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Une PME texane qui fait trembler la Maison Blanche

L’histoire commence avec Learning Resources Inc., une petite entreprise familiale basée à Vernon Hills, dans l’Illinois, qui fabrique des jouets éducatifs pour enfants. Cette société, qui emploie quelques centaines de personnes et réalise des dizaines de millions de dollars de chiffre d’affaires annuel, importe la majorité de ses produits depuis la Chine et d’autres pays asiatiques. Lorsque Trump a imposé ses tarifs massifs au printemps 2025 — 25% sur la Chine, le Mexique et le Canada en février, puis 10% à 50% sur presque tous les autres pays en avril — Learning Resources s’est retrouvée face à une menace existentielle. Les coûts d’importation ont explosé, les marges bénéficiaires se sont effondrées, l’entreprise a dû choisir entre augmenter ses prix et perdre des clients, ou maintenir ses prix et faire faillite. Le 22 avril 2025, Learning Resources a déposé une plainte devant le tribunal fédéral du district de Columbia, arguant que le président Trump n’avait pas l’autorité légale d’imposer ces tarifs sous l’IEEPA. L’entreprise était rejointe par d’autres PME américaines dans une situation similaire, ainsi que par douze États fédérés — dont la Californie, New York, l’Illinois et le Massachusetts — qui estimaient que leurs économies étaient dévastées par ces tarifs arbitraires. Le 29 mai 2025, le juge fédéral a accordé une injonction préliminaire en faveur de Learning Resources, concluant que l’IEEPA n’autorisait pas le président à imposer des tarifs illimités sur les marchandises de presque tous les pays du monde.

Trois tribunaux donnent tort à Trump

Ce n’était pas une décision isolée. En parallèle, une autre affaire progressait devant la Cour du commerce international, un tribunal fédéral spécialisé dans les questions douanières. Dans l’affaire Trump v. V.O.S. Selections, un groupe de petites entreprises américaines — dont des importateurs de vin, des fabricants de vêtements, des distributeurs de produits électroniques — avait également contesté l’autorité légale de Trump. Le 28 mai 2025, la Cour du commerce international a statué en faveur des entreprises, concluant que l’IEEPA ne donnait pas au président le pouvoir d’imposer des tarifs de cette ampleur. Trump a fait appel de cette décision devant la Cour d’appel du circuit fédéral, mais le 29 août 2025, cette juridiction supérieure a confirmé le jugement initial par un vote de 7 contre 4. Les juges ont invoqué la doctrine des « questions majeures », un principe juridique récemment réaffirmé par la Cour suprême elle-même, qui stipule que lorsque le Congrès délègue des pouvoirs d’une « vaste importance économique et politique », il doit « s’exprimer clairement ». Or, l’IEEPA ne mentionne nulle part les mots « tarifs » ou « droits de douane ». La loi permet au président de bloquer des transactions financières, de geler des avoirs, de restreindre les investissements étrangers en cas d’urgence nationale. Mais peut-elle être interprétée comme autorisant des tarifs commerciaux mondiaux ? Trois tribunaux ont répondu non. Et maintenant, la Cour suprême doit trancher.

Un recours accéléré devant la Cour suprême

Face à ces défaites judiciaires successives, l’administration Trump a demandé un recours accéléré devant la Cour suprême. Normalement, une affaire doit passer par tous les niveaux d’appel avant d’atteindre la plus haute juridiction du pays. Mais étant donné l’importance économique et politique de cette question, Trump a sollicité un traitement d’urgence. Le 9 septembre 2025, la Cour suprême a accepté d’entendre l’affaire et a consolidé les deux procédures — Learning Resources v. Trump et Trump v. V.O.S. Selections — en un seul dossier. L’audience orale s’est tenue le 5 novembre 2025, moins de deux mois après l’acceptation du dossier, un calendrier exceptionnellement rapide pour la Cour suprême. Pendant deux heures, les avocats des deux camps ont présenté leurs arguments devant les neuf juges. D. John Sauer, le Solicitor General de l’administration Trump, a défendu l’interprétation large de l’IEEPA, affirmant que la loi donnait au président une autorité discrétionnaire pour réagir rapidement aux urgences économiques nationales, y compris par l’imposition de tarifs. Les avocats de Learning Resources et des États contestataires ont rétorqué que cette interprétation transformait le président en législateur, lui permettant de contourner le Congrès sur des questions économiques majeures, en violation de la Constitution qui attribue au Congrès le pouvoir de réglementer le commerce international.

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