent les effets de cette campagne de représailles de manière particulièrement palpable. Nulle part ailleurs les conséquences du désir de Trump d’éradiquer ceux qu’il perçoit comme déloyaux et d’utiliser le système de justice pénale contre ses ennemis ne se manifestent aussi clairement. Ces licenciements sans justification légale établissent un précédent terrifiant : servir la loi plutôt que le président devient motif de révocation immédiate.

Les nominations controversées qui violent la Constitution

Trump a nommé son ancienne avocate personnelle Alina Habba comme procureure fédérale intérimaire dans le New Jersey en mars 2025, une désignation qui fait face à des contestations judiciaires multiples remettant en cause sa légitimité constitutionnelle. Un défendeur dans une affaire criminelle a déposé une requête mettant en suspens son procès, arguant qu’Habba occupe illégalement son poste. L’avocat du défendeur a écrit dans sa motion : « En contournant les procédures de nomination constitutionnellement mandatées, et en empiétant sur les pouvoirs judiciaires explicitement accordés par la loi, la branche exécutive a excédé son autorité légale. Ainsi, toutes les actions de poursuites subséquentes prises par Mme Habba ou tout procureur adjoint s’appuyant sur son autorité présumée manquent de légitimité constitutionnelle et doivent être considérées ultra vires. » En Californie, Bill Essayli continue d’exercer comme procureur fédéral de Los Angeles malgré un jugement déclarant sa nomination illégale — une situation ubuesque où un fonctionnaire exerce une autorité que les tribunaux lui ont formellement retirée. Ces nominations de loyalistes personnels à des postes de procureurs, en violation des procédures constitutionnelles, transforment le ministère de la Justice en extension du pouvoir présidentiel personnel plutôt qu’en institution indépendante servant l’État de droit.

Le gel stratégique des enquêtes anticorruption

Le 10 février 2025, Trump a émis un décret présidentiel gelant l’initiation de toutes nouvelles enquêtes et actions d’application de la loi sur la corruption étrangère (FCPA) pendant 180 jours. Le décret ordonne également à la procureure générale Pam Bondi de promulguer de nouvelles directives sur l’application du FCPA et de mener un examen compréhensif des enquêtes et résolutions historiques. Cette suspension massive repose sur deux affirmations fondamentales : premièrement, que l’application actuelle du FCPA entrave les objectifs de politique étrangère des États-Unis et implique donc l’autorité présidentielle en matière d’affaires étrangères ; deuxièmement, qu’une application « excessive et imprévisible » du FCPA contre les citoyens et entreprises américains nuit à la compétitivité économique et donc à la sécurité nationale. Au-delà du gel, le décret stipule que toute enquête ou action d’application initiée ou continuée après la publication des directives révisées « doit être spécifiquement autorisée par la procureure générale ». Cette centralisation extrême du pouvoir de poursuivre la corruption dans les mains d’une loyaliste politique crée un système où seules les enquêtes politiquement acceptables peuvent avancer, transformant la lutte contre la corruption en outil de contrôle plutôt qu’en mission d’intégrité publique.

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