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Danielle Smith et son pari risqué

Danielle Smith n’est pas du genre à se laisser intimider. Depuis qu’elle a pris les rênes de l’Alberta, elle a fait du développement énergétique sa priorité absolue, quitte à se mettre à dos Ottawa, la Colombie-Britannique et les groupes environnementaux. Son projet de pipeline est audacieux, certains diraient même téméraire. Elle propose de créer une société d’État albertaine pour piloter le projet, en partenariat avec des géants privés comme Enbridge, South Bow et Trans Mountain. L’objectif? Trouver un consortium privé prêt à financer et construire ce pipeline d’un million de barils par jour. Mais voilà le problème : aucun investisseur privé ne veut toucher à ce projet tant qu’Ottawa n’a pas garanti un processus d’approbation accéléré. Et c’est précisément ce que Smith réclame de Carney.

Le tracé exact du pipeline n’a pas encore été déterminé, et l’Alberta prévoit de soumettre sa demande officielle au printemps 2026. Mais cette incertitude alimente les critiques. Naheed Nenshi, chef de l’opposition officielle albertaine, a déclaré qu’il n’était pas surpris de voir l’Alberta exclue de la liste de Carney, parce qu’il n’y a tout simplement aucun projet concret. Selon lui, Smith a annoncé quelque chose sans investisseur privé, sans financement, et sans avoir consulté les communautés le long du tracé. C’est une annonce politique, pas un véritable projet. Et c’est pour ça qu’Ottawa ne la prend pas au sérieux.

L’isolement géographique comme malédiction économique

Grant Fagerheim insiste sur un point crucial : l’Alberta et la Saskatchewan sont les seules provinces canadiennes sans accès direct à un océan. Cette réalité géographique les rend entièrement dépendantes des infrastructures interprovinciales pour exporter leurs ressources. Et c’est là que le bât blesse. Parce que ces infrastructures traversent d’autres provinces, elles nécessitent l’approbation du gouvernement fédéral. Et Ottawa, influencé par les pressions environnementales et politiques, traîne les pieds depuis des années. Résultat? Le pétrole albertain ne peut pas atteindre les marchés internationaux, et il se vend à rabais aux raffineries américaines. Les Américains, eux, n’ont aucun scrupule à revendre ce pétrole à prix fort aux acheteurs mondiaux, empochant au passage des profits qui auraient dû revenir au Canada.

Cette situation est non seulement injuste, mais elle est économiquement catastrophique pour l’Ouest. Chaque année, des milliards de dollars de revenus potentiels s’envolent à cause de cette décote artificielle imposée par le manque de capacité de transport. Et ce n’est pas seulement une question d’argent. C’est une question de souveraineté économique, de dignité nationale. Comment peut-on prétendre être une superpuissance énergétique quand on est incapable de vendre ses propres ressources à leur juste valeur? Comment peut-on demander à l’Alberta de continuer à alimenter les finances fédérales quand Ottawa refuse de lui donner les outils nécessaires pour prospérer?

Le spectre de la péréquation et du ressentiment régional

Et puis il y a la question de la péréquation, ce système fédéral qui redistribue les revenus des provinces riches vers les provinces plus pauvres. L’Alberta, avec son industrie pétrolière florissante, contribue des milliards de dollars chaque année à ce système, souvent sans recevoir quoi que ce soit en retour. En 2024 seulement, l’Alberta a versé environ 25 milliards de dollars de plus au fédéral qu’elle n’en a reçu en services et transferts. Pendant ce temps, le Québec, l’Ontario et les provinces de l’Atlantique bénéficient généreusement de ces paiements de péréquation. Et voilà que Carney annonce des projets de plusieurs milliards au Québec et en Ontario, tout en ignorant complètement l’Alberta. Pour beaucoup d’Albertains, c’est la goutte qui fait déborder le vase. Ils ont l’impression de financer le développement du reste du pays tout en étant relégués au rang de citoyens de seconde zone.

Scott Moe, premier ministre de la Saskatchewan, partage cette frustration. Il a qualifié le pipeline proposé par Smith de « projet d’infrastructure le plus important de notre génération », un projet qui pourrait transformer l’économie canadienne et créer des milliers d’emplois à travers le pays. Pour lui, ce n’est pas qu’une question albertaine. C’est une question nationale. Et le fait qu’Ottawa refuse de le reconnaître est incompréhensible. Moe a même proposé une vision encore plus ambitieuse : un corridor énergétique de port en port, reliant Prince Rupert sur la côte britanno-colombienne à Churchill au Manitoba, sur les rives de la baie d’Hudson. Un réseau qui transporterait non seulement du pétrole, mais aussi du gaz naturel, de l’électricité, et d’autres marchandises. Un projet qui pourrait véritablement unir le pays au lieu de le diviser.

Et là, je me demande : pourquoi est-ce si difficile? Pourquoi est-ce qu’on n’arrive pas à construire des infrastructures qui profitent à tout le monde? Parce qu’au fond, ce pipeline, ce corridor énergétique, c’est pas juste bon pour l’Alberta ou la Saskatchewan. C’est bon pour tout le Canada. Mais non, on préfère se tirer dans les pieds, se diviser, s’accuser mutuellement. Et pendant qu’on se chicane, d’autres pays avancent, construisent, prospèrent. Nous, on stagne.

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