« Bien sûr, il savait à propos des filles »
Le courriel le plus explosif date de 2019 et a été envoyé par Jeffrey Epstein à Michael Wolff, écrivain et auteur de plusieurs ouvrages à succès sur Trump. Dans ce message, Epstein évoque sa rupture avec Trump et la raison invoquée pour son exclusion de Mar-a-Lago, la résidence de Floride du président. « Trump a dit qu’il voulait que je renonce à la carte de membre de Mar-a-Lago », écrit Epstein, avant de préciser qu’il n’a jamais été membre officiel du club. Puis vient la phrase qui change tout : « Bien sûr, il savait à propos des filles, comme il a demandé à Ghislaine d’arrêter ». Cette affirmation directe, sans ambiguïté, contredit frontalement la version que Trump a toujours défendue — celle d’un homme qui aurait rompu avec Epstein dans les années 2000, bien avant que les crimes du financier n’éclatent au grand jour. Selon Trump, leur dispute aurait porté sur des questions immobilières ou sur le recrutement de personnel de Mar-a-Lago, mais jamais sur des abus sexuels de mineures. Or, Epstein affirme le contraire : Trump savait, et il a même demandé à Ghislaine Maxwell, la principale recruteuse de victimes, d’arrêter ses activités.
Plusieurs heures avec une victime au domicile d’Epstein
Un deuxième courriel, datant de 2011 et adressé à Ghislaine Maxwell, révèle un détail encore plus troublant. Jeffrey Epstein y écrit que Donald Trump « a passé plusieurs heures » avec une victime du financier au domicile de ce dernier. Les démocrates de la commission de surveillance de la Chambre, qui ont publié ces documents sur X, ont souligné que cette affirmation « soulève de graves questions sur Donald Trump et ce qu’il connaissait des crimes horribles d’Epstein ». Ce courriel suggère que Trump n’était pas seulement un simple connaissance mondaine d’Epstein — comme il l’a toujours prétendu — mais qu’il avait accès à l’environnement intime où se déroulaient les abus. Passer « plusieurs heures » avec une victime de trafic sexuel au domicile d’Epstein pose une question incontournable : Trump savait-il que cette personne était exploitée ? Et si oui, pourquoi n’a-t-il rien fait ? La Maison-Blanche n’a pas répondu à ces questions précises, se contentant d’affirmer que les courriels ont été divulgués « de manière sélective » et que le président n’a jamais été impliqué dans les crimes d’Epstein.
La crédibilité posthume d’Epstein
L’argument principal de la défense de Trump repose sur la crédibilité de la source : Jeffrey Epstein, un délinquant sexuel condamné, retrouvé mort dans sa cellule en 2019 dans des circonstances que certains qualifient de suspectes. Comment accorder foi aux affirmations d’un homme qui a menti toute sa vie, qui a manipulé des dizaines de victimes, qui a entretenu des relations avec des centaines de personnalités influentes précisément pour les compromettre ? La Maison-Blanche a martelé que ces courriels constituent du « ouï-dire non vérifié » concernant de nombreuses personnes qui faisaient partie du cercle social d’Epstein, et que leur publication vise uniquement à « salir » Trump. Pourtant, les courriels d’Epstein à Ghislaine Maxwell et Michael Wolff n’étaient pas destinés au public — il s’agit de correspondances privées, obtenues via les légataires d’Epstein après sa mort. Epstein n’avait aucune raison de mentir dans ces messages, puisqu’il ne savait pas qu’ils seraient un jour rendus publics. Au contraire, ils révèlent probablement une vérité crue, non filtrée, celle d’un homme discutant franchement avec ses complices et confidents. Cette authenticité involontaire leur confère une crédibilité troublante.
L'histoire de Mar-a-Lago ou le terrain de chasse d'Epstein
Le recrutement de jeunes femmes au spa de luxe
Trump a toujours affirmé qu’il avait banni Jeffrey Epstein de Mar-a-Lago en 2007 pour avoir recruté du personnel du club, notamment des employées du spa. Le 29 juillet 2025, lors d’un vol à bord d’Air Force One au retour d’un voyage en Écosse, Trump a raconté aux journalistes comment il avait découvert qu’Epstein « volait » des jeunes femmes travaillant au spa de luxe de Mar-a-Lago. « J’ai un grand spa, l’un des meilleurs au monde, à Mar-a-Lago. Et des personnes ont été emmenées hors du spa, embauchées par Epstein », a déclaré Trump. « Quand j’ai appris cela, je lui ai dit : écoute, nous ne voulons pas que tu prennes notre personnel, que ce soit lié au spa ou non. Et il a accepté. Puis, peu de temps après, il l’a refait. Et j’ai dit : dehors. » Cette version des faits présente Trump comme un patron protecteur qui aurait expulsé Epstein dès qu’il a découvert ses agissements. Mais les courriels d’Epstein racontent une histoire différente : Trump savait « à propos des filles » et a demandé à Ghislaine d’arrêter — ce qui suggère que le problème n’était pas le recrutement de personnel en soi, mais le trafic sexuel de mineures.
Le cas Virginia Giuffre
Parmi les jeunes femmes recrutées par Epstein à Mar-a-Lago figure Virginia Giuffre, l’une des victimes les plus vocales d’Epstein, décédée tragiquement par suicide plus tôt en 2025. Giuffre travaillait comme masseuse au spa de Mar-a-Lago lorsqu’elle a rencontré Ghislaine Maxwell et Jeffrey Epstein. Lors d’une déposition en 2016, elle a déclaré avoir été approchée par Maxwell alors qu’elle se relaxait à Mar-a-Lago, et avoir été invitée à la résidence d’Epstein. Son père travaillait comme responsable de la maintenance au club. Interrogé sur Giuffre lors du vol d’Air Force One, Trump a d’abord refusé de répondre, puis a confirmé que « oui, elles étaient » de jeunes femmes. « Je pense qu’elle travaillait au spa. Je pense que c’était l’une des personnes. Oui, il l’a volée », a déclaré Trump, ajoutant : « Et soit dit en passant, elle n’a jamais eu de plaintes à notre sujet, comme vous le savez. Aucune. » Cette déclaration est techniquement exacte : Giuffre n’a jamais accusé Trump d’abus sexuel. Mais elle révèle que Trump connaissait l’identité d’au moins une des victimes d’Epstein et savait qu’elle avait été recrutée depuis son propre club.
La chronologie trouble du bannissement
La chronologie exacte du bannissement d’Epstein de Mar-a-Lago reste floue et contradictoire. Selon le livre *Filthy Rich* publié en 2016, Epstein aurait été banni en 2007 après avoir harcelé sexuellement la fille adolescente d’un autre membre de Mar-a-Lago. La jeune fille, qui travaillait comme masseuse au spa du club, aurait raconté à son père qu’Epstein l’avait approchée et invitée chez lui. Trump aurait alors révoqué l’adhésion d’Epstein au club. Mais cette version ne correspond pas au récit que Trump a donné en juillet 2025, où il parle de « vol » de personnel et de recrutement répété malgré des avertissements. De plus, des photos de Trump et Epstein ensemble lors de soirées à Mar-a-Lago datant de 2000 à 2005 montrent une proximité évidente — Trump décrivant Epstein comme un « gars formidable » qui « aime les belles femmes autant que moi, et beaucoup d’entre elles sont du côté plus jeune ». Cette phrase, prononcée en 2002 dans un profil du New York Magazine, prend aujourd’hui une résonance sinistre. Trump savait-il déjà à l’époque qu’Epstein ciblait des mineures ? Les courriels d’Epstein suggèrent que oui.
La contre-offensive de la Maison-Blanche
Accusation de manipulation démocrate
La réaction de la Maison-Blanche a été immédiate et agressive. Dans un communiqué publié le 12 novembre, l’administration Trump a accusé les démocrates de divulguer les courriels « de manière sélective » afin de « créer un récit erroné destiné à salir le président Trump ». Le porte-parole présidentiel a insisté sur le fait que Trump « n’a jamais été impliqué dans les crimes d’Epstein » et que sa présence dans les courriels du financier ne constitue pas une preuve de complicité. « Le président Trump a coopéré pleinement avec toutes les enquêtes sur Epstein, contrairement à de nombreuses autres personnalités qui ont refusé de témoigner », a déclaré le porte-parole. Cette stratégie de contre-attaque vise à déplacer le débat du contenu des courriels vers les motivations politiques de leur publication. En accusant les démocrates de manipulation partisane, la Maison-Blanche espère décrédibiliser les révélations et mobiliser la base républicaine contre ce qu’elle présente comme une « chasse aux sorcières ». Mais cette tactique a déjà montré ses limites lors de l’affaire russe et des deux procédures de destitution : elle fonctionne avec les partisans convaincus, mais elle ne convainc pas les électeurs indépendants qui constituent la clé des victoires électorales.
Le précédent de la lettre lubrique de 2003
Ce n’est pas la première fois que les démocrates de la Chambre publient des documents compromettants liant Trump à Epstein. Début septembre 2025, les mêmes parlementaires avaient rendu publique une lettre aux tonalités lubriques attribuée à Trump et adressée à Epstein pour son anniversaire en 2003. Cette lettre, ornée d’une esquisse de buste féminin avec des déclarations attribuées alternativement à Epstein et à Trump, portait la signature du futur président à la place du pubis de la femme dessinée. La Maison-Blanche avait immédiatement démenti que Trump en soit l’auteur, qualifiant le document de « faux grossier ». Mais l’accumulation de documents — lettre de 2003, courriels de 2011 et 2019, photos d’archives, témoignages de victimes — crée un faisceau de preuves difficile à balayer d’un revers de main. Chaque nouvelle révélation renforce l’image d’une relation profonde et durable entre Trump et Epstein, bien au-delà de simples connaissances mondaines.
Le silence stratégique de Trump
Fait notable, Donald Trump lui-même n’a pas encore réagi publiquement aux courriels publiés le 12 novembre. Contrairement à son habitude de tweeter frénétiquement sur Truth Social dès qu’une controverse éclate, le président est resté silencieux. Ce mutisme est probablement stratégique : ses conseillers ont compris qu’en réagissant trop vivement, Trump ne ferait qu’amplifier la portée médiatique de l’affaire. En juillet 2025, lorsque le ministère de la Justice avait annoncé n’avoir découvert aucun élément nouveau justifiant la publication de documents supplémentaires dans le dossier Epstein, Trump avait violemment attaqué ses propres partisans qui réclamaient la transparence, les qualifiant de « faibles » et affirmant que toute l’affaire était un « canular » démocrate. Cette stratégie s’était retournée contre lui, alimentant la colère de sa base et créant des divisions internes. Cette fois, Trump semble avoir appris la leçon : mieux vaut laisser passer l’orage médiatique et espérer que l’attention du public se déplace rapidement vers d’autres sujets. Mais avec les élections de mi-mandat de 2026 qui approchent et une base démocrate galvanisée, ce silence pourrait se révéler tout aussi dommageable qu’une réaction excessive.
Ghislaine Maxwell et la demande de grâce
Le transfert mystérieux vers une prison de luxe
Le 1er août 2025, Ghislaine Maxwell, condamnée à vingt ans de prison pour trafic sexuel de mineures, a été transférée d’une prison de sécurité faible à Tallahassee, en Floride, vers le Federal Prison Camp Bryan au Texas, un établissement de sécurité minimale. Ce type d’installation, selon le Bureau des prisons fédérales, dispose de « logements en dortoir, un ratio personnel-détenus relativement bas, et un périmètre clôturé limité ou inexistant », contrairement aux « périmètres à double clôture » des prisons de sécurité faible où Maxwell était auparavant détenue. Normalement, les délinquants sexuels comme Maxwell ne sont pas placés dans des prisons de sécurité minimale, mais elle a bénéficié d’une exception inhabituelle. Ce transfert est intervenu quelques jours seulement après que Maxwell a rencontré pendant deux jours le procureur général adjoint Todd Blanche, le numéro deux du ministère de la Justice, dans le cadre des efforts de l’administration Trump pour apaiser la controverse autour des « dossiers Epstein ». Les raisons officielles de ce transfert n’ont jamais été communiquées, alimentant les spéculations sur un traitement préférentiel.
Les privilèges en prison dénoncés par des lanceurs d’alerte
Le 9 novembre 2025, le représentant démocrate Jamie Raskin a envoyé une lettre cinglante de six pages au président Trump, révélant des informations de lanceurs d’alerte concernant les conditions de détention exceptionnelles dont bénéficie Maxwell au Federal Prison Camp Bryan. Selon ces informations, « le personnel fédéral chargé de l’application des lois travaillant au camp s’occupe de Maxwell comme des domestiques », affirme la lettre signée par Raskin. Les démocrates du comité judiciaire de la Chambre ont également révélé que Maxwell prépare une « demande de commutation » de sa peine de prison, qui se termine normalement en 2037, et que « la directrice elle-même aide directement Maxwell à copier, imprimer et envoyer des documents liés à cette demande ». Ces allégations suggèrent que Maxwell reçoit un traitement royal en prison, totalement inapproprié pour une personne condamnée pour des crimes aussi graves. Des courriels de Maxwell elle-même, rendus publics le 8 novembre, montrent qu’elle se dit « plus heureuse » dans cette installation de sécurité minimale au Texas qu’elle ne l’était en Floride.
La grâce présidentielle en ligne de mire
Selon les démocrates de la Chambre, Maxwell prépare une demande de commutation de peine qui sera soumise directement à Trump pour son examen. La lettre de Raskin affirme que « les informations reçues démontrent soit que Maxwell demande elle-même votre libération de sa peine de vingt ans pour son rôle de co-conspratrice dans le réseau international de trafic sexuel d’enfants de Jeffrey Epstein, soit que cette prédatrice d’enfants détient désormais une influence si considérable dans la seconde administration Trump que vous et votre ministère de la Justice suivrez ses recommandations en matière de clémence ». Cette formulation brutale met Trump face à un dilemme impossible : soit il accorde la grâce à Maxwell, confirmant les soupçons d’une relation trouble et détruisant définitivement sa crédibilité morale, soit il la refuse, s’attirant potentiellement la colère d’une femme qui connaît tous ses secrets et pourrait décider de parler. Après la rencontre de Maxwell avec Todd Blanche en juillet, son avocat David Oscar Markus avait déclaré aux journalistes, à propos du pouvoir de grâce de Trump, « nous espérons qu’il exerce ce pouvoir de manière juste et correcte ».
L'affaire Epstein comme bombe à retardement politique
La promesse non tenue de transparence
Pendant sa campagne présidentielle de 2024, Donald Trump avait promis à ses partisans des révélations fracassantes concernant les dossiers Epstein. Il s’était engagé à publier tous les documents confidentiels, à révéler la liste complète des clients d’Epstein, et à « drainer le marais » des élites pédocriminelles. Cette promesse avait galvanisé sa base, particulièrement les partisans de QAnon et d’autres mouvements conspirationnistes qui voient en Trump un justicier combattant un réseau pédophile mondial. Mais une fois au pouvoir, Trump a complètement changé de discours. Le 7 juillet 2025, le ministère de la Justice a publié un mémo affirmant n’avoir découvert aucune « liste incriminante » de clients d’Epstein. L’agence a indiqué avoir localisé plus de 300 gigaoctets de données et de preuves physiques, ainsi que des déclarations selon lesquelles « Epstein a fait du mal à plus de mille victimes ». Cependant, elle a souligné que les informations sensibles concernant ces victimes sont entremêlées dans les matériaux, concluant qu’« aucune divulgation supplémentaire ne serait appropriée ou justifiée ». Cette volte-face a provoqué une colère massive parmi les partisans de Trump.
La révolte de la base trumpiste
La réaction en ligne a été rapide et brutale. Les partisans de Trump ont qualifié le président de « déconnecté » et exigé la transparence totale. Le 12 juillet, Trump a publié sur Truth Social : « Nous sommes une seule équipe MAGA et je n’aime pas ce qui se passe. » Il a accusé ses détracteurs de tenter de saper son administration « à cause d’un homme qui ne meurt jamais, Jeffrey Epstein ». Cette tentative de détourner l’attention n’a guère apaisé ses partisans, qui l’ont exhorté à publier les dossiers sous peine de perdre sa base. Laura Loomer, militante d’extrême droite et ancienne alliée de Trump, a appelé la procureure générale Pam Bondi à démissionner et a réclamé la nomination d’un procureur spécial pour enquêter sur la gestion des dossiers Epstein. Le 16 juillet, Trump a qualifié toute l’affaire de « grand canular, perpétré par les démocrates, et certains républicains stupides tombent dans le piège ». Mais cette rhétorique n’a pas convaincu : pour la première fois depuis son retour au pouvoir, Trump fait face à une rébellion ouverte au sein de sa propre base.
Les implications pour les élections de 2026
L’affaire Epstein pourrait devenir un facteur décisif lors des élections de mi-mandat de novembre 2026. Les démocrates, déjà galvanisés par les manifestations « No Kings » et le shutdown catastrophique, disposent désormais d’une arme politique redoutable : la preuve documentaire que Trump « savait à propos des filles » et n’a rien fait. Les groupes progressistes et féministes, qui mobilisent traditionnellement lors des élections de mi-mandat, ont trouvé un thème mobilisateur puissant. Les publicités démocrates écrivent toutes seules : « Il savait que des enfants étaient abusés. Il n’a rien fait. Votez pour mettre fin à sa majorité au Congrès. » Même les électeurs républicains modérés, particulièrement les femmes des banlieues pavillonnaires qui avaient basculé vers Trump en 2024, pourraient se détourner massivement face à ces révélations. Les sondages montrent déjà que le taux d’approbation de Trump a chuté à 41%, avec un taux de désapprobation de 49%. Si l’affaire Epstein continue de dominer le cycle médiatique, ces chiffres pourraient encore se dégrader, transformant 2026 en un désastre électoral pour les républicains.
Les autres personnalités impliquées dans le silence
Bill Clinton et les vols à bord du Lolita Express
Trump n’est pas la seule personnalité politique éclaboussée par l’affaire Epstein. L’ancien président Bill Clinton a également été lié au financier, notamment par ses multiples voyages à bord du jet privé d’Epstein surnommé le « Lolita Express ». Les registres de vol montrent que Clinton a effectué au moins 26 voyages à bord de cet avion entre 2001 et 2003, se rendant en Afrique, en Asie et en Europe pour des missions humanitaires. Clinton a toujours affirmé qu’il ignorait les activités criminelles d’Epstein et que ses voyages étaient strictement professionnels, liés à sa fondation. Mais des témoignages de victimes, notamment celui de Virginia Giuffre, ont affirmé avoir vu Clinton sur l’île privée d’Epstein aux Îles Vierges — une allégation que Clinton a catégoriquement démentie. Contrairement à Trump cependant, Clinton n’est plus au pouvoir et ne cherche pas à se faire réélire, ce qui limite l’impact politique direct de ces révélations. Néanmoins, l’association de figures aussi puissantes que Trump et Clinton à Epstein révèle un réseau d’élites qui a protégé un prédateur sexuel pendant des décennies.
Le prince Andrew et le scandale royal
Le prince Andrew, fils de la reine Elizabeth II, a été l’une des victimes collatérales les plus visibles de l’affaire Epstein. Virginia Giuffre a accusé le prince de l’avoir agressée sexuellement à trois reprises lorsqu’elle avait 17 ans, affirmations que Andrew a niées lors d’une interview désastreuse avec la BBC en novembre 2019. Cette interview, où le prince a affirmé ne pas pouvoir transpirer en raison d’une condition médicale liée à la guerre des Falklands — contredisant directement le témoignage de Giuffre qui décrivait Andrew transpirant abondamment lors d’une danse — a été perçue comme un désastre de relations publiques. En 2022, Andrew a conclu un règlement financier confidentiel avec Giuffre, estimé à plusieurs millions de livres, sans admettre sa culpabilité. Depuis, il a été dépouillé de ses titres militaires et de ses patronages royaux, vivant une disgrâce quasi-totale. Le parallèle avec Trump est frappant : dans les deux cas, des hommes puissants et privilégiés ont côtoyé Epstein pendant des années, ont bénéficié de son hospitalité, puis ont affirmé ne rien savoir de ses crimes.
Les scientifiques, artistes et financiers du cercle Epstein
Au-delà des figures politiques, Epstein avait cultivé des relations avec des dizaines de scientifiques, artistes, financiers et intellectuels de premier plan. Des noms comme le scientifique du MIT Marvin Minsky, le biologiste évolutionniste Stephen Jay Gould (décédé avant les accusations), l’économiste Larry Summers, et le magnat des médias Leslie Wexner ont tous été associés à Epstein à divers degrés. Certains ont participé à des conférences scientifiques organisées par Epstein, d’autres ont accepté des donations pour leurs institutions, d’autres encore l’ont simplement fréquenté lors de soirées mondaines. Le point commun : Epstein utilisait sa richesse et ses connexions pour s’infiltrer dans les cercles d’élites intellectuelles et économiques, créant un réseau d’influence qui le protégeait des conséquences de ses crimes. Combien de ces personnalités savaient ce qu’Epstein faisait réellement ? Combien ont fermé les yeux par commodité, par intérêt, ou simplement par lâcheté morale ? Ces questions restent sans réponse, mais elles hantent l’héritage d’une génération d’élites américaines.
Conclusion
Les courriels d’Epstein publiés le 12 novembre 2025 ne sont pas une simple embûche politique pour Donald Trump — ils sont une bombe à retardement qui pourrait exploser en pleine campagne électorale de mi-mandat. « Bien sûr, il savait à propos des filles, comme il a demandé à Ghislaine d’arrêter » : cette phrase, écrite par un mort, hante désormais la présidence Trump. Elle contredit frontalement la version que le président a toujours défendue, celle d’un homme qui aurait rompu avec Epstein bien avant que ses crimes n’éclatent au grand jour. Elle révèle au contraire une vérité dérangeante : Trump savait qu’Epstein exploitait sexuellement des mineures, il savait que Mar-a-Lago servait de terrain de chasse, il savait et il n’a rien fait — ou du moins, pas avant que cela ne devienne gênant pour son image. La Maison-Blanche a tenté de contre-attaquer en accusant les démocrates de manipulation partisane, en qualifiant les courriels de « ouï-dire non vérifié », en affirmant que Trump n’a jamais été impliqué dans les crimes d’Epstein. Mais cette défense sonne creux face à l’accumulation de preuves : la lettre lubrique de 2003, les courriels de 2011 et 2019, le témoignage de Virginia Giuffre, les photos d’archives montrant Trump et Epstein ensemble lors de soirées mondaines. Pendant ce temps, Ghislaine Maxwell, confortablement installée dans une prison de sécurité minimale avec un traitement VIP, prépare tranquillement une demande de commutation de peine qu’elle soumettra directement à Trump. Ce chantage implicite — libère-moi ou je parle — place le président face à un dilemme impossible : accorder la grâce et confirmer tous les soupçons, ou la refuser et risquer que Maxwell révèle des secrets encore plus compromettants. L’affaire Epstein, que Trump qualifiait encore récemment de « canular » démocrate, est devenue la crise définitive de sa présidence. Elle a provoqué une rébellion au sein de sa propre base, qui exige la transparence totale qu’il avait promise pendant sa campagne. Elle a galvanisé les démocrates, qui disposent désormais d’une arme politique redoutable pour les élections de novembre 2026. Elle a révélé les failles morales d’un système où les puissants peuvent côtoyer des prédateurs sexuels pendant des années sans jamais être tenus responsables. Et surtout, elle a donné une voix posthume aux victimes — plus de mille jeunes filles exploitées, traumatisées, abandonnées par un système qui valorise la réputation des élites plus que la dignité des vulnérables. Virginia Giuffre, qui s’est battue courageusement avant de succomber au désespoir, ne verra jamais justice rendue de son vivant. Mais son témoignage, comme les courriels d’Epstein, continuera de hanter ceux qui savaient et n’ont rien fait. Trump « savait à propos des filles ». Cette vérité, désormais documentée, le poursuivra jusqu’à la fin de sa présidence — et peut-être bien au-delà. La question n’est plus de savoir si cette affaire le fera tomber, mais combien de temps il pourra encore tenir face à la pression croissante de la vérité qui émerge, fragment par fragment, courriel par courriel, témoignage par témoignage. La justice arrive, lentement mais inévitablement. Et cette fois, même le pouvoir présidentiel ne suffira pas à l’arrêter.