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Portland décrite comme ravagée par la guerre

Pour comprendre cette affaire, il faut d’abord saisir la vision trumpiste de Portland. Dans l’univers parallèle de Trump et de ses médias alliés, Portland n’est pas une ville prospère du Nord-Ouest avec une économie dynamique, des industries technologiques florissantes, et une qualité de vie enviable. Non. C’est une zone de guerre. Une ville « ravagée », « anarchique », « contrôlée par Antifa », où des « hordes radicales » terrorisent les citoyens honnêtes et où la loi n’existe plus. Trump a utilisé ce narratif avec constance depuis les manifestations Black Lives Matter de 2020, quand Portland est devenue un symbole national des protestations contre la brutalité policière. Pour Trump, Portland représente tout ce qu’il déteste: une ville démocrate, progressiste, jeune, diverse, qui refuse de se soumettre à son autorité. Alors il la diabolise, la transforme en épouvantail pour effrayer sa base électorale. « Regardez ce qui arrive quand les démocrates contrôlent une ville! » Le fait que cette description soit grotesquement exagérée — que Portland soit objectivement l’une des villes les plus sûres et vivables d’Amérique — n’a aucune importance dans la politique trumpiste. Le narratif compte plus que la réalité.

Les manifestations devant l’ICE comme prétexte

Le prétexte immédiat pour le déploiement militaire était les manifestations continues devant le bâtiment de l’Immigration and Customs Enforcement à Portland. Depuis le retour de Trump au pouvoir en janvier 2025, l’ICE a intensifié massivement ses opérations d’arrestation et d’expulsion — séparant des familles, ciblant des résidents de longue date, menant des raids dans les sanctuaires urbains. À Portland, comme dans d’autres villes progressistes, des militants ont organisé des manifestations régulières devant les installations de l’ICE pour protester contre ces politiques. Les manifestants bloquent parfois l’accès au bâtiment, scandent des slogans, tiennent des banderoles. C’est une protestation classique, constitutionnellement protégée par le Premier Amendement. Mais pour Trump et son administration, c’est une rébellion. Un défi intolérable à l’autorité fédérale. Le secrétaire à la Défense Pete Hegseth avait affirmé que ces manifestations empêchaient les agents fédéraux de faire leur travail, constituaient une menace pour la sécurité nationale, et justifiaient une réponse militaire. Le problème? Les témoignages lors du procès ont complètement démoli cette version. Le directeur régional de l’ICE lui-même a admis sous serment que les manifestations n’avaient que « minimalement entravé » les opérations fédérales. Les agents pouvaient entrer et sortir du bâtiment. Les expulsions continuaient. Aucun employé fédéral n’avait été blessé.

La fédéralisation forcée contre la volonté des gouverneurs

Ce qui rend l’action de Trump particulièrement choquante juridiquement, c’est qu’il n’a pas simplement demandé l’aide des États — il l’a imposée par la force. Normalement, la Garde nationale opère sous le contrôle des gouverneurs d’État. Le président peut demander leur activation pour assister dans des urgences fédérales, mais les gouverneurs décident. C’est un équilibre constitutionnel fondamental entre pouvoir fédéral et souveraineté des États. Mais Trump, furieux que la gouverneure Kotek ait refusé sa demande, a invoqué des pouvoirs d’urgence pour fédéraliser unilatéralement les troupes — les plaçant sous commandement fédéral contre la volonté de l’Oregon. Il est allé plus loin: il a également fédéralisé des troupes du Texas et de la Californie pour les envoyer à Portland, encore une fois sans le consentement des gouverneurs. Le gouverneur de Californie Gavin Newsom a immédiatement joint la poursuite judiciaire de l’Oregon. C’était un affront sans précédent aux droits des États. Même durant les pires moments de tensions fédérales-étatiques dans l’histoire américaine — la déségrégation forcée dans les années 1950-60, la répression des émeutes dans les années 1960-70 — les présidents avaient généralement tenté de négocier avec les gouverneurs avant d’imposer leur volonté. Trump n’a même pas fait semblant. Il a simplement ordonné le déploiement et a dit aux gouverneurs de la fermer.

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