Air Force One : le taxi le plus cher du monde
Parlons chiffres concrets. Parlons de ce qui compose réellement ces 71 millions de dollars. Le plus gros poste de dépense ? Air Force One. Ce Boeing 747 modifié coûte 273 063 dollars par heure de vol. Par. Heure. Un aller-retour entre la base militaire d’Andrews dans le Maryland et l’aéroport international de Palm Beach dure environ quatre heures. Faites le calcul : 1,1 million de dollars par voyage. Juste pour le transport présidentiel. Et Trump a fait seize voyages à Mar-a-Lago depuis janvier 2025. Seize fois 1,1 million. Vous commencez à voir comment on arrive à 71 millions ? Et ce n’est que le début. Parce qu’Air Force One ne voyage jamais seul. Il faut transporter l’équipement, les véhicules, le personnel de sécurité. Entrent en scène les avions de transport militaire de l’Air Mobility Command.
Ces avions cargo partent de diverses bases aériennes américaines, convergent vers Andrews ou la base du Corps des Marines de Quantico, chargent les limousines présidentielles — oui, au pluriel — les agents du Secret Service, les hélicoptères Marine One, et tout le matériel nécessaire à la sécurité présidentielle. Puis ils volent jusqu’en Floride, déchargent tout, attendent que le président finisse sa partie de golf, rechargent tout, et rentrent à la base. Le coût de ces opérations de transport aérien pour les quatre premiers voyages de Trump à Mar-a-Lago en 2017 ? 3,2 millions de dollars. Rien que pour le transport du matériel. Et ça, c’était en 2017. Les coûts n’ont fait qu’augmenter depuis. L’inflation, vous savez. Même les escapades présidentielles n’y échappent pas. Sauf que contrairement à votre salaire, ces coûts, eux, suivent bien l’inflation.
Il y a quelque chose de profondément obscène dans ces chiffres. Quelque chose qui me retourne l’estomac. Pendant que des Américains comptent leurs centimes pour faire le plein d’essence, leur président dépense plus d’un million de dollars juste pour se déplacer vers son terrain de golf. Un million. Pour quatre heures de vol. C’est plus que ce que la plupart des gens gagneront dans toute leur vie. Et ce n’est qu’une ligne dans un budget qui en compte des dizaines.
La sécurité qui coûte une fortune
Mais attendez, on n’a pas encore parlé de la sécurité. Parce que quand le président des États-Unis décide de passer le week-end dans sa résidence de Palm Beach, toute une armada se met en branle. Le Secret Service déploie des centaines d’agents. Certains arrivent des jours à l’avance pour sécuriser les lieux, vérifier chaque recoin, établir des périmètres de sécurité. D’autres font partie de la garde rapprochée, collés au président vingt-quatre heures sur vingt-quatre. D’autres encore assurent la surveillance des environs, patrouillent, contrôlent les accès. Tous ces agents ont besoin de logement, de nourriture, de transport. Tous ces coûts s’additionnent. Pour les quatre premiers voyages à Mar-a-Lago en 2017, le Secret Service a dépensé 1,6 million de dollars rien qu’en frais de déplacement temporaire. Billets d’avion commerciaux, voitures de location, per diem, hôtels.
Et puis il y a les Gardes-Côtes. Parce que Mar-a-Lago est situé sur une île-barrière, coincée entre l’océan Atlantique et la voie navigable intracôtière. Quand Trump est là, les Gardes-Côtes déploient des petits bateaux armés de mitrailleuses qui patrouillent la voie navigable. Des navires plus imposants croisent au large dans l’océan. Des hélicoptères survolent la zone. Tout cet appareil de sécurité maritime a coûté 3,4 millions de dollars pour ces quatre premiers voyages. Trois millions quatre. Pour sécuriser les eaux autour d’un club de golf privé. Les Gardes-Côtes font venir des ressources de partout — Miami, Kings Bay en Géorgie, La Nouvelle-Orléans, Houston, Boston, New York. Ils mobilisent des bateaux de réponse rapide, des bateaux spécialisés dans l’application de la loi, des cutters de protection maritime, des aéronefs à voilure tournante déployables. Tout ça pour que Trump puisse jouer tranquillement au golf.
Je pense aux Gardes-Côtes qui patrouillent pendant des heures sous le soleil de Floride. Je pense aux agents du Secret Service qui passent leurs week-ends loin de leurs familles pour surveiller un terrain de golf. Ces hommes et ces femmes font leur travail avec professionnalisme, sans se plaindre. Mais est-ce vraiment pour ça qu’ils ont signé ? Pour protéger un président pendant qu’il joue au golf ? Pendant que leurs propres familles les attendent à la maison ? Il y a quelque chose de fondamentalement injuste dans cette équation.
Le premier mandat : 151 millions de leçons non apprises
Quatre ans, 293 jours, 151 millions
Si vous pensiez que les 71 millions du second mandat étaient choquants, accrochez-vous. Durant son premier mandat de 2017 à 2021, Trump a dépensé 151,5 millions de dollars en voyages liés au golf. Cent cinquante-et-un millions cinq. En quatre ans. C’est presque 38 millions par an. Et pendant ces quatre années, il a joué au golf pendant 293 jours. Deux cent quatre-vingt-treize jours sur environ 1460 jours de mandat. Ça fait un jour sur cinq. Un cinquième de sa présidence passé sur un terrain de golf. Imaginez ça. Imaginez que votre patron passe un jour sur cinq à jouer au golf pendant que vous, vous travaillez. Vous trouveriez ça acceptable ? Bien sûr que non. Mais quand c’est le président, apparemment, c’est différent. Apparemment, les règles ne s’appliquent pas de la même manière.
Ces 293 jours ne sont pas répartis uniformément. Trump a une routine bien établie. Il passe ses week-ends à Mar-a-Lago pendant l’hiver et le printemps, puis se déplace vers son club de Bedminster dans le New Jersey pendant l’été et l’automne. Bedminster coûte moins cher — « seulement » 1,1 million de dollars par voyage au lieu de 3,4 millions — parce que l’aéroport local ne peut pas accueillir un Boeing 747. Trump doit donc utiliser un 757 plus petit et moins coûteux. Mais ne vous y trompez pas : 1,1 million reste une somme astronomique pour un week-end de golf. Et Trump a fait neuf voyages à Bedminster depuis janvier 2025. Neuf fois 1,1 million. Ajoutez ça aux seize voyages à Mar-a-Lago. Les chiffres s’accumulent, s’empilent, deviennent vertigineux. Et on n’est qu’en novembre 2025. Il reste encore trois ans et quelques mois de mandat.
Cette répétition me fascine autant qu’elle m’horrifie. C’est comme regarder un accident au ralenti. On sait ce qui va se passer, on l’a déjà vu, mais on ne peut pas détourner le regard. Trump a dépensé 151 millions lors de son premier mandat. Il est en passe de doubler ce montant lors du second. Et personne ne semble pouvoir l’arrêter. Personne ne semble même vouloir essayer. C’est devenu normal. Accepté. Intégré dans le paysage politique comme une fatalité.
La comparaison qui fait mal
Comparons avec ses prédécesseurs. Barack Obama aimait aussi le golf. Il jouait régulièrement. Mais la majorité de ses parties se déroulaient sur le terrain de la base militaire d’Andrews, à quelques minutes en hélicoptère de la Maison Blanche. Coût pour les contribuables ? Relativement minimal. Quelques dizaines de milliers de dollars par sortie, tout au plus. Pas des millions. Obama a également utilisé des avions plus petits et moins coûteux pour ses déplacements personnels. Quand il se rendait dans sa maison de Chicago ou à Martha’s Vineyard, il prenait le 757 ou même des hélicoptères Marine One. Résultat ? Ses coûts de voyage étaient une fraction de ceux de Trump. Une petite fraction. Et pourtant, Trump l’a critiqué sans relâche pour son « obsession » du golf. L’ironie est si épaisse qu’on pourrait la servir au dîner.
Joe Biden, le prédécesseur immédiat de Trump lors de ce second mandat, se rendait fréquemment dans ses maisons de Wilmington et Rehoboth Beach dans le Delaware. Mais là encore, les coûts étaient bien inférieurs à ceux de Trump. Pourquoi ? Parce que l’aéroport de Wilmington ne peut pas non plus accueillir un 747. Biden utilisait donc le 757 ou des hélicoptères. Et surtout, Biden ne possédait pas de complexes commerciaux où il passait ses week-ends. Il rentrait chez lui. Dans sa maison personnelle. Il ne générait pas de revenus pour ses propres entreprises en forçant le gouvernement à payer pour sa sécurité dans ses propriétés commerciales. Parce que oui, parlons-en. Quand Trump va à Mar-a-Lago ou Bedminster, le gouvernement paie pour loger les agents du Secret Service, pour louer des espaces opérationnels, pour utiliser les installations. Cet argent va directement dans les caisses des entreprises Trump. Le président se paie lui-même avec l’argent des contribuables. C’est du génie, d’une certaine manière. Un génie maléfique, certes, mais du génie quand même.
Cette différence de traitement me ronge. Obama jouait au golf près de chez lui et se faisait crucifier par Trump. Biden rentrait dans sa maison familiale et personne n’y trouvait à redire. Mais Trump ? Trump dépense des millions pour aller jouer dans ses propres clubs, enrichit ses propres entreprises au passage, et ça passe. Ça passe parce qu’on s’y est habitués. Parce que l’outrage s’est émoussé. Parce qu’on a baissé les bras. Et ça, c’est peut-être le plus triste dans toute cette histoire.
Le rapport GAO : quand les chiffres officiels confirment l'horreur
Treize millions pour quatre week-ends
En 2019, le Government Accountability Office (GAO), l’organe de surveillance du Congrès, a publié un rapport détaillé sur les coûts des voyages présidentiels. Ce rapport s’est penché spécifiquement sur les quatre premiers voyages de Trump à Mar-a-Lago entre février et mars 2017. Quatre voyages. Quatre week-ends. Coût total ? 13,6 millions de dollars. Treize millions six. Pour quatre week-ends de golf. Le rapport décompose méticuleusement chaque dépense. 10,6 millions en coûts opérationnels — les avions, les bateaux, les hélicoptères, l’équipement. 3 millions en frais de déplacement temporaire — les hôtels, les repas, les indemnités journalières pour tout le personnel qui accompagne le président. Et attention, ces chiffres n’incluent pas les salaires et avantages sociaux du personnel gouvernemental, parce que ces personnes auraient été payées de toute façon, qu’elles travaillent à Washington ou qu’elles suivent Trump en Floride.
Le rapport du GAO est un document fascinant, dans le genre qui vous donne envie de pleurer. Il détaille tout. Le coût par heure de vol d’Air Force One : 273 063 dollars. Le coût des avions cargo de l’Air Mobility Command : 3,2 millions pour ces quatre voyages. Le coût des opérations des Gardes-Côtes : 3,4 millions. Le coût des équipes cynophiles militaires et des équipes de déminage : 363 000 dollars. Chaque ligne du rapport est un coup de poing dans l’estomac. Parce que chaque ligne représente de l’argent qui aurait pu servir à autre chose. À réparer des écoles. À financer des programmes de santé. À aider des vétérans. À construire des infrastructures. Mais non. Cet argent a servi à transporter Trump et tout son cirque en Floride pour qu’il puisse jouer au golf. Quatre fois. En un mois.
Je me suis plongé dans ce rapport du GAO. J’ai lu chaque page, chaque tableau, chaque note de bas de page. Et à chaque ligne, je sentais la colère monter. Pas une colère explosive, non. Une colère froide, méthodique, qui s’installe dans les os. Parce que ces chiffres sont réels. Vérifiés. Officiels. Ce n’est pas de la propagande politique. C’est le gouvernement américain lui-même qui documente comment son président dépense l’argent public. Et le résultat est accablant.
Les coûts cachés et les projections terrifiantes
Mais voici le truc : les chiffres du rapport GAO de 2019 sont probablement sous-estimés pour 2025. Pourquoi ? Parce que le rapport utilise des coûts de 2017, non ajustés à l’inflation. Les salaires des militaires et des forces de l’ordre n’ont généralement pas suivi l’indice des prix à la consommation, donc le GAO n’a pas ajusté les chiffres. Mais tous les autres coûts — carburant, équipement, maintenance — ont augmenté. Donc quand HuffPost estime que Trump a dépensé 71 millions depuis janvier 2025, c’est probablement une estimation conservatrice. Le vrai chiffre est probablement plus élevé. Peut-être significativement plus élevé. Et puis il y a les coûts classifiés. Le rapport du GAO note explicitement que certaines informations de coûts sont classifiées et n’ont pas été incluses dans le total. Combien ? On ne sait pas. C’est classifié. Mais ça s’ajoute au total.
Et maintenant, la projection qui fait froid dans le dos. Si Trump continue à ce rythme — et rien n’indique qu’il va ralentir — il pourrait dépenser 300 millions de dollars en voyages liés au golf d’ici la fin de son second mandat en 2029. Trois cents millions. C’est le double de ce qu’il a dépensé lors de son premier mandat. Le double. Comment est-ce possible ? Parce qu’il voyage plus fréquemment. Parce que les coûts ont augmenté. Parce qu’il ne se retient pas. Pourquoi le ferait-il ? Il n’y a aucune conséquence. Aucune. Le Congrès ne fait rien. Les médias rapportent les chiffres, les gens s’indignent sur les réseaux sociaux pendant quelques heures, puis tout le monde passe à autre chose. Et Trump continue. Encore et encore. Week-end après week-end. Million après million.
Cette projection de 300 millions me hante. Parce que ce n’est pas juste un chiffre abstrait. C’est de l’argent réel. De l’argent qui pourrait changer des vies. Qui pourrait financer des bourses d’études pour des milliers d’étudiants. Qui pourrait construire des logements pour des sans-abri. Qui pourrait sauver des vies en finançant des recherches médicales. Mais non. Cet argent va servir à financer les loisirs d’un milliardaire. Et on laisse faire. On regarde, impuissants, pendant que ça se passe sous nos yeux.
Mar-a-Lago : le club qui coûte des millions aux contribuables
Le cauchemar logistique de Palm Beach
Parlons de Mar-a-Lago spécifiquement. Parce que ce n’est pas un endroit comme les autres. C’est un club privé situé sur une île-barrière à Palm Beach, en Floride. Une bande de terre coincée entre l’océan Atlantique à l’est et la voie navigable intracôtière à l’ouest. Du point de vue de la sécurité, c’est un cauchemar. Un cauchemar coûteux. Quand Trump est là, il faut sécuriser les deux côtés. Côté océan, les Gardes-Côtes déploient des navires qui patrouillent au large. Côté voie navigable, des petits bateaux armés de mitrailleuses sur leur proue patrouillent en permanence. L’espace aérien est fermé. Des hélicoptères survolent la zone. Des agents du Secret Service sont postés partout — sur les toits, dans les rues, aux points d’accès. C’est une opération militaire à chaque fois. Une opération qui coûte 3,4 millions de dollars par visite.
Et Mar-a-Lago n’a même pas de terrain de golf sur place. Trump doit se déplacer vers son Trump International Golf Club à West Palm Beach ou vers son club de Jupiter. Ce qui signifie des cortèges de véhicules, des routes fermées, encore plus de sécurité. Chaque déplacement est une production. Une production coûteuse. Le rapport du GAO note que le gouvernement a payé environ 60 000 dollars directement à Mar-a-Lago pour ces quatre premiers voyages en 2017. Pour quoi ? Pour des chambres d’hôtel pour le personnel du Pentagone — environ 24 000 dollars, tous dans les limites autorisées. Et pour des espaces opérationnels pour le Secret Service — environ 36 000 dollars. Des salles de commandement, des espaces de coordination, des zones sécurisées. Le Secret Service a besoin de ces espaces pour faire son travail. Et Trump leur fait payer. Il fait payer le gouvernement américain pour utiliser des espaces dans son propre club. C’est du génie entrepreneurial, vraiment. Ou de la corruption pure et simple, selon votre point de vue.
Cette image me reste en tête : des agents du Secret Service payant pour louer des salles dans le club du président qu’ils sont censés protéger. Il y a quelque chose de profondément pervers dans cette dynamique. Le président enrichit ses propres entreprises en forçant le gouvernement à payer pour le protéger dans ses propriétés. Et c’est légal. Techniquement légal. Mais est-ce moral ? Est-ce éthique ? Est-ce ce qu’on attend d’un président ? La réponse devrait être évidente. Mais apparemment, elle ne l’est pas.
Le business model présidentiel
Creusons un peu plus cette question de conflit d’intérêts. Quand Trump va à Mar-a-Lago, ce n’est pas juste une escapade personnelle. C’est aussi une opération commerciale. Mar-a-Lago est un club privé. Les membres paient des frais d’adhésion — qui ont doublé à 200 000 dollars après l’élection de Trump en 2016 — et des cotisations annuelles de 14 000 dollars. Quand le président est là, le club devient « la Maison Blanche d’hiver ». C’est un argument de vente. Les membres peuvent potentiellement croiser le président, dîner à côté de lui, peut-être même lui parler. C’est de l’accès. De l’accès qui se vend. Et Trump le sait. Il en profite. Pendant son premier mandat, il a régulièrement mené des affaires officielles à Mar-a-Lago. Il y a rencontré des dirigeants étrangers. Il y a pris des décisions de politique étrangère. Il a transformé son club privé en annexe de la Maison Blanche. Et les contribuables ont payé la facture.
Mais ce n’est pas tout. Quand Trump va à Mar-a-Lago, son entourage le suit. Des membres du Cabinet. Des conseillers. Des membres du Congrès. Tous ces gens ont besoin de logement. Où logent-ils ? Souvent à Mar-a-Lago ou dans d’autres propriétés Trump à proximité. Qui paie ? Le gouvernement. Avec l’argent des contribuables. Trump a créé un système où le gouvernement américain est obligé de dépenser de l’argent dans ses entreprises. C’est brillant, d’un point de vue commercial. C’est aussi profondément problématique d’un point de vue éthique. Mais les règles d’éthique qui s’appliquent aux autres membres du gouvernement ne s’appliquent pas au président. Le président est exempt de la plupart des lois sur les conflits d’intérêts. C’est une faille dans le système. Une faille que Trump exploite à fond.
Je ne peux pas m’empêcher de penser à tous les présidents précédents qui ont mis leurs affaires en fiducie aveugle pour éviter même l’apparence d’un conflit d’intérêts. Qui ont fait des sacrifices financiers pour servir leur pays. Et puis il y a Trump, qui non seulement refuse de se séparer de ses affaires, mais qui les utilise activement pour générer des revenus pendant qu’il est en fonction. Et on le laisse faire. Parce qu’il peut. Parce que les règles ne s’appliquent pas à lui. Ou plutôt, parce qu’il n’y a pas de règles qui l’en empêchent.
Bedminster : l'alternative "économique" qui coûte quand même des millions
Le club d’été du président
Quand l’été arrive et que la chaleur de Floride devient insupportable même pour Trump, il déménage ses opérations vers le nord. Direction Bedminster, New Jersey. Son Trump National Golf Club y est niché dans les collines verdoyantes du comté de Somerset. C’est là que Trump passe ses étés à jouer au golf, à recevoir des invités, à mener des affaires. Et c’est là que les contribuables continuent de payer. Bedminster coûte « seulement » 1,1 million de dollars par voyage, contre 3,4 millions pour Mar-a-Lago. Pourquoi cette différence ? L’aéroport. L’aéroport le plus proche de Bedminster ne peut pas accueillir un Boeing 747. Trump doit donc utiliser un 757 plus petit. Moins d’espace, moins de carburant, moins de coût. Mais ne vous y trompez pas : 1,1 million reste une somme colossale. C’est juste moins colossal que 3,4 millions. C’est comme dire qu’une Ferrari est moins chère qu’une Bugatti. Techniquement vrai, mais les deux restent hors de portée pour le commun des mortels.
Trump a fait neuf voyages à Bedminster depuis janvier 2025. Neuf fois 1,1 million. Ça fait 9,9 millions de dollars. Presque 10 millions. Pour neuf week-ends dans le New Jersey. Et comme pour Mar-a-Lago, ces chiffres n’incluent que les coûts de transport et de sécurité directement liés aux voyages. Ils n’incluent pas les coûts de préparation, les coûts de coordination, les coûts de nettoyage après. Ils n’incluent pas les salaires du personnel qui passe des semaines à planifier chaque voyage. Ils n’incluent pas le coût d’opportunité — tout ce que ces personnes auraient pu faire d’autre si elles n’avaient pas été occupées à organiser les escapades golfiques du président. Ces coûts cachés sont impossibles à quantifier, mais ils sont réels. Très réels.
Cette notion d' »économique » me fait rire jaune. Un million de dollars par voyage, c’est économique ? Dans quel univers ? Dans l’univers Trump, apparemment. Où les millions se dépensent comme des centimes. Où l’argent public est traité comme un compte en banque personnel illimité. Où la notion même de responsabilité fiscale devient une blague. Une blague cruelle aux dépens des contribuables américains.
Le personnel qui suit partout
Parlons du personnel qui accompagne Trump dans ces voyages. Parce que le président ne voyage jamais seul. Jamais. Il y a d’abord la garde rapprochée du Secret Service. Des dizaines d’agents qui ne quittent jamais le président des yeux. Puis il y a les équipes de soutien — les agents qui sécurisent les lieux, qui contrôlent les accès, qui surveillent les périmètres. Il y a les équipes cynophiles militaires avec leurs chiens détecteurs d’explosifs. Il y a les équipes de déminage. Il y a le personnel du White House Military Office, qui coordonne tous les aspects militaires du voyage. Il y a le personnel de la White House Communications Agency, qui s’assure que le président reste connecté en permanence. Il y a le personnel de la White House Transportation Agency, qui gère tous les véhicules. Et puis il y a les pilotes, les mécaniciens, les techniciens qui font voler et maintiennent tous ces avions et hélicoptères.
Tous ces gens ont besoin de logement. De nourriture. De transport. Le gouvernement paie des per diem — des indemnités journalières — pour couvrir ces coûts. Pour les quatre premiers voyages à Mar-a-Lago en 2017, le Pentagone a dépensé 969 000 dollars en frais de déplacement temporaire pour son personnel. Le Department of Homeland Security, qui inclut le Secret Service et les Gardes-Côtes, a dépensé 2 millions de dollars. Presque 3 millions rien qu’en per diem et frais connexes. Pour quatre voyages. Et ces chiffres sont de 2017. Avec l’inflation, avec l’augmentation des coûts hôteliers, avec tout, ces montants sont certainement plus élevés aujourd’hui. Mais on ne sait pas exactement de combien, parce que le gouvernement ne publie pas ces détails en temps réel. On doit attendre des rapports comme celui du GAO, qui arrivent des années après les faits. Quand il est trop tard pour faire quoi que ce soit.
Je pense à tous ces gens — agents, militaires, techniciens — qui passent leurs week-ends loin de leurs familles pour suivre Trump sur ses terrains de golf. Ils font leur travail. Ils le font bien. Mais est-ce vraiment pour ça qu’ils ont signé ? Pour protéger un président pendant qu’il joue ? Il y a quelque chose de profondément triste dans cette image. Ces professionnels dévoués, utilisés comme accessoires dans les loisirs d’un milliardaire. Et payés avec l’argent de leurs concitoyens.
Le voyage en Écosse : quand le golf devient une affaire internationale
Dix millions pour promouvoir son propre club
En 2025, Trump a fait quelque chose d’encore plus audacieux. Il a voyagé jusqu’en Écosse pour promouvoir un nouveau parcours qu’il a ouvert dans son complexe d’Aberdeen. Un voyage présidentiel. Financé par les contribuables. Pour promouvoir une entreprise privée appartenant au président. Le coût ? Près de 10 millions de dollars. Dix millions. Pour un voyage de promotion commerciale déguisé en visite présidentielle. C’est du jamais vu. Même pour Trump, c’est audacieux. Parce que là, il ne fait même plus semblant. Il utilise ouvertement les ressources gouvernementales pour promouvoir ses intérêts commerciaux personnels. Et il s’en tire. Parce qu’il peut. Parce que personne ne l’arrête. Parce que le système n’a pas de mécanisme pour empêcher ce genre d’abus.
Ce voyage en Écosse est particulièrement révélateur. Parce qu’il montre à quel point Trump a normalisé le mélange entre ses affaires personnelles et ses fonctions présidentielles. Il n’y a plus de ligne. Plus de séparation. Tout est mélangé. Le président des États-Unis utilise Air Force One — payé par les contribuables — pour voler vers un pays étranger afin de promouvoir son propre terrain de golf. Il amène avec lui tout l’appareil de sécurité présidentielle — payé par les contribuables. Il génère de la publicité mondiale pour son entreprise — gratuitement, grâce à sa position de président. C’est de la publicité qui vaudrait des millions si elle devait être achetée. Mais Trump l’obtient gratuitement. Ou plutôt, les contribuables la paient pour lui. Sans leur consentement. Sans même qu’on leur demande leur avis.
Ce voyage en Écosse me laisse sans voix. Parce que c’est tellement flagrant. Tellement éhonté. Il n’y a même plus de prétexte. C’est de la promotion commerciale pure et simple, financée par l’argent public. Et ça passe. Ça passe parce qu’on a baissé nos standards. Parce qu’on a accepté que les règles ne s’appliquent pas à Trump. Parce qu’on est fatigués de s’indigner. Et cette fatigue, c’est exactement ce qu’il veut. C’est sa stratégie. Nous épuiser jusqu’à ce qu’on abandonne.
Les dirigeants étrangers et le golf-diplomatie
Trump a transformé le golf en outil diplomatique. Des dirigeants étrangers lui offrent des cadeaux liés au golf. En octobre, la Première ministre japonaise Sanae Takaichi lui a offert un ensemble de balle et tee de golf en feuille d’or, ainsi qu’un club de golf ayant appartenu au défunt Premier ministre Shinzo Abe. En mai, le président sud-africain Cyril Ramaphosa a amené les golfeurs Ernie Els et Retief Goosen à la Maison Blanche pour tenter d’apaiser les tensions. Ces dirigeants savent que le moyen d’accéder à Trump passe par le golf. Ils utilisent cette connaissance. Ils flattent sa passion. Ils jouent avec lui. Le président finlandais Alexander Stubb, le sénateur Lindsey Graham, d’innombrables autres politiciens et leaders mondiaux ont joué au golf avec Trump. Pourquoi ? Pour gagner sa faveur. Pour maintenir des alliances. Pour influencer ses décisions.
C’est de la diplomatie par le golf. Et ça fonctionne. Parce que Trump est plus détendu sur un terrain de golf. Plus accessible. Plus enclin à faire des deals. Il l’a dit lui-même : certaines de ses meilleures négociations se sont faites sur un terrain de golf. Mais voici le problème : ces négociations se déroulent loin des regards. Loin des conseillers. Loin des protocoles diplomatiques normaux. Qui sait ce qui se dit ? Qui sait quels accords sont conclus ? Qui sait quelles promesses sont faites ? Personne. Sauf Trump et son partenaire de golf du moment. C’est de la diplomatie opaque. De la diplomatie non documentée. De la diplomatie qui échappe à tout contrôle. Et c’est dangereux. Parce que les décisions prises sur un terrain de golf peuvent avoir des conséquences mondiales. Des conséquences que personne n’a eu l’occasion d’examiner ou de débattre.
Cette instrumentalisation du golf me trouble profondément. Parce que ça transforme un loisir en outil de pouvoir. Ça crée un système où l’accès au président dépend de votre capacité à jouer au golf avec lui. Où les décisions importantes se prennent sur des greens plutôt que dans des salles de situation. Où la diplomatie devient un sport. Littéralement. Et personne ne semble trouver ça problématique. Personne ne semble se demander si c’est vraiment comme ça qu’on devrait gouverner un pays.
Les rapports manquants : quand la transparence disparaît
L’obligation légale ignorée
Voici quelque chose que peu de gens savent : il existe une loi, le Presidential Protection Assistance Act de 1976, qui exige que le Secret Service, le Pentagone et les Gardes-Côtes soumettent des rapports semestriels au Congrès détaillant tous les coûts encourus pour protéger le président. Tous les six mois. Sans faute. C’est la loi. Sauf que… ça ne se passe pas. Le rapport du GAO de 2019 a révélé que seuls les Gardes-Côtes respectaient cette obligation. Les Gardes-Côtes soumettaient leurs rapports régulièrement, comme requis. Mais le Secret Service ? Le Pentagone ? Rien. Pas de rapports. Ou des rapports sporadiques, incomplets, soumis avec des années de retard. Le Secret Service a soumis des rapports en 2015, puis plus rien jusqu’à ce que le GAO leur demande où étaient les rapports de 2016 et 2017. Réponse des officiels du Secret Service : ils ne savaient pas que les rapports n’avaient pas été soumis. Ils ne savaient pas. Comment est-ce possible ?
La réponse est simple : il n’y a pas de mécanisme de surveillance. Pas de politique claire définissant qui est responsable de préparer ces rapports, comment ils doivent être préparés, quand ils doivent être soumis. Le Secret Service a connu une transition de leadership en 2016. Les personnes responsables des rapports sont parties. Les nouvelles personnes n’ont pas été informées. Et personne n’a remarqué pendant des années que les rapports n’étaient pas soumis. Personne au Congrès n’a demandé où ils étaient. Personne n’a fait de suivi. La loi existe sur le papier, mais dans la pratique, elle est ignorée. Et sans ces rapports, le Congrès n’a aucune visibilité sur combien coûte réellement la protection présidentielle. Aucune capacité à exercer une surveillance. Aucun moyen de tenir qui que ce soit responsable.
Cette absence de rapports me met en rage. Parce que c’est exactement le genre de chose qui permet les abus. Quand il n’y a pas de transparence, quand il n’y a pas de surveillance, quand personne ne regarde, les coûts explosent. Les limites disparaissent. Et les contribuables paient la facture sans même savoir combien ils paient. C’est de l’opacité institutionnalisée. Et c’est inacceptable.
Le Pentagone qui ne sait pas combien il dépense
Le cas du Pentagone est encore plus troublant. Le Pentagone a une politique pour collecter les informations sur les coûts de soutien au Secret Service. Cette politique existe. Elle est écrite. Mais elle n’est pas appliquée. Le Pentagone n’a pas soumis de rapports au Congrès depuis des décennies. Des décennies. Les officiels du Pentagone interrogés par le GAO ont admis qu’ils ne savaient pas quand le dernier rapport avait été soumis. Ils ne savaient même pas que les rapports n’étaient pas soumis jusqu’à ce que le GAO le leur demande. Et quand ils ont essayé de compiler les informations pour créer un rapport, ils ont découvert que c’était un cauchemar. Les données sont dispersées dans de multiples systèmes. Les méthodes de collecte sont incohérentes. Il n’y a pas de processus standardisé. Résultat ? Le Pentagone ne sait pas combien il dépense pour soutenir les voyages présidentiels. Il ne le sait pas. L’organisation militaire la plus puissante du monde ne peut pas vous dire combien elle dépense pour transporter son commandant en chef vers ses terrains de golf.
Le GAO a fait des recommandations. Il a dit au Secret Service d’établir une politique claire pour les rapports. Il a dit au Pentagone de mettre à jour ses politiques et instructions, de définir des échéances, de créer un mécanisme de surveillance. Le Department of Homeland Security et le Pentagone ont accepté ces recommandations. Ils ont dit qu’ils allaient les mettre en œuvre. C’était en 2019. Nous sommes en 2025. Six ans plus tard. Les rapports sont-ils soumis régulièrement maintenant ? On ne sait pas. Parce qu’il n’y a pas de suivi public. Parce que personne ne vérifie. Parce que le Congrès a d’autres priorités. Et pendant ce temps, Trump continue de jouer au golf, les coûts continuent de s’accumuler, et personne ne sait exactement combien tout ça coûte vraiment. Parce que personne ne compte. Ou plutôt, personne ne veut compter.
Cette incompétence bureaucratique me désespère. Parce que ce n’est pas de l’incompétence innocente. C’est de l’incompétence commode. Commode pour ceux qui ne veulent pas savoir. Commode pour ceux qui préfèrent l’ignorance à la responsabilité. Commode pour Trump, qui peut continuer à dépenser sans limite parce que personne ne tient vraiment les comptes. Et nous, les contribuables, on paie. On paie sans savoir combien. On paie sans pouvoir protester. On paie parce qu’on n’a pas le choix.
Les coûts d'opportunité : ce qu'on aurait pu faire avec 71 millions
L’éducation qu’on aurait pu financer
Faisons un exercice. Imaginons ce qu’on pourrait faire avec 71 millions de dollars. Pas les 300 millions projetés. Juste les 71 millions déjà dépensés depuis janvier 2025. Commençons par l’éducation. Avec 71 millions, on pourrait financer des bourses universitaires complètes pour environ 1420 étudiants pendant quatre ans, en supposant un coût moyen de 50 000 dollars par an. Mille quatre cent vingt étudiants. Mille quatre cent vingt vies changées. Mille quatre cent vingt futurs médecins, ingénieurs, enseignants, chercheurs. Ou on pourrait construire et équiper environ 14 nouvelles écoles dans des communautés défavorisées, en supposant un coût moyen de 5 millions par école. Quatorze écoles. Des milliers d’enfants qui auraient accès à une éducation de qualité. Des communautés entières transformées. Ou on pourrait financer les salaires de 1420 enseignants pendant un an, en supposant un salaire moyen de 50 000 dollars. Mille quatre cent vingt enseignants qui pourraient rester dans la profession au lieu de la quitter par désespoir financier.
Mais non. Cet argent a servi à transporter Trump vers ses terrains de golf. Seize fois. Seize week-ends de loisir pour un homme qui possède déjà plus d’argent qu’il ne pourra jamais dépenser. Pendant que des enseignants paient de leur poche pour acheter des crayons et des cahiers pour leurs élèves. Pendant que des étudiants s’endettent pour des décennies pour payer leurs études. Pendant que des écoles tombent en ruine faute de financement. L’ironie est cruelle. Le président qui a promis de « rendre sa grandeur à l’Amérique » dépense des millions pour jouer au golf pendant que l’infrastructure éducative du pays s’effondre. Et personne ne semble voir le problème. Ou plutôt, ceux qui voient le problème sont impuissants à le résoudre.
Ces chiffres me brisent le cœur. Parce qu’ils rendent le coût tangible. Réel. Ce n’est plus juste un nombre abstrait. C’est 1420 étudiants qui n’auront pas de bourse. C’est 14 écoles qui ne seront pas construites. C’est 1420 enseignants qui ne seront pas embauchés. C’est du potentiel humain gaspillé. Des vies qui auraient pu être changées. Des communautés qui auraient pu être transformées. Tout ça sacrifié pour que Trump puisse jouer au golf. Et ça me rend malade.
La santé et les infrastructures oubliées
Continuons. Avec 71 millions, on pourrait financer des programmes de santé mentale dans des centaines de communautés rurales qui n’ont actuellement aucun accès à ces services. On pourrait acheter et distribuer des doses de Narcan — le médicament qui inverse les overdoses d’opioïdes — dans tout le pays, sauvant potentiellement des milliers de vies. On pourrait financer des cliniques mobiles qui apporteraient des soins médicaux de base dans les déserts médicaux américains. On pourrait subventionner l’insuline pour des dizaines de milliers de diabétiques qui doivent actuellement choisir entre acheter leur médicament ou payer leur loyer. Soixante-et-onze millions pourraient littéralement sauver des vies. Des milliers de vies. Mais ces vies ne comptent apparemment pas autant que le loisir présidentiel. Ces vies sont sacrifiables. Négligeables. Invisibles.
Ou parlons infrastructures. Avec 71 millions, on pourrait réparer des centaines de ponts défaillants. On pourrait moderniser des systèmes d’eau potable dans des villes comme Flint, Michigan, où les résidents boivent encore de l’eau contaminée. On pourrait installer des bornes de recharge pour véhicules électriques dans des communautés rurales, facilitant la transition vers l’énergie propre. On pourrait réparer des routes, moderniser des réseaux électriques, améliorer les transports publics. Soixante-et-onze millions, c’est une goutte d’eau dans l’océan des besoins infrastructurels américains. Mais c’est une goutte qui pourrait faire une différence. Une différence réelle, tangible, dans la vie quotidienne des Américains. Mais cette différence ne se fera pas. Parce que l’argent est parti. Dépensé. Gaspillé. Envolé dans les airs à bord d’Air Force One, direction les terrains de golf de Trump.
Je pense aux gens de Flint qui attendent toujours de l’eau potable. Je pense aux toxicomanes qui meurent d’overdose faute d’accès au Narcan. Je pense aux diabétiques qui rationnent leur insuline. Je pense aux ponts qui s’effondrent. Et puis je pense à Trump sur son terrain de golf, souriant, insouciant, pendant que tout ça se passe. Et je me demande : comment en sommes-nous arrivés là ? Comment avons-nous accepté que c’est normal ? Que c’est acceptable ? Que c’est juste comme ça que les choses sont ?
La normalisation de l'inacceptable
Comment on s’habitue à l’outrage
Il y a un phénomène psychologique fascinant qui se produit quand on est exposé à quelque chose d’outrageux de manière répétée. On s’y habitue. L’outrage s’émousse. Ce qui aurait provoqué une tempête de protestations la première fois devient banal la dixième fois. C’est ce qui s’est passé avec les dépenses de golf de Trump. La première fois qu’on a appris qu’un voyage à Mar-a-Lago coûtait 3,4 millions, il y a eu de l’indignation. Des articles. Des débats. Des gens en colère sur les réseaux sociaux. Puis il y a eu un deuxième voyage. Puis un troisième. Puis un dixième. Puis un vingtième. Et à chaque fois, l’indignation diminuait. Pas parce que le problème devenait moins grave. Mais parce qu’on s’y habituait. On normalisait l’inacceptable. On intégrait l’outrage dans notre quotidien jusqu’à ce qu’il ne soit plus un outrage. Juste un fait. Une réalité. Quelque chose qu’on mentionne en passant et puis on passe à autre chose.
C’est exactement ce que Trump veut. C’est sa stratégie. Submerger. Épuiser. Normaliser. Faire tellement de choses outrageuses que les gens ne peuvent plus suivre. Que les gens abandonnent. Que les gens haussent les épaules et disent « c’est Trump, qu’est-ce que vous voulez ». Et ça marche. Ça marche terriblement bien. Parce que nous, les humains, avons une capacité limitée d’indignation. On ne peut pas être en colère tout le temps. On ne peut pas se battre sur tous les fronts. Alors on choisit nos batailles. On priorise. Et les dépenses de golf, aussi outrageuses soient-elles, finissent par tomber dans la catégorie « pas assez important pour se battre ». Il y a toujours quelque chose de plus urgent. Une nouvelle crise. Un nouveau scandale. Une nouvelle menace. Et pendant qu’on est distraits par tout ça, Trump continue de jouer au golf. Et les millions continuent de s’accumuler. Silencieusement. Inexorablement.
Cette normalisation me terrifie. Parce que si on peut normaliser ça, qu’est-ce qu’on ne peut pas normaliser ? Où est la limite ? À quel moment dit-on « stop, ça suffit » ? Je crains qu’on ait déjà dépassé ce point. Que la limite ait été franchie il y a longtemps et qu’on ne s’en soit même pas rendu compte. Qu’on soit maintenant dans un territoire où il n’y a plus de limites. Où tout est permis. Où rien n’a de conséquences. Et ça, c’est terrifiant.
Le coût de l’apathie collective
L’apathie a un coût. Un coût réel, mesurable. Quand on cesse de s’indigner, quand on cesse de protester, quand on cesse de demander des comptes, on donne carte blanche. On dit « fais ce que tu veux, on ne fera rien ». Et c’est exactement ce qui se passe. Trump dépense 71 millions pour jouer au golf. Réaction du public ? Un haussement d’épaules collectif. Quelques articles dans les médias. Quelques tweets indignés. Puis plus rien. La vie continue. Et Trump retourne jouer au golf. Parce qu’il peut. Parce que personne ne l’arrête. Parce que l’apathie collective lui a donné la permission. Pas explicitement. Mais implicitement. Par notre silence. Par notre inaction. Par notre acceptation résignée que « c’est comme ça ». Cette apathie coûte 71 millions. Et elle coûtera 300 millions d’ici 2029 si rien ne change. Mais rien ne changera. Parce que pour que quelque chose change, il faudrait que les gens se lèvent. Qu’ils exigent des comptes. Qu’ils refusent d’accepter l’inacceptable.
Mais on est fatigués. Tellement fatigués. Fatigués de se battre. Fatigués de s’indigner. Fatigués de voir que rien ne change malgré nos protestations. Alors on abandonne. On se retire. On se concentre sur nos propres vies, nos propres problèmes. On laisse les politiciens faire ce qu’ils veulent. Et les politiciens, voyant qu’il n’y a pas de conséquences, font exactement ce qu’ils veulent. C’est un cercle vicieux. L’apathie engendre l’abus. L’abus engendre plus d’apathie. Et le cycle continue, s’accélère, s’aggrave. Jusqu’à ce qu’on se réveille un jour et qu’on réalise qu’on a perdu quelque chose d’essentiel. Quelque chose qu’on ne pourra peut-être jamais récupérer. La confiance. La confiance dans nos institutions. La confiance dans nos dirigeants. La confiance dans le système lui-même. Et sans cette confiance, qu’est-ce qui reste ? Qu’est-ce qui tient une démocratie ensemble quand la confiance est partie ?
Je me sens parfois comme une voix qui crie dans le désert. Qui pointe du doigt l’évidence — 71 millions pour du golf, c’est inacceptable — et qui se heurte à un mur d’indifférence. Et je me demande : est-ce que ça vaut encore la peine de crier ? Est-ce que quelqu’un écoute ? Est-ce que quelqu’un s’en soucie ? Ou est-ce qu’on a tous collectivement décidé que c’est comme ça maintenant, que c’est la nouvelle normalité, et qu’il faut juste l’accepter ? Je refuse d’accepter. Mais je suis fatigué. Tellement fatigué.
Les défenseurs de l'indéfendable
Les arguments qui ne tiennent pas
Il y a toujours des gens pour défendre Trump. Toujours. Peu importe ce qu’il fait, peu importe combien ça coûte, il y aura des voix pour dire que c’est justifié. Que c’est nécessaire. Que c’est normal. Examinons leurs arguments. Premier argument : « Le président a besoin de se détendre. Le golf est sa façon de décompresser. » D’accord. Personne ne dit que le président ne devrait jamais se détendre. Mais est-ce qu’il doit se détendre à 3,4 millions de dollars le week-end ? Est-ce qu’il ne pourrait pas jouer sur le terrain de la base militaire d’Andrews, comme Obama ? Ça coûterait une fraction du prix. Mais non, Trump insiste pour aller dans ses propres clubs. Pourquoi ? Parce qu’il le peut. Parce que personne ne l’en empêche. Deuxième argument : « Ces coûts seraient encourus de toute façon. Le président doit être protégé où qu’il aille. » Faux. Les coûts ne seraient pas les mêmes. Jouer au golf près de Washington coûte infiniment moins cher que voler jusqu’en Floride ou dans le New Jersey. C’est mathématique. C’est indiscutable.
Troisième argument : « Obama jouait aussi au golf et personne ne se plaignait. » Mensonge. Trump lui-même se plaignait. Constamment. Et de toute façon, Obama a dépensé une fraction de ce que Trump dépense. Une petite fraction. Parce qu’Obama jouait localement. Parce qu’Obama ne possédait pas de clubs de golf commerciaux où il générait des revenus pendant qu’il était président. Quatrième argument : « C’est de l’argent bien dépensé parce que Trump fait des affaires sur le terrain de golf. Il négocie avec des dirigeants étrangers. » Vraiment ? Vous voulez vraiment que les décisions de politique étrangère se prennent sur un terrain de golf, loin de tout conseiller, de tout protocole, de toute documentation ? Vous trouvez que c’est une bonne idée ? Parce que moi, ça me terrifie. Les décisions qui affectent des millions de vies devraient se prendre dans des salles de situation, avec des experts, avec des débats, avec de la transparence. Pas sur un green entre deux putts.
Ces arguments me rendent fou. Parce qu’ils sont de mauvaise foi. Parce que ceux qui les avancent savent qu’ils ne tiennent pas. Mais ils les avancent quand même. Parce que leur loyauté à Trump dépasse leur loyauté à la vérité. Parce qu’ils ont choisi leur camp et qu’ils défendront ce camp quoi qu’il arrive. Même quand c’est indéfendable. Surtout quand c’est indéfendable. Et ça, c’est peut-être le plus triste dans toute cette histoire. Cette mort de l’honnêteté intellectuelle. Cette volonté de défendre l’indéfendable juste parce que c’est « notre gars » qui le fait.
Le culte de la personnalité qui aveugle
Il y a quelque chose de profondément troublant dans la façon dont certains supporters de Trump refusent de voir le problème. Peu importe les faits. Peu importe les chiffres. Peu importe l’évidence. Ils trouvent toujours une excuse. Toujours une justification. Toujours une raison pour laquelle ce n’est pas vraiment un problème. C’est du culte de la personnalité. Et les cultes de la personnalité sont dangereux. Parce qu’ils remplacent la pensée critique par la loyauté aveugle. Parce qu’ils transforment des citoyens en disciples. Parce qu’ils rendent impossible toute responsabilisation. Comment tenir quelqu’un responsable quand ses supporters refusent d’admettre qu’il a fait quoi que ce soit de mal ? Comment avoir un débat honnête quand une partie refuse d’accepter les faits de base ? C’est impossible. Et c’est exactement le but. Rendre impossible toute critique. Toute opposition. Toute dissidence.
Et le plus troublant, c’est que ça marche. Trump peut dépenser 71 millions pour jouer au golf et ses supporters diront que c’est bien. Qu’il le mérite. Qu’il travaille dur et qu’il a le droit de se détendre. Ils ne voient pas — ou refusent de voir — l’hypocrisie. L’homme qui a critiqué Obama pour avoir joué au golf dépense maintenant exponentiellement plus pour faire la même chose. L’homme qui a promis de ne jamais jouer au golf s’il était élu passe un cinquième de sa présidence sur des terrains de golf. L’homme qui a dit qu’il travaillerait « comme un fou » passe ses week-ends à jouer. Mais ses supporters ne voient rien de tout ça. Ou s’ils le voient, ils s’en fichent. Parce que Trump peut faire ce qu’il veut. Il a gagné ce droit en étant élu. C’est du moins ce qu’ils semblent croire. Et cette croyance est dangereuse. Parce qu’elle place Trump au-dessus des lois. Au-dessus des normes. Au-dessus de toute responsabilité.
Je ne comprends pas. Je ne comprends vraiment pas. Comment peut-on être si aveuglément loyal à quelqu’un qu’on refuse de voir l’évidence ? Comment peut-on abandonner sa capacité de jugement critique au profit d’une loyauté tribale ? C’est comme si on avait collectivement décidé que la vérité n’a plus d’importance. Que les faits n’ont plus d’importance. Que tout ce qui compte, c’est de soutenir son camp. Et si c’est vraiment où nous en sommes, alors nous sommes perdus. Vraiment perdus.
Conclusion : le prix de notre silence
Trois cents millions et après ?
Nous voici donc. Soixante-et-onze millions de dollars dépensés depuis janvier 2025. Trois cents millions projetés d’ici 2029. Des chiffres qui donnent le vertige. Des chiffres qui devraient provoquer l’indignation. Des chiffres qui devraient nous pousser à agir. Mais que faisons-nous ? Rien. Nous lisons les articles. Nous secouons la tête. Nous tweetons notre désapprobation. Puis nous passons à autre chose. Et Trump continue. Il continuera. Parce qu’il peut. Parce que nous le laissons faire. Parce que notre silence est une permission. Notre apathie est un consentement. Notre résignation est une capitulation. Et pendant que nous restons silencieux, les millions s’accumulent. Les voyages se multiplient. Les terrains de golf appellent. Et Trump répond. Encore et encore. Sans remords. Sans hésitation. Sans conséquence.
Mais voici la vraie question : qu’est-ce qui se passera après ? Après les 300 millions. Après ce second mandat. Qu’est-ce qu’on aura appris ? Qu’est-ce qu’on aura changé ? La réponse honnête ? Probablement rien. Parce que nous avons déjà vécu ça. Trump a dépensé 151 millions lors de son premier mandat. Il y a eu des rapports. Des articles. Des débats. Et puis quoi ? Il a été réélu. Et il recommence. En pire. Parce qu’il a appris qu’il n’y a pas de conséquences. Qu’il peut faire ce qu’il veut. Que les règles ne s’appliquent pas à lui. Et cette leçon, il ne l’oubliera jamais. Ni lui, ni les futurs présidents qui suivront son exemple. Parce que nous avons établi un précédent. Nous avons dit, par notre inaction, que c’est acceptable. Que c’est normal. Que c’est juste comme ça que les choses sont maintenant.
Je pense à l’avenir. Je pense aux présidents qui viendront après Trump. Et je me demande : qu’est-ce qu’on leur a appris ? Qu’on peut dépenser des centaines de millions pour ses loisirs personnels sans conséquence ? Qu’on peut enrichir ses propres entreprises avec l’argent public ? Qu’on peut ignorer les normes éthiques ? Qu’on peut mentir, tricher, et s’en tirer ? Si c’est ça la leçon, alors nous avons échoué. Nous avons échoué à protéger notre démocratie. Nous avons échoué à maintenir nos standards. Nous avons échoué, point final.
Le moment de choisir
Nous sommes à un carrefour. Pas un carrefour dramatique avec des choix clairs et des conséquences immédiates. Non. Un carrefour subtil. Insidieux. Le genre de carrefour qu’on ne reconnaît que rétrospectivement, quand il est trop tard pour changer de direction. Nous pouvons continuer comme nous le faisons. Hausser les épaules. Accepter que c’est comme ça. Normaliser l’inacceptable. Et dans ce cas, les 300 millions deviendront 400 millions lors du prochain mandat. Puis 500 millions. Puis plus. Parce qu’il n’y aura plus de limite. Plus de ligne à ne pas franchir. Plus de norme à respecter. Ou nous pouvons dire stop. Nous pouvons exiger des comptes. Nous pouvons refuser d’accepter. Nous pouvons nous lever et dire « non, ça suffit, pas un dollar de plus ». Mais pour ça, il faut de la volonté. Du courage. De la persévérance. Il faut être prêt à se battre. Encore et encore. Même quand c’est épuisant. Même quand ça semble inutile. Même quand personne ne semble écouter.
Parce que voici la vérité : si nous n’agissons pas, personne ne le fera. Les politiciens ne se limiteront pas eux-mêmes. Les riches et puissants ne renonceront pas volontairement à leurs privilèges. Le changement ne viendra que si nous l’exigeons. Si nous le forçons. Si nous refusons d’accepter le statu quo. Soixante-et-onze millions pour du golf. Ce n’est pas juste un chiffre. C’est un test. Un test de notre volonté collective. Un test de nos valeurs. Un test de notre démocratie. Et pour l’instant, nous échouons ce test. Nous échouons parce que nous restons silencieux. Parce que nous acceptons. Parce que nous nous sommes résignés. Mais il n’est pas trop tard. Il n’est jamais trop tard. Tant qu’il reste une voix pour dire « non ». Tant qu’il reste une personne pour refuser d’accepter. Tant qu’il reste un peu d’indignation dans nos cœurs. Alors il y a de l’espoir. Pas beaucoup. Mais un peu. Et parfois, un peu suffit.
Je termine cet article avec un sentiment mitigé. De la colère, oui. De la frustration, certainement. Mais aussi, étrangement, un peu d’espoir. Parce que j’ai écrit ces mots. Parce que vous les avez lus. Parce que quelque part, quelqu’un d’autre lit aussi. Et peut-être que cette personne ne haussera pas les épaules. Peut-être qu’elle se lèvera. Peut-être qu’elle dira quelque chose. Fera quelque chose. Et peut-être que ça fera une différence. Une petite différence. Mais une différence quand même. Et c’est tout ce qu’on peut espérer. Faire notre part. Dire notre vérité. Et espérer que ça compte. Que ça a compté. Que ça comptera.
Sources
Sources primaires
HuffPost – « Second-Term Tab For Trump’s Golf Hobby Tops $70 Million, On Track To Exceed $300 Million » par S.V. Date, publié le 26 novembre 2025. Analyse détaillée des coûts des voyages de golf de Trump depuis janvier 2025, basée sur les estimations du rapport GAO de 2019.
The Independent – « Trump’s golf trips have cost taxpayers $71m since January and could eventually top staggering $300m » par Erin Keller, publié le 28 novembre 2025. Rapport sur les 16 voyages à Mar-a-Lago et les projections de coûts futurs.
Government Accountability Office (GAO) – « Presidential Travel: Secret Service and DOD Need to Ensure That Expenditure Reports Are Prepared and Submitted to Congress » (GAO-19-178), publié en janvier 2019. Rapport officiel détaillant les coûts des quatre premiers voyages de Trump à Mar-a-Lago en 2017, incluant une décomposition complète des dépenses opérationnelles et des frais de déplacement temporaire.
Sources secondaires
Alternet – « The real cost to taxpayers of Trump’s golf obsession could be even higher than the reported $71 million » publié en novembre 2025. Article analysant les coûts potentiellement sous-estimés des voyages présidentiels.
Times of India – « Donald Trump golfing expenses reach $71 million with massive Secret Service spending on Bedminster club » publié le 28 novembre 2025. Couverture internationale des dépenses de golf de Trump.
The Daily Beast – « Trump’s Golf Habit Is Costing Taxpayers a Fortune: Report » publié en novembre 2025. Analyse des implications financières des habitudes de golf présidentielles.
NPR – « Trump’s Trips To Mar-a-Lago Cost Taxpayers $3.4 Million Each » publié le 5 février 2019. Rapport initial sur les coûts par voyage basé sur le rapport GAO.
CNN – « Fact check: Trump has spent far more time at golf clubs than Obama had at this point » publié en mai 2020. Comparaison factuelle entre les habitudes de golf de Trump et Obama.