Aller au contenu

Un record sanglant qui efface une décennie

Quarante exécutions. Quarante êtres humains supprimés par l’État américain entre janvier et octobre 2025, un chiffre qui dépasse largement les vingt-cinq de l’année précédente. Ce nombre glacial n’avait pas été atteint depuis 2015, et pourtant nous n’avons pas encore terminé l’année. Neuf autres condamnés attendent leur tour avant le réveillon, portant le total potentiel à des sommets inégalés depuis des décennies. La Floride seule, sous la férule du gouverneur Ron DeSantis, fidèle lieutenant trumpiste, a exécuté quatorze personnes en 2025. Quatorze. Plus qu’aucun autre gouverneur de l’histoire récente de cet État en une seule année. L’Arizona, le Missouri, l’Oklahoma, la Caroline du Sud et le Texas complètent ce cortège funèbre, transformant la justice américaine en machine à tuer industrielle et efficace.

Des méthodes dignes d’un autre siècle

Mais c’est la méthode qui glace le sang encore davantage. Vingt-et-une injections létales, certes, la routine habituelle de la mort administrée cliniquement. Mais trois exécutions par inhalation d’azote, cette technique nouvelle que des experts de l’ONU ont immédiatement qualifiée de torture, où le condamné suffoque lentement dans une agonie prolongée. Et deux exécutions par peloton d’exécution en Caroline du Sud, les premières depuis 2010 aux États-Unis. Le peloton. Les fusils. Le sang. Trump lui-même aurait évoqué en privé son enthousiasme pour les pelotons d’exécution, les pendaisons, voire la guillotine. Nous sommes entrés dans l’ère du spectacle punitif, où la mort ne suffit plus, elle doit être mise en scène, ritualisée, transformée en avertissement public pour ceux qui oseraient défier l’autorité.

L’ordre exécutif du premier jour

Le 20 janvier 2025, jour de son investiture, Trump a signé un décret présidentiel ordonnant la relance de la peine capitale aux niveaux fédéral et étatique. Un seul jour. Quelques heures après avoir prêté serment, sa première priorité n’était ni l’économie, ni la diplomatie, ni même l’immigration. C’était la mort. Il a ordonné à sa procureure générale, Pam Bondi, de rechercher agressivement la peine fédérale de mort dans tous les cas possibles, d’assister les États dans leurs exécutions, de remplir à nouveau les couloirs de la mort fédéraux. Il a même promis publiquement d’exécuter tous les meurtriers de Washington D.C., où il contrôle directement la justice locale. Le message est limpide: sous Trump, l’État tue, et il tue beaucoup, vite, ostensiblement.


Je me souviens de ces images floues des années quatre-vingt, ces reportages clandestins filmés au Salvador où des corps apparaissaient chaque matin sur les bas-côtés, torturés, mutilés, abandonnés comme déchets. On appelait ça les escadrons de la mort. On pensait que c’était loin, que c’était l’Amérique latine, que c’était une autre époque. Mais aujourd’hui, lorsque je vois quarante exécutions en dix mois, lorsque j’entends parler de pelotons d’exécution réactivés, je reconnais cette même logique: l’État qui tue pour terroriser, pour soumettre, pour rappeler qui détient le monopole ultime de la violence. La différence, c’est qu’aujourd’hui ça se passe aux États-Unis, en pleine lumière, légalement, constitutionnellement. C’est propre. C’est codifié. Mais le résultat est identique: des corps qui tombent pour maintenir un ordre.

facebook icon twitter icon linkedin icon
Copié!

Commentaires

0 0 votes
Évaluation de l'article
Subscribe
Notify of
guest
0 Commentaires
Newest
Oldest Most Voted
Inline Feedbacks
View all comments
More Content