La mutation du concept de RINO
Dans les années 1990, être qualifié de RINO — Republican In Name Only, républicain de nom seulement — signifiait généralement être trop libéral sur les questions fiscales, trop enclin à accepter des compromis budgétaires, trop mou face aux démocrates. Grover Norquist, le gardien du temple anti-taxes, avait imposé son serment de ne jamais augmenter les impôts, et tout républicain qui s’en écartait se voyait immédiatement affublé de l’étiquette infamante de RINO. George H.W. Bush en fit l’amère expérience en 1992 lorsqu’il augmenta les taxes après avoir promis de ne pas le faire — « Read my lips: no new taxes » — et perdit sa réélection face à Bill Clinton. Mais l’ère Trump a complètement transformé la définition de RINO. Désormais, ce n’est plus une question d’idéologie fiscale ou de politique économique. C’est une question de loyauté personnelle envers Donald Trump. Le procureur général Bill Barr, pourtant l’un des défenseurs les plus acharnés de Trump pendant trois ans, est devenu un RINO le jour où il a osé affirmer qu’il n’y avait pas eu de fraude électorale massive en 2020. Mitch McConnell, le leader républicain au Sénat qui a confirmé trois juges conservateurs à la Cour suprême, est devenu un RINO lâche quand il a certifié la victoire de Joe Biden.
Les vrais républicains selon Abraham Lincoln
Jim Jones a écrit un éditorial magistral en 2021 où il demande une définition autoritaire du terme RINO. Sa réponse est cinglante et historiquement informée : les vrais républicains sont ceux qui respectent les droits civiques et s’opposent à l’insurrection. Le Parti républicain a été fondé en 1854 précisément pour s’opposer à l’expansion de l’esclavage — c’était un parti progressiste, un parti qui défendait les droits humains fondamentaux contre les démocrates sudistes esclavagistes. Abraham Lincoln, le premier président républicain, a mené une guerre civile pour préserver l’Union et abolir l’esclavage. Teddy Roosevelt, autre titan républicain, a combattu les monopoles et défendu les droits des travailleurs. Ronald Reagan, l’icône moderne du conservatisme, a insisté sur le respect de la loi et des institutions démocratiques. Selon Jones, les véritables RINO sont ceux qui trahissent ces principes fondateurs — et Trump en est l’incarnation parfaite. Lorsque Trump refuse d’accepter les résultats d’une élection démocratique, lorsqu’il incite une foule à attaquer le Capitole, lorsqu’il traite les juges qui règlent contre lui d’« ennemis du peuple », il trahit tout ce que le Parti républicain a représenté pendant plus d’un siècle et demi.
Le cas Rusty Bowers et la défense de la Constitution
L’exemple de Rusty Bowers, président républicain de la Chambre des représentants de l’Arizona, illustre parfaitement le dilemme moral auquel sont confrontés les républicains traditionnels. Après l’élection de 2020, Bowers a reçu la visite d’émissaires de Trump qui lui demandaient de convoquer une session spéciale de la législature pour examiner des prétendues preuves de fraude électorale et éventuellement remplacer les électeurs certifiés par de faux électeurs pro-Trump. Bowers a refusé catégoriquement, expliquant que cela violerait son serment de défendre la Constitution de l’Arizona et des États-Unis. « Le droit de vote est fondamental », a-t-il déclaré lors de son témoignage devant le comité du 6 janvier, « et toute tentative de l’annuler doit passer par les tribunaux avec des preuves factuelles ». Il a ajouté : « La Constitution est d’inspiration divine selon ma foi, et pour moi, agir contre elle simplement parce que quelqu’un me le demande va à l’encontre de mon être même. Je ne le ferai pas ». La réaction de Trump ? Il a qualifié Bowers de RINO et a appelé ses supporters à le cibler. Bowers a ensuite perdu sa primaire républicaine, victime d’une campagne orchestrée par les loyalistes trumpistes.
Le prix de l’intégrité dans le Parti républicain moderne
Ce qui est arrivé à Bowers s’est répété des dizaines de fois à travers le pays. Liz Cheney, fille de l’ancien vice-président Dick Cheney et républicaine conservatrice à toute épreuve, a été expulsée de son poste de leadership à la Chambre des représentants et a perdu sa primaire dans le Wyoming après avoir voté pour l’impeachment de Trump et participé à l’enquête sur le 6 janvier. Adam Kinzinger, représentant républicain de l’Illinois et ancien pilote de l’Air Force, a été ostracisé par son propre parti et a choisi de ne pas se représenter. Jeff Flake, sénateur républicain de l’Arizona, a quitté la politique plutôt que de se soumettre au trumpisme. Bob Corker, sénateur républicain du Tennessee et ancien président de la commission des affaires étrangères, a fait de même. Mitt Romney, ancien candidat républicain à la présidence et seul sénateur républicain à avoir voté deux fois pour la destitution de Trump, est devenu un paria dans son propre parti. Le message est clair : dans le Parti républicain de Trump, la loyauté personnelle prime sur tous les principes, toutes les convictions, tous les serments constitutionnels. Jim Jones observe cette dérive avec horreur et dégoût.
Et moi, je me demande combien de temps encore ce pays peut survivre à cette perversion totale de la démocratie. Quand un parti politique devient un culte de la personnalité, quand la fidélité à un homme remplace la fidélité aux principes, quand les héros deviennent des traîtres et les lâches des leaders, nous ne sommes plus dans une démocratie — nous sommes dans quelque chose de bien plus sombre et dangereux.
Les violations systématiques de la loi par Trump
Le mépris des ordonnances judiciaires
En novembre 2025, les tribunaux fédéraux américains sont confrontés à une situation sans précédent dans l’histoire moderne du pays : un président qui refuse systématiquement d’obéir aux ordonnances judiciaires. Le juge John McConnell, dans une affaire concernant les bénéfices du programme SNAP (aide alimentaire pour les familles pauvres), a dû déclarer depuis son banc que Trump avait « déclaré son intention de défier l’ordonnance du tribunal ». Cette déclaration extraordinaire fait suite à un post de Trump sur Truth Social où le président a affirmé que les aides alimentaires ne seraient rétablies que lorsque les « démocrates radicaux de gauche rouvriront le gouvernement ». En clair, Trump utilisait la famine de millions de familles américaines comme arme de négociation politique, en violation directe d’une décision de justice. Le juge McConnell a donné vingt-quatre heures supplémentaires à la Maison Blanche pour se conformer à son ordonnance, une procédure humiliante qui souligne à quel point l’administration Trump traite le pouvoir judiciaire avec mépris.
Les réseaux sociaux comme armes contre la justice
Le phénomène est devenu si répandu que plusieurs juges fédéraux ont dû publiquement réprimander l’administration Trump pour avoir utilisé les réseaux sociaux afin de miner leurs décisions et intimider les parties adverses. Dans l’affaire McIver, une femme accusée d’avoir entravé les opérations de l’ICE (Immigration and Customs Enforcement), les comptes officiels du Department of Homeland Security ont publié des posts décrivant l’accusée comme une « criminelle », faisant partie d’« un coup monté imprudent par des politiciens sanctuaires », et la reliant à l’« extrémisme domestique aligné avec Antifa ». Le juge Jamel Semper a ordonné le retrait de neuf publications, déclarant : « Ce n’est pas factuel. La nature préjudiciable est évidente ». Mais l’ICE a continué à maintenir en ligne certains posts décrivant McIver comme ayant « attaqué des officiers de l’ICE », en violation flagrante de l’ordonnance judiciaire. Cette stratégie délibérée de contamination de l’opinion publique par les réseaux sociaux gouvernementaux transforme chaque procès en bataille médiatique où les accusés sont condamnés publiquement avant même d’être jugés.
L’affaire des dépenses publiques dissimulées
En juillet 2025, le juge Emmet Sullivan, figure respectée du district fédéral de Washington DC, a rendu une décision cinglante ordonnant à l’administration Trump de « cesser de violer la loi ». L’affaire concernait une loi fédérale exigeant que l’exécutif rende publics les détails de la manière dont il dépense l’argent des contribuables. L’administration Trump avait simplement refusé de publier ces informations, ignorant complètement la loi. Sullivan, dans une déclaration orale depuis le banc — un geste rare qui souligne la gravité de la situation — a reproché directement au gouvernement son mépris flagrant des obligations légales. « Cessez de violer la loi ! » a-t-il déclaré, une phrase qui résume parfaitement la situation : des juges fédéraux réduits à supplier le président des États-Unis d’obéir à la loi. Cette affaire est emblématique d’une administration qui considère la transparence comme optionnelle et les lois sur la divulgation comme de simples suggestions qu’elle peut ignorer à volonté.
Les expulsions et la crise humanitaire
L’un des domaines où les violations de la loi par Trump sont les plus graves concerne l’immigration. Plusieurs juges fédéraux ont émis des ordonnances temporaires bloquant des vols d’expulsion, estimant que les procédures suivies par l’administration violaient les droits constitutionnels des personnes concernées. Dans plusieurs cas, l’administration Trump a simplement ignoré ces ordonnances, effectuant les expulsions malgré les injonctions judiciaires. Un juge fédéral a même menacé de tenir l’administration en outrage au tribunal (contempt of court) pour avoir poursuivi les vols d’expulsion après une ordonnance explicite d’arrêt. Cette situation a créé une crise constitutionnelle : que se passe-t-il lorsqu’un président refuse d’obéir aux tribunaux ? La séparation des pouvoirs, principe fondamental de la Constitution américaine, repose sur l’idée que chaque branche du gouvernement respecte les prérogatives des autres. Lorsque l’exécutif bafoue systématiquement les décisions du judiciaire, c’est toute l’architecture constitutionnelle qui s’effondre.
Je vois ce spectacle de désobéissance et je pense aux cours de sciences politiques, aux manuels d’éducation civique, à toutes ces leçons sur la démocratie et l’État de droit. Tout cela semble soudain appartenir à un passé révolu, à une Amérique qui n’existe plus. Nous sommes entrés dans une zone grise terrifiante où le président se comporte comme un monarque absolu et où les juges doivent mendier l’obéissance aux lois qu’ils sont censés faire respecter.
Les enjeux de la Cour suprême en 2025
Les tarifs douaniers et les pouvoirs présidentiels
La Cour suprême des États-Unis fait face en 2025 à l’un des mandats les plus politiquement chargés de son histoire. Le 5 novembre, les juges ont entendu des arguments sur la légalité des tarifs douaniers massifs imposés par Trump. Douze États américains et diverses entreprises contestent ces droits de douane, arguant que le président a outrepassé son autorité en les imposant sous prétexte d’urgence nationale, alors que la loi fédérale invoquée est censée s’appliquer uniquement à de véritables situations d’urgence. Les tribunaux inférieurs ont déjà statué que Trump avait dépassé ses pouvoirs — un désaveu juridique majeur de l’un des piliers de sa politique économique. L’affaire teste l’une des assertions les plus audacieuses de Trump concernant le pouvoir exécutif : peut-il unilatéralement restructurer l’économie américaine et ses relations commerciales mondiales sans l’approbation du Congrès ? La réponse de la Cour suprême aura des répercussions gigantesques, non seulement sur l’économie mais sur l’équilibre même des pouvoirs entre les branches du gouvernement.
Le pouvoir de limoger les fonctionnaires indépendants
En décembre, la Cour suprême doit entendre des arguments concernant le licenciement par Trump de Rebecca Slaughter, membre démocrate de la Federal Trade Commission. Cette affaire pourrait conduire la Cour à annuler ou restreindre drastiquement un précédent de 1935 qui protégeait les dirigeants de certaines agences fédérales contre le limogeage présidentiel arbitraire. L’idée derrière ces protections était de créer des agences régulatrices indépendantes, isolées des pressions politiques partisanes, capables de prendre des décisions basées sur l’expertise et l’intérêt public plutôt que sur les caprices du président en exercice. Trump veut démanteler ce système, affirmant que le président doit pouvoir licencier à volonté tout fonctionnaire de l’exécutif, sans justification. La majorité conservatrice de la Cour semble encline à lui donner raison — elle a déjà autorisé le licenciement de Slaughter pendant que l’affaire se déroule, un signe inquiétant de la direction probable de la décision finale. Si la Cour tranche en faveur de Trump, ce sera la fin de l’indépendance des agences fédérales telles que la Federal Reserve, la SEC (Securities and Exchange Commission) et la FTC.
La citoyenneté de naissance sous attaque
Une autre bombe à retardement attend la Cour suprême : l’ordre exécutif de Trump niant la citoyenneté de naissance aux enfants nés aux États-Unis de parents en situation irrégulière ou présents temporairement dans le pays. Cet ordre défie plus de cent vingt-cinq ans de compréhension constitutionnelle et un arrêt de la Cour suprême de 1898. Le Quatorzième Amendement de la Constitution stipule clairement : « Toute personne née ou naturalisée aux États-Unis, et soumise à leur juridiction, est citoyen des États-Unis ». La formulation ne pourrait être plus claire, et pourtant Trump prétend pouvoir la redéfinir par décret exécutif. Plusieurs tribunaux fédéraux ont bloqué l’ordre comme manifestement inconstitutionnel, mais l’administration fait appel jusqu’à la Cour suprême. Si la Cour accepte la théorie juridique de Trump, elle renversera l’un des principes fondamentaux du droit constitutionnel américain et ouvrira la porte à une redéfinition radicale de ce que signifie être Américain.
Les sports transgenres et les guerres culturelles
La Cour entend également des appels de l’Idaho et de la Virginie-Occidentale concernant des lois républicaines interdisant aux athlètes transgenres de participer aux équipes sportives féminines dans les écoles publiques. Des athlètes transgenres avaient remporté des victoires devant les tribunaux inférieurs, mais les États font appel, soulevant des questions sur la garantie constitutionnelle d’égalité de traitement et sur l’interprétation du Titre IX, la loi fédérale qui a transformé la participation des filles et des femmes aux sports scolaires et universitaires. La Cour, en juin dernier, avait confirmé l’interdiction des soins d’affirmation de genre pour les jeunes transgenres, mais avait soigneusement évité de se prononcer sur des questions plus larges concernant les droits des personnes transgenres. En acceptant rapidement d’entendre les appels des États sur les sports, la Cour signale qu’elle pourrait être prête à définir plus largement les limites des protections constitutionnelles pour les personnes transgenres. Ces affaires sont devenues des symboles des guerres culturelles qui divisent profondément l’Amérique.
Ce qui me frappe dans ces affaires, c’est leur ampleur vertigineuse. Nous ne parlons pas de détails techniques ou de nuances juridiques obscures. Nous parlons de refondre complètement l’architecture constitutionnelle américaine — qui peut être citoyen, qui peut être licencié, comment les agences fonctionnent, qui peut participer à quoi. Trump n’est pas en train de gouverner, il est en train de révolutionner, de déconstruire, de détruire un système construit pendant deux siècles et demi.
La résistance judiciaire face à l'autoritarisme
Les juges fédéraux sous pression
Les juges fédéraux américains se trouvent en première ligne d’une bataille pour préserver l’État de droit. La juge Ketanji Brown Jackson, première femme noire nommée à la Cour suprême, a publié une dissidence cinglante après qu’une majorité conservatrice a autorisé l’administration Trump à couper 783 millions de dollars de financement pour la recherche. Jackson a invoqué le comic strip Calvin et Hobbes pour décrire la jurisprudence de la Cour : « C’est de la jurisprudence Calvinball avec une variante. Calvinball n’a qu’une seule règle : il n’y a pas de règles fixes. Nous semblons en avoir deux : celle-là, et cette administration gagne toujours ». Cette observation dévastatrice souligne que la Cour suprême elle-même est devenue un acteur partisan, appliquant des standards différents selon que les décisions favorisent ou non Trump. La confiance publique dans le système judiciaire s’effondre lorsque les citoyens perçoivent que les résultats des affaires sont prédéterminés en fonction de considérations politiques plutôt que juridiques.
Les injonctions nationales dans le viseur
L’un des développements juridiques les plus significatifs de 2025 concerne la fin des « injonctions universelles » ou « injonctions nationales » — ces ordonnances par lesquelles un seul juge fédéral peut bloquer l’application d’une politique gouvernementale à travers tout le pays. Dans l’affaire Trump v. Casa, la Cour suprême a cité six fois l’affaire Labrador v. Poe de l’Idaho pour établir un nouveau précédent juridique mettant fin à cette pratique. Ironie suprême : cette affaire de l’Idaho concernait une loi républicaine interdisant les traitements d’affirmation de genre pour les mineurs, loi qui avait été bloquée dans tout l’État par un juge fédéral. Le procureur général républicain de l’Idaho, Raúl Labrador, avait fait appel, arguant que l’injonction ne devrait s’appliquer qu’aux deux plaignants qui avaient intenté le procès, pas à tous les Idahoans. La Cour suprême lui a donné raison. Maintenant, ce précédent aide Trump : les juges fédéraux ne peuvent plus émettre d’ordonnances bloquant ses politiques à l’échelle nationale. Ils doivent limiter leurs ordonnances aux parties actuellement devant eux. Cette victoire procédurale pour Trump signifie qu’il faudrait des centaines de procès individuels pour bloquer efficacement une politique nationale — une impossibilité pratique.
La menace d’impeachment contre les juges
Face à la résistance judiciaire, Trump et ses alliés du Congrès ont commencé à brandir la menace de l’impeachment contre les juges fédéraux. Jim Jordan, président républicain de la commission judiciaire de la Chambre des représentants, a rencontré Trump en mars 2025 pour discuter des moyens de « freiner les juges activistes » sans recourir à l’impeachment. Jordan a déclaré aux journalistes : « Le pays ressent instinctivement qu’il y a eu cette poussée agressive contre le président pour des politiques sur lesquelles il a fait campagne et pour lesquelles il a été élu. C’est un problème ». Jordan a particulièrement ciblé le juge James Boasberg, qui a bloqué les tentatives de Trump d’expulser unilatéralement des membres présumés de gangs. La stratégie de Jordan comprend des auditions sur les pouvoirs des juges de district et des discussions avec la commission des crédits sur le financement de la branche judiciaire — une menace à peine voilée de couper les fonds des tribunaux qui s’opposent à Trump. Cette intimidation financière et politique des juges représente une attaque frontale contre l’indépendance judiciaire, pilier de la séparation des pouvoirs.
Le courage solitaire de quelques magistrats
Malgré les pressions, certains juges continuent à tenir bon. La juge Margaret M. Garnett a réprimandé publiquement le procureur général Pam Bondi pour avoir fait des déclarations sur les réseaux sociaux et sur Fox News concernant la culpabilité d’un accusé avant le procès, en violation des règles new-yorkaises limitant ce que les procureurs peuvent dire publiquement. Le juge Jamel Semper a ordonné au gouvernement de retirer des publications sur les réseaux sociaux qui préjugeaient de la culpabilité d’une accusée. Ces juges défendent les principes de base du système judiciaire américain : la présomption d’innocence, le droit à un procès équitable, l’interdiction pour le gouvernement d’empoisonner le puits de l’opinion publique avant qu’un jury ait rendu son verdict. Mais ces juges sont de plus en plus isolés. Ils font face à des campagnes de diffamation orchestrées par les médias pro-Trump, à des menaces de leurs propres partisans extrémistes, et maintenant à la perspective d’un Congrès républicain qui pourrait les destituer ou couper leurs budgets.
J’observe ces juges courageux et je me demande combien de temps ils pourront tenir. Combien de temps avant que la pression ne devienne insoutenable, avant que les menaces ne se transforment en actions, avant que le système entier ne s’effondre sous le poids de cet assaut coordonné ? Nous assistons à la mort lente de l’indépendance judiciaire, et avec elle, à la mort de la démocratie américaine.
Le cri d'alarme de Jim Jones
Un républicain qui ne reconnaît plus son parti
Jim Jones a quitté le Parti républicain en 2017, après que Trump a qualifié les journalistes d’« ennemis du peuple » dans un tweet du 17 février : « Les médias FAKE NEWS (le @nytimes en faillite, @CNN, @NBCNews et bien d’autres) ne sont pas mes ennemis, ils sont les ennemis du peuple. MALADE ! » Pour Jones, cette déclaration a franchi une ligne rouge infranchissable. « Ennemi du peuple » est une expression chargée d’histoire — c’était le terme utilisé par Staline pour désigner les dissidents et les opposants avant de les envoyer au goulag ou devant le peloton d’exécution. C’était le vocabulaire des régimes totalitaires du XXe siècle. Entendre un président américain utiliser cette rhétorique contre la presse libre, garantie par le Premier Amendement, a convaincu Jones que le Parti républicain était devenu quelque chose de fondamentalement incompatible avec la démocratie constitutionnelle. Dans ses éditoriaux depuis lors, Jones a systématiquement dénoncé la transformation du GOP en culte de la personnalité trumpiste, abandonnant les principes conservateurs traditionnels au profit d’une loyauté aveugle à un homme.
Le parallèle avec l’Allemagne de Weimar
Dans ses analyses, Jones établit des parallèles inquiétants entre l’Amérique contemporaine et l’Allemagne de Weimar des années 1930. Il ne compare pas Trump à Hitler — une comparaison qui tend à fermer le débat plutôt qu’à l’ouvrir — mais il souligne les mécanismes structurels par lesquels les démocraties meurent. Ce ne sont pas des coups d’État militaires soudains, mais des érosions progressives : l’affaiblissement de l’indépendance judiciaire, l’intimidation de la presse, la transformation des institutions d’État en outils de vengeance politique, la normalisation du mensonge systématique, la destruction des normes non écrites qui maintenaient la civilité et le respect mutuel en politique. Jones observe que les Allemands de 1932 ne pensaient pas qu’ils étaient en train d’élire un dictateur — ils pensaient élire quelqu’un qui « remettrait de l’ordre » et « défendrait leurs intérêts ». Les institutions démocratiques de Weimar semblaient solides sur le papier, mais elles se sont effondrées en quelques mois face à un leader déterminé à les subvertir de l’intérieur.
Le message aux républicains modérés
Jones adresse un message pressant aux républicains modérés qui restent dans le parti : votre silence est de la complicité. Il comprend les calculs politiques — la peur des primaires, la crainte d’être ostracisé, le désir de conserver son influence — mais il insiste sur le fait que certains moments historiques exigent du courage moral indépendamment des conséquences personnelles. Il cite Edmund Burke : « Pour que le mal triomphe, il suffit que les hommes de bien ne fassent rien ». Jones argue que les républicains qui savent que Trump viole la Constitution, qui savent qu’il ment systématiquement, qui savent qu’il menace les fondements de la démocratie, mais qui restent silencieux par opportunisme politique, portent une responsabilité historique dans ce qui arrive à l’Amérique. L’histoire ne sera pas clémente envers ceux qui avaient le pouvoir de résister mais ont choisi la lâcheté. Jones rappelle aux républicains que leur parti existait avant Trump et pourrait exister après lui — mais seulement s’ils trouvent le courage de se tenir debout maintenant.
L’appel direct : « Cessez d’enfreindre la loi »
Le titre de l’éditorial le plus récent de Jones est d’une simplicité brutale : « Cessez d’enfreindre la loi ». Cette exhortation, qui pourrait sembler évidente dans toute société civilisée, est devenue nécessaire parce que le président des États-Unis traite les lois comme des suggestions optionnelles. Jones détaille méthodiquement les violations : les ordonnances judiciaires ignorées, les lois sur la transparence bafouées, les protections constitutionnelles contournées, les normes éthiques piétinées. Il souligne que Trump ne se contente pas de repousser les limites — il nie l’existence même de ces limites. Pour Trump, le pouvoir présidentiel est absolu, les contraintes institutionnelles sont des obstacles à éliminer, et ceux qui lui résistent sont des traîtres à punir. Jones écrit que cette conception du pouvoir est fondamentalement incompatible avec la République américaine telle que conçue par les Pères fondateurs. Les auteurs de la Constitution avaient une peur viscérale du pouvoir exécutif non contrôlé — c’était précisément ce contre quoi ils s’étaient rebellés en 1776 lorsqu’ils avaient déclaré l’indépendance vis-à-vis du roi George III.
Quand un homme comme Jim Jones — conservateur, républicain toute sa vie, juge respecté, vétéran décoré — doit supplier le président de son propre parti d’obéir à la loi, nous avons dépassé depuis longtemps le point de non-retour. Nous sommes dans un territoire inconnu, effrayant, où les garde-fous ont disparu et où plus rien ne retient la chute vers l’autoritarisme pur. Et le plus terrifiant, c’est que des dizaines de millions d’Américains applaudissent cette descente aux enfers.
Les conséquences pour l'Amérique et le monde
La normalisation de l’illégalité présidentielle
Chaque fois que Trump viole la loi sans conséquence, il établit un nouveau précédent. Chaque ordonnance judiciaire ignorée, chaque norme éthique piétinée, chaque institution affaiblie crée une nouvelle baseline de comportement acceptable pour les futurs présidents. Si Trump peut licencier des fonctionnaires indépendants, couper des financements malgré des lois l’interdisant, expulser des gens malgré des injonctions judiciaires, utiliser les agences fédérales pour harceler ses ennemis, alors les futurs présidents — démocrates ou républicains — hériteront de ces pouvoirs élargis. Certains républicains se consolent en pensant qu’ils soutiennent simplement « leur » président, mais ils construisent une présidence impériale que leurs adversaires politiques pourront un jour utiliser contre eux. La destruction des contraintes institutionnelles sur le pouvoir exécutif ne bénéficie à personne à long terme — elle transforme simplement la politique américaine en une série de dictatures alternées de quatre ans, chaque président cherchant à maximiser son pouvoir pendant qu’il le détient.
L’impact sur l’ordre mondial
L’Amérique a longtemps prétendu être le champion mondial de la démocratie et de l’État de droit. Ce rôle de modèle démocratique était une source majeure du soft power américain — la capacité d’influencer les autres pays par l’attraction et l’exemple plutôt que par la coercition. Lorsque les États-Unis critiquaient la Chine pour son manque d’indépendance judiciaire, ou la Russie pour ses élections frauduleuses, ou la Hongrie pour son érosion démocratique, ces critiques avaient du poids précisément parce que l’Amérique elle-même respectait ces standards. Mais comment les États-Unis peuvent-ils maintenant donner des leçons de démocratie quand leur propre président ignore les décisions judiciaires ? Comment peuvent-ils promouvoir l’État de droit quand leurs propres institutions s’effondrent ? Les dictateurs du monde entier observent l’Amérique de Trump et sourient : ils peuvent maintenant rejeter toute critique américaine comme de l’hypocrisie. « Vous nous reprochez de ne pas respecter les tribunaux ? Regardez votre propre président ! » Le déclin de la crédibilité démocratique américaine est une victoire géopolitique majeure pour les régimes autoritaires du monde entier.
Le risque de violence politique
L’un des dangers les plus immédiats de la rhétorique et des actions de Trump est le potentiel de violence politique. Lorsqu’un président qualifie ses opposants politiques d’« ennemis », lorsqu’il suggère que les élections sont truquées, lorsqu’il refuse d’accepter les résultats électoraux défavorables, lorsqu’il encourage ses partisans à « se battre », il crée un environnement où la violence devient une option politique légitime. Le 6 janvier 2021 n’était pas un accident isolé — c’était la conséquence logique de mois de rhétorique incendiaire affirmant que la démocratie était en train d’être volée et que seule l’action directe pouvait la sauver. Depuis lors, la violence politique aux États-Unis a augmenté de manière alarmante : menaces de mort contre les membres du Congrès, attaques contre les bureaux de scrutin, harcèlement des travailleurs électoraux, agressions lors des rassemblements politiques. Cette violence n’est pas aléatoire — elle suit les lignes de fracture que Trump a creusées et élargies.
L’avenir de la République américaine
Jim Jones pose la question que beaucoup préfèrent éviter : la République américaine peut-elle survivre à Trump ? Cette question ne concerne pas seulement la personne de Trump, mais la transformation du Parti républicain et de millions d’électeurs américains qui ont abandonné leur foi dans la démocratie libérale au profit d’un autoritarisme nationaliste. Même si Trump quittait la scène politique demain, le trumpisme lui survivrait — ce mélange toxique de populisme, de nationalisme, de mépris pour les institutions, de culte de la personnalité, de théories du complot et de ressentiment racial. Les institutions démocratiques ne sont pas auto-exécutoires. Elles dépendent de la volonté collective de les respecter. Si suffisamment d’Américains décident qu’ils préfèrent un homme fort à un système de checks and balances, si suffisamment de politiciens décident que le pouvoir personnel vaut plus que les principes constitutionnels, alors aucune constitution écrite ne peut sauver la démocratie. Jones avertit que l’Amérique est dangereusement proche de ce point de basculement.
Je termine ce texte avec un sentiment de désespoir profond. Non pas parce que je crois que tout est perdu — l’histoire nous a montré que les sociétés peuvent se ressaisir même au bord du gouffre — mais parce que je vois si peu de signes que l’Amérique est prête à faire ce travail difficile. Il est plus facile de s’abandonner à la colère, à la peur, au tribalisme. Il est plus difficile de défendre les principes, de respecter ceux avec qui nous sommes en désaccord, de préserver les institutions qui nous protègent tous. Jim Jones appelle l’Amérique à ce travail difficile. Mais qui l’écoute vraiment ?
Conclusion
L’éditorial de Jim Jones — « Cessez d’enfreindre la loi » — résonne comme un glas funèbre pour la République américaine telle que nous l’avons connue. Cet homme de quatre-vingts ans, ce vétéran du Vietnam, ce républicain de toute une vie, ce juge respecté, ne lance pas une critique partisane ordinaire. Il sonne l’alarme face à une catastrophe constitutionnelle en cours. Sa voix porte le poids de l’expérience, la crédibilité de l’intégrité, l’autorité du service désintéressé. Quand un tel homme doit supplier le président de son propre parti d’obéir aux lois fondamentales du pays, nous avons franchi un seuil dont le retour sera difficile, peut-être impossible. Trump n’est pas un aberration isolée — il est le symptôme d’une maladie profonde qui ronge le corps politique américain. Cette maladie a un nom : le rejet de la démocratie libérale au profit de l’autoritarisme tribal. Des millions d’Américains ne veulent plus d’un système où leurs adversaires politiques ont des droits égaux, où les tribunaux peuvent limiter le pouvoir de « leur » président, où les règles s’appliquent même à ceux qu’ils soutiennent. Ils veulent un leader fort qui écrasera leurs ennemis et ignorera les contraintes institutionnelles. L’ironie tragique est que ce désir d’un homme fort finit toujours par détruire ceux-là mêmes qui le réclament. Les dictatures ne font pas de distinction entre les loyalistes et les opposants une fois qu’elles sont fermement établies — elles dévorent leurs propres enfants. Jim Jones comprend cette dynamique historique. Il a étudié l’histoire, il a vécu la guerre, il a présidé aux délibérations judiciaires pendant des décennies. Son message est simple, désespéré et vital : l’Amérique doit se ressaisir avant qu’il ne soit trop tard. Mais le temps presse dangereusement. Chaque jour de violations impunies, chaque ordonnance judiciaire moquée, chaque norme détruite nous rapproche du point où le retour devient impossible. Et alors, l’expérience américaine de gouvernement démocratique — cette idée audacieuse lancée en 1776 qu’un peuple pouvait se gouverner lui-même sans rois ni tyrans — aura échoué, non pas conquise de l’extérieur mais sabotée de l’intérieur. C’est contre cette fin que Jim Jones se bat, armé seulement de ses mots et de l’espoir désespéré que quelqu’un, quelque part, écoutera avant que le silence ne devienne permanent.
Source : AlterNet
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