La Colombie rappelle son ambassadeur et dénonce une « menace d’invasion »
La réaction ne s’est pas fait attendre. Le 20 octobre 2025, la Colombie a rappelé son ambassadeur à Washington « pour consultations ». Traduction diplomatique : rupture majeure. Puis Bogota a utilisé un terme qui n’avait pas été entendu depuis des décennies—une « menace d’invasion ». Le gouvernement colombien a officiellement dénoncé les actions américaines comme des violations massives de sa souveraineté, des dépassements de tous les traités internationaux, des gestes de guerre.
Et Petro, dans une série de messages sur les réseaux sociaux qui frôlaient le verbe d’une colère presque poétique, a laissé tomber son avertissement final. C’était moins une menace qu’une mise en garde mystérieuse, chargée de symboles : « Ne réveillez pas le jaguar. » Ce n’était pas dit à Trump directement, mais c’était clair comme du cristal. La Colombie, longtemps l’agneau docile de Washington, se transformait en quelque chose d’autre. Quelque chose de plus dangereux. Quelque chose de plus fier.
Les 37 morts qui font trembler le système
Mais les chiffres continuaient à monter. Dix bateaux. Trente-sept corps. Le chef du Pentagone, Pete Hegseth, parlait tranquillement de ses « frappes cinétiques » comme si nous parlions de vidéos de tennis, pas de meurtres de masse sans procédure légale. La Cour pénale internationale aurait dû exploser d’indignation. Les organisations de défense des droits humains auraient dû crier au scandale. Mais non—la majorité du monde occidental s’est contentée de regarder, impuissant.
Le 23 octobre, Trump a annoncé une nouvelle frappe. Hegseth a déclaré que six « narco-terroristes » avaient été tués lors d’une attaque de nuit sur un bateau dans les Caraïbes. Six de plus. Zéro preuve. Zéro transparence. Juste une déclaration, un voile de légalité sur ce qui ressemblait de plus en plus à un nettoyage ethnique économique.
Les avertissements de Petro : quand la poésie devient politique
« Ne réveillez pas le jaguar »—le symbole qui a choqué Washington
La phrase est restée dans les murs. Elle a circulé sur les réseaux sociaux colombiens comme une traînée de poudre. « Ne réveillez pas le jaguar. » Pour ceux qui ne connaissent pas la Colombie, le jaguar n’est pas juste un animal. C’est un symbole ancestral, un esprit de la forêt amazonienne, une métaphore du pouvoir dormant, de la fierté retenue. Dans la cosmologie colombienne—et latino-américaine plus largement—le jaguar est ce qui se réveille quand on franchit la ligne. C’est la limite.
Petro, ce poète politique avant d’être un leader, savait exactement ce qu’il faisait. Il ne menançait pas Trump directement. Il parlait à la Colombie. Il disait : réveillez-vous. Arrêtez d’accepter les coups. Arrêtez de plier le genou. Soyez le jaguar. Et à Trump, il adressait un message plus subtil mais plus terrifiant : vous ne savez pas ce que vous risquez. Vous pensez que c’est juste de la drogue, un problème de sécurité. Mais vous avez réveillé quelque chose de plus profond. La dignité d’une nation. La fierté d’un peuple.
L’ultimatum humain : « Humanity, get rid of Trump »
Quelques jours plus tard, lors d’une interview avec Univision, Petro a tenu un langage encore plus fort. Pas de poésie cette fois—de la politique brute. Il a dit que l’humanité avait deux chemins : soit Trump changeait, soit Trump devait être « retiré du pouvoir ». Les mots exacts ont fait le tour du monde. « Humanity has a first offramp, and it is to change Trump. In various ways. Perhaps the easiest way may be through Trump himself. If not, get rid of Trump. »
Washington s’est étranglé. Les médias mainstream américains, qui dorment généralement sur les questions latino-américaines, ont soudainement découvert qu’un petit président de gauche d’un petit pays avait osé remettre en question l’ordre établi. Mais Petro ne s’en souciait pas. Il a doublé la mise avec un post sur X : « Il y a deux chemins avec Trump : soit Trump change, soit Trump est retiré. »
La Colombie face au monstre : solidarité et résistance
La manifestation du 24 octobre : un peuple qui se mobilise
Le 22 octobre, Petro a lancé un appel à ses citoyens. Il leur demandait de se rassembler à la Plaza Bolívar, le cœur de Bogota, pour défendre la souveraineté nationale. Il a utilisé un langage qui ne laissait aucune ambiguïté : ils se mobilisaient « contre un monstre comme Trump ». Pas contre les États-Unis. Contre Trump. Cette distinction était importante, stratégique, et elle a visiblement marqué les esprits.
Le 24 octobre, des milliers de Colombiens ont rempli les rues. Pas des durs. Pas des guérilleros. Des mères, des enfants, des travailleurs, des pêcheurs qui avaient perdu leurs compagnons. Ils portaient des pancartes. Ils criaient « Colombie libre ». Ils criaient « Jamais plus ». Et dans cette foule, quelque chose de fondamental était en train de se transformer : la Colombie se réveillait. Pas comme une entité géopolitique passive, mais comme un sujet politique actif.
L’action juridique : poursuivre Trump en justice
Mais Petro n’était pas qu’un agitateur de foule. Il était aussi un stratège. Il a annoncé que la Colombie allait poursuivre Trump en justice pour ses diffamations, pour ses calomnies, pour l’avoir placé sur une liste de narcotrafiquants sans preuve. Il a juré de défendre sa réputation devant les cours américaines. Ce geste était symboliquement puissant : c’était dire que même face au pouvoir le plus brutal du monde, le droit pouvait encore triompher.
Pendant ce temps, Bogota a aussi pris une mesure qui a choqué Washington : elle a suspendu ses achats d’armes aux États-Unis, remettant en question deux décennies de partenariat militaire. Message clair : vous nous avez humiliés, vous avez violé notre souveraineté, vous avez tué nos citoyens. Désormais, vous ne nous armerez plus. La dépendance militaire de la Colombie vis-à-vis de Washington était un des piliers de l’influence américaine en Amérique du Sud. Et Petro l’écrasait.
COP30 : la tribune mondiale pour un acte d'accusation
Petro à Belem : « Mr. Trump is literally against humanity »
Le 5 novembre 2025, Petro a volé vers Belem, au Brésil, où se tenait la COP30, le sommet climatique mondial. C’était plus qu’une conférence. C’était une tribune globale. Et Petro en avait besoin.
Devant 60 chefs d’État, il a livré un discours qui aurait pu remplir un manifeste révolutionnaire. Il a dit à la face du monde que « Monsieur Trump est littéralement contre l’humanité ». Il a expliqué que Trump refusait de reconnaître la crise climatique. Il a critiqué l’absence de Trump au sommet comme une preuve de son mépris pour la vie même. Mais plus que tout, il a utilisé cette tribune pour rappeler au monde que les États-Unis ne pouvaient pas simplement ignorer le droit international quand cela les arrangeait.
« Ce n’est pas une question de forage ou de pétrole », a déclaré Petro. « C’est une question de vie. C’est une question de survie. Et pendant que nous parlons de climat, les États-Unis assassinent des pêcheurs dans les Caraïbes. Pendant que nous parlons d’avenir, ils détruisent le présent. »
L’indictement moral : la Colombie parle pour les sans-voix
Ce qui était remarquable dans ce discours, c’est qu’il transcendait les querelles diplomatiques classiques. Petro n’était pas juste un président défendant son pays. Il était un accusateur moral. Il parlait pour les pêcheurs morts. Pour Alejandro Carranza dont le seul crime avait été de chercher du poisson. Pour les 37 vies qui avaient été éteintes sans raison légale.
Et il disait quelque chose que personne d’autre n’osait dire : que le problème n’était pas le Moyen-Orient, n’était pas la Russie, n’était pas même le changement climatique en dernier ressort. Le problème, c’était que la puissance avait cessé de reconnaître le droit. Que les États-Unis—le champion autoproclamé de la démocratie et des droits humains—étaient devenus un État voyou qui assassinait en toute impunité.
Les implications globales : quand le sud refuse de plier
Un précédent dangereux pour le système international
Ce qui se joue en ce moment dépasse de loin les querelles entre Trump et Petro. C’est une question fondamentale sur le fonctionnement de l’ordre international. Depuis la fin de la Guerre froide, il existait un consensus : les États-Unis, en tant que superpuissance unique, pouvaient se permettre un certain degré d’unilatéralisme. Ils pouvaient ignorer les traités internationaux. Ils pouvaient intervenir militairement sans l’aval des Nations unies. Ils pouvaient faire la loi.
Mais la Colombie, ce pays que tout le monde croyait domestiqué, cette nation que Washington pensait pouvoir contrôler avec un mélange de carrot and stick, venait de dire non. Et ce non était devenu contagieux. Autres pays latino-américains se posaient des questions. Si la Colombie pouvait résister, pourquoi pas eux? Et si les États-Unis pouvaient simplement assassiner des pêcheurs en Colombie, qu’est-ce qui l’empêcherait de faire la même chose ailleurs?
La fracture de l’alliance historique
Les États-Unis et la Colombie avaient entretenu une relation spéciale pendant plus de deux cents ans. Bogota avait été le laboratoire de l’influence américaine en Amérique du Sud. C’était là que Washington avait appris à manipuler, à corrompre, à coopter. C’était là que la CIA avait perfectionné ses techniques. Et quand le reste de l’Amérique latine était devenu socialiste ou insurgé, la Colombie avait toujours penché du côté américain.
Mais Petro avait changé les calculs. En élisant le premier président de gauche de son histoire, les Colombiens avaient d’une certaine manière décidé de s’affranchir de ce schéma. Et maintenant, face aux violations de Trump, Bogota refusait de simplement accepter. Elle créait précédent. Elle disait : l’alliance est finie si elle signifie accepter l’assassinat de nos citoyens.
Conclusion - L'avertissement qui raisonne à travers l'Amérique
« Ne réveillez pas le jaguar. » C’était l’avertissement de Gustavo Petro à Donald Trump en octobre 2025. Et cet avertissement n’est pas passé inaperçu. Il a resonné à travers les rues de Bogota. Il a ébranlé les salons de Washington. Il a forcé le monde à se demander si l’ordre international que nous connaissions depuis 30 ans était vraiment aussi stable que nous le pensions.
La Colombie, ce pays que tant de gens pensaient anéanti, corrompu, définitivement assujetti, s’était réveillée. Et en se réveillant, elle avait posé la question que tout le reste du monde se posait silencieusement : qu’est-ce qui se passe quand une superpuissance cesse de respecter la loi? Qu’est-ce qui arrive quand elle commence simplement… à tuer? Et comment peut-on la confronter?
Trump avait peut-être pensé que la Colombie plierait comme d’habitude. Que Petro reculerait. Que le show irait dans l’oubli comme tant d’autres scandales. Mais il s’était trompé. Il avait réveillé quelque chose de plus fondamental que la politique, plus profond que la diplomatie. Il avait réveillé la dignité. Et un peuple qui a retrouvé sa dignité n’est jamais aussi dangereux.
Maintenant, le monde regarde. Maintenant, d’autres pays se demandent : à notre tour? Maintenant, l’ordre international lui-même vacille sur ses fondations. Et c’est tout cela qui était contenu dans ces quatre mots : « Ne réveillez pas le jaguar. »