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Des tarifs de cinq cents pour cent comme arme de destruction massive

Le Sanctioning Russia Act, élaboré conjointement par le sénateur républicain Lindsey Graham et le démocrate Richard Blumenthal, représente la plus agressive expansion du régime de sanctions jamais conçue par Washington. Ce n’est plus de la politique étrangère, c’est de l’extorsion géopolitique à l’échelle planétaire. Le mécanisme est d’une simplicité brutale: tout pays qui continue d’acheter du pétrole, du gaz naturel, de l’uranium ou d’autres exportations russes verra ses propres exportations vers les États-Unis frappées de tarifs pouvant grimper jusqu’à cinq cents pour cent. Imaginons un instant ce que cela signifie concrètement. Un produit chinois vendu cent dollars aux États-Unis coûterait désormais six cents dollars avec ces tarifs. Personne ne peut absorber une telle augmentation. C’est une interdiction de facto, une expulsion du marché américain déguisée en mesure tarifaire. Le projet accorde à Trump une autorité quasi-illimitée pour imposer ces pénalités économiques non seulement sur la Russie elle-même, mais surtout sur ses partenaires commerciaux, transformant ainsi chaque transaction avec Moscou en suicide économique potentiel.

Les sanctions secondaires ou comment punir le monde entier

C’est le concept des sanctions secondaires qui fait toute la différence ici. Les sanctions primaires ciblent directement un pays ennemi — dans ce cas, la Russie. Mais les sanctions secondaires visent des tierces parties, des nations qui n’ont rien fait d’illégal selon le droit international mais qui refusent simplement de participer au blocus américain. C’est Washington qui impose unilatéralement ses priorités géopolitiques au reste de la planète en menaçant d’exclusion économique quiconque ose poursuivre des relations commerciales légitimes avec Moscou. Trump a déjà testé cette approche en août 2025 avec une surtaxe de vingt-cinq pour cent spécifiquement sur le pétrole russe, ajoutée à d’autres tarifs réciproques existants. Mais ce nouveau projet de loi va exponentiellement plus loin. Il ne s’agit plus de surtaxes modestes, mais de tarifs punitifs conçus pour annihiler totalement toute velléité de commerce avec la Russie. Lindsey Graham a été explicite lors d’une interview sur ABC News: « Si vous achetez des produits russes et que vous n’aidez pas l’Ukraine, alors il y aura un tarif de cinq cents pour cent sur vos produits entrant aux États-Unis. L’Inde et la Chine achètent soixante-dix pour cent du pétrole de Poutine. Ils maintiennent sa machine de guerre en marche. »

Trump enthousiaste et menaçant à la fois

Devant les journalistes samedi dernier, Trump a confirmé son soutien total à cette législation draconienne. « Comme vous le savez, je l’ai suggéré, donc tout pays qui fait affaire avec la Russie sera très sévèrement sanctionné », a-t-il déclaré avec cette assurance caractéristique qui ne laisse aucune place au doute. Il a poursuivi en ajoutant que ces pays « pourraient perdre complètement leur capacité de commercer avec nous », une menace qui équivaut à une excommunication économique du système commercial occidental. Mais Trump n’a pas terminé là. Il a évoqué la possibilité d’étendre ce régime punitif à l’Iran également, créant ainsi un double front de guerre économique simultané contre deux des principaux adversaires de Washington. « Nous examinons cela aussi pour l’Iran », a-t-il indiqué, laissant entendre que tout pays important du pétrole iranien pourrait bientôt faire face aux mêmes tarifs apocalyptiques. Cette extension potentielle transformerait la mesure d’une sanction ciblée contre la Russie en une restructuration forcée de l’ensemble du commerce énergétique mondial, obligeant chaque nation à choisir entre ses fournisseurs traditionnels et l’accès au marché américain.


Cinq cents pour cent. Je tourne ce chiffre dans ma tête depuis que Trump l’a prononcé et je n’arrive toujours pas à concevoir l’ampleur de ce qu’il signifie réellement. C’est tellement disproportionné que ça en devient presque abstrait, comme ces chiffres astronomiques de la dette nationale qu’on ne peut plus vraiment saisir humainement. Mais quand je ramène ça au concret, quand je pense aux entreprises chinoises qui exportent vers l’Amérique, aux raffineries indiennes qui dépendent du pétrole russe bon marché, aux économies entières bâties sur ces flux commerciaux, je réalise que Trump ne joue pas. Il est en train de construire un système où l’allégeance géopolitique devient plus importante que l’efficacité économique, où le commerce international n’est plus guidé par l’avantage comparatif mais par la soumission politique. Et franchement, ça me glace.

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