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340 000 drones d’ici 2028 : une ambition démesurée ?

Le chiffre fait tourner les têtes : 340 000 drones d’attaque d’ici 2028. Pour mettre ce nombre en perspective, il faut comprendre que l’armée américaine ne possède actuellement que quelques milliers de drones militaires de toutes catégories confondues. Passer de quelques milliers à plusieurs centaines de milliers en trois ans représente une multiplication par cent de la flotte de drones. C’est un effort industriel comparable à la mobilisation de la Seconde Guerre mondiale, quand les usines américaines produisaient des avions, des chars et des navires à une cadence jamais vue. Sauf qu’aujourd’hui, il ne s’agit pas de bombardiers B-17 ou de cuirassés, mais de petits drones relativement simples à fabriquer. Le budget initial de 1,1 milliard de dollars peut sembler énorme, mais rapporté au nombre de drones, cela représente environ 3200 dollars par unité. C’est dérisoire comparé au coût d’un missile Javelin (environ 175 000 dollars) ou d’un missile Patriot (plusieurs millions de dollars). L’idée est de produire des drones jetables, des armes à usage unique ou à durée de vie limitée, qui peuvent être déployées en masse sans craindre les pertes. Des munitions volantes, en quelque sorte.

Le programme prévoit une montée en puissance progressive. Dès 2026, des dizaines de milliers de drones FPV seront livrés aux unités combattantes. En 2027, ce seront des centaines de milliers. L’objectif final est d’équiper chaque escouade de l’armée américaine — soit environ 50 000 escouades — avec plusieurs drones d’attaque. Cela signifie que chaque groupe de neuf soldats disposera de sa propre capacité de frappe aérienne, sans dépendre de l’aviation ou de l’artillerie. C’est une révolution tactique majeure. Imaginez un instant : un peloton d’infanterie avançant dans un environnement urbain hostile peut désormais envoyer des drones pour reconnaître les bâtiments, identifier les menaces, et frapper les positions ennemies avant même d’engager le combat au sol. Les soldats deviennent des opérateurs de systèmes d’armes autonomes, capables de projeter leur puissance de feu bien au-delà de la portée de leurs fusils. Pour réaliser cette ambition, le Pentagone mise sur plusieurs approches complémentaires. D’abord, l’achat massif de drones commerciaux modifiés. Ensuite, le développement de drones militaires spécifiquement conçus pour les besoins opérationnels. Enfin, l’impression 3D de drones sur le terrain, permettant une production décentralisée et rapide.

Un changement de doctrine : du matériel durable aux munitions consommables

L’un des aspects les plus révolutionnaires du mémorandum de Hegseth concerne le statut même des drones militaires. Jusqu’à présent, tous les drones étaient considérés comme du « matériel durable » — c’est-à-dire des équipements qui doivent être entretenus, réparés, et dont la perte doit être justifiée par une enquête administrative. Cette classification bureaucratique avait des conséquences pratiques désastreuses. Des soldats hésitaient à utiliser leurs drones de peur de devoir remplir des formulaires interminables si l’appareil était perdu ou endommagé. Une rafale de vent, une batterie défaillante, un arbre mal placé — et c’était parti pour une investigation sur la « perte de propriété non consommable ». Résultat : des drones militaires qui restaient dans leurs caisses au lieu d’être déployés sur le terrain. Hegseth a décidé de mettre fin à cette absurdité. Son mémorandum reclasse tous les drones de Groupe 1 et 2 (c’est-à-dire les petits drones pesant moins de 25 kilos) comme des « biens consommables », au même titre que les munitions. Concrètement, cela signifie qu’un soldat peut utiliser son drone sans craindre de sanctions administratives s’il est détruit au combat. C’est un changement de mentalité fondamental.

Cette nouvelle approche reflète une réalité tactique évidente : les petits drones ressemblent davantage à des munitions qu’à des avions sophistiqués. Ils sont bon marché, rapidement remplaçables, et conçus pour être utilisés en masse. Hegseth l’écrit explicitement dans son mémo : « Les petits drones ressemblent davantage à des munitions qu’à des avions haut de gamme. Ils doivent être bon marché, rapidement remplaçables, et catégorisés comme consommables. » Cette philosophie s’inspire directement des leçons tirées du conflit en Ukraine, où les deux camps utilisent des drones FPV comme des grenades volantes. Un drone coûte entre 500 et 2000 dollars, peut être assemblé en quelques heures, et peut détruire un véhicule blindé valant des millions. L’équation économique est implacable. Pourquoi tirer un missile à 2 millions de dollars contre un drone ennemi à 20 000 dollars ? Pourquoi ne pas utiliser nos propres drones jetables pour saturer les défenses adverses ? Cette logique de guerre asymétrique inverse les paradigmes traditionnels. Ce n’est plus la qualité technologique qui prime, mais la quantité et la capacité de production. Celui qui peut fabriquer et déployer le plus de drones gagne. Point final.

Je dois avouer que cette logique me fascine autant qu’elle m’effraie. Nous sommes en train de transformer la guerre en une sorte de jeu vidéo industrialisé. Des essaims de drones jetables, pilotés à distance, qui s’entrechoquent dans le ciel pendant que les humains restent à l’abri. Ça semble presque… propre. Aseptisé. Mais c’est une illusion dangereuse. Parce que derrière chaque drone détruit, il y a potentiellement des vies humaines fauchées. Et plus ces armes deviennent accessibles, plus le seuil d’entrée dans un conflit s’abaisse. Avant, déclencher une guerre nécessitait une mobilisation industrielle massive, des années de préparation, des investissements colossaux. Maintenant ? Il suffit d’une usine d’électronique et de quelques ingénieurs compétents pour produire des milliers de drones létaux. La guerre devient… banale. Routinière. Et c’est peut-être ça, le plus terrifiant.

Sources

Sources primaires

Fox News, « War Secretary Hegseth highlights US ‘Drone Dominance’ push for mass adoption in modern warfare », 3 décembre 2025. Breaking Defense, « Hegseth orders military to ‘unleash’ use of small drones in new memo », 10 juillet 2025. Aviation Week Network, « Drone Dominance Program Seeks 340,000 Drones By 2028 », 3 décembre 2025. The White House, « Unleashing American Drone Dominance », Executive Order, juin 2025. Department of Defense, « Unleashing U.S. Military Drone Dominance », Memorandum, 10 juillet 2025.

Sources secondaires

Center for Strategic and International Studies (CSIS), « Unleashing U.S. Military Drone Dominance: What the United States Can Learn from Ukraine », 2025. Atlantic Council, « Ukraine’s drone war lesson for Europe: Technology is nothing without training », 2025. Atlantic Council, « Missiles, AI, and drone swarms: Ukraine’s 2025 defense tech priorities », 2025. CEPA, « How are Drones Changing War? The Future of the Battlefield », 2025. Politico, « Why Ukraine Remains the World’s Most Innovative War Machine », août 2025. CNN, « Drones have already revolutionised warfare. They’re about to get even more powerful », novembre 2025. Al Jazeera, « Israel retrofitting DJI commercial drones to bomb and surveil Gaza », mai 2025. Reuters, « Exclusive: Chinese drone experts worked with sanctioned Russian arms maker », septembre 2025. Defense Post, « Pentagon Launches $1B Program to Procure 300,000 Attack Drones », décembre 2025.

Ce contenu a été créé avec l'aide de l'IA.

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