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Bill Pulte et la comparaison avec Roosevelt qui a mal tourné

Samedi dernier, Bill Pulte a lancé la grenade sur les réseaux sociaux avec une déclaration qui se voulait triomphante : « Grâce au président Trump, nous travaillons effectivement sur l’hypothèque de 50 ans – un véritable game changer ». Cette annonce faisait suite à un graphique partagé par Trump lui-même sur Truth Social, où il se comparait à Franklin D. Roosevelt, le président qui avait institué l’hypothèque de 30 ans pendant le New Deal des années 1930. Sur l’image, Roosevelt apparaissait avec la mention « hypothèque de 30 ans », tandis que Trump se présentait avec « hypothèque de 50 ans », suggérant une continuité historique entre les deux réformes révolutionnaires. L’intention était claire : positionner Trump comme un réformateur visionnaire du même calibre que Roosevelt, celui qui avait sauvé le rêve américain de la propriété pendant la Grande Dépression.

Mais la comparaison a immédiatement sonné faux pour de nombreux conservateurs. Roosevelt était un démocrate progressiste dont le New Deal représente tout ce que les républicains modernes détestent : l’expansion massive du gouvernement fédéral, l’intervention étatique dans l’économie et la création de programmes sociaux permanents. Comparer Trump à Roosevelt revenait à trahir l’identité républicaine elle-même. Pire encore, l’hypothèque de 30 ans de Roosevelt avait effectivement aidé des millions d’Américains à accéder à la propriété en rendant les paiements plus abordables, mais elle fonctionnait dans un contexte économique radicalement différent. Les taux d’intérêt étaient beaucoup plus bas, les prix des maisons étaient une fraction de ce qu’ils sont aujourd’hui, et la durée de 30 ans représentait déjà un engagement considérable. Passer à 50 ans dans le contexte actuel n’est pas une évolution logique, c’est une déformation grotesque qui transforme la propriété en servitude perpétuelle.

La rhétorique du « rêve américain pour les jeunes » qui sonne creux

Dimanche matin, face aux premières critiques, Pulte a tenté de défendre la proposition en invoquant les jeunes Américains et leur accès au rêve américain. « Nous sommes totalement concentrés sur la garantie du rêve américain pour les JEUNES GENS et cela ne peut se faire qu’au niveau économique de l’achat d’une maison. Une hypothèque de 50 ans est simplement une arme potentielle dans un LARGE arsenal de solutions que nous développons en ce moment », a-t-il écrit en majuscules emphatiques. Cette rhétorique, qui se voulait rassurante, a au contraire amplifié la colère. Les critiques ont immédiatement relevé l’absurdité de prétendre aider les jeunes en les enchaînant à une dette qui durera jusqu’à leurs 70 ou 80 ans, peut-être même au-delà de leur espérance de vie.

La réalité mathématique est impitoyable. Un emprunteur de 30 ans qui souscrit une hypothèque de 50 ans ne sera libéré de sa dette qu’à 80 ans, bien après l’âge normal de la retraite, à un moment où ses revenus auront drastiquement diminué. Et c’est en supposant qu’il puisse maintenir ses paiements pendant un demi-siècle sans interruption, sans perte d’emploi, sans urgence médicale, sans divorce ou autre catastrophe financière. L’hypothèque de 50 ans transforme la propriété en location perpétuelle à la banque, avec l’illusion de posséder quelque chose qu’on ne possédera jamais vraiment avant d’être trop vieux pour en profiter. Les jeunes Américains que Pulte prétend aider se retrouveraient piégés dans un système où ils paieraient des intérêts pendant des décennies, enrichissant les banques tout en accumulant très lentement de la valeur nette dans leur propriété. C’est exactement le contraire de la construction de richesse que la propriété immobilière est censée représenter.

Les chiffres qui tuent la proposition dans l’œuf

Les analystes financiers ont rapidement fait les calculs, et les résultats sont dévastateurs pour la crédibilité de la proposition. Sur une hypothèque de 400 000 dollars à un taux d’intérêt de 6,5%, une hypothèque traditionnelle de 30 ans générerait des paiements mensuels d’environ 2 528 dollars, avec un coût total d’environ 910 000 dollars sur la durée du prêt. Une hypothèque de 50 ans sur le même montant réduirait les paiements mensuels à environ 2 246 dollars, une économie d’environ 282 dollars par mois. Cela semble attrayant en surface, mais le coût total du prêt explose à environ 1,35 million de dollars, soit près de 440 000 dollars d’intérêts supplémentaires payés aux banques pour cette « accessibilité » accrue.

En d’autres termes, l’emprunteur paie presque autant en intérêts supplémentaires que le montant initial du prêt, juste pour avoir le privilège d’étaler ses paiements sur deux décennies supplémentaires. Et ces calculs supposent que les taux restent fixes, ce qui est loin d’être garanti. De plus, pendant les premières décennies d’une hypothèque de 50 ans, la quasi-totalité des paiements mensuels va aux intérêts plutôt qu’au capital, ce qui signifie que l’emprunteur accumule de la valeur nette à un rythme d’escargot. Si cette personne doit vendre ou déménager dans les vingt premières années, elle découvrira qu’elle a très peu de valeur nette dans sa propriété malgré des années de paiements. C’est un piège financier déguisé en solution d’accessibilité, et les républicains conservateurs voient cela avec une clarté brutale.

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