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Quand le président ordonne les poursuites sur les réseaux sociaux

Dans sa lettre de démission, Wolf pointe du doigt une pratique qui aurait été impensable il y a encore quelques années : Trump utilise les réseaux sociaux pour ordonner des poursuites judiciaires contre ses adversaires politiques. Sur Truth Social, sa plateforme personnelle, le président a publiquement demandé à la procureure générale Pam Bondi de poursuivre trois de ses ennemis : l’ancienne procureure générale de New York Letitia James, l’ancien directeur du FBI James Comey, et le sénateur Adam Schiff. Ces instructions publiques violent tous les principes fondamentaux de l’indépendance judiciaire. Selon les directives du département de la Justice, les procureurs ne doivent demander une inculpation que s’ils estiment qu’il existe suffisamment de preuves admissibles pour prouver la culpabilité au-delà de tout doute raisonnable. Même une poursuite qui se termine par un acquittement peut avoir des conséquences dévastatrices pour l’accusé. C’est pourquoi le système judiciaire américain a toujours maintenu une séparation stricte entre le pouvoir exécutif et les décisions de poursuites. Trump a pulvérisé cette barrière. Il ne se contente pas de suggérer discrètement des enquêtes. Il ordonne publiquement des inculpations, transformant le département de la Justice en extension de sa vengeance personnelle. Le cas de Letitia James est particulièrement révélateur. James, en tant que procureure générale de New York, a mené plusieurs enquêtes sur les pratiques commerciales de Trump et de son organisation. Elle a obtenu des condamnations civiles significatives. En représailles, Trump a ordonné sa poursuite pour fraude hypothécaire. Selon des rapports, Todd Blanche, le procureur général adjoint et ancien avocat de la défense de Trump, a remis en question la viabilité juridique des accusations contre James. Mais la pression politique était trop forte. James a été inculpée malgré les doutes sur le bien-fondé des charges.

Le cas de James Comey est encore plus troublant. Comey, qui dirigeait le FBI lorsque l’agence a enquêté sur les liens de la campagne Trump avec la Russie, est devenu l’ennemi public numéro un du président. Après que le procureur fédéral par intérim nommé par Trump a refusé de demander une inculpation contre Comey, estimant qu’il n’y avait pas de base légale suffisante, il a été forcé de démissionner. Un nouveau procureur a été nommé, et Comey a été inculpé peu après. Les charges ? Des accusations vagues liées à la gestion de documents classifiés — ironique venant d’une administration dont le président a lui-même été accusé de mauvaise gestion de documents classifiés. Quant au sénateur Adam Schiff, il n’a pas encore été inculpé au moment de la démission de Wolf, mais la menace plane. Schiff, qui a présidé la première procédure de destitution de Trump, est dans le collimateur présidentiel depuis des années. Trump l’a qualifié de « traître » et a promis publiquement de le « faire payer ». Ces poursuites politiques ne sont pas des accidents. Elles font partie d’un système de représailles soigneusement orchestré. Wolf note dans sa lettre que les responsables des enquêtes initiales ne voyaient aucune base appropriée pour des poursuites. Ce sont les interventions politiques directes qui ont forcé ces inculpations. Le message est clair : si vous vous opposez à Trump, vous serez poursuivi. Peu importe que les preuves soient insuffisantes. Peu importe que les procureurs professionnels déconseillent les poursuites. La volonté du président prime sur tout. Cette instrumentalisation de la justice rappelle les pires régimes autoritaires. Dans les démocraties fonctionnelles, les poursuites judiciaires sont basées sur des preuves et la loi. Dans les autocraties, elles sont basées sur la loyauté politique. Les États-Unis glissent dangereusement vers le second modèle.

Le démantèlement systématique des garde-fous

Mais Trump ne se contente pas d’utiliser le système judiciaire contre ses ennemis. Il détruit également les mécanismes de contrôle qui pourraient l’empêcher de se livrer à la corruption. Peu après son investiture, Trump a limogé dix-huit inspecteurs généraux — des fonctionnaires indépendants chargés de détecter et de prévenir la fraude et les fautes dans les grandes agences fédérales. Ces limogeages ont eu lieu en pleine nuit, sans préavis, sans explication. Les inspecteurs généraux jouent un rôle crucial dans la surveillance gouvernementale. Ils enquêtent sur les allégations de gaspillage, de fraude et d’abus. Ils sont censés être indépendants de l’administration qu’ils surveillent. Leur élimination en masse n’est pas un accident. C’est une stratégie délibérée pour supprimer toute supervision indépendante. Sans inspecteurs généraux, qui va enquêter sur les conflits d’intérêts du président ? Qui va examiner les contrats gouvernementaux suspects ? Qui va vérifier que l’argent public n’est pas détourné vers les poches des amis et donateurs du président ? Personne. C’est exactement le but. Trump a également éliminé l’unité de corruption publique du FBI. Cette unité spécialisée enquêtait sur les élus et fonctionnaires corrompus. Elle a été dissoute sans cérémonie. La section d’intégrité publique du département de la Justice, qui comptait trente avocats, a été réduite à seulement cinq. Son autorité pour enquêter sur la fraude électorale a été révoquée. Ces démantèlements ne sont pas des réformes bureaucratiques. Ce sont des actes de sabotage institutionnel. En éliminant les organes chargés de lutter contre la corruption, Trump s’assure que personne ne pourra enquêter sur sa propre corruption ou celle de son entourage.

Wolf souligne plusieurs affaires que le département de la Justice semble avoir choisi d’ignorer, alors qu’elles auraient probablement fait l’objet d’enquêtes par le passé. L’une des plus flagrantes concerne un dîner somptueux à Mar-a-Lago en avril deux mille vingt-quatre. Selon des rapports, des dirigeants de grandes compagnies pétrolières se sont plaints auprès de Trump des réglementations environnementales de l’administration Biden qui nuisaient à leurs affaires. Trump aurait répondu que s’ils levaient un milliard de dollars pour sa campagne, il inverserait rapidement ces règles et politiques. Les dirigeants ont levé l’argent. Trump a tenu sa promesse une fois élu. Cette transaction ressemble dangereusement à de la corruption pure et simple — un échange direct d’argent contre des faveurs politiques. Bien que la loi puisse être floue sur la possibilité de poursuivre Trump lui-même pour conspiration en vue de corrompre un agent public ou fraude aux services honnêtes, les entreprises qui ont effectué les paiements et les individus agissant pour elles pourraient potentiellement être poursuivis. Il n’y a aucune indication publique que cette affaire ait été enquêtée par le département de la Justice de Trump. Un autre cas concerne la cryptomonnaie de Trump. Après le lancement de sa propre cryptomonnaie, $TRUMP, le département de la Justice a dissous son unité d’application de la loi sur les cryptomonnaies. Les deux cent vingt principaux acheteurs de la cryptomonnaie de Trump ont été invités à un dîner avec le président. Soixante-sept d’entre eux avaient investi plus d’un million de dollars. Le plus gros dépensier, Justin Sun, un ressortissant chinois, aurait dépensé plus de dix millions de dollars. Sun aurait également dépensé soixante-quinze millions de dollars dans des investissements émis par une société de cryptomonnaie contrôlée par la famille Trump. Il est illégal pour les personnes qui ne sont pas citoyens américains de faire des dons à des candidats politiques américains, et le maximum que quiconque peut donner directement à un candidat est de trois mille cinq cents dollars. Normalement, le département de la Justice enquêterait sur ce type de situation. Il n’y a cependant aucune indication qu’une enquête ait eu lieu. Au contraire, quelques mois après que Sun a commencé à acheter des jetons de la société de cryptomonnaie de la famille Trump, la Securities and Exchange Commission a suspendu son procès pour fraude contre Sun et ses sociétés en attendant l’issue des négociations de règlement.

Vous voyez le schéma ? À chaque fois, c’est la même histoire. Quelqu’un donne de l’argent à Trump ou à sa famille. Quelqu’un investit dans ses entreprises. Et miraculeusement, les enquêtes s’arrêtent. Les poursuites sont abandonnées. Les réglementations disparaissent. Ce n’est même plus de la corruption subtile. C’est du racket à ciel ouvert. Et personne ne fait rien. Les républicains détournent le regard. Les démocrates protestent mollement. Les médias rapportent les faits comme s’il s’agissait de simples curiosités politiques. Pendant ce temps, l’État de droit américain s’effondre sous nos yeux. Wolf a raison de démissionner. Comment pourrait-il continuer à siéger sur un banc, à prétendre que la justice existe encore, alors que le président lui-même se moque ouvertement de la loi ?

Sources

Sources primaires

Wolf, Mark L. « Why I Am Resigning. » The Atlantic, 9 novembre 2025. https://www.theatlantic.com/ideas/2025/11/federal-judge-resignation-trump/684845/

Benavides-Colón, Amelia. « Reagan-Appointed Federal Judge Resigns to Speak Freely Against Trump. » NOTUS, 9 novembre 2025. https://www.notus.org/courts/ronald-reagan-appointed-federal-judge-resign-quit-trump

U.S. Marshals Service. « Protective Investigations and Threat Statistics. » Consulté en novembre 2025. https://www.usmarshals.gov/what-we-do/judicial-security/protective-investigations-threat-statistics

Sources secondaires

Newsweek. « Reagan-Appointed Judge Issues Brutal Condemnation of Donald Trump. » 9 novembre 2025. https://www.newsweek.com/reagan-appointed-judge-issues-brutal-condemnation-of-donald-trump-11018477

The Hill. « Reagan judges surface as unfiltered assessors of Trump. » 14 novembre 2025. https://thehill.com/regulation/court-battles/5624281-reagan-judges-surface-as-unfiltered-assessors-of-trump/

Politico. « These Reagan judges have had it with Trump. » 14 novembre 2025. https://www.politico.com/newsletters/west-wing-playbook-remaking-government/2025/11/14/these-reagan-judges-have-had-it-with-trump-00652617

PBS NewsHour. « Prominent conservative judge resigns, calling Trump ‘uniquely dangerous.' » Novembre 2025. https://www.pbs.org/newshour/show/prominent-conservative-judge-resigns-calling-trump-uniquely-dangerous

Bloomberg Law. « Reagan Judges Are Unrestrained Critics of Trump’s Legal Moves. » Novembre 2025. https://news.bloomberglaw.com/us-law-week/reagan-judges-are-unrestrained-critics-of-trumps-legal-moves

Reuters. « Trump aide Homan accepted $50,000 in bribery sting operation, sources say. » 21 septembre 2025. https://www.reuters.com/world/us/trump-aide-homan-accepted-50000-bribery-sting-operation-sources-say-2025-09-21/

The New York Times. « The ‘Wild Card’ in the Comey and James Cases: Will Judges Pick Sides? » 25 novembre 2025. https://www.nytimes.com/2025/11/25/us/politics/comey-james-cases-next-steps.html

CNN. « Federal judge dismisses indictments against Letitia James and James Comey. » 24 novembre 2025. https://www.cnn.com/2025/11/24/politics/james-comey-letitia-james-indictments-dismissed

Reuters. « Inside the Trump family’s global crypto cash machine. » 28 octobre 2025. https://www.reuters.com/investigations/inside-trump-familys-global-crypto-cash-machine-2025-10-28/

CNBC. « Tron founder Justin Sun says he’s the top $TRUMP meme coin holder. » 20 mai 2025. https://www.cnbc.com/2025/05/20/justin-sun-trump-dinner.html

Wikipedia. « 2025 dismissals of U.S. inspectors general. » Consulté en novembre 2025. https://en.wikipedia.org/wiki/2025_dismissals_of_U.S._inspectors_general

NPR. « Trump fires independent inspectors general at several agencies. » 25 janvier 2025. https://www.npr.org/2025/01/25/g-s1-44771/trump-fires-inspectors-general

Kennedy, Robert F. « Day of Affirmation Address. » Université du Cap, Afrique du Sud, 6 juin 1966. https://www.jfklibrary.org/learn/about-jfk/the-kennedy-family/robert-f-kennedy/robert-f-kennedy-speeches/day-of-affirmation-address-university-of-capetown-capetown-south-africa-june-6-1966

Heaney, Seamus. « The Cure at Troy. » 1990. https://besharamagazine.org/newsandviews/poems-for-these-times-14/

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