Du démon de René Descartes à l’allégorie de la caverne de Platon, combien d’expériences philosophiques connaissez-vous et avez-vous déjà approfondi ? À première vue, il peut s’agir de concepts amusants à imaginer, mais la raison pour laquelle nombre d’entre eux ont résisté à l’épreuve du temps et ont dérouté les plus grands esprits de la planète est qu’ils nous poussent à remettre en question nos hypothèses sur la réalité, la connaissance, la moralité, la logique et même notre propre existence. Voici 20 expériences de pensée fascinantes qui ne manqueront pas de changer votre façon de penser.
1. La chambre chinoise
Imaginez une personne enfermée dans une pièce avec un énorme manuel qui explique chaque symbole et chaque caractère d’une langue qu’elle ne comprend pas. Grâce à ce manuel, elle est capable de communiquer couramment, même si elle n’a aucune idée de la signification réelle de ses réponses. La chambre chinoise est une expérience de pensée du philosophe américain John Searle, qui, dans son article de 1980 intitulé « Minds, Brains, and Programs », a proposé un argument selon lequel une machine ne pourrait jamais avoir la compréhension ou la conscience d’un être humain, quelle que soit l’intelligence de ses actes ou de son comportement.
2. Le navire de Thésée
Si un vieux navire voit toutes ses planches remplacées progressivement au fil des ans, s’agit-il toujours du même navire ou d’un navire entièrement différent ? Le bateau de Thésée est une expérience de pensée introduite pour la première fois par le philosophe grec Plutarque, qui pose la question de savoir si un objet dont tous les éléments ont été remplacés reste le même objet.
3. Cerveau en cuve
Tout ce que vous vivez dans votre vie éveillée peut sembler réel, mais comment pouvez-vous vraiment savoir si c’est réel ou non ? Et si vous n’étiez qu’un cerveau dans un bocal, relié à des fils qui simulent toutes vos expériences et tous vos souvenirs ? L’expérience de pensée du « cerveau dans une cuve » a été créée et popularisée par la philosophe américaine Hilary Putnam en 1973. Il s’agit essentiellement d’une version modernisée du démon maléfique de René Descartes.
4. Démon maléfique
L’expérience du cerveau dans une cuve peut nous permettre d’imaginer plus facilement une réalité possible, mais la théorie originale provient des Méditations de Descartes, dans lesquelles un démon maléfique peut nous tromper sur des choses que nous croyons vraies, comme le fait que nous avons un corps ou que le monde extérieur existe. C’est précisément cette expérience et cet argument qui ont conduit Descartes à la conclusion « Je pense, donc je suis »
5. Le problème des chariots
Vous avez probablement entendu de nombreuses variantes du problème du chariot, qui explore les dilemmes éthiques. Il a été présenté pour la première fois par la philosophe anglaise Philippa Foot en 1967. La base de l’expérience de pensée est la suivante : un train à la dérive se dirige tout droit vers une voie où cinq personnes sont coincées. Vous avez le choix de tirer le levier pour changer la direction du train, mais ce faisant, vous tuerez une personne. Seriez-vous prêt à sacrifier cette personne pour en sauver cinq ?
6. La machine à expériences
La machine à expériences est une expérience de pensée proposée par Robert Nozick en 1974, qui pose la question de savoir si une vie où toutes les mêmes expériences peuvent être simulées vaut toujours la peine d’être vécue. Si vous étiez relié à un appareil capable de produire tous les plaisirs que vous souhaitez, comme devenir un écrivain à succès, choisiriez-vous cette vie plutôt que la vraie, tout en sachant qu’elle n’est pas réelle ? Le fait que de nombreuses personnes répondent par la négative (c’est-à-dire qu’elles préfèrent toujours leur vie réelle à une vie simulée) signifie qu’il y a quelque chose d’autre qui rend la vie si précieuse.
7. Le paradoxe du menteur
Si quelqu’un vous dit « cette phrase est fausse » ou « je mens », quelle est la vraie vérité ? Le paradoxe du menteur existe depuis de nombreux siècles et a été attribué à de nombreux philosophes. La raison pour laquelle ce paradoxe vous fait tourner en rond est que la logique est faussée. Prenons l’exemple de « Je mens » : si l’affirmation est vraie, alors le locuteur ment, ce qui rend l’affirmation fausse. Si l’affirmation est fausse, alors le locuteur ne ment pas, ce qui rend l’affirmation vraie.
8. Paradoxe de la flèche
Le paradoxe de la flèche est l’un des nombreux paradoxes théorisés par le philosophe grec de l’Antiquité, Zénon d’Élée. Dans ce paradoxe, il aborde le concept de temps. Prenons l’exemple d’une flèche en vol. À tout moment, la flèche est immobile, car elle ne se déplace ni vers l’endroit où elle n’est pas, ni vers l’endroit où elle est. Dans sa conclusion, la flèche est immobile.
9. Chambre de Marie
La chambre de Mary est une expérience de pensée contestant le physicalisme (selon lequel tout est physique) de Frank Jackson, dans laquelle une scientifique nommée Mary, qui vit dans une chambre en noir et blanc, n’a jamais fait l’expérience de la couleur elle-même, bien qu’elle ait appris toutes les informations physiques qu’il est possible de connaître à ce sujet. Si elle sort maintenant dans un monde où la couleur existe et qu’elle apprend quelque chose de nouveau, cela signifie que toutes les connaissances ne sont pas physiques.
10. Nuance de bleu manquante
Présenté comme un contre-argument à son principe de la copie – selon lequel toutes les idées simples sont dérivées (sont des « copies ») d’impressions du monde réel -, Missing Shade of Blue de David Hume affirme que, parfois, notre imagination peut nous fournir une nuance dont nous n’avons jamais fait l’expérience directe. Imaginez un spectre de bleu dont vous avez vu toutes les nuances sauf une ; même si vous ne connaissez pas cette nuance, votre esprit peut encore « remplir » la couleur, même si vous ne l’avez jamais vue et que vous ne l’avez pas simplement tirée de quelque chose que vous avez connu dans le monde réel. Cette expérience de pensée a laissé les philosophes perplexes et confus, car elle semble contredire l’argument précédent de Hume (le principe de copie).
11. Le pari de Pascal
Croyez-vous en Dieu ? Si ce n’est pas le cas, le pari de Pascal pourrait bien vous faire changer d’avis. Proposé par le mathématicien et philosophe français Blaise Pascal, ce pari consiste à croire en Dieu et à vivre comme s’il existait. Pourquoi ? Parce que les probabilités sont meilleures de cette manière. Si Dieu existe vraiment, vous avez beaucoup plus à gagner, comme le paradis et le bonheur éternel. S’il n’existe pas, vous ne perdrez rien, de toute façon.
12. L'allégorie de la caverne
Imaginez des prisonniers dans une grotte qui n’ont vu que des ombres projetées sur les murs pendant toute leur vie. C’est pourquoi ces ombres deviennent leur réalité. Jusqu’à ce qu’un prisonnier soit libéré, et ce n’est qu’après avoir exploré le monde réel qu’il se rend compte que ce qu’il a vu dans la caverne n’était qu’illusions, et pas du tout une représentation exacte de la réalité. Cette expérience de pensée, connue sous le nom célèbre d’Allégorie de la caverne de Platon, montre que nous pouvons parfois être limités par ce que nous pensons savoir et ce que nous ne savons pas encore, et nous encourage à explorer la différence entre croyance et connaissance.
13. Le Vionliniste
En 1971, Judith Thompson a présenté un argument dans son essai intitulé » A Defense of Abortion » (Défense de l’avortement) et a proposé cette expérience de pensée. Imaginez que vous vous réveillez le matin et que vous vous retrouvez à côté d’un célèbre violoniste inconscient qui a un problème rénal. Comme vous êtes la seule personne à posséder son groupe sanguin, vous avez été kidnappée et vos systèmes circulatoires ont été reliés afin que vos reins puissent l’aider. Dans neuf mois, ils seront complètement rétablis et pourront être déconnectés de vous en toute sécurité ; si vous le faites maintenant, ils mourront. Êtes-vous obligé de les maintenir en vie ou pouvez-vous les débrancher à tout moment ?
14. L'âne de Buridan
Bien que cette expérience de pensée porte le nom du philosophe français du XIVe siècle Jean Buridan, elle a déjà été évoquée, notamment par Aristote, bien qu’en utilisant des analogies différentes. Elle illustre le paradoxe du libre arbitre et se présente comme suit : imaginez un âne également affamé et desséché, avec une pile de foin et un seau d’eau placés de part et d’autre à égale distance. Comme le paradoxe suppose qu’il ne peut pas prendre de décision rationnelle et qu’il désire autant l’un que l’autre, il meurt à la fois de faim et de soif.
15. Le voile de l'ignorance
16. Swapman
L’expérience de pensée Swapman a été créée par le philosophe américain Donald Davidson en 1987. Imaginez qu’un homme se promène au bord d’un lac et qu’il est frappé par un éclair qui le désintègre. Miraculeusement, cependant, un autre éclair réarrange au même moment certaines molécules qui construisent la même copie exacte de l’homme et frappe un marais. Un « Swampman » émerge, identique en tous points à l’homme qui a été tué. Cet être du marais est-il la même personne que l’homme ? Davidson lui-même répond par la négative : l’être du marais n’a pas d’histoire causale et ne peut donc pas être la même personne que celle qui a été désintégrée.
17. Le barbier impossible
Imaginez un barbier qui est très exigeant dans son travail. Il ne rase que les personnes qui ne se rasent pas elles-mêmes, et il ne prend pas de clients qui se rasent eux-mêmes. Alors, qu’en est-il du barbier ? Se rase-t-il lui-même ? Vous comprendrez très vite la contradiction : s’il se rase, il ne peut pas ; s’il ne se rase pas, il doit le faire. Cette expérience de pensée est souvent utilisée pour illustrer un paradoxe mathématique proposé par Bertrand Russell en 1901.
18. Dilemme du prisonnier
Le dilemme du prisonnier est un casse-tête inventé par deux scientifiques, Merrill Flood et Melvin Dresher, en 1950. L’expérience est la suivante : imaginez deux prisonniers arrêtés pour avoir volé une banque et détenus dans des cellules séparées, à l’écart l’un de l’autre. Ils ne peuvent pas communiquer et sont tous deux plus intéressés par leur propre liberté que par celle de l’autre. Un procureur leur propose un plan et leur dit qu’ils ont trois choix : si la personne A choisit d’avouer tandis que la personne B garde le silence, A est libre de partir tandis que B purge sa peine ; il en va de même si B avoue et que A garde le silence. Si A et B avouent tous les deux, ils seront tous les deux condamnés, mais ils bénéficieront d’une libération conditionnelle anticipée. Si A et B gardent le silence, ils seront tous deux condamnés pour possession d’armes à feu. L’idée est que les deux prisonniers ont intérêt à avouer plutôt qu’à garder le silence, mais que le résultat est pire s’ils avouent tous les deux que s’ils gardent tous les deux le silence.
19. Le scarabée dans une boîte
Le scarabée dans une boîte est une expérience de pensée du philosophe britannique Ludwig Wittgenstein, parue dans les Investigations philosophiques, un livre publié en 1953 après sa mort. L’expérience tente d’explorer l’idée d’un langage privé, où des individus portent une boîte et décrivent le contenu de leur boîte comme étant un « scarabée » Personne d’autre qu’eux-mêmes ne peut voir le contenu de la boîte, qui peut contenir n’importe quoi : un scarabée, une pièce de monnaie ou rien du tout. Ce que Wittgenstein veut dire, c’est que le contenu n’a pas d’importance ; avec le temps, tout le monde saura que « scarabée » désigne la chose qui se trouve à l’intérieur de la boîte d’une personne.
20. La vie que vous pouvez sauver
Bien qu’elle date de moins de vingt ans, cette expérience de pensée réalisée en 2009 par le philosophe américain Peter Singer mérite d’être méditée. Imaginez que vous rencontrez un enfant en train de se noyer dans un lac. Vous êtes un excellent nageur et vous êtes suffisamment proche d’elle pour pouvoir la ramener hors de danger si vous vous jetiez à l’eau immédiatement. Cependant, si vous vous jetez à l’eau, vous risquez d’abîmer vos chaussures hors de prix. Sauveriez-vous l’enfant ? Bien que la réponse puisse sembler évidente, Singer affirme que si vous choisissez de sauver cet enfant, vous devriez également choisir de sauver un enfant qui vit à l’autre bout du monde. Les chaussures abîmées dans cette expérience sont analogues au coût d’un don.