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Marjorie Taylor Greene monte au créneau

La représentante de Géorgie Marjorie Taylor Greene, figure emblématique de l’aile la plus radicale du mouvement MAGA, n’a pas tardé à réagir aux déclarations de Trump sur le H-1B. Sur les réseaux sociaux, elle a publié une série de messages cinglants réaffirmant sa position : « Je suis America First et America Only. » Cette formulation — ajoutant « Only » au slogan trumpiste originel — constitue une réprimande à peine déguisée du président lui-même. Greene et d’autres nationalistes purs et durs considèrent toute défense de l’immigration, même légale et qualifiée, comme une trahison des principes fondateurs du mouvement.

Greene n’est pas seule. Des dizaines de comptes influents sur X (anciennement Twitter), des podcasteurs conservateurs, des commentateurs de droite ont exprimé leur déception voire leur colère face aux propos de Trump. Certains y voient l’influence néfaste des milliardaires de la Silicon Valley qui financent le parti républicain et poussent pour maintenir l’accès à la main-d’œuvre étrangère bon marché. D’autres accusent Trump d’avoir été « capturé » par les intérêts corporatifs au détriment des travailleurs blancs de la classe ouvrière qui forment le cœur de son électorat. Cette fissure idéologique menace de fragmenter la coalition républicaine juste au moment où Trump cherche à consolider son pouvoir pour son second mandat.

Le clivage tech-populisme

Au fond, la contradiction Trump-Vance sur l’immigration légale révèle une tension structurelle au sein du républicanisme contemporain. D’un côté, les populistes nationalistes incarnés par Vance, Greene, Steve Bannon et une grande partie de la base électorale — qui voient l’immigration (toute l’immigration) comme une menace existentielle pour l’identité culturelle et économique américaine. De l’autre, les libertariens techno-capitalistes de la Silicon Valley — Elon Musk, les frères Koch, les PDG des GAFAM — qui dépendent de l’immigration qualifiée pour maintenir leur domination technologique et leurs marges bénéficiaires. Trump, instinctivement transactionnel, essaie de satisfaire les deux camps simultanément, résultant en cette cacophonie politique.

Elon Musk, devenu conseiller influent de Trump après avoir investi des centaines de millions dans sa campagne, a publiquement défendu le H-1B en décembre 2024, qualifiant le programme de « vital pour l’innovation américaine. » Musk lui-même est un immigrant (d’Afrique du Sud) et ses entreprises — Tesla, SpaceX, Neuralink — emploient des milliers de travailleurs H-1B. Son influence sur Trump est indéniable, ce qui explique en partie pourquoi le président défend un programme que sa propre rhétorique et ses propres politiques semblent vouloir démanteler. Mais cette influence génère un ressentiment croissant parmi les populistes qui accusent Musk et ses semblables de « détourner » Trump de sa mission originelle de protéger les travailleurs américains « ordinaires » (comprenez : blancs, nés aux États-Unis, sans diplômes universitaires avancés).

Le Project 2025 et la purge migratoire

Le document politique Project 2025, rédigé par la Heritage Foundation et d’autres groupes conservateurs pour guider un potentiel second mandat Trump, articule une vision radicale : limiter drastiquement toutes les formes d’immigration, y compris légale. Le chapitre consacré à l’immigration recommande de restreindre les H-1B « uniquement aux meilleurs travailleurs étrangers aux salaires les plus élevés », de réduire les plafonds annuels, d’augmenter les frais (chose faite), et d’éliminer progressivement les catégories d’immigration basées sur les liens familiaux au profit d’un système exclusivement axé sur les « meilleurs et plus brillants. » Ce blueprint idéologique reflète la vision vancienne — une Amérique fermée, protectionniste, privilégiant l’homogénéité culturelle sur la diversité.

Mais Trump, malgré sa proximité avec les auteurs du Project 2025, n’a jamais été un idéologue cohérent. Il est avant tout un dealmaker transactionnel qui ajuste ses positions selon l’interlocuteur, le contexte, l’humeur du moment. Cette flexibilité — certains diraient hypocrisie — lui a permis de construire une coalition électorale improbable unissant nationalistes blancs, libertariens milliardaires, évangéliques conservateurs, et minorités ethniques séduites par sa rhétorique anti-establishment. Mais maintenir cette coalition exige une gymnastique intellectuelle de plus en plus insoutenable. On ne peut simultanément promettre de « protéger les emplois américains » et affirmer que « l’Amérique manque de talents. » On ne peut à la fois imposer des frais prohibitifs sur les visas et déclarer qu’on doit « importer ces talents. » La contradiction finira par imploser.

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