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Une femme qui dérange

Si Trump devait choisir un symbole de tout ce qu’il déteste, ce serait probablement Ilhan Omar. Femme. Noire. Musulmane. Réfugiée somalienne devenue congressiste. Progressiste. Critique virulente de sa politique. Portant le hijab. Pour Trump, elle coche toutes les cases de l’ennemi parfait. Et il ne s’en cache pas. Lors de la réunion de son cabinet du 2 décembre 2025, filmée et diffusée publiquement, Trump a lancé devant les caméras : « Ilhan Omar est une ordure. Elle est une ordure. Ses amis sont des ordures. Ce ne sont pas des gens qui travaillent… Ce sont des gens qui ne font que se plaindre… Nous ne les voulons pas dans notre pays. Qu’ils retournent d’où ils viennent et qu’ils arrangent les choses là-bas ». Le président des États-Unis. Traitant une élue du Congrès d' »ordure ». Devant son cabinet. Qui applaudit. Qui approuve. Qui sourit. L’image est insoutenable. Mais elle est réelle. Et elle dit tout de l’état de la démocratie américaine en ce mois de décembre 2025.

Ilhan Omar est née en Somalie en 1982. Elle a fui la guerre civile avec sa famille, passé quatre ans dans un camp de réfugiés au Kenya, avant d’arriver aux États-Unis en 1995 à l’âge de 12 ans. Elle a appris l’anglais, étudié, travaillé, s’est engagée en politique. En 2018, elle est devenue l’une des premières femmes musulmanes élues au Congrès. Son parcours incarne le rêve américain. Cette idée que n’importe qui, peu importe d’où il vient, peut réussir en Amérique s’il travaille dur. Mais pour Trump, ce rêve est un cauchemar. Parce qu’Ilhan Omar ne se contente pas de réussir. Elle ose critiquer. Elle ose remettre en question la politique étrangère américaine, le soutien inconditionnel à Israël, les dépenses militaires, les inégalités économiques. Elle ose exister pleinement, sans s’excuser, sans se cacher. Et ça, Trump ne peut pas le supporter. Dans son message de Thanksgiving, il l’a décrite comme « toujours enveloppée dans son hijab emmaillotant », une formulation qui suinte le mépris et le racisme. Il a promis de la « jeter hors de notre pays ». Pas de la battre aux élections. Pas de la critiquer politiquement. Non. De l’expulser. De lui retirer sa citoyenneté. De la renvoyer en Somalie, un pays qu’elle a quitté il y a 30 ans, un pays qu’elle connaît à peine.

Le précédent dangereux

Ce qui rend cette attaque particulièrement dangereuse, c’est qu’elle crée un précédent. Si Trump réussit à dénaturaliser Ilhan Omar, qui sera le prochain ? Zohran Mamdani, le nouveau maire élu de New York, né en Ouganda de parents indiens ? Les millions d’Américains d’origine mexicaine, chinoise, indienne, philippine ? Tous ceux dont le nom, la couleur de peau ou la religion ne correspondent pas à l’idée que Trump se fait d’un « vrai Américain » ? Le journaliste Will Saletan, dans son article pour The Bulwark publié le 3 décembre 2025, le dit sans détour : « Selon l’endroit d’où vous venez, vous pourriez être le prochain ». Cette phrase devrait résonner dans la tête de chaque Américain. Parce qu’elle est vraie. Trump ne s’arrêtera pas à Ilhan Omar. Il ne s’arrêtera pas aux Somaliens. Il ne s’arrêtera pas aux musulmans. Une fois que le principe de la dénaturalisation arbitraire sera accepté, une fois que l’idée qu’il existe des citoyens de première et de seconde classe sera normalisée, plus personne ne sera en sécurité. Même les citoyens nés aux États-Unis pourraient être visés. Trump a déjà tenté d’abolir le droit du sol. Il a déjà suggéré que les enfants nés aux États-Unis de parents sans papiers ne devraient pas être citoyens. La logique est la même : créer des catégories, hiérarchiser, exclure.

Les républicains MAGA ne s’en cachent même plus. Plusieurs élus ont publiquement appelé à la déportation d’Ilhan Omar et de Zohran Mamdani. Des médias conservateurs ont lancé des campagnes de dénigrement, les accusant d’être des « agents étrangers », des « ennemis de l’intérieur », des « menaces pour la sécurité nationale ». Sans preuves. Sans procès. Juste des accusations lancées dans l’espace public, répétées en boucle, jusqu’à ce qu’elles deviennent des « vérités » pour une partie de la population. C’est la technique du mensonge répété, celle qu’utilisent tous les régimes autoritaires. Et ça fonctionne. Un sondage réalisé début décembre 2025 montre que 38% des électeurs républicains soutiennent l’idée de dénaturaliser les citoyens « qui ne partagent pas les valeurs américaines ». 38%. Plus d’un tiers. C’est terrifiant. Parce que qui décide de ce que sont les « valeurs américaines » ? Trump ? Le Parti républicain ? Fox News ? Et si demain, critiquer le président devient incompatible avec les « valeurs américaines » ? Si manifester pour les droits civiques devient un motif de dénaturalisation ? Si voter démocrate suffit à vous faire considérer comme un « ennemi de l’intérieur » ?

Ilhan Omar me fait penser à ces figures historiques qu’on admire rétrospectivement, mais qu’on aurait probablement détestées de leur vivant. Comme Rosa Parks. Comme Martin Luther King. Comme tous ceux qui ont osé déranger, qui ont osé dire non, qui ont osé exister pleinement dans une société qui voulait les réduire au silence. Et je me demande : dans 50 ans, quand les historiens raconteront cette période, comment jugeront-ils notre silence ? Comment expliqueront-ils qu’on ait laissé faire ? Qu’on ait regardé ailleurs ? Qu’on ait trouvé des excuses ? « Elle était trop radicale », « elle provoquait », « elle aurait dû être plus modérée ». Comme si la modération était une vertu face à l’injustice. Comme si le silence était une option face à la tyrannie.

Sources

Sources primaires

Alternet, « You could be next: How Trump is dangerously crossing another line », Alex Henderson, 3 décembre 2025. The Bulwark, « Now Trump Is Threatening Naturalized Americans », Will Saletan, 3 décembre 2025. Le Monde, « Réfugiés, résidents permanents ou même citoyens naturalisés : l’administration Trump cible la figure de l’étranger, bien au-delà des sans-papiers », Piotr Smolar, 2 décembre 2025. Truth Social, messages de Donald Trump publiés le 27 novembre 2025 (Thanksgiving). Déclarations de Donald Trump lors de la réunion du cabinet du 2 décembre 2025. Entretien de Donald Trump sur Air Force One, 1er décembre 2025. Entretien de Donald Trump avec GB News, 14 novembre 2025.

Sources secondaires

Constitution des États-Unis, 14e amendement, adopté en 1868. Bureau du recensement américain (U.S. Census Bureau), Current Population Surveys, données 2023 sur la population née à l’étranger. Brennan Center for Justice, rapport sur la dénaturalisation, juillet 2025. American Immigration Council, données économiques sur l’immigration, 2023-2025. Pew Research Center, statistiques sur les immigrants aux États-Unis, août 2025. Data for Progress, sondage sur les attitudes envers la dénaturalisation, décembre 2025. Heritage Foundation, Projet 2025, document de politique publique, 2024. Déclarations de Stephen Miller sur la remigration, septembre 2024. Déclarations de Zohran Mamdani, conférence de presse du 8 novembre 2025. Déclarations d’Ilhan Omar sur les politiques d’immigration de Trump, novembre 2025.

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