Une chute de quatre points en un mois
Le sondage Emerson College, publié le 6 novembre 2025, a été le premier à documenter cette chute spectaculaire. Réalisé auprès de 1 000 électeurs inscrits entre les 3 et 4 novembre, il révèle que l’approbation de Trump est passée de 45% en octobre à 41% en novembre, soit une baisse de quatre points en un seul mois. Dans le même temps, sa désapprobation est passée de 48% à 49%. Ces chiffres représentent un renversement complet par rapport au début de son second mandat, lorsque son approbation était de 49% et sa désapprobation de 41%. Spencer Kimball, directeur exécutif d’Emerson College Polling, a souligné que Trump avait perdu le soutien de groupes démographiques essentiels à sa coalition électorale. La baisse de 12 points parmi les électeurs républicains est particulièrement frappante : elle suggère que même les partisans les plus fidèles commencent à douter, que la loyauté aveugle qui avait caractérisé le trumpisme pendant des années commence à se fissurer. Cette érosion au sein de sa propre base est beaucoup plus dangereuse pour Trump qu’une simple baisse d’approbation chez les démocrates ou les indépendants, car elle remet en question la solidité même de son socle électoral. Si les républicains ne sont plus unanimement derrière lui, comment pourra-t-il mobiliser les troupes pour les élections de 2026 ? Comment pourra-t-il imposer son agenda législatif au Congrès ? Comment pourra-t-il maintenir son emprise sur le parti ?
Un record négatif selon plusieurs instituts
D’autres sondages confirment et amplifient ce diagnostic alarmant. Le sondage YouGov pour The Economist, réalisé sur 2 000 personnes, place l’approbation de Trump à seulement 39% contre 56% de désapprobation, soit un taux net de moins 17 points. C’est le niveau le plus bas atteint depuis le début de son second mandat, et trois points en dessous du minimum atteint lors de son premier mandat. Le sondage Morning Consult, conduit entre le 7 et le 9 novembre, affiche un taux d’approbation net de moins 10 points. Le sondage DDHQ montre que Trump a atteint son taux d’approbation le plus faible de son second mandat dans la moyenne des sondages qu’ils compilent. Même Rasmussen Reports, un institut souvent accusé d’avoir un biais conservateur et que Trump cite régulièrement comme preuve de sa popularité, montre une tendance à la baisse, avec un taux d’approbation qui est passé de 47% début novembre à 45% à la mi-novembre. Cette convergence de multiples sources de données est accablante. On ne peut plus parler d’un sondage isolé ou d’une méthodologie contestable. C’est une tendance lourde, confirmée par tous les instituts, quelles que soient leurs orientations politiques. Et cette tendance est à la baisse, constante, inexorable. Trump, qui avait l’habitude de se vanter de ses « meilleurs chiffres de tous les temps », se retrouve confronté à une réalité qu’il ne peut plus ignorer : il est en train de perdre le soutien du peuple américain.
La comparaison avec ses prédécesseurs
Pour mettre ces chiffres en perspective, il est utile de les comparer avec ceux de ses prédécesseurs à la même période de leur mandat. Selon les données de YouGov, Trump affiche un taux d’approbation net de moins 17 points, soit pire que Joe Biden à la même période de son mandat (moins 6 points), mais similaire à son propre taux lors de son premier mandat (moins 16 points). Cependant, la comparaison avec Barack Obama est particulièrement révélatrice : à la même période de son second mandat en 2009, Obama affichait un taux d’approbation net de plus 7 points, soit 24 points de mieux que Trump aujourd’hui. Cette comparaison est d’autant plus frappante que Obama avait lui-même traversé des périodes difficiles lors de son premier mandat, avec des taux d’approbation qui avaient chuté face à la crise économique et aux débats sur la réforme de la santé. Mais même dans ses moments les plus difficiles, Obama n’avait jamais atteint les niveaux d’impopularité que Trump connaît aujourd’hui. La différence fondamentale réside dans la nature du soutien : Obama bénéficiait d’un soutien relativement stable au sein de sa base démocrate et parmi les indépendants modérés, tandis que Trump, malgré un soutien intense d’une partie de l’électorat républicain, n’a jamais réussi à élargir sa coalition au-delà de ses partisans les plus fidèles. Et maintenant, même cette base se fissure.
La défection des républicains et la crise de confiance
Une baisse de 12 points parmi les électeurs républicains
La donnée la plus alarmante pour Trump n’est pas son impopularité générale — après tout, il a toujours été un président polarisant avec des taux d’approbation faibles — mais l’érosion massive de son soutien au sein même du parti républicain. Selon le sondage Emerson College, l’approbation de Trump parmi les électeurs républicains est passée de 91% en janvier 2025 à 79% en novembre, soit une chute vertigineuse de 12 points en dix mois. Cette baisse est encore plus prononcée lorsqu’on examine des questions spécifiques. Le sondage AP-NORC, publié le 12 novembre, révèle que seulement 68% des républicains approuvent désormais la gestion gouvernementale de Trump, contre 81% en mars 2025. Cela signifie qu’un républicain sur trois n’approuve plus la manière dont Trump gère le gouvernement fédéral. Ces chiffres sont catastrophiques pour un président qui a construit toute sa stratégie politique sur la loyauté absolue de sa base. Trump a toujours fonctionné selon un modèle simple : maintenir un soutien solide et inconditionnel d’environ 40 à 45% de l’électorat, concentré dans les zones rurales et les banlieues conservatrices, et compter sur la division du vote démocrate et l’abstention pour remporter les élections. Mais si ce socle de 40 à 45% commence à se fissurer, si les républicains eux-mêmes commencent à douter, alors toute sa stratégie s’effondre.
Les causes de cette désaffection républicaine
Pourquoi les républicains se détournent-ils de Trump ? Plusieurs facteurs se combinent pour expliquer cette désaffection. Premièrement, le shutdown fédéral interminable a créé un sentiment de chaos et d’incompétence. Pendant plus de 41 jours, le gouvernement américain a été paralysé par un conflit budgétaire entre Trump et le Congrès. Des centaines de milliers de fonctionnaires fédéraux ont été mis en congé forcé sans salaire, des services publics essentiels ont été suspendus, des programmes d’aide alimentaire comme le SNAP ont vu leurs financements gelés. Et pendant tout ce temps, Trump a refusé de négocier, exigeant que les démocrates acceptent toutes ses conditions sans compromis. Même les républicains les plus conservateurs, qui soutiennent en principe une réduction de la taille du gouvernement fédéral, ont commencé à se demander si cette stratégie de confrontation permanente servait réellement leurs intérêts. Deuxièmement, les tarifs douaniers imposés par Trump ont fait exploser les prix des biens de consommation. Les entreprises américaines, qui dépendent de chaînes d’approvisionnement mondiales, ont été forcées d’augmenter leurs prix pour compenser les coûts additionnels des tarifs. Les consommateurs républicains, qui avaient voté pour Trump en espérant une amélioration de leur pouvoir d’achat, se retrouvent maintenant à payer plus cher pour les mêmes produits. Et cette réalité économique concrète a un impact plus fort que tous les discours sur la souveraineté commerciale ou la protection des emplois américains.
Le shutdown comme catalyseur de la désertion
Le shutdown fédéral a été le facteur déclencheur de cette chute d’approbation. Selon le sondage Navigator Research, publié le 11 novembre, 48% des Américains blâment Trump et les républicains au Congrès pour le shutdown, contre seulement 34% qui blâment les démocrates. Même parmi les indépendants, 50% tiennent Trump et les républicains pour responsables. Cette attribution de responsabilité est restée stable tout au long du shutdown, malgré les efforts de Trump pour accuser les démocrates d’obstruction. Plus inquiétant encore pour Trump, 52% des Américains blâment son administration pour la suspension du financement du programme SNAP, qui fournit une aide alimentaire à des millions de familles à faibles revenus. Ce programme touche de nombreuses communautés rurales et des petites villes conservatrices, des bastions républicains où les électeurs dépendent de l’aide fédérale malgré leur rhétorique anti-gouvernement. En laissant le financement de SNAP s’interrompre, Trump a frappé sa propre base électorale. Les républicans pragmatiques, ceux qui soutiennent Trump par calcul politique plutôt que par conviction idéologique, commencent à se demander si cette alliance en vaut encore la peine. Si Trump ne peut pas gouverner efficacement, s’il ne peut pas maintenir les services publics de base, s’il ne peut pas négocier avec le Congrès, alors à quoi sert-il ? Cette question, autrefois impensable dans les cercles républicains, est maintenant posée ouvertement par des élus, des commentateurs conservateurs, et même des électeurs ordinaires.
L'effondrement catastrophique chez les Hispaniques
De 44% à 25% d’opinions favorables
Si l’érosion du soutien républicain est préoccupante pour Trump, l’effondrement de son soutien parmi les électeurs hispaniques est carrément catastrophique. Selon le sondage AP-NORC publié le 12 novembre, seulement 25% des adultes hispaniques ont une opinion favorable de Trump, contre 44% en janvier 2025, au début de son second mandat. C’est une chute de 19 points en dix mois, une des baisses les plus rapides jamais observées pour un président américain auprès d’un groupe démographique spécifique. Plus alarmant encore, l’approbation de Trump sur son travail présidentiel parmi les Hispaniques est tombée à 27%, contre 42% en avril 2025. Et selon le sondage Emerson College, la désapprobation de Trump parmi les électeurs hispaniques a explosé de 39% à 54%, soit une augmentation de 15 points. Ces chiffres sont d’autant plus significatifs que les électeurs hispaniques avaient été un élément clé de la coalition électorale de Trump en 2024. Contrairement aux attentes des analystes, Trump avait réussi à améliorer significativement ses performances auprès de ce groupe démographique lors de l’élection présidentielle, gagnant des voix dans des comtés à forte population latino au Texas, en Floride, en Arizona et en Californie. Cette percée avait été célébrée par les républicains comme la preuve que leur message économique et culturel conservateur pouvait résonner au-delà des électeurs blancs traditionnels. Mais en moins d’un an, tous ces gains ont été anéantis.
Les raids anti-immigration comme facteur déterminant
La principale raison de cet effondrement est évidente : les politiques migratoires brutales de l’administration Trump. Depuis janvier 2025, Trump a intensifié les opérations d’expulsion d’immigrants clandestins à une échelle sans précédent, déployant des unités militaires dans les grandes villes pour effectuer des raids massifs dans les communautés latinos. Ces opérations, menées avec une violence spectaculaire et largement médiatisées, ont créé un climat de terreur dans les quartiers immigrés. Des familles ont été séparées, des enfants se sont retrouvés sans parents, des personnes vivant aux États-Unis depuis des décennies ont été arrêtées et expulsées sans possibilité de recours. Les images de soldats en tenue de combat patrouillant dans les rues, de familles pleurant devant leurs maisons vides, de bus remplis de déportés traversant la frontière, ont choqué non seulement les immigrants clandestins directement visés, mais aussi les millions d’Hispaniques américains qui ont de la famille, des amis, des voisins dans ces communautés. Même les Hispaniques qui soutiennent en principe un durcissement de la politique migratoire — et ils sont nombreux — ont été horrifiés par les méthodes employées. Il y a une différence entre vouloir contrôler les frontières et accepter que des familles soient détruites, que des communautés entières vivent dans la peur, que des êtres humains soient traités comme des criminels pour le simple fait d’avoir traversé une frontière.
Un groupe démographique désormais hors de portée
Cette perte de soutien parmi les Hispaniques a des implications majeures pour les élections de mi-mandat de 2026 et pour l’élection présidentielle de 2028. Les Hispaniques représentent environ 20% de la population américaine et leur poids électoral ne cesse de croître, notamment dans des États clés comme l’Arizona, le Nevada, la Floride, le Texas et la Californie. Si Trump perd massivement ce groupe démographique, les républicains auront beaucoup de mal à remporter ces États. En Arizona, par exemple, les Hispaniques représentent plus de 30% de l’électorat. Si 75% d’entre eux votent démocrate en 2026, comme les sondages actuels le suggèrent, l’Arizona redeviendra un État démocrate. De même au Nevada, où les Hispaniques représentent environ 20% de l’électorat. Et même au Texas, traditionnellement un bastion républicain solide, la croissance démographique hispanique combinée à un vote massif pour les démocrates pourrait transformer cet État en un champ de bataille compétitif. Les stratèges républicains sont paniqués. Ils avaient cru pouvoir construire une nouvelle coalition conservatrice incluant une partie significative de l’électorat hispanique, en misant sur des valeurs familiales, la religiosité, l’entrepreneuriat et le conservatisme culturel. Mais Trump, par ses politiques migratoires brutales et sa rhétorique déshumanisante, a détruit en quelques mois ce qui avait pris des années à construire. Et il sera extrêmement difficile de regagner la confiance de ces électeurs.
La chute vertigineuse chez les indépendants
De 44% à 51% de désapprobation
Les électeurs indépendants, ce groupe hétérogène qui ne s’identifie ni aux démocrates ni aux républicains et qui représente environ 40% de l’électorat américain, sont en train de se détourner massivement de Trump. Selon le sondage Emerson College, la désapprobation de Trump parmi les indépendants est passée de 44% au début de son mandat à 51% en novembre 2025. Le sondage YouGov montre une image encore plus sombre : Trump affiche un taux d’approbation net de moins 35 points parmi les indépendants, contre moins 19 points à la même période de son premier mandat. Autrement dit, Trump est beaucoup plus impopulaire auprès des indépendants aujourd’hui qu’il ne l’était lors de son premier mandat, malgré l’expérience acquise et la connaissance supposée des rouages du pouvoir. Cette évolution est particulièrement inquiétante pour les républicains car les électeurs indépendants sont souvent ceux qui déterminent l’issue des élections américaines. Dans un pays profondément polarisé où les démocrates et les républicains votent quasi-unanimement pour leur camp respectif, ce sont les quelques millions d’indépendants qui basculent d’un côté ou de l’autre qui font la différence. Trump avait réussi en 2024 à séduire une partie importante de ces électeurs en promettant de « drainer le marais » de Washington, de réduire les prix, de restaurer l’ordre et la sécurité, de défendre les valeurs traditionnelles contre l’agenda progressiste. Mais après un an de second mandat, ces promesses sonnent creux.
Le shutdown et l’économie comme facteurs de désertion
Deux facteurs principaux expliquent la désaffection des indépendants : le shutdown interminable et la dégradation de la situation économique. Le shutdown, qui dure depuis plus de 41 jours sans qu’aucune solution ne se dessine à l’horizon, crée un sentiment de chaos et d’incompétence gouvernementale. Les électeurs indépendants, qui sont généralement plus pragmatiques que idéologiques, jugent un président sur sa capacité à faire fonctionner le gouvernement, à résoudre les problèmes concrets, à maintenir la stabilité. Lorsqu’ils voient un gouvernement paralysé pendant des semaines, des services publics suspendus, des fonctionnaires sans salaire, ils en concluent que le président n’est pas à la hauteur de sa fonction. Peu importe qui a raison ou tort dans le conflit budgétaire, peu importe si les démocrates sont « obstructionnistes » ou si Trump est « intransigeant ». Ce qui compte pour les indépendants, c’est le résultat : le gouvernement ne fonctionne pas. Deuxièmement, la situation économique se détériore. Les tarifs douaniers imposés par Trump ont fait augmenter les prix de nombreux produits de consommation. L’inflation, qui avait légèrement diminué en 2024, est repartie à la hausse en 2025. Selon les sondages, l’économie et l’inflation sont les deux préoccupations principales des électeurs américains, citées par 75% des répondants comme très importantes pour leur vote. Et c’est précisément sur ces questions que l’évaluation de Trump se dégrade le plus rapidement.
Une opportunité historique pour les démocrates
Cette désaffection massive des indépendants crée une opportunité historique pour les démocrates lors des élections de mi-mandat de 2026. Selon le sondage Emerson College, 71% des démocrates se disent plus motivés que d’habitude pour voter, contre seulement 60% des républicains et 42% des indépendants. Ce différentiel de motivation est crucial car il se traduit directement en taux de participation le jour du scrutin. Si les démocrates sont plus mobilisés et que les indépendants se détournent de Trump, alors les républicains pourraient subir des pertes massives à la Chambre des représentants et peut-être même au Sénat. Le vote générique congressionnel, qui demande aux électeurs s’ils préfèrent un candidat démocrate ou républicain pour le Congrès sans nommer de personne spécifique, donne un avantage de quatre points aux démocrates : 44% contre 40%. Ce chiffre est particulièrement révélateur car le vote générique est souvent un bon prédicteur des résultats réels des élections de mi-mandat. Si les démocrates maintiennent cet avantage jusqu’en novembre 2026, ils reprendront presque certainement le contrôle de la Chambre des représentants, ce qui paralyserait l’agenda législatif de Trump pour les deux dernières années de son mandat. Les stratèges démocrates sont euphoriques. Ils voient dans ces sondages la confirmation que leur stratégie de mobilisation anti-Trump fonctionne, que les électeurs sont prêts à sanctionner le président, que la vague bleue du 4 novembre en Virginie n’était pas un accident isolé mais le début d’une tendance nationale.
Les implications pour les élections de mi-mandat de 2026
Une motivation démocrate sans précédent
Si les sondages d’approbation de Trump sont alarmants pour les républicains, les données sur la motivation électorale sont carrément catastrophiques. Selon le sondage Emerson College, 71% des démocrates se disent plus motivés que d’habitude pour voter aux élections de mi-mandat de 2026, contre seulement 60% des républicains. Cet écart de 11 points est énorme et pourrait se traduire par un différentiel de participation de plusieurs millions de voix le jour du scrutin. Les élections de mi-mandat se jouent souvent sur des marges étroites dans des districts compétitifs, et une différence de quelques milliers de voix peut faire basculer plusieurs dizaines de sièges au Congrès. Si les démocrates sont plus mobilisés, s’ils font du porte-à-porte plus intensément, s’ils investissent plus d’argent et d’énergie dans les campagnes locales, alors ils pourraient remporter des districts qu’ils n’avaient jamais espéré gagner. De plus, 43% des électeurs affirment que leur vote aux élections de mi-mandat sera une manière d’exprimer leur opposition à Trump, contre seulement 29% qui voteront pour soutenir le président. Cela signifie que Trump est devenu un facteur de mobilisation négatif pour son propre camp et un facteur de mobilisation positif pour le camp adverse. C’est exactement le contraire de ce qu’un président en exercice souhaite à mi-mandat. Normalement, un président populaire peut aider les candidats de son parti en faisant campagne pour eux, en les adoubant publiquement, en attirant des foules enthousiastes lors de meetings. Mais un président impopulaire devient un boulet que les candidats cherchent à éviter, préférant prendre leurs distances plutôt que d’être associés à lui.
Les républicains en danger dans les districts compétitifs
Les données du vote générique congressionnel suggèrent que les républicains sont en danger dans de nombreux districts compétitifs. Avec un avantage démocrate de 44% contre 40%, les modélisations électorales indiquent que les démocrates pourraient gagner entre 20 et 35 sièges à la Chambre des représentants, ce qui leur donnerait une majorité confortable. Cette projection est renforcée par les résultats des élections spéciales du 4 novembre en Virginie, où les démocrates ont remporté 13 sièges supplémentaires dans une élection qui était considérée comme un test pour les élections de mi-mandat. Les républicains détiennent actuellement une majorité de 232 sièges contre 203 pour les démocrates à la Chambre des représentants. Il suffit donc que les démocrates gagnent 15 sièges pour reprendre le contrôle. Et avec les tendances actuelles, cet objectif semble réalisable. Au Sénat, la situation est plus complexe car les démocrates doivent défendre plusieurs sièges difficiles, notamment dans des États ruraux et conservateurs comme le Montana, l’Ohio et la Virginie-Occidentale. Mais si la vague démocrate est suffisamment forte, même des sièges républicains considérés comme sûrs pourraient être en jeu. Les stratèges républicains examinent nerveusement des États comme le Texas, la Floride et l’Arizona, où les sondages montrent des courses plus serrées que prévu. Une perte du contrôle de la Chambre, et potentiellement du Sénat, serait un désastre pour Trump, le privant de la capacité de faire passer sa législation et ouvrant la voie à des enquêtes parlementaires agressives sur son administration.
Trump comme facteur de mobilisation négatif
Le fait que 43% des électeurs prévoient de voter pour exprimer leur opposition à Trump, contre seulement 29% pour le soutenir, est un signal d’alarme majeur pour les républicains. Cela signifie que Trump est devenu un facteur de mobilisation négatif, qu’il motive plus de gens à voter contre lui qu’à voter pour lui. Ce phénomène avait déjà été observé lors des élections de mi-mandat de 2018, lors du premier mandat de Trump, lorsque les démocrates avaient repris le contrôle de la Chambre des représentants en gagnant 41 sièges. À l’époque, les analystes avaient parlé d’une « vague bleue » motivée par le rejet de Trump. Mais la situation actuelle pourrait être encore pire pour les républicains, car Trump a perdu du soutien même au sein de sa propre base. En 2018, les républicains pouvaient au moins compter sur une mobilisation solide de leur électorat traditionnel pour limiter les dégâts. Mais en 2026, si 20% des républicains ne soutiennent plus Trump, si les Hispaniques votent massivement démocrate, si les indépendants se détournent en masse, alors les républicains n’auront aucun rempart contre le tsunami. Les candidats républicains dans les districts compétitifs sont déjà en train de prendre leurs distances avec Trump, évitant de le mentionner dans leurs discours de campagne, refusant d’apparaître avec lui lors de meetings, développant des messages locaux déconnectés de l’agenda national. Mais cette stratégie a ses limites : si les électeurs voient les élections de mi-mandat comme un référendum sur Trump — et tous les sondages suggèrent que c’est le cas — alors se distancier du président ne suffira pas. Il faudra explicitement le désavouer, ce qui créera des fractures encore plus profondes au sein du parti républicain.
Les raisons structurelles de l'effondrement
Le shutdown interminable et ses conséquences
Le shutdown fédéral, qui dure depuis plus de 41 jours et est devenu le plus long de l’histoire américaine, est le facteur le plus immédiat de la chute d’approbation de Trump. Cette paralysie gouvernementale a des conséquences concrètes et visibles pour des millions d’Américains : plus de 800 000 fonctionnaires fédéraux ont été mis en congé forcé sans salaire, des parcs nationaux ont fermé leurs portes, des services essentiels comme les inspections alimentaires ont été suspendus, des programmes d’aide sociale ont vu leurs financements gelés. Les Américains, quelle que soit leur affiliation politique, ressentent directement l’impact de ce dysfonctionnement gouvernemental. Les familles de fonctionnaires fédéraux, nombreuses en Virginie, dans le Maryland et à Washington DC, se retrouvent sans revenus pendant des semaines, contraintes de puiser dans leurs économies ou de contracter des dettes. Les bénéficiaires du programme SNAP, qui fournit une aide alimentaire à plus de 40 millions d’Américains, dont beaucoup vivent dans des zones rurales conservatrices, ne savent plus s’ils recevront leurs allocations le mois prochain. Les agences de régulation, qui assurent la sécurité alimentaire, la surveillance des marchés financiers, la protection de l’environnement, fonctionnent au ralenti ou sont complètement fermées. Et pendant ce temps, Trump refuse obstinément de négocier avec les démocrates, exigeant qu’ils acceptent toutes ses conditions budgétaires sans compromis. Cette intransigeance, qui pourrait être perçue comme de la force par certains partisans, est vue comme de l’arrogance et de l’incompétence par la majorité des électeurs.
Les tarifs douaniers et l’inflation galopante
Le deuxième facteur structurel de l’effondrement de Trump est l’impact économique de ses tarifs douaniers. Depuis janvier 2025, Trump a imposé des tarifs massifs sur les importations en provenance de presque tous les pays du monde : 25% sur la Chine, le Mexique et le Canada, puis 10% à 50% sur plus de 150 autres pays. Ces tarifs, censés protéger les emplois américains et réduire le déficit commercial, ont eu l’effet inverse : ils ont fait exploser les prix des biens de consommation, déclenché des représailles commerciales de la part des partenaires américains, et ralenti la croissance économique. Selon les données économiques récentes, l’inflation a repris en 2025 après une période de stabilisation en 2024. Les prix de l’alimentation, des vêtements, de l’électronique, des automobiles, tous les produits qui dépendent de chaînes d’approvisionnement internationales, ont augmenté significativement. Les consommateurs américains, qui avaient voté pour Trump en espérant une amélioration de leur pouvoir d’achat, se retrouvent à payer plus cher pour les mêmes produits. Et cette réalité économique concrète a un impact plus fort sur l’opinion publique que tous les discours sur la souveraineté commerciale ou la défense des emplois manufacturiers. Les sondages montrent que l’économie et l’inflation sont les préoccupations principales des électeurs, citées par 75% des répondants comme très importantes. Et c’est précisément sur ces questions que l’évaluation de Trump se dégrade le plus rapidement.
Les raids anti-immigration et la fracture sociale
Le troisième facteur structurel est la politique migratoire brutale de Trump, en particulier les raids massifs dans les communautés immigrées. Depuis janvier 2025, l’administration Trump a intensifié les opérations d’expulsion à une échelle sans précédent, déployant des unités militaires dans les grandes villes, effectuant des arrestations spectaculaires, séparant des familles, expulsant des personnes vivant aux États-Unis depuis des décennies. Ces opérations, largement médiatisées et souvent diffusées en direct sur les réseaux sociaux, ont créé un climat de terreur dans les communautés latinos et asiatiques. Mais au-delà de l’impact direct sur les immigrants, ces politiques ont également choqué de nombreux Américains qui, même s’ils soutiennent en principe un contrôle plus strict de l’immigration, sont horrifiés par les méthodes employées. Les images de soldats en tenue de combat patrouillant dans les rues de Los Angeles, de Chicago, de New York, évoquent des régimes autoritaires plutôt qu’une démocratie occidentale. Les témoignages de familles séparées, d’enfants pleurant devant leurs maisons vides, de personnes arrêtées à leur domicile ou sur leur lieu de travail, créent un malaise profond dans l’opinion publique. Même des électeurs conservateurs, qui avaient voté pour Trump en espérant une politique migratoire plus ferme, se demandent si cette brutalité est vraiment nécessaire, si elle correspond aux valeurs américaines, si elle ne cause pas plus de problèmes qu’elle n’en résout. Et cette question, une fois posée, ne peut plus être ignorée.
Les perspectives pour 2026 et au-delà
Un président affaibli face au Congrès
Si les tendances actuelles se maintiennent jusqu’aux élections de mi-mandat de novembre 2026, Trump se retrouvera dans une position extrêmement affaiblie pour les deux dernières années de son mandat. La perte du contrôle de la Chambre des représentants — qui semble de plus en plus probable — signifierait la fin de toute législation ambitieuse. Les démocrates, une fois majoritaires, utiliseront leur pouvoir de contrôle parlementaire pour bloquer les initiatives de Trump, lancer des enquêtes sur son administration, contraindre des membres du gouvernement à témoigner sous serment, exiger la publication de documents confidentiels. Ils pourraient également relancer des procédures de destitution, bien que les chances de succès au Sénat restent faibles tant que les républicains y conservent une majorité. Mais au-delà des considérations législatives, une défaite massive en 2026 briserait le mythe de l’invincibilité de Trump au sein du parti républicain. Jusqu’à présent, les élus républicains se sont alignés derrière Trump par calcul politique : ils craignaient que s’opposer à lui ne déclenche la colère de sa base électorale et ne compromette leurs propres chances de réélection. Mais si Trump devient un facteur de mobilisation négatif, si les candidats qui s’associent à lui perdent systématiquement, alors les calculs changeront. Les républicains commenceront à prendre leurs distances, à développer des messages indépendants, voire à le critiquer ouvertement. Et cette fragmentation du soutien républicain rendra Trump encore plus vulnérable, créant un cercle vicieux de déclin politique.
L’impact sur l’élection présidentielle de 2028
Au-delà de 2026, ces sondages ont également des implications pour l’élection présidentielle de 2028. Trump ne pourra pas se représenter — la Constitution américaine limite les présidents à deux mandats — mais son héritage politique influencera profondément la course à sa succession. Si Trump termine son second mandat avec des taux d’approbation historiquement bas, s’il laisse le pays dans un état de division et de dysfonctionnement, alors le candidat républicain en 2028 aura du mal à se distancier de cet héritage tout en maintenant le soutien de la base trumpiste. Le sondage Emerson College a demandé aux électeurs qui ils soutiendraient pour les primaires présidentielles de 2028. Du côté républicain, JD Vance, l’actuel vice-président, mène avec 54% des intentions de vote, ce qui suggère qu’il est le successeur naturel de Trump. Mais Vance est étroitement associé à Trump et à ses politiques, ce qui pourrait être un handicap dans une élection générale si Trump reste profondément impopulaire. Du côté démocrate, Gavin Newsom, le gouverneur de Californie qui a orchestré la victoire de la Proposition 50, mène avec 24%, suivi par Kamala Harris à 10% et Pete Buttigieg à 9%. Newsom a construit sa réputation en s’opposant frontalement à Trump, en faisant de la Californie un rempart contre les politiques fédérales, en mobilisant les progressistes. Si les élections de 2028 se jouent sur un référendum anti-Trump, Newsom serait dans une position idéale. Mais beaucoup de choses peuvent changer en trois ans, et il est trop tôt pour prédire avec certitude l’issue de cette course.
La bataille pour l’âme du parti républicain
Au-delà des considérations électorales immédiates, ce qui se joue est une bataille pour l’âme du parti républicain. Pendant huit ans — de 2016 à 2024 — Trump a dominé complètement le GOP, transformant un parti conservateur traditionnel en un mouvement populiste et nationaliste centré sur sa personnalité. Les élus républicains qui osaient le critiquer étaient systématiquement punis, perdant leurs primaires face à des challengers soutenus par Trump, se voyant exclus du parti, devenant des parias politiques. Mais si Trump perd son aura d’invincibilité électorale, si les républicains commencent à perdre systématiquement à cause de lui, alors cette emprise pourrait se desserrer. Des voix dissidentes commenceront à émerger au sein du parti, questionnant la sagesse de rester alignés derrière un leader aussi polarisant et impopulaire. Certains républicains plaideront pour un retour à un conservatisme plus traditionnel, axé sur la réduction des impôts, la déréglementation, et la défense nationale, plutôt que sur les guerres culturelles et les tarifs douaniers. D’autres défendront une version adoucie du trumpisme, conservant le message nationaliste et anti-establishment tout en rejetant les excès et la rhétorique la plus divisive. Cette bataille interne au parti républicain sera brutale, opposant différentes factions, différentes générations, différentes visions de ce que devrait être le conservatisme américain. Et l’issue de cette bataille déterminera non seulement l’avenir du parti républicain, mais aussi l’avenir de la démocratie américaine.
Conclusion
Les chiffres ne mentent jamais. Et ceux que nous avons examinés racontent une histoire implacable : Donald Trump est en chute libre, perdant le soutien de ses propres électeurs républicains, s’effondrant chez les Hispaniques qui l’avaient aidé à gagner en 2024, se faisant rejeter massivement par les indépendants qui détiennent les clés de toute victoire électorale. Une baisse de 12 points parmi les républicains, une chute de 19 points parmi les Hispaniques, une désapprobation de 51% chez les indépendants — ces statistiques ne sont pas des abstractions, elles représentent des millions d’électeurs qui se détournent, qui changent d’avis, qui regrettent leur choix. Le shutdown interminable, les tarifs douaniers qui font exploser les prix, les raids anti-immigration qui terrorisent des communautés entières, tout cela a créé un sentiment de chaos, d’incompétence, de trahison. Et maintenant, à moins d’un an des élections de mi-mandat de 2026, les démocrates sentent le vent tourner. Ils sont plus motivés, plus mobilisés, plus confiants que jamais. Ils ont quatre points d’avance sur le vote générique congressionnel, ils ont remporté une victoire écrasante en Virginie le 4 novembre, ils voient dans les sondages la confirmation que leur stratégie anti-Trump fonctionne. Si ces tendances se maintiennent, les républicains subiront une défaite massive en 2026, perdant le contrôle de la Chambre des représentats et peut-être même du Sénat. Et Trump, affaibli, isolé, contesté même au sein de son propre parti, devra affronter les deux dernières années de son mandat sans pouvoir législatif, sans soutien populaire, sans cette aura d’invincibilité qui avait fait sa force.
Mais au-delà des considérations électorales immédiates, ce qui se joue est beaucoup plus profond. C’est une remise en question du trumpisme lui-même, de cette idée qu’un leader charismatique et polarisant peut gouverner sans compromis, sans coalition large, sans respect des institutions démocratiques. Trump avait parié qu’il pourrait maintenir le soutien d’une base fanatisée de 40 à 45% de l’électorat et que cela suffirait pour gagner des élections grâce au système électoral américain et à la division du camp adverse. Mais cette stratégie ne fonctionne que tant que la base reste unie et mobilisée. Et maintenant que cette base se fissure, que les républicains eux-mêmes commencent à douter, toute la construction s’effondre. Les prochains mois seront décisifs. Trump peut-il inverser cette tendance ? Peut-il regagner la confiance des électeurs qu’il a perdus ? Peut-il sortir du shutdown sans perdre la face ? Peut-il ajuster ses politiques économiques et migratoires sans paraître faible aux yeux de sa base ? Toutes ces questions sont ouvertes, et les réponses détermineront non seulement le sort de Trump, mais aussi l’avenir du parti républicain et de la démocratie américaine. Ce qui est certain, c’est que nous assistons à un moment charnière, à un basculement potentiel, à une fin possible de l’ère Trump. Les chiffres sont là, brutaux, incontestables. Reste à savoir si Trump saura les entendre, ou s’il continuera à nier la réalité jusqu’à ce qu’il soit trop tard.