Les bouffons de cour n’étaient pas seulement un divertissement. Ils occupaient cet espace liminaire étrange entre le serviteur et le confident, entre la moquerie et la révélation de la vérité, où ils pouvaient dire des choses qui auraient été exécutées par n’importe qui d’autre. Les bons comprirent ce pouvoir. Les grands l’ont utilisé comme une arme. Voici 20 des fous les plus fascinants de l’histoire, qui ont fait rire les monarques tout en les mettant profondément mal à l’aise.
1. Triboulet (France, 1479-1536)
Le fou de François Ier a un jour giflé le derrière du roi lors d’une fête. François, irrité à juste titre, annonce à Triboulet qu’il sera pendu s’il ne présente pas des excuses plus offensantes que l’acte original. La réponse de Triboulet est la suivante : « Je suis terriblement désolé, Votre Majesté. Je ne vous ai pas reconnu de dos » Il survit.
2. Stańczyk (Pologne, 1480-1560)
Les cours polonaises connaissaient Stańczyk comme le bouffon mélancolique, ce qui semble être une contradiction jusqu’à ce que l’on réalise que sa tristesse était sa propre forme de commentaire social. Pendant que les nobles dansaient, il s’asseyait seul, contemplant les désastres politiques de la Pologne.
3. Chicot (France, 1540-1591)
Le bouffon d’Henri III était en fait un espion doté d’un bon sens de l’humour. Chicot parcourait le palais pour recueillir des renseignements, mettant les gens suffisamment à l’aise pour qu’ils parlent librement autour de lui. Chicot utilisait cet accès pour protéger son roi et, à l’occasion, faire chanter les nobles.
4. Will Sommers (Angleterre, 1525-1560)
Le fou d’Henri VIII a survécu à ses six épouses, ce qui en dit long sur son instinct politique. Sommers savait quand plaisanter et quand disparaître. Henry l’a gardé près de lui à chaque mariage, divorce et exécution, probablement parce que Sommers était l’une des rares personnes à traiter Henry sans crainte.
5. Archibald Armstrong (Angleterre, 1568-1672)
Armstrong a servi à la fois Jacques Ier et Charles Ier jusqu’à ce qu’il commette une erreur fatale en se moquant de l’archevêque Laud. L’Église n’ayant pas le même sens de l’humour que la couronne, elle lui retira son poste et son insigne de bouffon, qui lui permettait d’être offensif.
6. Nasreddin (Moyen-Orient, XIIIe siècle)
Moitié personnage historique, moitié légende, Nasreddin traversait les villages à dos d’âne en se demandant pourquoi les gens le regardaient bizarrement. Ses histoires se sont répandues dans le monde islamique parce qu’elles servaient à la fois de divertissement et d’enseignement philosophique.
7. Tenali Rama (Inde, 1480-1528)
Ce poète de la cour de Krishnadevaraya de Vijayanagara résolvait les problèmes par d’habiles jeux de mots et des pièges logiques. Un jour, alors qu’on lui demandait de recouvrir le mur d’un palais avec des peintures de différents dieux, il peignit une seule divinité et affirma que tous les dieux étaient des manifestations de la même puissance divine.
8. Yorick (Danemark, peut-être fictif)
Le Yorick de Shakespeare n’a droit qu’à cinq minutes de scène en tant que crâne dans Hamlet, et pourtant tout le monde se souvient de « Hélas, pauvre Yorick » Qu’il ait existé ou non n’a presque aucune importance. Ce bouffon qui faisait rire le jeune Hamlet est devenu un symbole éternel de la mortalité.
9. Balai (Égypte ancienne, 2500 avant notre ère)
Inscrit sur les peintures des tombes en tant que nain bouffon du pharaon Pépi Ier, Balai est le plus ancien fou de cour connu. Les Égyptiens appréciaient suffisamment ces artistes pour les éterniser dans la pierre. Les déformations physiques ont souvent marqué les bouffons au cours de l’histoire, probablement parce qu’elles les rendaient moins menaçants.
10. Claus Narr (Allemagne, 1486-1530)
Le bouffon de Frédéric le Sage bénéficiait d’un arrangement intéressant : il recevait un salaire, était logé et nourri et bénéficiait de l’immunité juridique pour tout ce qu’il disait en guise de plaisanterie. Claus aurait dit à Friedrich que son âme était en danger à cause de son style de vie luxueux, le qualifiant en substance de moralement corrompu.
11. Birbal (Inde, 1528-1586)
Le plus proche conseiller d’Akbar le Grand était techniquement un bouffon, mais il fonctionnait davantage comme un sage conseiller qui transmettait la vérité par l’humour. Lorsque Akbar lui demanda combien de corbeaux vivaient dans son empire, Birbal lui donna un chiffre exact. Lorsqu’on lui demanda comment il le savait, Birbal répondit : « Comptez-les vous-même : « Comptez-les vous-même. S’ils sont plus nombreux, c’est que des parents leur rendent visite. S’il y en a moins, c’est que certains sont partis à l’étranger
12. Hitomaro (Japon, VIIIe siècle)
Ce bouffon de la cour de l’empereur Shomu utilisait la poésie comme arme et comme bouclier. La culture de la cour japonaise exigeant des jeux de mots sophistiqués, les bouffons travaillaient à plusieurs niveaux. Il y avait la plaisanterie de surface, la critique cachée et l’allusion littéraire, le tout mélangé.
13. Jeffrey Hudson (Angleterre, 1619-1682)
Du haut de ses 18 pouces, Hudson a été présenté à Charles Ier et à la reine Henriette Marie dans une tarte. Sa petite taille n’a guère été un obstacle pour lui. Il est devenu capitaine de cheval, a participé à la guerre civile anglaise, a tué un homme en duel et a été anobli.
14. Brusquet (France, années 1500)
Il a servi plusieurs rois de France avec un humour si offensant que même ses contemporains l’ont qualifié d’excessif. Brusquet a toujours trouvé la limite et l’a franchie, tout en restant employé et en vie.
15. Muckle John (Écosse, années 1570)
Le fou de Jacques VI mesurait deux mètres de haut. Muckle John pouvait malmener les nobles qui lui manquaient de respect, et ceux-ci ne pouvaient pas répliquer sans paraître mesquins. Sa présence physique lui conférait une sorte d’immunité sociale.
16. Patch (Angleterre, années 1530)
Le fou du cardinal Wolsey doit son nom aux vêtements hétéroclites et rapiécés que portaient les bouffons. Lorsque Wolsey tomba au pouvoir, Patch passa au service d’Henri VIII. Les bouffons professionnels étaient apparemment mobiles, passant d’une cour à l’autre au gré de l’ascension et de la chute de leurs protecteurs.
17. Dagonet (Grande-Bretagne, légende arthurienne)
Selon la légende, le bouffon du roi Arthur a été anobli, faisant de lui Sir Dagonet, à la fois fou et chevalier. La contradiction incarne ce que les bouffons représentent : des personnes qui existent entre deux catégories, qui peuvent être à la fois basses et hautes, à la fois diseuses de vérité et menteuses.
18. Jane Foole (Angleterre, années 1500)
Jane, l’une des rares femmes bouffonnes répertoriées dans l’histoire, a servi Catherine d’Aragon et plus tard Marie Ire. Les fous naturels étaient appréciés différemment des professionnels et étaient parfois mieux protégés car leurs paroles n’étaient pas calculées.
19. Kuang (Chine ancienne, 7e siècle avant notre ère)
Il conseillait le roi Zhuang de Chu par le biais d’énigmes et de casse-tête. Lorsque le roi a passé des années à négliger ses devoirs, Kuang l’a interrogé sur un oiseau qui s’est perché pendant trois ans sans voler ni chanter. La critique par la parabole permettait au roi de sauver la face tout en prenant la leçon.
20. Gonella (Italie, 1390-1441)
Ce nain de la cour des Este de Ferrare apparaît dans les fresques du Palazzo Schifanoia, conservées à jamais dans l’art de la Renaissance. Son image lui a survécu, ce qui nous renseigne peut-être sur la manière dont ces personnages étaient appréciés et considérés comme dignes d’être immortalisés aux côtés des nobles et des saints.