Les chiffres sont implacables et dévastateurs pour Donald Trump. Selon l’agrégateur RealClearPolitics, son taux d’approbation net a atteint -7,9 points de pourcentage début novembre 2025, le plus bas de son second mandat. Le sondage Emerson College, réalisé les 3 et 4 novembre, montre que seulement 41% des Américains approuvent le travail de Trump, tandis que 49% le désapprouvent — une inversion complète par rapport à janvier où il jouissait d’un taux d’approbation de 49% contre 41% de désapprobation. En seulement neuf mois, Trump a perdu 8 points d’approbation et gagné 8 points de désapprobation, une trajectoire catastrophique pour n’importe quel président. Le sondage YouGov/Economist est encore plus brutal : il montre un taux d’approbation de seulement 39%, le plus bas depuis son retour en fonction, avec 58% de désapprobation, soit un taux net de -19 points. Même Rasmussen Reports, un institut de sondage souvent perçu comme favorable aux Républicains, confirme la tendance avec un taux d’approbation net de -8 points, le plus faible depuis janvier. Nate Silver, dans son analyse publiée sur Substack le 9 novembre, a souligné que le taux de « désapprobation forte » de Trump avait atteint un sommet de 45% pour son second mandat, indiquant que non seulement les gens désapprouvent Trump, mais ils le font avec intensité.
Ce qui est peut-être encore plus alarmant pour Trump, c’est que sa base électorale elle-même commence à montrer des signes de fatigue. Le sondage YouGov/Economist révèle que seulement 84% de ceux qui ont voté pour Trump en 2024 approuvent son travail présidentiel, contre 14% qui désapprouvent. Un taux d’approbation de 84% parmi ses propres électeurs peut sembler élevé, mais c’est une érosion significative — dans des circonstances normales, un président devrait avoir plus de 90% d’approbation parmi ceux qui l’ont élu. Cette fissure dans sa base est particulièrement troublante pour Trump, dont toute la stratégie politique repose sur la mobilisation fanatique de ses partisans. Si même eux commencent à douter, les fondations de son pouvoir politique s’effritent. Le titre de l’article de l’Independent capturait parfaitement cette dynamique : « Même les partisans de Trump commencent à se retourner contre lui alors que son taux d’approbation dégringole chez les Républicains ». Les experts attribuent cette chute à plusieurs facteurs convergents : la fermeture gouvernementale interminable, les politiques tarifaires qui ont provoqué une hausse des prix pour les consommateurs, les scandales de corruption impliquant des membres de son administration, et une perception croissante que Trump est plus intéressé par les guerres culturelles et l’auto-promotion que par la résolution de problèmes concrets affectant les Américains ordinaires.
La fermeture gouvernementale : le facteur déterminant
Si l’on cherche un coupable unique pour l’effondrement de la popularité de Trump, c’est sans aucun doute la fermeture gouvernementale qui a débuté le 1er octobre 2025. Quarante jours plus tard, le 9 novembre, cette paralysie était devenue officiellement la plus longue de l’histoire américaine, dépassant même le record de 34 jours établi par Trump lui-même en décembre 2018-janvier 2019 lors de sa première présidence. Cette fois, l’impasse concerne les subventions de l’Affordable Care Act (Obamacare) : les crédits d’impôt élargis, introduits sous l’administration Biden en 2021 et qui ont permis à 24 millions d’Américains de s’inscrire à l’assurance maladie, arrivent à expiration. Les Démocrates exigent leur renouvellement avant de voter pour rouvrir le gouvernement. Les Républicains, suivant les ordres de Trump qui déteste viscéralement l’héritage d’Obama, refusent. Le résultat? Des centaines de milliers d’employés fédéraux travaillent sans salaire, des parcs nationaux sont fermés, des services essentiels comme l’approbation de prêts hypothécaires et de petites entreprises sont suspendus, et l’économie américaine perd environ 1,5 milliard de dollars par jour selon les estimations économiques. Les files d’attente dans les aéroports s’allongent car le personnel de sécurité de la TSA appelle en masse, incapable de payer leurs factures sans salaire. Les bénéficiaires du programme SNAP (bons alimentaires) craignent que leurs prestations soient coupées, malgré des ordonnances judiciaires exigeant que les paiements continuent.
Le public américain ne se demande pas qui blâmer — les sondages sont clairs : Trump et les Républicains portent la responsabilité. Un sondage ABC News/Washington Post/Ipsos de début novembre montrait que 62% des Américains considèrent Trump et le GOP comme « déconnectés » de la réalité, une perception aggravée par l’image de Trump jouant au golf à Mar-a-Lago pendant que des agents fédéraux font la queue dans des banques alimentaires. Trump lui-même a admis mardi 4 novembre que la fermeture était « un grand facteur, négatif » dans les défaites électorales républicaines, mais il a refusé d’accepter toute responsabilité personnelle, blâmant à la place les Démocrates pour leur « obstruction ». Cette incapacité à reconnaître l’évidence — que c’est sa propre intransigeance sur l’Obamacare qui a provoqué cette crise — illustre parfaitement l’arrogance qui alimente sa chute de popularité. Thomas Gift, professeur agrégé de science politique cité par Newsweek, a résumé la dynamique : « Il est difficile de regarder la fermeture et de ne pas voir qu’elle impacte les sondages de Trump. Même si les gens sont frustrés par les Démocrates, un dysfonctionnement prolongé aide rarement politiquement. Les fermetures tendent à renforcer la perception que Washington est brisé — et bien que les deux partis puissent être critiqués, le président porte habituellement le gros du blâme. »
Les défaites électorales dévastatrices du 4 novembre
Le mardi 4 novembre 2025 a été une journée catastrophique pour le Parti républicain et pour Trump personnellement. Les élections de mi-mandat — bien qu’elles soient techniquement des élections « off-year » puisqu’elles ne concernent pas le Congrès fédéral mais des postes gubernatoriaux, municipaux et d’autres questions référendaires — ont été largement interprétées comme un référendum sur la première année du second mandat de Trump. Et le verdict du public était sans appel : rejet massif. À New York, le candidat démocrate au poste de gouverneur a remporté une victoire à deux chiffres, consolidant le contrôle du parti dans cet État bleu crucial. Au New Jersey, un autre État que les Républicains espéraient secrètement pouvoir arracher aux Démocrates grâce à la frustration économique, les Démocrates ont également gagné par une marge confortable. En Californie, la Proposition 50, une mesure soutenue par les Démocrates qui permettra le redécoupage des circonscriptions congressionnelles en faveur du parti, a été adoptée, menaçant de faire perdre aux Républicains plusieurs sièges à la Chambre lors des vraies élections de mi-mandat en 2026. Mais le coup le plus symbolique et le plus dévastateur a été l’élection à la mairie de New York City de Zoh Mahmoud, un candidat ouvertement socialiste démocrate qui a écrasé ses adversaires dans une ville traditionnellement considérée comme modérée sur le plan économique.
Ces résultats ont déclenché la panique au sein du GOP. Si les Républicains perdent des États bleus comme New York et le New Jersey par des marges aussi larges, et si même des villes comme New York élisent des socialistes, que se passera-t-il lors des véritables élections de mi-mandat en 2026 où tous les sièges de la Chambre et un tiers du Sénat seront en jeu? Les stratèges républicains commencent déjà à préparer un scénario cauchemardesque où les Démocrates reprennent non seulement la Chambre (qu’ils ont perdue en 2024), mais potentiellement même le Sénat, malgré une carte électorale défavorable. Le sondage Emerson College réalisé juste après les élections a révélé des données encore plus inquiétantes pour le GOP : 71% des électeurs démocrates se sentent « motivés » à voter lors des élections de mi-mandat de 2026, contre seulement 60% des Républicains. Cette énorme différence de motivation — un écart de 11 points — suggère que les Démocrates sont énergisés et furieux, tandis que les Républicains sont découragés et apathiques. De plus, 43% des électeurs ont déclaré que leur vote en 2026 serait un rejet de Trump, contre seulement 29% qui verraient leur vote comme un soutien à Trump. Ces chiffres sont catastrophiques pour un président qui espère gouverner efficacement pendant trois ans supplémentaires.
L'annonce des 2000 dollars : promesse sincère ou manœuvre désespérée?
C’est dans ce contexte de désastre politique que Donald Trump a publié dimanche 9 novembre son message sur Truth Social promettant de verser « au moins 2000 dollars par personne » aux Américains. « Les gens qui sont contre les Tarifs sont des IMBÉCILES! » a-t-il écrit avec ses majuscules caractéristiques. « Nous sommes maintenant le Pays le Plus Riche, le Plus Respecté du Monde, Avec Presque Aucune Inflation, et Un Prix Record du Marché Boursier. Les 401k sont au Plus Haut JAMAIS. » Cette auto-congratulation délirante — ignorant totalement les sondages catastrophiques, la fermeture gouvernementale, et les défaites électorales — se poursuit : « Nous encaissons des Trillions de Dollars et commencerons bientôt à rembourser notre ÉNORME DETTE, 37 Trillions. Investissement record aux USA, usines et fabriques qui s’installent partout. Un dividende d’au moins 2000 dollars par personne (n’incluant pas les gens à revenu élevé!) sera versé à tout le monde. » Aucun des revenus « incroyables » pour les États-Unis ne serait possible sans les tarifs, a-t-il insisté. Cette promesse soulève immédiatement plusieurs questions critiques : d’où viendra exactement cet argent? Quand sera-t-il versé? Qui est exclu par le terme vague « gens à revenu élevé »? Et surtout, est-ce légalement et financièrement réalisable?
L’idée d’un « dividende tarifaire » n’est pas nouvelle — Trump l’avait déjà évoquée en octobre 2025 lors d’une interview avec One America News Network, suggérant alors un montant de 1000 à 2000 dollars. « Nous pensons peut-être 1000 à 2000 dollars — ce serait génial », avait-il dit à l’époque, ajoutant que réduire la dette nationale était sa priorité « numéro un », mais qu’après cela, « nous pourrions faire une distribution aux gens ». Trump prétend que ses tarifs massifs — imposés sur pratiquement toutes les importations étrangères depuis son « Liberation Day » en avril 2025 — génèrent des centaines de milliards de dollars de revenus pour le gouvernement fédéral. Il a affirmé dans l’interview d’octobre que les tarifs pourraient éventuellement rapporter « plus d’un trillion de dollars par an ». Ces chiffres sont largement contestés par les économistes, qui soulignent que les tarifs sont en réalité payés par les importateurs américains (et ultimement par les consommateurs sous forme de prix plus élevés), et que les revenus réels collectés sont bien inférieurs aux projections fantaisistes de Trump. De plus, l’idée que le gouvernement puisse à la fois utiliser ces revenus pour « rembourser la dette de 37 trillions de dollars » et distribuer des chèques de 2000 dollars à plus de 330 millions d’Américains (ce qui coûterait au moins 660 milliards de dollars) relève de la pensée magique.
Les tarifs de Trump : miracle économique ou désastre inflationniste?
Pour comprendre si la promesse de Trump est crédible, il faut examiner de près sa politique tarifaire et ses conséquences réelles. Depuis son retour à la Maison Blanche en janvier 2025, Trump a ressuscité et considérablement élargi sa stratégie de la première présidence consistant à imposer des tarifs punitifs sur les importations étrangères. En avril 2025, lors de son « Liberation Day », Trump a annoncé une expansion massive des tarifs à pratiquement toutes les nations, justifiant ces mesures par l’International Emergency Economic Powers Act (IEEPA), une loi qui autorise le président à prendre des mesures économiques d’urgence en cas de menace à la sécurité nationale. Les partenaires commerciaux majeurs comme le Canada, le Mexique et la Chine ont été frappés par des tarifs allant de 25% à 60% sur certains produits. L’administration Trump a présenté ces tarifs comme une « taxe sur les pays étrangers » qui forcerait les entreprises à ramener la production aux États-Unis, créerait des emplois manufacturiers, et générerait des revenus massifs pour le gouvernement. Mais la réalité économique est bien plus complexe et beaucoup moins rose que Trump ne le prétend.
Les économistes sont pratiquement unanimes : les tarifs sont payés par les importateurs américains, pas par les gouvernements étrangers, et ces coûts sont largement transmis aux consommateurs sous forme de prix plus élevés. Depuis l’imposition des tarifs en avril, les Américains ont vu les prix grimper sur une vaste gamme de produits : électronique, vêtements, automobiles, matériaux de construction, et même denrées alimentaires. Selon Scripps News, les coûts des plans d’assurance Obamacare ont grimpé en flèche malgré les affirmations contraires des responsables de Trump — une ironie cruelle étant donné que Trump justifie la fermeture gouvernementale par sa volonté de réduire les coûts de l’Obamacare. Un rapport d’octobre 2025 a révélé que l’inflation, qui avait été maîtrisée sous Biden à environ 2-3% annuellement, a recommencé à grimper, atteignant près de 4% en grande partie à cause des tarifs. Les entreprises américaines qui dépendent de chaînes d’approvisionnement mondiales — c’est-à-dire pratiquement toutes les grandes entreprises — ont été forcées soit d’absorber ces coûts (réduisant leurs profits et potentiellement leurs investissements et embauches), soit de les transmettre aux consommateurs (aggravant l’inflation). Plusieurs coalitions de petites entreprises et plusieurs États ont intenté des poursuites contre les tarifs de Trump, arguant qu’ils dépassent l’autorité présidentielle et violent la séparation des pouvoirs en imposant effectivement des taxes sans l’approbation du Congrès.
Le défi de la Cour suprême : le château de cartes s’effondre?
L’ensemble de la stratégie tarifaire de Trump — et par extension sa promesse de dividende de 2000 dollars — repose sur une fondation juridique extrêmement fragile actuellement contestée devant la Cour suprême. Mercredi 6 novembre 2025, la Cour a entendu des arguments dans deux affaires majeures remettant en question la légalité de l’utilisation par Trump de l’International Emergency Economic Powers Act pour imposer des tarifs universels sans l’approbation du Congrès. Des cours fédérales inférieures ont déjà statué que de nombreux tarifs de Trump étaient illégaux, représentant une extension inconstitutionnelle du pouvoir exécutif. Les plaignants — une coalition de petites entreprises, plusieurs États, et des groupes de défense des consommateurs — argumentent que l’IEEPA était destinée à être utilisée dans de véritables urgences de sécurité nationale à court terme (comme le gel des avoirs d’un régime hostile), et non comme un outil permanent pour remodeler l’ensemble de la politique commerciale américaine. Même des juges conservateurs de la Cour suprême ont exprimé du scepticisme lors des audiences, questionnant si Trump avait réellement prouvé l’existence d’une « urgence nationale » justifiant ces mesures extraordinaires. Si la Cour statue contre Trump — une décision attendue d’ici juin 2026 — l’ensemble de son régime tarifaire pourrait s’effondrer du jour au lendemain, éliminant la source de revenus sur laquelle il compte pour financer ses chèques de 2000 dollars.
La réaction publique et l'analyse des experts
La promesse de Donald Trump de verser 2000 dollars à chaque Américain a provoqué des réactions mitigées allant du scepticisme cynique à l’enthousiasme prudent, en passant par la moquerie pure et simple. Sur les réseaux sociaux, les partisans de Trump ont célébré l’annonce comme preuve de sa générosité et de son engagement envers le « peuple américain », partageant le message avec des commentaires comme « Voilà pourquoi j’ai voté pour lui! » et « Trump tient ses promesses! ». Mais même parmi sa base, on détecte des notes de scepticisme : « Quand exactement recevrons-nous cet argent? » et « Ça a l’air trop beau pour être vrai » sont des réactions communes. Les opposants de Trump, prévisiblement, ont ridiculisé l’annonce comme une tentative transparente de distraction de ses problèmes politiques et comme une promesse vide qu’il n’a aucune intention ou capacité de tenir. Des mèmes ont rapidement circulé comparant Trump à un escroc vendant des « chèques magiques » ou à un candidat à une émission de télé-réalité promettant des prix qu’il ne livrera jamais. L’humoriste politique Stephen Colbert a moqué l’annonce dans son émission de fin de soirée lundi, disant : « Trump promet 2000 dollars à tout le monde, à l’exception des ‘gens à revenu élevé’. Alors je suppose que personne dans son administration ne recevra ce chèque. »
Les experts économiques et les analystes politiques ont été presque unanimement sceptiques sur la faisabilité de la promesse. Forbes, dans son article du 9 novembre, a souligné que Trump n’avait fourni aucun détail sur le calendrier, les critères d’éligibilité, ou le mécanisme de distribution de ces paiements. Qui exactement est exclu par le terme « gens à revenu élevé »? Est-ce ceux qui gagnent plus de 100 000 dollars par an? 200 000? 400 000? Cette ambiguïté délibérée permet à Trump de faire une promesse qui sonne généreuse tout en se laissant la possibilité de l’ajuster ou de la réduire considérablement plus tard. De plus, même si on suppose que les tarifs génèrent les revenus que Trump prétend — ce qui est hautement contestable — utiliser cet argent pour des chèques de stimulation plutôt que pour réduire la dette (qu’il a également promis) ou financer des programmes gouvernementaux essentiels soulève des questions de priorités fiscales. Hindustantimes a noté que la promesse arrivait « alors que sa politique tarifaire fait face à un défi devant la Cour suprême », suggérant que Trump tentait de mobiliser le soutien public pour les tarifs juste au moment où leur légalité était remise en question. Si des millions d’Américains attendent des chèques de 2000 dollars financés par les tarifs, raisonne Trump, peut-être feront-ils pression sur la Cour suprême et le Congrès pour maintenir les tarifs.
Les précédents historiques des chèques de stimulation
L’idée de distribuer des chèques gouvernementaux directs aux citoyens n’est pas nouvelle dans la politique américaine récente. Pendant la pandémie de COVID-19 en 2020 et 2021, les administrations Trump et Biden ont envoyé plusieurs séries de chèques de stimulation aux Américains — d’abord 1200 dollars sous Trump en mars 2020, puis 600 dollars en décembre 2020, et finalement 1400 dollars sous Biden en mars 2021. Ces paiements, totalisant jusqu’à 3200 dollars par personne sur treize mois, étaient destinés à soutenir l’économie pendant les confinements et à aider les gens à payer leurs factures lorsque des millions perdaient leur emploi. Ces chèques de stimulation étaient extrêmement populaires — qui n’aime pas recevoir de l’argent gratuit du gouvernement? — et ont temporairement boosté les taux d’approbation des deux présidents. Mais il y a des différences cruciales entre ces chèques pandémiques et la promesse actuelle de Trump. Premièrement, les chèques COVID étaient une réponse d’urgence à une crise économique sans précédent, pas une mesure politique calculée pour contrer une chute de popularité. Deuxièmement, ils étaient financés par une augmentation massive de la dette fédérale via des lois d’urgence bipartisanes adoptées par le Congrès — pas par des tarifs controversés dont la légalité est contestée. Troisièmement, les chèques COVID ont été distribués relativement rapidement après leur annonce, tandis que la promesse de Trump ne fournit aucun calendrier et pourrait ne jamais se matérialiser.
La stratégie politique derrière la promesse
Quelle est la véritable motivation de Trump derrière cette annonce? Les analystes politiques identifient plusieurs objectifs stratégiques entrelacés. Premièrement, et le plus évident, c’est une tentative de stopper sa chute de popularité en donnant aux Américains quelque chose d’excitant à anticiper. Si les gens croient qu’ils vont recevoir 2000 dollars, peut-être seront-ils plus indulgents envers la fermeture gouvernementale et les autres problèmes de l’administration Trump. Deuxièmement, c’est une manœuvre défensive pour protéger ses tarifs face au défi de la Cour suprême. En liant directement les tarifs à des bénéfices tangibles pour les citoyens ordinaires, Trump tente de créer un soutien populaire qui rendra politiquement difficile pour la Cour ou le Congrès d’éliminer les tarifs. « Si vous annulez mes tarifs, vous volez 2000 dollars à chaque Américain! » sera probablement son message de ralliement. Troisièmement, c’est une distraction classique — détourner l’attention des sondages catastrophiques, de la fermeture gouvernementale, et des défaites électorales en créant une nouvelle histoire qui domine le cycle médiatique. Pendant quelques jours, les médias parleront des chèques de 2000 dollars plutôt que de la crise politique de Trump. Quatrièmement, c’est un appel à sa base populiste : Trump se présente comme défendant « le peuple » contre les « élites » et les « imbéciles » qui s’opposent à ses tarifs.
Les implications économiques réelles d'un paiement de 2000 dollars
Si, par miracle, Donald Trump parvenait réellement à distribuer 2000 dollars à chaque Américain éligible, quelles seraient les conséquences économiques? Pour commencer, calculons les chiffres de base. Les États-Unis comptent environ 335 millions de personnes. Si on exclut les enfants (disons, moins de 18 ans, soit environ 73 millions), cela laisse environ 262 millions d’adultes. Si Trump exclu également les « gens à revenu élevé » — disons, généreusement, ceux qui gagnent plus de 150 000 dollars par an, soit environ 20 millions de personnes — il reste environ 242 millions de bénéficiaires potentiels. Multipliez ce nombre par 2000 dollars, et vous obtenez un coût total d’environ 484 milliards de dollars. C’est une somme colossale, représentant environ 12% du budget fédéral annuel total. D’où viendrait cet argent? Trump prétend qu’il proviendra des revenus tarifaires, mais les économistes estiment que même avec ses tarifs massifs, le gouvernement ne collecte probablement pas plus de 200 à 300 milliards de dollars par an en revenus tarifaires — bien moins que les 484 milliards nécessaires. De plus, Trump a également promis d’utiliser les revenus tarifaires pour « rembourser notre ÉNORME DETTE de 37 Trillions ». On ne peut pas faire les deux — soit on distribue l’argent aux citoyens, soit on rembourse la dette. La promesse est mathématiquement incohérente.
Supposons néanmoins que le gouvernement trouve d’une manière ou d’une autre l’argent pour ces paiements — soit en empruntant davantage (aggravant la dette que Trump prétend vouloir réduire), soit en coupant drastiquement d’autres programmes. Quels seraient les effets économiques? À court terme, l’injection de 484 milliards de dollars dans l’économie stimulerait certainement la consommation. Les gens dépenseraient cet argent sur des biens et services, boostant temporairement la croissance du PIB et créant une impression de prospérité. C’est exactement ce qui s’est passé avec les chèques de stimulation COVID — les dépenses de consommation ont grimpé en flèche, aidant l’économie à rebondir après les confinements. Mais il y a aussi des risques significatifs. Premièrement, une injection massive et soudaine d’argent dans l’économie pourrait aggraver l’inflation, qui est déjà en hausse à cause des tarifs de Trump. Si tout le monde reçoit 2000 dollars et commence à dépenser en même temps, la demande pour les biens et services augmentera plus vite que l’offre, poussant les prix à la hausse. Les économistes appellent cela « l’inflation de demande », et c’était une préoccupation majeure avec les chèques de stimulation COVID qui ont contribué à la flambée inflationniste de 2021-2022. Deuxièmement, si l’argent vient d’emprunts supplémentaires, cela aggrave le fardeau de la dette à long terme, créant des problèmes fiscaux futurs. Troisièmement, les chèques de stimulation sont intrinsèquement régressifs sur le plan fiscal — ils donnent le même montant à tout le monde (dans la fourchette d’éligibilité), ce qui signifie qu’ils ne ciblent pas nécessairement ceux qui en ont le plus besoin.
Les gagnants et les perdants d’un tel programme
Si les chèques de 2000 dollars étaient réellement distribués, qui en bénéficierait le plus et qui serait désavantagé? Les gagnants évidents seraient les Américains de la classe moyenne et ouvrière qui ont du mal à joindre les deux bouts — ceux pour qui 2000 dollars représentent une aide significative pour payer le loyer, l’épicerie, les soins médicaux, ou rembourser des dettes. Pour une famille de quatre personnes avec deux adultes éligibles, cela représenterait 4000 dollars, une somme substantielle. Les commerçants de détail bénéficieraient également d’une augmentation temporaire des dépenses de consommation. Les perdants, en revanche, seraient multiples. Premièrement, les « gens à revenu élevé » exclus du programme pourraient ressentir de l’amertume, surtout s’ils estiment qu’ils paient déjà une part disproportionnée des impôts. Deuxièmement, si le programme est financé par des coupes dans d’autres services gouvernementaux — comme les infrastructures, l’éducation, ou les programmes sociaux — les bénéficiaires de ces programmes perdront. Troisièmement, si le programme aggrave l’inflation, tout le monde souffre de prix plus élevés, effaçant potentiellement le bénéfice des 2000 dollars. Quatrièmement, les générations futures hériteront d’une dette nationale encore plus élevée si le programme est financé par emprunts. Il existe également une dimension intergénérationnelle : les personnes âgées vivant avec des revenus fixes pourraient être particulièrement vulnérables à l’inflation induite par le stimulus.
Le précédent dangereux de la politique par chèque
Au-delà des calculs économiques immédiats, la promesse de Trump soulève des questions troublantes sur la direction de la politique américaine. Sommes-nous en train de normaliser une « politique par chèque » où les présidents achètent le soutien populaire en distribuant de l’argent chaque fois que leur popularité faiblit? Cette dynamique est profondément malsaine pour la démocratie. Les décisions de politique publique devraient être basées sur ce qui est le mieux pour le pays à long terme, pas sur ce qui booste temporairement les sondages d’un président en difficulté. Si les chèques de Trump deviennent un précédent, les futurs présidents se sentiront obligés de faire de même — créant une spirale inflationniste de populisme fiscal où chaque administration essaie de surenchérir sur la précédente avec des paiements toujours plus généreux. Ce type de politique a été observé dans plusieurs démocraties d’Amérique latine, où des leaders populistes ont distribué de l’argent pour maintenir le pouvoir, avec des conséquences économiques désastreuses à long terme incluant hyperinflation, effondrement de la monnaie, et crises de la dette. Les États-Unis ne sont certainement pas immunisés contre ces dynamiques. Le dollar américain reste la monnaie de réserve mondiale pour l’instant, donnant aux États-Unis une capacité unique d’emprunter à bas coût, mais cette position privilégiée n’est pas garantie pour toujours. Si les marchés internationaux commencent à douter de la discipline fiscale américaine, les taux d’intérêt pourraient grimper, aggravant le fardeau de la dette et déclenchant une spirale fiscale.
La question de la légalité et de l'autorité présidentielle
Peut Donald Trump légalement distribuer 484 milliards de dollars aux Américains sans l’approbation du Congrès? La réponse courte est : presque certainement non. Selon la Constitution américaine, le pouvoir de dépenser l’argent fédéral appartient au Congrès, pas au président. L’Article I, Section 9 stipule clairement : « Aucun argent ne sera retiré du Trésor, sauf en conséquence d’appropriations faites par la loi. » Cela signifie que Trump ne peut pas simplement décider unilatéralement de distribuer des centaines de milliards de dollars — il a besoin d’une loi adoptée par la Chambre et le Sénat et signée par le président (ou adoptée en dépassant son veto). C’est exactement ce qui s’est passé avec les chèques de stimulation COVID : chacun d’entre eux était autorisé par des lois d’urgence spécifiques adoptées par le Congrès. Le CARES Act de mars 2020, qui a autorisé les premiers chèques de 1200 dollars, était un projet de loi de 2,2 trillions de dollars adopté avec un soutien bipartisan écrasant. Les chèques ultérieurs ont également été autorisés par des lois spécifiques. Trump ne peut pas simplement utiliser les revenus tarifaires comme bon lui semble — ces revenus vont dans le Trésor général et doivent être appropriés par le Congrès pour des usages spécifiques.
Cependant, Trump a montré à plusieurs reprises pendant ses deux présidences une volonté de tester — et parfois de dépasser — les limites de l’autorité présidentielle. C’est précisément ce qu’il a fait avec ses tarifs massifs, utilisant l’IEEPA d’une manière que beaucoup d’experts constitutionnels considèrent comme un abus de pouvoir exécutif. Pourrait-il tenter une manœuvre similaire avec les paiements de 2000 dollars? Une possibilité est qu’il demande au Congrès d’adopter une loi autorisant ces paiements — mais étant donné l’impasse politique actuelle et la fermeture gouvernementale en cours, cela semble hautement improbable. Les Démocrates ne soutiendront certainement pas un tel projet de loi sans obtenir des concessions majeures sur l’Obamacare et d’autres priorités, et même certains Républicains fiscalement conservateurs pourraient hésiter devant un tel gaspillage. Une autre possibilité est que Trump tente d’utiliser une autorité exécutive existante pour réallouer des fonds déjà appropriés — une technique qu’il a utilisée pendant sa première présidence pour détourner des fonds militaires vers la construction de son mur frontalier. Mais cette approche a déclenché des batailles juridiques massives et a été largement condamnée comme inconstitutionnelle. Si Trump tentait quelque chose de similaire pour les chèques de 2000 dollars, les poursuites seraient instantanées et les tribunaux bloqueraient probablement les paiements.
Le rôle du Congrès et l’impasse politique
Pour que la promesse de Trump se réalise légalement, le Congrès devrait adopter une loi l’autorisant. Mais compte tenu de l’environnement politique actuel — avec le gouvernement fédéral fermé depuis quarante jours à cause d’une impasse partisan — quelle est la probabilité que cela se produise? Proche de zéro. Les Démocrates du Sénat, qui ont le pouvoir de bloquer toute législation grâce au filibuster, n’ont aucune raison de donner à Trump une victoire politique facile, surtout pas sans obtenir leurs propres priorités en échange. Ils exigeraient probablement la prolongation des subventions Obamacare, des investissements dans les énergies renouvelables, des augmentations du salaire minimum, et une foule d’autres mesures comme prix pour leur soutien. Les Républicains, quant à eux, sont divisés. Les populistes alignés sur Trump pourraient soutenir les chèques comme moyen de récompenser la classe ouvrière, mais les conservateurs fiscaux traditionnels seraient horrifiés par le coût de 484 milliards de dollars et par l’augmentation de la dette qu’il représente. Le Freedom Caucus, l’aile la plus conservatrice du Parti républicain à la Chambre, s’est historiquement opposé à toute forme de dépense gouvernementale qu’il considère comme du gaspillage, et des chèques de stimulation non liés à une urgence économique réelle entreraient dans cette catégorie. Même si Trump parvenait d’une manière ou d’une autre à obtenir le soutien républicain, le processus législatif prendrait des mois — rédaction du projet de loi, audiences en comité, débats au sol, négociations entre la Chambre et le Sénat, et finalement vote final. Rien de tout cela ne se produira rapidement, surtout pas avec le gouvernement fermé.
Les options exécutives et leurs limites
Frustré par l’obstruction du Congrès, Trump pourrait-il contourner entièrement le processus législatif et distribuer les 2000 dollars par action exécutive? En théorie, le président dispose de certains pouvoirs d’urgence qui lui permettent de réallouer des fonds dans des circonstances extraordinaires. Mais ces pouvoirs sont étroitement limités et soumis à un examen judiciaire rigoureux. Par exemple, Trump pourrait invoquer l’IEEPA — la même loi qu’il utilise pour justifier ses tarifs — en déclarant une « urgence économique nationale » et en ordonnant que les revenus tarifaires soient distribués aux citoyens. Mais cette manœuvre serait encore plus audacieuse et juridiquement douteuse que les tarifs eux-mêmes, qui sont déjà contestés devant la Cour suprême. Les tribunaux auraient peu de difficulté à conclure qu’une telle utilisation de l’IEEPA est un détournement flagrant de la loi, qui était destinée à répondre à des menaces de sécurité nationale aiguës, pas à financer des programmes de redistribution de revenus. Une autre option serait la National Emergencies Act, qui donne au président certains pouvoirs pendant les urgences déclarées. Mais encore une fois, les tribunaux examineraient de près si une véritable urgence existe et si les actions du président sont proportionnelles et autorisées par la loi. Distribuer 484 milliards de dollars en chèques n’est clairement pas une réponse d’urgence à une menace imminente.
Les parallèles historiques et internationaux
L’histoire offre de nombreux exemples de dirigeants politiques distribuant de l’argent aux citoyens pour acheter le soutien populaire, avec des résultats variables. En Amérique latine, plusieurs pays ont expérimenté avec des programmes de transferts monétaires conditionnels ou inconditionnels, certains couronnés de succès, d’autres désastreux. Le Brésil, sous les présidences de Lula da Silva et Dilma Rousseff, a mis en place le programme Bolsa Família, qui fournit des paiements mensuels aux familles pauvres en échange de certaines conditions comme la scolarisation des enfants et les visites médicales. Ce programme a été largement considéré comme un succès, réduisant la pauvreté et stimulant l’économie sans causer d’inflation excessive. Mais il était soigneusement conçu, ciblé sur les plus pauvres, et intégré dans une stratégie économique plus large. Cela contraste fortement avec les promesses vagues et non ciblées de Trump. En Argentine et au Venezuela, en revanche, des leaders populistes ont distribué de l’argent et des subventions de manière beaucoup moins disciplinée, contribuant à des crises économiques incluant hyperinflation, effondrements monétaires, et crises de la dette. Le président vénézuélien Hugo Chávez et son successeur Nicolás Maduro ont utilisé les revenus pétroliers pour financer des programmes sociaux généreux, mais lorsque les prix du pétrole se sont effondrés, l’économie s’est effondrée avec eux, plongeant le pays dans une crise humanitaire.
En Europe, plusieurs pays ont expérimenté ou débattu du concept de revenu de base universel (RBU) — des paiements réguliers inconditionnels à tous les citoyens. La Finlande a mené une expérience pilote de 2017 à 2018, donnant 560 euros par mois à 2000 chômeurs aléatoirement sélectionnés. Les résultats ont été mitigés : les bénéficiaires ont rapporté un meilleur bien-être et moins de stress, mais il n’y a pas eu d’effet significatif sur l’emploi. L’expérience n’a pas été étendue à l’échelle nationale en partie à cause des coûts prohibitifs. La Suisse a tenu un référendum en 2016 sur un RBU proposé, qui aurait donné 2500 francs suisses (environ 2500 dollars) par mois à chaque adulte. La proposition a été massivement rejetée, avec 77% des votants contre, principalement en raison de préoccupations sur le coût et les effets sur la motivation au travail. Ces expériences européennes suggèrent qu’un programme bien conçu de transferts monétaires peut avoir des effets positifs, mais qu’il doit être soigneusement structuré, correctement financé, et bénéficier d’un large soutien politique — toutes des conditions absentes de la promesse improvisée de Trump. Aux États-Unis eux-mêmes, l’Alaska offre un exemple intéressant : le Permanent Fund Dividend, financé par les revenus pétroliers de l’État, distribue chaque année entre 1000 et 2000 dollars à chaque résident de l’Alaska. Ce programme existe depuis 1982 et est immensément populaire, prouvant qu’un dividende pour les citoyens financé par des ressources naturelles peut fonctionner. Mais l’Alaska a une population de seulement 730 000 personnes — mettre à l’échelle un tel programme pour 330 millions d’Américains est une proposition complètement différente.
Les leçons des chèques de stimulation COVID
L’exemple le plus récent et le plus pertinent pour la promesse de Trump est bien sûr les chèques de stimulation COVID distribués en 2020 et 2021. Ces paiements — totalisant 1200, 600, et 1400 dollars dans trois séries successives — ont fourni une aide financière cruciale à des dizaines de millions d’Américains pendant une crise économique sans précédent. Les études économiques suggèrent que ces chèques ont été efficaces pour prévenir une chute encore plus profonde de la consommation et pour maintenir de nombreuses familles hors de la pauvreté pendant les confinements. Mais ils ont également contribué à l’inflation qui a suivi en 2021-2022, lorsque l’économie a rouvert et que la demande refoulée a explosé alors que les chaînes d’approvisionnement étaient encore perturbées. Les économistes débattent encore de l’ampleur de cette contribution — certains estiment que les chèques de stimulation ont ajouté 2 à 3 points de pourcentage à l’inflation, tandis que d’autres soutiennent que les perturbations de l’offre étaient le facteur dominant. Quoi qu’il en soit, la leçon est claire : injecter des centaines de milliards de dollars dans l’économie a des conséquences inflationnistes, surtout lorsqu’il n’y a pas de crise de demande à résoudre. En 2025, contrairement à 2020, l’économie américaine n’est pas en récession — le taux de chômage est bas, la croissance est positive, et il n’y a pas de confinements paralysant l’activité. Dans ce contexte, un chèque de stimulation n’est pas vraiment une « stimulation » — c’est juste une redistribution d’argent qui risque d’aggraver l’inflation.
La tentation populiste à travers les époques
À un niveau plus philosophique, la promesse de Trump s’inscrit dans une longue tradition de populisme économique où les dirigeants promettent des bénéfices matériels immédiats pour gagner le soutien populaire sans considérer les conséquences à long terme. Dans la Rome antique, les politiciens distribuaient du pain et organisaient des jeux pour gagner les faveurs de la plèbe — d’où l’expression « du pain et des jeux ». Dans l’Angleterre médiévale, les rois achetaient la loyauté des nobles avec des terres et des titres. Dans l’Amérique du XIXe siècle, les machines politiques urbaines distribuaient des emplois et des faveurs en échange de votes. Le phénomène n’est pas nouveau, et il n’est pas limité à un côté du spectre politique — les politiciens de gauche comme de droite ont utilisé cette tactique. Mais dans une démocratie moderne avec une économie complexe et interdépendante, les conséquences de telles politiques sont potentiellement beaucoup plus graves. On ne peut pas simplement distribuer de l’argent sans se soucier d’où il vient, comment il affecte l’inflation, la dette, les marchés financiers, et la confiance internationale dans la monnaie américaine. Le dollar américain reste la monnaie de réserve mondiale, mais cette position repose sur la perception que les États-Unis sont un gestionnaire fiscal responsable. Si cette perception s’érode — en partie à cause de politiques populistes irresponsables — les conséquences pourraient être catastrophiques non seulement pour les États-Unis, mais pour l’économie mondiale entière.
Conclusion
Dimanche 9 novembre 2025 restera comme un moment charnière dans la seconde présidence de Donald Trump — le jour où, face à une chute libre de sa popularité et à une impasse politique qu’il a lui-même créée, il a tenté un pari désespéré en promettant de distribuer 2000 dollars à presque chaque Américain. Cette promesse, lancée via Truth Social avec ses majuscules et ses exclamations caractéristiques, est à la fois audacieuse et creuse, généreuse en apparence mais vide de substance à l’examen. Les chiffres racontent une histoire dévastatrice : le taux d’approbation de Trump a plongé à des minimums historiques pour son second mandat, avec seulement 39 à 41% d’Américains approuvant son travail selon les sondages convergents de Emerson College, YouGov/Economist, Rasmussen et d’autres instituts. Son taux d’approbation net a atteint -7,9 à -13 points de pourcentage selon les agrégateurs, une chute que l’analyste Nate Silver a décrite comme étant « en chute libre ». Cette implosion est directement attribuable à la fermeture gouvernementale de quarante jours — la plus longue de l’histoire américaine — qu’il refuse de résoudre à moins que les Démocrates n’abandonnent leur exigence de prolonger les subventions Obamacare. Les défaites électorales dévastatrices du 4 novembre, où les Démocrates ont balayé les Républicains dans des courses clés, ont amplifié le sentiment de crise au sein du GOP.
La promesse des 2000 dollars est transparente dans sa motivation politique : c’est une tentative de stopper l’hémorragie de popularité, de mobiliser le soutien public pour ses tarifs controversés actuellement contestés devant la Cour suprême, et de créer une distraction du chaos qui engloutit son administration. Mais la promesse est fondamentalement irréalisable pour de multiples raisons. Premièrement, Trump ne peut pas légalement distribuer 484 milliards de dollars sans l’approbation du Congrès, et obtenir cette approbation est politiquement impossible dans l’environnement actuel. Deuxièmement, les revenus tarifaires ne sont probablement pas suffisants pour financer ces paiements tout en « remboursant la dette de 37 trillions » comme Trump l’a également promis — les deux objectifs sont mutuellement exclusifs. Troisièmement, même si les paiements étaient distribués, ils risqueraient d’aggraver l’inflation déjà en hausse à cause des tarifs. Quatrièmement, la Cour suprême pourrait invalider l’ensemble du régime tarifaire, éliminant ainsi la source de revenus supposée. Tout ceci suggère que la promesse de Trump est, au mieux, une pensée magique; au pire, un mensonge calculé destiné à manipuler des électeurs désespérés. Les parallèles historiques — des expériences de revenu de base en Europe aux chèques de stimulation COVID, en passant par les programmes populistes d’Amérique latine — offrent des leçons importantes sur les risques et les limites de telles politiques. Ce dont nous sommes témoins en ce moment est la normalisation dangereuse d’une « politique par chèque » où les présidents tentent d’acheter la loyauté publique avec des promesses fiscales insoutenables. Si cette tendance continue, l’avenir de la discipline fiscale américaine et la crédibilité du dollar en tant que monnaie de réserve mondiale pourraient être sérieusement compromis. Pour l’instant, les Américains attendent — certains avec espoir, d’autres avec scepticisme — pour voir si Trump tiendra sa promesse ou si, comme tant d’autres avant elle, elle s’évaporera dans l’oubli dès que le cycle médiatique passera à autre chose.