Comment l’Ontario a tout fait exploser
C’était une campagne publicitaire comme tant d’autres, ou du moins c’est ce que pensaient les stratèges ontariens. En octobre 2025, le gouvernement de Doug Ford décide de diffuser une publicité anti-tarifs sur les marchés américains, mettant en vedette la voix de l’ancien président républicain Ronald Reagan pour critiquer les droits de douane. L’idée semblait astucieuse sur le papier : utiliser une icône conservatrice pour convaincre les Américains que les tarifs sont dangereux pour leur propre économie. Sauf que Donald Trump n’a pas apprécié qu’on instrumentalise son idole politique. La réaction a été foudroyante et disproportionnée.
Le 23 octobre, en pleine soirée, Trump publie sur Truth Social un message en lettres majuscules : « TOUTES LES NÉGOCIATIONS COMMERCIALES AVEC LE CANADA SONT PAR LA PRÉSENTE ROMPUES ». Il accuse Ottawa d’avoir utilisé de manière frauduleuse une publicité « FAUSSE », affirmant que Reagan s’exprimait négativement sur les droits de douane alors qu’en réalité, selon Trump, il les « ADORAIT POUR NOTRE PAYS ET SA SÉCURITÉ NATIONALE ». La Fondation Ronald Reagan elle-même aurait contesté l’utilisation des propos de l’ancien président. Trump va plus loin, accusant le Canada de tenter d’influencer illégalement la Cour suprême des États-Unis dans « l’une des décisions les plus importantes de l’histoire » du pays. Le Canada venait de commettre une erreur stratégique monumentale.
Les tarifs qui grimpent dans l’indifférence générale
La punition ne s’est pas fait attendre. Samedi 26 octobre, Trump annonce des droits de douane supplémentaires de 10 pourcent sur le Canada parce que le gouvernement de l’Ontario n’avait pas immédiatement retiré la publicité, qui a continué à être diffusée sur les marchés américains jusqu’au lundi suivant. Les tarifs passent ainsi de 25 à 35 pourcent sur les importations non conformes à l’Accord Canada-États-Unis-Mexique. Certes, ces droits de douane ne touchent qu’environ 5 à 10 pourcent des exportations canadiennes en raison de l’ACEUM qui exempte une large portion des produits. Mais le message est clair : Trump ne tolère aucune ingérence dans ses politiques intérieures.
Pete Hoekstra, l’ambassadeur, enfonce le clou lors de son discours à Ottawa le 18 novembre 2025. Il avertit les gouvernements fédéral et provinciaux de « sérieusement considérer » s’ils veulent continuer à diffuser des publicités anti-tarifs aux États-Unis. Selon lui, cette campagne équivalait à « participer à notre politique électorale ». Une accusation grave qui remet en question la souveraineté canadienne dans ses propres campagnes de communication. « Si le Canada veut établir un nouveau précédent en participant à notre politique électorale par la publicité ciblant le président des États-Unis et ses politiques, je vous suggère de sérieusement considérer si c’est la meilleure façon d’atteindre vos objectifs », lance-t-il avec une fermeté qui ne laisse place à aucune ambiguïté.
Je regarde ces chiffres, ces pourcentages qui montent, et je me demande si quelqu’un à Ottawa réalise vraiment ce qui est en train de se passer. On a joué avec le feu, utilisé Reagan comme un bouclier, et maintenant on se retrouve avec des brûlures au troisième degré. L’arrogance a un prix, et c’est l’économie canadienne qui va le payer.
L’incident Hoekstra : quand l’ambassadeur pète les plombs
Mais l’histoire ne s’arrête pas là. Le 28 octobre 2025, des témoins rapportent avoir vu Pete Hoekstra se lancer dans une tirade remplie de jurons contre David Paterson, le représentant commercial de l’Ontario. L’ambassadeur aurait littéralement « insulté » Paterson lors d’un événement, révélant la profondeur de la colère américaine face à cette publicité. Hoekstra, habituellement mesuré dans ses propos publics, a complètement perdu son sang-froid. Cet incident illustre à quel point les relations entre les deux pays se sont détériorées en quelques semaines seulement.
L’ambassadeur a précisé qu’il ne voyait « aucune possibilité qu’un accord soit conclu avant l’Action de grâce aux États-Unis », soit fin novembre 2025. Interrogé sur la possibilité de relancer les négociations en présentant des excuses pour la publicité, Hoekstra a répondu d’un simple et définitif « Non ». Les ponts ne sont pas seulement brûlés, ils sont réduits en cendres. Le Canada devra ramper pour revenir à la table des négociations, et les concessions exigées seront probablement douloureuses.
Mark Carney : le premier ministre qui navigue à vue
Des promesses non tenues et une diplomatie en lambeaux
Mark Carney, premier ministre canadien depuis plusieurs mois, avait promis de « négocier une victoire » avec Donald Trump et de conclure un accord avant le 21 juillet 2025. Nous sommes maintenant en novembre, et non seulement il n’y a aucune entente, mais les négociations sont complètement rompues. Pierre Poilievre, chef du Parti conservateur du Canada, ne manque pas de rappeler cet échec cuisant : « Plusieurs mois plus tard, il n’y a toujours pas d’entente ni aucun résultat ». La pression politique monte sur Carney, qui doit maintenant gérer une crise diplomatique majeure tout en essayant de sauver la face.
Le 23 octobre, sur le tarmac de l’aéroport d’Ottawa juste avant de s’envoler pour l’Asie, Carney tente de minimiser les dégâts. Il affirme que « d’importants progrès ont été réalisés » dans les négociations avec les États-Unis sur l’acier, l’aluminium et l’énergie. Il se dit prêt à « consolider ces progrès lorsque les Américains seront prêts ». Mais ses mots sonnent creux face à la réalité : Trump vient de claquer la porte, et l’ambassadeur américain affirme qu’il n’y aura pas d’accord avant la nouvelle année. La stratégie de Carney, qui consistait à diversifier les relations commerciales du Canada en se tournant vers l’Asie, apparaît désormais comme un aveu d’impuissance face à Washington.
L’Asie comme plan B : une fuite en avant?
Pendant que Trump intensifie la pression sur le Canada, Mark Carney entreprend une tournée en Asie pour renforcer les liens économiques du pays au-delà des États-Unis. Cette stratégie, bien que nécessaire à long terme, ressemble dangereusement à une fuite en avant. Guy Saint-Jacques, ancien ambassadeur du Canada en Chine, suggère même que cette décision de Trump pourrait paradoxalement rapprocher Ottawa et Pékin. Mais peut-on vraiment compenser la perte du marché américain, qui représente plus de 75 pourcent des exportations canadiennes, par des accords avec l’Asie?
La réalité est que le Canada est prisonnier de sa géographie et de son histoire économique. Les États-Unis sont de loin le principal partenaire commercial du pays, et aucune diversification, aussi ambitieuse soit-elle, ne pourra changer cette réalité à court terme. Carney le sait, mais il doit maintenir l’illusion qu’il a un plan. En octobre 2025, alors que Trump et Carney se trouvent tous deux en Asie pour participer à différents événements diplomatiques, aucune rencontre n’est prévue entre les deux chefs d’État. Trump précise même dans Air Force One qu’il ne souhaite pas rencontrer Carney « pour le moment » et qu’il est « très heureux avec l’accord que nous avons maintenant avec le Canada ». Un accord qui, en réalité, n’existe pas vraiment puisque les négociations sont rompues.
Carney court d’un continent à l’autre, multipliant les poignées de main et les déclarations optimistes. Mais au fond, on le sent perdu, dépassé par un Trump qui joue sur plusieurs tableaux simultanément. L’Asie n’est pas une solution, c’est un pansement sur une hémorragie. Et tout le monde le sait, sauf peut-être Carney lui-même.
Les contre-tarifs retirés : capitulation ou stratégie?
Dans une tentative désespérée de relancer les discussions, Mark Carney annonce récemment la levée des tarifs de représailles sur les produits américains conformes à l’Accord Canada-États-Unis-Mexique. Cette décision, présentée comme un effort pour « aligner » le Canada avec les États-Unis et favoriser les discussions commerciales, est perçue par beaucoup comme une véritable capitulation. Pete Hoekstra, interrogé sur cette décision, exprime son enthousiasme : « C’est numéro un. C’est alléluia. Vous imposiez des tarifs sur des produits qui relevaient de l’ACEUM ». Mais il ajoute que ces contre-tarifs n’auraient jamais dû être mis en place.
Le problème, c’est que cette levée des contre-tarifs ne change rien à la position de Trump. L’ambassadeur Hoekstra prévient que les contre-tarifs précédents et les boycotts en cours pourraient encore influencer négativement les perceptions américaines lors des prochaines consultations publiques. Le processus obligatoire de révision de l’ACEUM a officiellement commencé en novembre 2025, et Hoekstra prédit « un nombre important de commentaires » de la part des entreprises américaines, commentaires qui ne seront probablement pas favorables au Canada. Il caractérise cette révision comme un processus « long et ardu », exprimant son scepticisme quant à son achèvement d’ici juillet 2026.
Trump, le maître du chaos calculé
Une stratégie de pression maximale qui fonctionne
Donald Trump n’est pas un président conventionnel, et sa stratégie commerciale reflète parfaitement son style : chaos contrôlé, menaces constantes, et volte-face imprévisibles. Depuis son retour à la Maison-Blanche, il a imposé des tarifs douaniers à presque tous les partenaires commerciaux des États-Unis. Le Royaume-Uni se voit frapper de 10 pourcent de tarifs en mai 2025, l’Union européenne de 15 pourcent en juillet, le Japon et la Corée du Sud également de 15 pourcent. L’Inde subit 25 pourcent de tarifs, tandis que le Vietnam et l’Indonésie sont taxés à près de 20 pourcent.
Le Canada n’est donc pas seul dans cette tourmente, mais il est particulièrement vulnérable en raison de sa dépendance économique envers les États-Unis. Trump sait qu’il peut exercer une pression énorme sur Ottawa sans craindre de représailles significatives. Pendant ce temps, d’autres pays comme l’Union européenne parviennent à négocier des accords commerciaux qui prévoient des droits de douane réduits. Le 27 juillet 2025, les États-Unis et l’UE concluent un accord prévoyant des tarifs de 15 pourcent sur les exportations européennes, bien en dessous des 35 pourcent que subit maintenant le Canada.
L’ACEUM : un bouclier troué
L’Accord Canada-États-Unis-Mexique devrait en théorie protéger la majorité des échanges commerciaux entre les trois pays. Mais Trump a trouvé une faille juridique : la disposition sur les « intérêts essentiels de sécurité ». Cette clause stipule qu’aucune disposition de l’accord n’empêche une partie de prendre des mesures qu’elle juge nécessaires pour protéger ses intérêts de sécurité nationale. Trump invoque régulièrement cette clause pour justifier ses tarifs, affirmant que le trafic de drogues illicites à la frontière nord constitue une urgence nationale.
Cette interprétation extensive de l’ACEUM est contestée devant les tribunaux. En octobre 2025, le Tribunal de commerce international des États-Unis juge que le président Trump a abusé de son pouvoir en imposant des tarifs douaniers généralisés. Mais cette décision judiciaire ne change rien à court terme : Trump continue d’imposer ses tarifs en attendant que la Cour suprême se prononce définitivement. Les audiences sont prévues pour novembre 2025, et les plaidoiries porteront sur le recours de Trump à l’International Emergency Economic Powers Act pour imposer des droits de douane sur la plupart des pays du monde.
Trump joue avec les règles comme un enfant avec des cubes. Il les empile, les renverse, les reconstruit à sa guise. Et pendant ce temps, le Canada attend sagement qu’on lui dise comment sauter. C’est pathétique, vraiment. On a signé un accord qui devait nous protéger, et il suffit que Trump invoque la « sécurité nationale » pour que tout s’effondre.
La Chine dans l’ombre : le vrai adversaire de Trump
Si le Canada souffre, la Chine reste la cible principale de la guerre commerciale menée par Donald Trump. En mai 2025, Trump élimine l’exemption de minimis pour les marchandises en provenance de Chine et de Hong Kong. Cette exemption permettait auparavant à certaines importations de faible valeur (800 dollars ou moins) d’entrer aux États-Unis sans être soumises à des tarifs. Désormais, tous les produits chinois, même de faible valeur, doivent payer des frais de douane substantiels, jusqu’à 50 dollars par article à partir de juin 2025.
La stratégie de Trump est claire : isoler économiquement la Chine tout en forçant les alliés traditionnels des États-Unis, comme le Canada, à faire des concessions majeures. Les pays visés tels que le Canada, le Mexique, le Japon, l’Australie et les pays européens auraient, s’ils se coordonnaient, la capacité de riposter aux États-Unis pour négocier des accords plus favorables, comme la Chine le fait. Mais tant que cette coordination n’existe pas, Trump dispose d’un boulevard pour changer en profondeur les règles du commerce international au détriment de ses partenaires.
L'avertissement de Hoekstra : des négociations reprendront, mais à quel prix?
Le Canada « a brûlé ses ponts »
Pete Hoekstra ne cache pas sa frustration envers le Canada. Lors de son discours à Ottawa en novembre 2025, il affirme que « le Canada a brûlé ses ponts ». Cette expression, particulièrement brutale dans le langage diplomatique, reflète la profondeur du ressentiment américain face aux actions récentes d’Ottawa. L’ambassadeur reproche au Canada non seulement la publicité controversée mettant en vedette Ronald Reagan, mais aussi ce qu’il perçoit comme un sentiment anti-américain croissant dans le pays.
En septembre 2025, Hoekstra avait déjà exprimé sa déception face au « sentiment anti-américain » qu’il observait au Canada, y compris de la part de politiciens. Il avait critiqué un ministre du cabinet pour avoir qualifié la situation de « guerre » commerciale, estimant que ce terme était dangereux et inapproprié. Pourtant, François-Philippe Champagne, ministre des Finances, avait utilisé le mot « guerre » à plusieurs reprises en abordant la réponse du Canada aux tarifs de Trump. Hoekstra avait alors averti contre l’utilisation d’une telle terminologie, la qualifiant de « direction précaire à prendre ».
Des concessions additionnelles seront nécessaires
Louise Blais, ex-ambassadrice du Canada à l’ONU, se veut rassurante dans une intervention télévisée en octobre 2025 : les pourparlers reprendront, affirme-t-elle, mais ils « pourraient exiger de nouvelles concessions du Canada ». C’est un euphémisme diplomatique pour dire que le Canada devra payer le prix fort pour revenir à la table des négociations. Quelles seront ces concessions? Personne ne le dit ouvertement, mais les observateurs évoquent plusieurs possibilités inquiétantes.
Trump pourrait exiger que le Canada accepte des quotas sur certaines exportations, notamment dans le secteur de l’acier et de l’aluminium. Il pourrait aussi demander des modifications substantielles à l’ACEUM lors de la révision prévue en 2026, modifications qui désavantageraient clairement le Canada. Certains analystes évoquent même la possibilité que Trump exige une renégociation complète de l’accord, avec des clauses encore plus favorables aux États-Unis. Une chose est certaine : le rapport de force est totalement déséquilibré, et le Canada n’a pratiquement aucun levier de négociation.
Concessions. Le mot résonne dans ma tête comme une condamnation. On va devoir donner quoi, exactement? Notre dignité? Notre souveraineté économique? Nos secteurs stratégiques? Hoekstra ne le dit pas, mais on le devine dans son regard satisfait. Trump a gagné avant même que les négociations reprennent.
Le calendrier : pas d’accord avant 2026
L’ambassadeur Hoekstra est catégorique : il n’y aura pas d’accord commercial entre le Canada et les États-Unis avant la nouvelle année. Certains espèrent que les négociations reprendront après l’Action de grâce américaine fin novembre, mais Hoekstra a explicitement écarté cette possibilité. Le processus de révision de l’ACEUM, qui a officiellement commencé en novembre 2025, sera « long et ardu » selon l’ambassadeur, qui exprime son scepticisme quant à son achèvement d’ici juillet 2026.
Ce calendrier met une pression immense sur l’économie canadienne. Les entreprises qui dépendent des exportations vers les États-Unis doivent maintenant planifier leurs activités dans un environnement d’incertitude totale. Les tarifs de 35 pourcent sur certains produits, même s’ils ne touchent qu’une petite portion des exportations totales, créent des distorsions importantes dans certains secteurs. Et surtout, personne ne sait ce que Trump décidera demain : augmentera-t-il encore les tarifs? Élargira-t-il leur portée? Ou au contraire, conclura-t-il soudainement un accord surprise avec le Canada? Cette imprévisibilité est en soi une arme économique redoutable.
Le sentiment anti-américain : un poison pour les relations bilatérales
Boycotts et rhétorique hostile
Pete Hoekstra ne se contente pas de critiquer les politiques gouvernementales canadiennes. Il s’en prend aussi au sentiment anti-américain qu’il perçoit dans la population canadienne. En septembre 2025, il avait déclaré que l’aspect le plus « inattendu » de son mandat d’ambassadeur était le « sentiment dominant » envers les États-Unis au Canada. Il avait critiqué les boycotts de produits américains organisés par certains groupes canadiens, ainsi que la décision de nombreux Canadiens de ne plus prendre leurs vacances aux États-Unis.
Ces boycotts, bien que largement symboliques, irritent profondément l’administration Trump. Hoekstra les voit comme une forme d’hostilité injustifiée qui empoisonne les relations bilatérales. Il reconnaît néanmoins que la déclaration de Mark Carney à la Chambre des communes, affirmant que le Canada entretient actuellement « les meilleures relations avec les États-Unis », a contribué à apaiser le ton des discussions. Mais cette déclaration sonne creux face à la réalité des relations tendues et des négociations rompues.
Trump et l’annexion du Canada : une blague qui n’en est plus une
Depuis son retour à la Maison-Blanche, Donald Trump a fréquemment évoqué l’idée que le Canada pourrait devenir le « 51e État » américain. Cette rhétorique, qui aurait pu être perçue comme une simple provocation humoristique, est devenue de plus en plus insistante. Trump suggère régulièrement que le Canada pourrait éviter les tarifs sur ses produits en rejoignant les États-Unis. Pete Hoekstra a tenté de minimiser ces propos, les qualifiant de « terme d’affection » ou de plaisanterie.
Mais personne au Canada ne rit. Cette rhétorique annexionniste, même présentée sous forme de blague, est perçue comme une atteinte à la souveraineté canadienne et comme une forme de bullying diplomatique. Elle contribue à alimenter le sentiment anti-américain que Hoekstra déplore tant. Le cercle vicieux est complet : Trump provoque le Canada avec ses menaces d’annexion et ses tarifs, les Canadiens réagissent avec hostilité et boycotts, et cette hostilité justifie aux yeux de Trump une pression encore plus forte.
51e État. L’expression me fait frissonner chaque fois que je l’entends. Ce n’est plus drôle, si ça l’a jamais été. Trump joue avec notre identité nationale comme avec un jouet, et nous, on reste là, impuissants, à subir ses provocations. Le pire, c’est qu’on commence à se demander si cette blague pourrait un jour devenir réalité.
Les erreurs de communication d’Ottawa
Le gouvernement canadien a commis plusieurs erreurs de communication qui ont aggravé la situation. La publicité ontarienne mettant en vedette Ronald Reagan en est l’exemple le plus flagrant, mais ce n’est pas le seul. L’utilisation du terme « guerre » par certains ministres, les menaces de représailles disproportionnées, et les déclarations contradictoires de différents responsables gouvernementaux ont créé une cacophonie qui a irrité Washington. Mark Carney lui-même a admis que la publicité ontarienne avait « vraiment joué les trouble-fête dans les relations canado-américaines ».
Cette admission tardive montre que le gouvernement canadien n’a pas anticipé la réaction américaine. Il a sous-estimé la susceptibilité de Trump face à toute forme de critique publique, surtout lorsqu’elle utilise des figures républicaines emblématiques comme Reagan. Cette erreur d’appréciation révèle un manque de compréhension profonde de la psychologie de Trump et de son administration. Les diplomates canadiens auraient dû savoir que Trump réagirait de manière explosive à cette provocation, même si elle venait d’un gouvernement provincial et non fédéral.
Les secteurs économiques sous pression
Acier et aluminium : les secteurs sacrifiés
Parmi les secteurs les plus touchés par les tarifs de Trump, l’acier et l’aluminium occupent une place particulière. Dès le 12 mars 2025, des tarifs douaniers de 25 pourcent sont imposés sur les importations d’acier et d’aluminium en provenance du Canada. C’est un coup dur particulièrement pour le Québec, dont l’industrie de l’aluminium dépend fortement du marché américain. Les entreprises québécoises d’aluminium, qui avaient investi massivement pour répondre à la demande américaine, se retrouvent soudainement avec des coûts d’exportation prohibitifs.
Mark Carney a affirmé avoir fait « beaucoup de progrès » sur ces secteurs particuliers dans les négociations récentes avec les États-Unis. Mais aucun accord concret n’a été annoncé, et les tarifs restent en place. Les travailleurs de ces industries vivent dans l’incertitude, ne sachant pas si leurs emplois seront encore là dans six mois. Les syndicats demandent au gouvernement fédéral des mesures d’aide d’urgence, mais Ottawa hésite, craignant que toute subvention soit perçue par Washington comme une distorsion du commerce justifiant de nouveaux tarifs.
Énergie et ressources naturelles : des exceptions stratégiques
Contrairement à l’acier et l’aluminium, les produits énergétiques et les minéraux critiques bénéficient de tarifs moins élevés, à 10 pourcent. Cette exception n’est pas un hasard : les États-Unis dépendent fortement des importations canadiennes de pétrole, de gaz naturel et de certains minéraux essentiels à leur industrie technologique et militaire. Trump ne peut pas se permettre de couper ces approvisionnements sans mettre en péril sa propre économie et sa sécurité nationale.
Cette dépendance énergétique constitue le principal levier de négociation du Canada, mais Ottawa hésite à l’utiliser pleinement. Menacer de réduire les exportations d’énergie vers les États-Unis serait perçu comme une escalade majeure qui pourrait provoquer une réaction encore plus violente de Trump. De plus, les provinces productrices de pétrole comme l’Alberta dépendent tellement du marché américain qu’elles s’opposeraient farouchement à toute tentative d’utiliser l’énergie comme arme de négociation. Le Canada est donc paralysé par ses propres divisions internes.
L’énergie, notre seule carte maîtresse, et on n’ose même pas la jouer. On préfère supplier, négocier, capituler. Pendant ce temps, Trump sait exactement qu’on ne fera rien, qu’on ne peut rien faire. Notre dépendance est notre prison, et les barreaux se resserrent jour après jour.
Le secteur manufacturier dans la tourmente
Les manufacturiers canadiens, représentés par l’association qui a accueilli Pete Hoekstra à Ottawa, sont en première ligne de cette guerre commerciale. Les tarifs de 35 pourcent, même limités aux produits non couverts par l’ACEUM, créent des complications logistiques et comptables énormes pour les entreprises qui exportent vers les États-Unis. Certaines envisagent de délocaliser une partie de leur production aux États-Unis pour éviter les tarifs, ce qui signifierait des pertes d’emplois au Canada.
D’autres secteurs, comme l’automobile, le bois d’œuvre et l’agriculture, surveillent nerveusement l’évolution de la situation. Si Trump décide d’élargir les tarifs à d’autres catégories de produits, l’impact sur l’économie canadienne pourrait être dévastateur. Les économistes estiment que chaque point de pourcentage de tarif supplémentaire réduit la croissance économique canadienne de plusieurs dixièmes de point. Avec des tarifs à 35 pourcent sur certains produits, et la menace constante d’une extension à d’autres secteurs, le Canada entre dans une période de vulnérabilité économique sans précédent depuis des décennies.
Les alliés internationaux : chacun pour soi
L’Union européenne s’en sort mieux
Pendant que le Canada subit des tarifs de 35 pourcent et voit ses négociations rompues, l’Union européenne réussit à négocier un accord relativement favorable avec Trump. Le 27 juillet 2025, les États-Unis et l’UE parviennent à un accord commercial prévoyant des droits de douane de seulement 15 pourcent sur les exportations européennes. Comment l’UE a-t-elle réussi là où le Canada échoue? La réponse tient en un mot : coordination.
L’Union européenne, représentant un bloc de près de 450 millions de consommateurs, dispose d’un poids économique que le Canada ne peut pas égaler. De plus, l’UE a été prête à négocier fermement, imposant des contre-tarifs ciblés sur des produits américains stratégiques pour mettre la pression sur Washington. Cette stratégie de représailles calculées, que le Canada a tenté maladroitement d’imiter avant de reculer, a fonctionné pour l’Europe. Trump respecte la force, et l’UE lui a montré qu’elle ne reculerait pas sans obtenir des concessions en retour.
Le Mexique obtient un sursis
Le Mexique, autre partenaire de l’ACEUM, a également réussi à obtenir un traitement plus favorable que le Canada. En juillet 2025, alors que Trump augmente les tarifs sur le Canada à 35 pourcent, le Mexique obtient un sursis de 90 jours. Cette différence de traitement révèle une réalité dérangeante : Trump punit le Canada plus sévèrement parce qu’il perçoit Ottawa comme plus arrogant et moins coopératif que Mexico.
Le Mexique, sous la présidence de sa nouvelle dirigeante, a adopté une approche diplomatique plus conciliante envers Trump, évitant les confrontations publiques et les provocations. Cette stratégie semble porter ses fruits. Pendant ce temps, le Canada multiplie les faux pas diplomatiques, comme la publicité Reagan, qui ne font qu’aggraver la situation. La leçon est claire : dans les relations avec Trump, l’humilité stratégique paie mieux que la fierté mal placée.
On regarde le Mexique obtenir son sursis, l’Europe négocier ses 15 pourcent, et nous, on est là à 35 pourcent, isolés, humiliés. On croyait être le meilleur ami des États-Unis, le partenaire privilégié. On découvre qu’on n’est qu’un voisin encombrant qu’on peut malmener sans conséquences. Le réveil est brutal.
L’Asie : un mirage plus qu’une alternative
La tournée asiatique de Mark Carney en octobre 2025 visait à envoyer un message : le Canada peut survivre sans dépendre totalement des États-Unis. Mais cette diversification, aussi souhaitable soit-elle à long terme, ne peut pas compenser rapidement la perte du marché américain. Les barrières linguistiques, culturelles et réglementaires avec les pays asiatiques sont considérables. De plus, la Chine, principal marché potentiel en Asie, est elle-même en conflit commercial avec les États-Unis, ce qui complique toute tentative de rapprochement.
Guy Saint-Jacques, ancien ambassadeur du Canada en Chine, suggère que la décision de Trump de rompre les négociations pourrait rapprocher Ottawa et Pékin. Mais ce rapprochement comporte des risques géopolitiques majeurs. Washington verrait d’un très mauvais œil un Canada qui se rapprocherait trop de la Chine, et pourrait réagir en imposant des sanctions ou des restrictions encore plus sévères. Le Canada se retrouve donc dans une impasse stratégique : dépendre des États-Unis est dangereux, mais s’en éloigner trop pourrait être encore plus risqué.
Conclusion
Novembre 2025 marque un tournant historique dans les relations entre le Canada et les États-Unis. L’avertissement de Pete Hoekstra n’est pas une simple déclaration diplomatique de circonstance, c’est un ultimatum à peine voilé. Les négociations reprendront, certes, mais aux conditions de Washington. Le Canada devra accepter des concessions douloureuses, renoncer à une partie de sa souveraineté économique, et ramper pour retrouver une place à la table des négociations. L’erreur stratégique de la publicité ontarienne mettant en vedette Ronald Reagan restera dans les livres d’histoire comme le moment où le Canada a perdu tout levier de négociation face à Trump.
Mark Carney, qui avait promis une « victoire » dans les négociations, se retrouve avec un échec cuisant et une économie sous pression. Les tarifs de 35 pourcent, même s’ils ne touchent qu’une fraction des exportations, créent une incertitude qui paralyse les investissements et la planification économique. Les secteurs de l’acier, de l’aluminium et du manufacturier souffrent, tandis que les travailleurs s’inquiètent pour leurs emplois. La diversification vers l’Asie, présentée comme une solution miracle, apparaît de plus en plus comme un mirage qui ne pourra jamais compenser la perte du marché américain. Le Canada découvre brutalement qu’il ne peut pas survivre sans les États-Unis, et que cette dépendance le met à la merci d’un président imprévisible et vindicatif.
L’ambassadeur Hoekstra a raison sur un point : le Canada a brûlé ses ponts. Reconstruire ces ponts prendra du temps, de l’argent, et surtout beaucoup d’humilité. Trump a démontré qu’il ne tolère aucune forme de dissidence ou de critique publique de la part de ses partenaires commerciaux. Le message est passé : soit vous acceptez les règles de Trump, soit vous en subissez les conséquences. Pour le Canada, les conséquences sont déjà là, et elles seront encore plus lourdes dans les mois à venir. La question n’est plus de savoir si les négociations reprendront, mais à quel prix. Et ce prix, tout le monde le sait déjà, sera exorbitant.
Source : theglobeandmail
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